Kenya : information sur la situation des femmes célibataires et des femmes qui sont à la tête d’un ménage et le traitement que leur réservent la société et les autorités, y compris la possibilité pour elles de vivre seules et d’accéder au logement, au revenu et à l’emploi, aux soins de santé et aux services de soutien, en particulier à Nairobi (2022-septembre 2024) [KEN202020.EF]

Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada

1. Situation des femmes célibataires et des ménages dirigés par une femme et traitement qui leur est réservé

Selon des données interprétées par Nation, un site Internet qui couvre l’actualité du Kenya, de l’Ouganda, de la Tanzanie et d’autres pays d’Afrique, le nombre de ménages dirigés par une femme en milieu urbain a augmenté, passant de 27 p. 100 en 2014 à 31 p. 100 en 2022 (2023-07-04). D’après des données publiées par la Banque mondiale, le pourcentage de ménages dirigés par des femmes au Kenya en 2022 était de 33,9 p. cent (2022). Dans un rapport sur le recensement de la population et du logement au Kenya pour 2019 (2019 Kenya Population and Housing Census) publié en avril 2022, le Bureau national de la statistique du Kenya (Kenya National Bureau of Statistics - KNBS) signale que 38,2 p. 100 des ménages du Kenya ont une femme à leur tête, ce taux étant de 39,2 p. 100 en milieu rural, de 36,7 p. 100 en milieu urbain et de 34,2 p. 100 à Nairobi (Kenya 2022-04, 42).

Selon un document de travail en recherche sur les politiques publié en 2022 par la Banque mondiale et rédigé par des chercheurs y travaillant, qui s’intéresse aux différences entre les genres dans les ménages appelés à composer avec la pandémie de COVID-19 au Kenya et présente des données tirées [traduction] « [d’]une enquête téléphonique à réponse rapide menée par la Banque mondiale auprès de ménages kényans de mai 2020 à juin 2021 », les ménages dirigés par des femmes « ont davantage de responsabilités liées au soin des enfants et des animaux d’élevage de moindre valeur »; toutefois, sur le plan des niveaux de pauvreté, il n’y a « pas de différence notable » entre les ménages dirigés par des hommes et ceux dirigés par des femmes (Xu, et al. 2022-03, 3, 4). Il est constaté dans le même document que les femmes qui dirigent un ménage [traduction] « sont plus susceptibles d’être séparées, divorcées ou veuves » que les hommes qui dirigent un ménage (Xu, et al. 2022-03, 4). Nation signale que [traduction] « près de » huit millions [de femmes] au Kenya sont veuves, ce qui correspond à 15 p. 100 de la population (2022-03-22).

Il est écrit dans le rapport sur le recensement de la population et du logement au Kenya pour 2019, sans préciser les statistiques selon le genre pour ce groupe, que [traduction] « les ménages d’une seule personne sont dominants » dans les milieux urbains du Kenya, représentant 29,1 p. 100 des ménages, comparativement aux 25 p. 100 de ménages « nucléaires » en milieu urbain; en outre, les ménages avec enfants dirigés par une femme (10,2 p. 100 des ménages en milieu urbain et 13,2 p. 100 en milieu rural) « sont environ six fois » plus nombreux que les ménages avec enfants dirigés par un homme (1,8 p. 100 des ménages en milieu urbain et 2,4 p. 100 en milieu rural (Kenya 2022-04, 34). Le recensement a également permis de constater que le pourcentage de ménages avec petits-enfants dirigés par une femme est de 0,6 p. 100 en milieu urbain, tandis qu’il est de 2,7 p. 100 en milieu rural; de plus, ces types de ménages [traduction] « sont en hausse » et « sont très vulnérables et ont besoin d’un soutien social pour leur développement », du fait que les grands-mères ont perdu « leurs principaux mécanismes de soutien (fils et filles qui travaillent) » (Kenya 2022-04, 34). Il a également été constaté que 30,7 p. 100 des ménages de la ville de Nairobi sont constitués d’une seule personne, tandis que 8,8 p. 100 des ménages sont des ménages avec enfants dirigés par une femme, comparativement au 1,9 p. 100 des ménages avec enfants dirigés par un homme; enfin, les ménages avec petits-enfants dirigés par une femme à Nairobi représentent 0,3 p. 100 des ménages, alors que le pourcentage de ménages avec petits-enfants dirigés par un homme est de zéro (Kenya 2022-04, 34). Selon un autre tableau du même recensement de 2019 qui présente des statistiques selon l’âge des femmes à la tête d’un ménage, il y a une [traduction] « forte augmentation du nombre de femmes de plus de 55 ans qui dirigent un ménage » (Kenya 2022-04, 47).

Au cours d’un entretien avec la Direction des recherches, une gestionnaire de la production de savoir à l’Initiative de litige stratégique en Afrique (Initiative for Strategic Litigation in Africa - ISLA) [1], qui plaide aussi à la Haute Cour du Kenya (High Court of Kenya) et qui a réalisé des travaux de recherche sur les droits de la personne, les femmes et la violence fondée sur le genre au Kenya, s’exprimant en son propre nom, a souligné que le Kenya est une société patriarcale; les autorités publiques et la police kényane ont un [traduction] « problème lié aux genres » et les femmes célibataires font l’objet de « harcèlement général » de la part des autorités publiques (gestionnaire de la production de savoir 2024-08-22). La même source a ajouté, faisant remarquer que Nairobi a un conseil municipal au sein de sa structure administrative, qu’il existe une culture de [traduction] « pouvoir » chez les responsables du comté de Nairobi, qui n’ont pas de « véritable autorité », mais qui se servent de ce « pouvoir culturel » pour arrêter et harceler des femmes, [en particulier] des femmes qui possèdent des biens immobiliers ou qui participent à des activités marchandes ou commerciales (gestionnaire de la production de savoir 2024-08-22).

2. Cadre juridique
2.1 Constitution du Kenya

La constitution de 2010 du Kenya (Constitution of Kenya, 2010) prévoit ce qui suit :

[traduction]

27. Égalité et droit à la protection contre toute discrimination

[…]

(3) Les femmes et les hommes ont droit à un traitement égal, ce qui comprend le droit de profiter de possibilités égales dans les sphères politique, économique, culturelle et sociale.

(4) L’État ne peut faire subir, directement ou indirectement, de la discrimination à quiconque pour quelque motif que ce soit, y compris la race, le sexe, la grossesse, l’état matrimonial, l’état de santé, l’origine ethnique ou sociale, la couleur, l’âge, l’incapacité, la religion, la conscience, les croyances, la culture, la tenue vestimentaire, la langue ou la naissance.

[…]

40. Protection du droit de propriété

(1) Au titre de l’article 65, toute personne a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, d’acquérir et de posséder un bien :

  1. quelle que soit sa nature;
  2. où qu’il se trouve au Kenya.

(2) Le législateur n’adoptera pas de loi permettant à l’État ou à quiconque :

  1. de priver de manière arbitraire une personne d’un bien de quelque nature que ce soit, ni de tout intérêt ou droit relatif à celui-ci […]

[…]

60. Principes de la politique foncière

(1) Les terres du Kenya sont détenues, utilisées et gérées de manière équitable, efficace, productive et durable, et conformément aux principes suivants :

[…]

f. l’élimination de la discrimination fondée sur le genre dans les lois, les coutumes et les pratiques relatives aux terres et à la propriété foncière (Kenya 2010, art. 27, 40, 60, en gras dans l’original).

S’agissant des droits au sein d’un mariage, le paragraphe 45(3) de la constitution précise ceci : [traduction] « Les parties au mariage ont les mêmes droits au moment du mariage, pendant le mariage et à sa dissolution » (Kenya 2010).

S’agissant des soins en matière de santé reproductive, la constitution prévoit ce qui suit :

[traduction]

26. (1) Toute personne a le droit à la vie

[…]

(4) L’avortement est interdit sauf si, de l’avis d’un professionnel de la santé qualifié, un traitement d’urgence doit être pratiqué, si la vie ou la santé de la mère est en danger, ou si une autre loi écrite le permet.

[…]

Droits économiques et sociaux

43. (1) Toute personne a le droit :

  1. de jouir du meilleur état de santé susceptible d’être atteint, ce qui comprend le droit aux services de soins de santé, dont la santé reproductive […] (Kenya 2010, art. 26, 43, en gras dans l’original).

2.2 Loi sur le mariage

S’agissant de la pension alimentaire versée pour subvenir aux besoins d’un époux et des ordonnances y afférentes, les dispositions de la loi de 2014 sur le mariage (Marriage Act, 2014) prévoient ce qui suit :

[traduction]

77. (1) Le tribunal peut ordonner à une personne de verser une pension alimentaire à un époux ou un ancien époux, selon le cas :

  1. si la personne a refusé ou négligé de subvenir aux besoins de l’époux ou de l’ancien époux suivant les modalités de la présente loi;
  2. si la personne a abandonné l’époux ou l’ancien époux, aussi longtemps que dure l’abandon;
  3. au cours de toute instance en matière matrimoniale;
  4. au moment de prononcer la séparation ou le divorce ou après la décision rendue;
  5. si, après la prise d’un décret de présomption de décès, il est établi que l’époux ou l’ancien époux est vivant.

[…]

78. Sauf dans les cas où la durée prévue d’une ordonnance alimentaire matrimoniale est plus courte ou si l’ordonnance a été révoquée et sous réserve de la disposition pertinente, l’ordonnance prend fin :

  1. si l’entretien n’est pas garanti, au décès de l’époux;
  2. si l’entretien est garanti, au décès de l’époux bénéficiaire;
  3. si le bénéficiaire devient apte à subvenir à ses propres besoins.

79. L’ordonnance alimentaire devient caduque si son bénéficiaire se remarie (Kenya 2014, art. 77, 78, 79, en gras dans l’original).

En juin 2023, le projet de loi de 2023 portant modification de la loi sur le mariage (Marriage (Amendment) Bill, 2023) a été proposé en vue de [traduction] « modifier la loi sur le mariage de 2014 pour permettre la dissolution du mariage sur consentement mutuel et pour des besoins connexes » (Kenya 2023, préambule). Selon un document de suivi des projets de loi daté du 26 septembre 2024 produit par l’Assemblée nationale (National Assembly) du Kenya, le projet de loi de 2023 portant modification de la loi sur le mariage a eu sa première lecture en août 2023 (Kenya 2024-09-26). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé d’information indiquant si le projet de loi est devenu une loi ou non.

2.3 Loi sur les biens matrimoniaux

La loi de 2013 sur les biens matrimoniaux (Matrimonial Property Act, 2013) prévoit ce qui suit :

[traduction]

4. Égalité des époux

Nonobstant toute autre loi, la femme mariée a les mêmes droits que l’homme marié concernant :

  1. l’acquisition, l’administration, la possession, le contrôle, l’utilisation et l’aliénation de biens meubles ou immeubles.
  2. la conclusion d’un contrat.

[…]

6. Signification de biens matrimoniaux

(1) Aux fins de la présente loi, s’entend de « biens matrimoniaux » :

  1. le ou les domiciles matrimoniaux;
  2. les articles ménagers se trouvant dans le ou les domiciles matrimoniaux;
  3. tout autre bien meuble ou immeuble en copropriété et acquis pendant le mariage.

(2) Malgré le paragraphe (1), les biens fiduciaires, y compris les biens détenus en fiducie au titre du droit coutumier, ne constituent pas des biens matrimoniaux.

(3) Malgré le paragraphe (1), les parties à un mariage prévu peuvent conclure une entente avant le mariage afin de déterminer les droits de propriété de chacune.

(4) Toute partie à une entente visée au paragraphe (3) peut demander à la Cour de casser l’entente, ce que la Cour peut faire si elle établit que l’entente est entachée de fraude, a été conclue sous la contrainte ou est manifestement injuste.

7. Propriété des biens matrimoniaux

Sous réserve du paragraphe 6(3), les biens matrimoniaux appartiennent aux époux, à la mesure de la contribution de chacun en vue de leur acquisition, et sont divisés entre eux en cas de divorce ou de dissolution du mariage pour toute autre raison (Kenya 2013, art. 4, 6, 7, en gras dans l’original).

La loi sur les biens matrimoniaux donne en outre la définition suivante concernant l’interprétation du terme [traduction] « contribution » :

2. Interprétation

Dans la présente loi, à moins que le contexte le justifie, s’entend de « contribution » la contribution pécuniaire et en nature et comprend :

  1. les tâches domestiques et la gestion du domicile matrimonial;
  2. les soins aux enfants;
  3. le soutien de l’époux;
  4. la gestion de l’entreprise ou de la propriété familiale;
  5. les travaux agricoles. […] (Kenya 2013, art. 2, en gras dans l’original).

Dans un rapport conjoint sur l’égalité des genres en droit kényan publié par l’Organisation internationale de droit du développement (OIDD) [2] et l’Entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes (ONU Femmes) et rédigé par Consolata Ngondi et Petronella Mukaindo, il est écrit que l’article 7 de la loi sur les biens matrimoniaux [traduction] « donne lieu à de la discrimination indirecte à l’endroit des femmes », car « il est difficile, sur le plan de la preuve, d’attester les contributions monétaires et non monétaires aux biens matrimoniaux » et « il n’existe actuellement aucune formule permettant de quantifier les travaux domestiques des femmes en tant que "contribution" » (Ngondi et Mukaindo 2024, 39).

2.4 Loi sur le droit successoral

La loi sur le droit successoral (Law of Succession Act) prévoit ce qui suit :

[traduction]

PARTIE III - DISPOSITIONS RELATIVES AUX PERSONNES À CHARGE

26. Dispositions concernant les personnes à charge pour qui la succession testamentaire ou non testamentaire ne suffit pas à leur subsistance

Pour tout décès survenu depuis l’entrée en vigueur de la présente loi, et tant que la succession est régie par les dispositions de la présente loi, le tribunal peut, sur demande faite par une personne à charge ou en son nom, ordonner qu’une part qu’il juge raisonnable de la succession nette soit versée à la personne à charge, s’il est d’avis que la disposition de la succession prévue par testament, par donation en prévision de la mort, par application de la loi sur la succession non testamentaire ou par combinaison de ces trois moyens n’est pas suffisante pour assurer la subsistance de la personne à charge.

[…]

29. Signification de personne à charge

Aux fins de la présente partie, s’entend de « personne à charge » :

  1. l’épouse ou les épouses, actuelles ou anciennes, ainsi que les enfants du défunt, qu’il ait ou non subvenu à leurs besoins immédiatement avant son décès;
  2. les parents, beaux-parents, grands-parents, petits-enfants, beaux-enfants et enfants que le défunt avait accueillis au sein de sa famille comme étant siens, ainsi que les frères, soeurs, demi-frères et demi-soeurs, dont les besoins étaient pourvus par le défunt immédiatement avant son décès;
  3. s’il s’agit d’une défunte, son époux, si elle subvenait aux besoins de celui-ci immédiatement avant son décès.

[…]

32. Exclusions

Les dispositions de la présente partie ne s’appliquent pas aux biens suivants :

  1. les terres agricoles et les cultures qui s’y trouvent;
  2. le bétail,

dans les divers districts énumérés dans l’annexe :

Pokot Ouest   Wajir   Samburu   Lamu

Turkana   Garissa   Isiolo   Kajiado

Marsabit   Tana River

Mandera   Narok

33. Droit applicable aux biens exclus

Le droit applicable à la répartition sans testament des biens appartenant aux catégories visées à l’article 32 est le droit ou la coutume qui s’applique à la communauté ou à la tribu du défunt, selon le cas.

[...]

35. Succession non testamentaire dévolue à l’époux survivant et à l’enfant ou les enfants

(1) Sous réserve de l’article 40 [3], dans le cas de la succession non testamentaire dévolue à l’époux survivant et à l’enfant ou les enfants, l’époux survivant a droit :

  1. entièrement aux articles ménagers et effets personnels du défunt;
  2. à un intérêt viager sur le reliquat total de la succession non testamentaire nette :

Toutefois, s’agissant de l’épouse survivante, l’intérêt prend fin au moment de son remariage.

[…]

36. L’intestat laisse un seul époux survivant mais aucun enfant

(1) Lorsque l’intestat laisse un seul époux survivant mais aucun enfant, l’époux survivant a droit, sur la succession non testamentaire nette, à la fois :

  1. aux effets personnels et mobiliers du défunt de manière absolue;
  2. à la somme la plus élevée entre la première tranche de dix mille shillings [kényans (KES) [107 $CAN]] prélevée sur le reliquat de la succession non testamentaire nette et vingt pour cent dudit reliquat;
  3. à un droit viager sur la totalité du reste;

toutefois, s’agissant de l’épouse survivante, le droit viager est déterminé au moment du remariage de celle-ci.

(2) Le ministre peut, par arrêté publié dans la Gazette, modifier le montant précisé au paragraphe (1)(b).

(3) Lors de la détermination du droit viager créé au titre du paragraphe (1), les biens visés par ce droit sont dévolus selon l’ordre de priorité établi à l’article 39.

[...]

39. L’intestat ne laisse ni époux ni enfant survivants

(1) Lorsque l’intestat ne laisse ni époux ni enfant survivants, la succession non testamentaire nette est dévolue au(x) proche(s) vivant(s) de l’intestat dans l’ordre de priorité suivant :

  1. le père;
  2. la mère;
  3. s’il y a lieu, les frères et sœurs ainsi que tout enfant des frères et sœurs décédés, à parts égales;
  4. s’il y a lieu, les demi-frères et demi-sœurs ainsi que tout enfant des demi-frères et demi-sœurs décédés, à parts égales;
  5. les proches jusqu’au sixième degré de consanguinité inclusivement, à parts égales.

(2) Si aucune des personnes mentionnées aux paragraphes 1(a) à 1(e) ne survit à l’intestat, la succession non testamentaire nette est dévolue à l’État et versée au fonds consolidé (Kenya 1972, art. 26, 29, 32, 33, 35, 36, 39 en gras dans l’original).

En 2022, la Haute Cour du Kenya à Meru a déclaré que les alinéas 35(1)(b), 36(1)(b), 39(1)(a) et 39(1)(b) de la loi sur le droit de succession étaient [traduction] « inconstitutionnels » parce qu’ils limitaient les droits des femmes et des filles; le requérant, Ripples International [une ONG de Meru dont la mission consiste à [traduction] « protéger les droits des femmes et des enfants » (Nation 2022-10-01)] a également contesté les articles 32 et 33, mais le juge n’a pas statué sur ces articles, affirmant qu’il fallait approfondir l’examen de la question (Kenya 2022-09-29). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé d’information indiquant si la loi a été modifiée. Il ressort d’une publication conjointe de l’Alliance foncière du Kenya (Kenya Land Alliance - KLA) et de la Fédération des avocates du Kenya (Federation of Women Lawyers Kenya - FIDA-Kenya) [4] que la loi sur le droit de succession contient des [traduction] « dispositions discriminatoires », notamment une qui prévoit qu’une femme « est déchue de son droit à la succession de son époux si elle se remarie »; en outre, les droits de propriété régis par la loi sur les biens des femmes ou la loi sur le droit successoral dépendent de l’enregistrement des mariages, ce qui présente des obstacles parce que « l’enregistrement n’est pas requis » pour les mariages coutumiers (KLA et FIDA-Kenya 2021-03-24, 2). Toutefois, le rapport de l’OIDD et d’ONU Femmes renvoie à [traduction] « de nombreuses décisions [judiciaires] progressistes » qui montrent que, lorsque les lois coutumières sont contestées devant les tribunaux kényans [traduction] « en ce qui concerne les droits de filles mariées d’hériter de la succession de leur père décédé », les juges « ont souvent maintenu les dispositions relatives à l’égalité » (Ngondi et Mukaindo 2024, 83).

2.5 Loi sur l’enregistrement foncier

La loi de 2012 sur l’enregistrement foncier (Land Registration Act, 2012) prévoit ce qui suit :

[traduction]

Intérêts prédominants

28. Sauf disposition contraire prévue au registre, toutes les terres enregistrées sont assujetties aux intérêts prédominants suivants qui peuvent, à titre temporaire, subsister et avoir une incidence sur elles, sans pour autant figurer au registre :

  1. les droits des époux relatifs aux biens matrimoniaux […]

[…]

Copropriété et autres relations entre époux

93. (1) Conformément à la loi sur les biens matrimoniaux, si l’époux obtient une terre qui appartiendra et sera utilisée conjointement par les deux époux ou tous les époux :

  1. il est présumé que les époux possèdent la terre conjointement […] (Kenya 2012, art. 28, 93, en gras dans l’original).

La même source ajoute également ceci concernant la transmission d’une terre à la mort de son propriétaire ou à la suite d’un changement de nom :

[traduction]

Transmission au décès d’un copropriétaire

60. En cas de décès de l’un des copropriétaires d’une terre, d’un bail immobilier ou d’une charge foncière, le directeur de l’enregistrement, sur preuve du décès, supprime le nom du défunt du registre en y enregistrant le certificat de décès.

[…]

Rectification par le directeur de l’enregistrement

79.

[…]

(3) Sur preuve du changement du nom ou de l’adresse d’un propriétaire, le directeur de l’enregistrement, sur demande écrite du propriétaire, saisit le changement dans le registre (Kenya 2012, art. 60, 79, en gras dans l’original).

Selon l’Institut de recherche et d’analyse du Kenya en matière de politiques publiques (Kenya Institute for Public Policy Research and Analysis - KIPPRA) [5], bien que les protections juridiques comme la politique nationale sur les terres (National Land Policy) de 2009 ainsi que l’article 40 et l’alinéa 60(f) de la constitution du Kenya de 2010, lesquels, respectivement, visent à protéger les [traduction] « droits fonciers des femmes » et à « garantir le droit de tous les Kényans à détenir et à posséder des biens immobiliers », plus de « 70 p. 100 des femmes du Kenya ne possèdent aucun type de terre » (2024-01-08).

2.6 Loi sur l’emploi

La loi de 2007 sur l’emploi (Employment Act, 2007) prévoit ce qui suit :

[traduction]

5. Discrimination dans le domaine de l’emploi

(1) Il est du devoir du ministre, des agents de travail et de la Cour industrielle (Industrial Court) :

  1. de favoriser des occasions d’emploi égales afin d’éliminer la discrimination dans le domaine de l’emploi;

[…]

(3) Aucun employeur ne peut faire subir à un employé ou un employé potentiel de la discrimination, directement ou indirectement, ni du harcèlement :

  1. au motif de la race, de la couleur, du sexe, de la langue, de la religion, des opinions politiques ou d’autres natures, de la nationalité, de l’origine ethnique ou sociale, de l’incapacité, de la grossesse, de l’état mental ou de l’état sérologique relativement au VIH;
  2. relativement au recrutement, à la formation, à la promotion, aux conditions d’emploi, à la cessation d’emploi ou à d’autres questions liées à l’emploi.

(4) Ne constitue pas de la discrimination le fait de :

  1. faire appliquer des mesures d’action positive cohérentes avec la promotion de l’égalité ou l’élimination de la discrimination en milieu de travail;
  2. préférer, écarter ou exclure une personne en raison d’une exigence inhérente au poste à pourvoir;

[…]

(5) L’employeur verse à ses employés une rémunération égale pour un travail de valeur égale.

(6) L’employeur qui contrevient aux dispositions du présent article commet une infraction […] (Kenya 2007, art. 5, en gras dans l’original).

2.7 Droit islamique et coutumier

D’après un rapport produit par Human Rights Watch et par la FIDA-Kenya, [traduction] « le Kenya s’appuie sur un mélange de régimes de droit commun, de droit coutumier et de droit islamique »; en ce qui concerne le droit islamique, une cour de cadis, une « cour de juridiction inférieure de l’appareil judiciaire du Kenya qui instruit des affaires liées au droit islamique », rend des décisions suivant le droit islamique, lequel sous-tend un éventail de courants de jurisprudence ainsi que des traditions ethniques et culturelles et « une diversité de facteurs personnels », ce qui entraîne une absence de règles « claires » pour guider « la question de la répartition des biens matrimoniaux lors de la dissolution de mariages musulmans » (2020-06-25, 24, 25). La même source fait observer que les cadis fondent leur décision sur les négociations entre les époux et le responsable de la cour (HRW et FIDA-Kenya 2020-06-25, 25). Dans un article publié en 2021 dans le Journal of African Law, le professeur Jamil Ddamulira Mujuzi de la Faculté de droit de l’université du Cap-Occidental examine la jurisprudence des cours de cadis, de la Haute Cour et de la Cour d’appel (Court of Appeal) et signale qu’il y a des [traduction] « tensions » entre les droits de la personne et le droit islamique dans les affaires qui concernent des mariages, des divorces et des héritages régis par la religion musulmane (Mujuzi 2021-10-01, 377).

3. Accès aux services, en particulier à Nairobi

Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches a trouvé peu d’information sur l’accès aux services destinés aux femmes célibataires, en particulier à Nairobi.

3.1 Accès au logement, à la propriété et aux terres

Selon la publication conjointe de la KLA et de la FIDA-Kenya, [traduction] « [e]n droit et dans les faits, les droits des femmes kényanes ne sont pas égaux à ceux des hommes » en raison « des coutumes, des lois et de certaines personnes, y compris des fonctionnaires », et les femmes « ne détiennent que 1 p. 100 des titres fonciers enregistrés en leur propre nom, et quelque 5 p. 100 à 6 p. 100 des titres enregistrés détenus conjointement » (2021-03-24, 1). La même source explique en outre que [traduction] « plus de 75 lois régissent les terres » du point de vue de la propriété et de l’accès, dont « [b]on nombre » sont « obsolètes », et que le cadre juridique dans l’ensemble est « désuet, obscur et très complexe », ce qui occasionne des conflits entre [traduction] « différents régimes fonciers dans une même région »; de plus, les registres fonciers sont en « piètre état » et les intérêts des femmes sont « largement omis des titres de propriété » et « peuvent être aliénés à leur insu et sans leur consentement » (KLA et FIDA-Kenya 2021-03-24, 1, 2). Selon les rapports sur les pratiques des pays en matière de droits de la personne (Country Reports on Human Rights Practices for 2023) du Département d’État des États-Unis, bien que la constitution prévoie l’égalité des droits de propriété et de succession et que les lois [traduction] « protègent les biens matrimoniaux pendant le mariage et lorsqu’il est mis fin à celui-ci », « des groupes de la société civile » signalent que le gouvernement « n’a pas toujours assuré une application efficace de la loi » (É.-U. 2024-04-22, 29). La même source fait observer que les femmes font face à des obstacles institutionnels et juridiques lorsqu’elles veulent accéder à leur part des biens matrimoniaux en cas de dissolution, et que [traduction] « de nombreuses femmes ne connaissaient pas les particularités du droit successoral » (É.-U. 2024-04-22, 29). D’après le Guardian, bien que l’État protège l’héritage des veuves [traduction] « en théorie », « la culture patriarcale et l’influence des lois coloniales qui limitaient les droits de propriété des femmes mariées font en sorte que la loi n’est souvent pas appliquée » (2022-07-01).

Selon la gestionnaire de la production de savoir, même s’il n’y a pas [traduction] « [d’]obstacles juridiques » pour les femmes en matière d’accès au logement et que le soutien d’un homme n’est pas requis pour signer un accord de logement ou un bail, l’accès au logement subit l’influence des [traduction] « perceptions des femmes célibataires par la société », y compris par les « propriétaires privés » qui considèrent les femmes célibataires comme « déviantes » ou s’écartant de la tradition si elles ne sont pas mariées à un « certain âge » (2024-08-22). La même source a toutefois ajouté que le plus gros [traduction] « obstacle » à l’accès au logement est le statut socioéconomique de la femme célibataire, soulignant les « obstacles économiques » (gestionnaire de la production de savoir 2024-08-22). Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, la fondatrice et directrice de projet de l’Association des mères célibataires du Kenya (Single Mothers Association of Kenya - SMAK), un organisme communautaire dédié aux besoins en matière de santé et d’éducation des femmes et des jeunes dans la région Eastlands de Nairobi et dans l’Ouest du Kenya (SMAK s.d.), a écrit que [la société et les autorités kényanes (2024-09-27)] accordent [traduction] « très peu de reconnaissance et d’attention » aux mères célibataires dans le besoin, en ajoutant que cette situation est exacerbée par les propriétaires qui refusent de louer leurs maisons à des mères célibataires par « crainte d’accumuler les loyers impayés en raison du statut financier précaire [des mères célibataires] » (SMAK 2024-08-23). D’après la même source, certains propriétaires mariés [traduction] « ne peuvent répondre aux besoins » locatifs d’une femme ou mère célibataire sur sa propriété, parce que leur épouse craindra de voir la femme célibataire « entamer une liaison amoureuse » avec son époux ou avec son fils (SMAK 2024-08-23). Enfin, la fondatrice de la SMAK a souligné que, en dépit de la politique du Kenya contre les expulsions forcées, les mères célibataires et leurs enfants subissent des expulsions forcées en milieu rural et urbain, y compris durant la saison des pluies (2024-08-23).

L’Enquête de 2022 sur la santé et la démographie au Kenya (Kenya Demographic and Health Survey - KDHS) [6] donne les statistiques ci-après à la lumière d’entretiens avec 32 156 femmes, parmi lesquelles 10 438 n’avaient jamais été mariées, 17 822 étaient mariées ou vivaient avec un conjoint, 908 étaient veuves et 2 989 étaient divorcées ou séparées :

[traduction]

Propriétaire de logement et de terres : femmes

Répartition en pourcentage des femmes âg[ées] de 15 à 49 ans propriétaires de logement et de terres, selon la situation matrimoniale actuelle, KDHS 2022

PROPRIÉTAIRE DE LOGEMENT
  Jamais mariée Mariée/en union de fait Veuve Divorcée/séparée Total
Propriétaire 1,8 52,5 65,2 14,0 32,8
Seule 1,6 2,5 54,7 11,8 4,5
Conjointement avec l’époux/le conjoint s.o. 49,1 9,4 1,5 27,7
Conjointement avec l’époux/le conjoint 0,0 0,2 0,6 0,6 0,2
Conjointement avec l’époux/le conjoint et une autre personne s.o. 0,6 0,4 0,0 0,3
À la fois seule et conjointement 0,2 0,1 0,0 0,1 0,1
Non propriétaire 98,2 47,5 34,8 86,0 67,2
PROPRIÉTAIRE DE TERRES AGRICOLES
  Jamais mariée Mariée/en union de fait Veuve Divorcée/séparée Total
Propriétaire 1,7 39,4 48,6 10,7 24,8
Seule 1,4 1,6 37,3 7,8 3,1
Conjointement avec l’époux/le conjoint n/a 34,9 7,7 1,6 19,7
Conjointement avec une autre personne seulement 0,3 0,9 2,1 1,3 0,8
Conjointement avec l’époux/le conjoint et une autre personne n/a 1,8 1,1 0,0 1,1
À la fois seule et conjointement 0,1 0,2 0,4 0,0 0,1
Non propriétaire 98,3 60,6 51,4 89,3 75,2
PROPRIÉTAIRE DE TERRES NON AGRICOLES
  Jamais mariée Mariée/en union de fait Veuve Divorcée/séparée Total
Propriétaire 1,1 10,2 11,5 4,1 6,7
Seule 0,9 0,9 10,0 3,1 1,4
Conjointement avec l’époux/le conjoint n/a 8,9 1,1 0,4 4,8
Conjointement avec une autre personne seulement 0,2 0,3 0,2 0,5 0,3
Conjointement avec l’époux/le conjoint et une autre personne n/a 0,4 0,0 0,0 0,2
À la fois seule et conjointement 0,1 0,2 0,1 0,1 0,1
Non propriétaire 98,9 89,8 88,5 95,9 93,3

(KNBS du Kenya et ICF 2023-01, 9, 73)

La même source a publié les tableaux suivants sur la répartition en pourcentage des femmes propriétaires du même groupe d’âge, selon qu’elles disposent d’un titre ou d’un acte de propriété, entre autres mesures :

[traduction]

Propriétaire de logement et document attestant la propriété : femmes

Répartition en pourcentage des femmes âg[ées] de 15 à 49 ans propriétaires de logement, et, parmi les femmes qui possèdent un logement, répartition en pourcentage selon que le logement en question est assorti d’un titre/acte de propriété et que le nom de la femme figure ou non sur le titre/l’acte, en fonction de caractéristiques contextuelles, KDHS 2022

PROPRIÉTAIRE DE LOGEMENT
Caractéristique contextuelle Seule Conjointement* À la fois seule et conjointement Pourcentage ne possédant pas de logement Le nom de la femme figure sur le titre ou l’acte Le nom de la femme ne figure pas sur le titre ou l’acte La femme ne dispose pas du titre/de l’acte [La femme ne sait pas si son nom figure sur le titre/l’acte ou s’il existe un titre/acte]
Âge
15-19 0,3 2,8 0,1 96,8 6,0 9,8 80,6 3,6
20-24 1,0 16,7 0,1 82,1 3,5 10,5 82,9 3,1
25-29 2,0 30,3 0,1 67,6 6,9 13,0 78,1 2,0
30-34 4,5 37,4 0,1 57,9 9,8 13,9 74,6 1,7
35-39 8,1 41,7 0,2 50,0 11,1 16,9 71,2 0,9
40-44 11,4 46,9 0,1 41,7 11,7 18,3 68,7 1,3
45-49 14,0 48,8 0,2 37,1 11,2 20,4 67,3 1,1
Résidence
Milieu urbain 2,4 14,6 0,1 82,9 22,0 23,7 52,5 1,8
Milieu rural 6,0 37,5 0,1 56,3 5,9 13,4 79,1 1,6
Scolarité
Aucune scolarité** 10,2 36,3 0,4 53,1 5,3 8,9 84,8 0,9
Primaire 6,7 36,6 0,1 56,7 5,3 14,4 78,6 1,7
Secondaire 2,4 21,1 0,1 76,4 8,9 16,6 72,4 2,1
Post-secondaire 2,9 23,3 0,1 73,6 25,7 21,8 51,6 0,9

* Conjointement avec l’époux, avec une autre personne ou à la fois avec l’époux et une autre personne.

** « Aucune scolarité » comprend l’éducation informelle (madrasa/duksi/éducation aux adultes) et « Post-secondaire » comprend les collèges de niveau intermédiaire et les universités. Exclut les personnes qui ont déclaré une formation professionnelle comme niveau de scolarité le plus élevé.

Propriétaire de logement et document attestant la propriété par comté : femmes

Répartition en pourcentage des femmes âg[ées] de 15 à 49 ans propriétaires de logement, et, parmi les femmes qui possèdent un logement, répartition en pourcentage selon que le logement en question est assorti d’un titre/acte de propriété et que le nom de la femme figure ou non sur le titre/l’acte, en fonction du comté, KDHS 2022

PROPRIÉTAIRE DE LOGEMENT
Comté Seule Conjointement À la fois seule et conjointement Pourcentage ne possédant pas de logement Le nom de la femme figure sur le titre ou l’acte Le nom de la femme ne figure pas sur le titre ou l’acte La femme ne dispose pas du titre/de l’acte [La femme ne sait pas si son nom figure sur le titre/l’acte ou s’il existe un titre/acte]
Ville de Nairobi 1,4 12,2 0,0 86,4 29,8 32,0 34,4 3,8
Kiambu 4,2 18,1 0,5 77,2 15,4 15,9 68,7 0,0
Kisumu 5,9 26,2 0,0 67,9 4,2 6,9 88,4 0,5
Meru 9,4 33,3 0,2 57,1 8,2 24,6 65,6 1,6
Mombasa 4,3 12,4 0,2 83,1 24,0 17,9 56,6 1,5
Turkana 17,7 38,8 0,2 43,2 2,0 2,8 95,0 0,2

(KNBS du Kenya et ICF 2023-01, 73, 74)

3.2 Accès à un revenu, à un emploi et à des ressources financières

Selon les Country Reports 2023, bien que la constitution prévoie l’égalité des droits des hommes et des femmes, [traduction] « le système de justice a largement appliqué les lois coutumières discriminatoires envers les femmes, limitant ainsi leurs droits politiques et économiques » (2024-04-22, 29). Des sources signalent que, bien qu’il existe des lois contre la discrimination, il y avait de la discrimination fondée sur le genre dans le secteur de l’emploi (É.-U. 2024-04-22, 29), ou que [traduction] « certaines femmes sont exclues » des emplois qui sont « fortement dominés par les hommes », pour des raisons culturelles (gestionnaire de la production de savoir 2024-08-22). Il est précisé dans les US Country Reports 2023 que les femmes au Kenya avaient [traduction] « de la difficulté à travailler dans les domaines non traditionnels, attendaient plus longtemps d’être promues et étaient plus susceptibles d’être congédiées » (2024-04-22, 29). Au cours d’un entretien avec la Direction des recherches, une agente de programme au Réseau kényan des questions juridiques et éthiques sur le VIH et le sida (Kenya Legal & Ethical Issues Network on HIV and AIDS - KELIN) – une ONG dont les travaux sont axés sur la défense des droits de la personne liés à la santé (KELIN s.d.) – qui travaille comme avocate de la Haute Cour du Kenya, en particulier en ce qui concerne les questions liées au genre et aux droits de la personne, s’exprimant en son propre nom, a fait observer que les femmes enceintes sont perçues par les employeurs comme prévoyant de quitter leur poste [traduction] « "sous peu" », et est au fait de cas de femmes enceintes qui ont été « exclues de l’emploi » (agente de programme 2024-08-21). De plus, la gestionnaire de la production de savoir a déclaré que le Kenya n’offre pas [traduction] « suffisamment » de possibilités économiques aux femmes célibataires en matière d’emploi et qu’il est difficile de démarrer une entreprise au Kenya en raison de la situation économique et de l’accès des femmes célibataires au marché, qui n’est [traduction] « pas accueillant » (2024-08-22).

Le document conjoint de la KLA et de la FIDA-Kenya signale qu’il n’y a [traduction] « aucune loi interdisant aux femmes d’accéder aux modalités de crédit » (2021-03-24). La gestionnaire de la production de savoir a fait observer qu’il existe des [traduction] « règlements anti-discrimination » qui permettent aux femmes d’accéder aux services bancaires et à une carte bancaire sans le soutien d’un homme (2024-08-22). Selon l’agente de programme, bien que les services bancaires ne nécessitent pas le soutien d’un homme, il n’est pas possible d’y accéder sans carte d’identité, et, dans certaines communautés, y compris les communautés somaliennes, il est possible que les femmes célibataires ne puissent pas y accéder pour des raisons sociétales ou culturelles, ou en raison des pratiques conservatrices des [traduction] « hommes détenant [leurs] cartes d’identité » (2024-08-21). La même source a ajouté que, pour que les femmes puissent accéder au crédit offert par les banques, elles doivent [traduction] « avoir accumulé des biens », comme des biens immobiliers ou autres avoirs, contre lesquels garantir du crédit; en ce qui concerne les veuves, et tout particulièrement dans les communautés rurales, c’est la famille du défunt époux qui accapare leur héritage et leurs attaches aux biens qui appartenaient à leur époux (agente de programme 2024-08-21).

3.3 Accès aux soins de santé

Selon la KDHS de 2022, [traduction] « [u]ne personne sur quatre au Kenya (26 p. 100 des femmes et 27 p. 100 des hommes) ont une forme quelconque d’assurance maladie », et le Fonds national d’assurance maladie (National Health Insurance Fund) « est le type le plus courant d’assurance maladie » à la fois pour les hommes et pour les femmes (24 p. 100 sont couverts, pour les deux groupes) (KNBS du Kenya et ICF 2023-01, 12). La même enquête montre que la couverture d’assurance maladie est plus élevée en milieu urbain qu’en milieu rural, 39 p. 100 des femmes étant couvertes en milieu urbain contre 20 p. 100 en milieu rural (KNBS du Kenya & ICF 2023-01, 12). Enfin, la KDHS de 2022 souligne que la richesse est un autre indicateur de souscription à une assurance-maladie, 5 p. 100 des [traduction] « femmes et des hommes du quintile de richesse le plus bas » y ayant accès, comparativement à 56 p. 100 des femmes et 60 p. 100 des hommes du « quintile de richesse le plus élevé » (KNBS du Kenya et ICF 2023-01, 12).

La gestionnaire de la production de savoir a fait observer qu’il n’y a pas d’obstacles juridiques à l’accès aux soins de santé, mais qu’il y a [traduction] « des obstacles économiques très importants », insistant sur le fait que l’analyse de l’intersectionnalité et des classes doit être prise en considération lorsqu’il est question d’accès aux soins de santé, puisque le niveau de scolarisation et le statut socioéconomique d’une personne influent sur leur situation et sur leur accès aux soins de santé (2024-08-22). La même source a ajouté que [traduction] « l’année dernière », des mères célibataires vivant avec le VIH provenant de groupes socioéconomiques défavorisés ont été soumises à des pratiques de « stérilisation forcée » dans « 20 p. 100 des hôpitaux à Nairobi », y compris par l’entremise d’initiatives hospitalières qui faisaient la promotion de la « planification familiale fondée sur un système de rétribution en argent et en nourriture » ciblant les « femmes pauvres », de même qu’en « communiquant de l’information erronée » aux femmes ou en leur imposant des mesures de « coercition » pour qu’elles subissent des interventions telles que la ligature des trompes; l’affaire « poursuit son chemin dans le système judiciaire » (gestionnaire de la production de savoir 2024-08-22). Selon un reportage de la BBC paru en 2023 sur une affaire judiciaire s’échelonnant sur neuf ans et mettant en cause quatre femmes vivant avec le VIH ayant subi une stérilisation [traduction] « sans leur consentement éclairé », trois de ces cas impliquant un hôpital de Nairobi « appartenant à l’État », y compris deux mères célibataires dont l’accès à des préparations lactées pour nourrissons ou à de la nourriture gratuites pour leur enfant était garanti par l’hôpital seulement si elles montraient une « preuve » qu’elles avaient recours à la « planification familiale »; les femmes ont toutes les deux raconté qu’elles étaient allées à une clinique qui leur avait demandé de signer un formulaire de consentement à la stérilisation, qu’elles ne pouvaient ni lire ni comprendre (2023-12-04). La gestionnaire de la production de savoir a souligné que, peu importe [traduction] « les lois et les progrès des tribunaux », les décisions « ne sont jamais véritablement mises en œuvre sur le terrain » et que les dommages-intérêts ne sont pas versés aux plaignantes (2024-08-22). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé d’autres renseignements allant dans le même sens.

3.4 Accès aux services de soutien

Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches a trouvé peu de renseignements sur l’accès aux services de soutien financés ou exploités par l’État destinés aux femmes célibataires et aux femmes à la tête d’un ménage au Kenya, en particulier à Nairobi.

Selon la gestionnaire de la production du savoir, de nombreux programmes de services sociaux, y compris de services économiques et juridiques, ainsi que de programmes destinés aux femmes célibataires à la tête d’une famille, [traduction] « ont été délégués à » des ONG et à des organisations privées, en partenariat avec les banques (2024-08-22). La même source a ajouté que [traduction] « les femmes qui savent comment s’y retrouver dans les programmes [sociaux] sont en mesure d’accéder aux programmes, tandis que les classes socioéconomiques défavorisées et les femmes célibataires » sont incapables d’y accéder (gestionnaire de la production de savoir 2024-08-22). La gestionnaire de la production de savoir a également ajouté qu’il y a trois [traduction] « maisons d’hébergement » gérées par le gouvernement, dont « [seulement] une qui est opérationnelle », car elles sont « en sous-effectif » et les conditions de logement sont « dangereuses » (2024-08-22).

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Notes

[1] L’Initiative de litige stratégique en Afrique (Initiative for Strategic Litigation in Africa - ISLA) est une organisation féministe et panafricaine qui vise à [traduction] « renforcer les litiges stratégiques en matière de droits de la personne à l’échelle du continent africain » (ISLA s.d.).

[2] L’Organisation internationale de droit du développement (OIDD) est une organisation intergouvernementale qui [traduction] « fait la promotion de la primauté du droit pour faire avancer la paix et le développement durable »; l’OIDD travaille dans plus de 90 pays et détient le statut d’observateur des Nations Unies (OIDD s.d.).

[3] L’article 40 de la loi sur le droit de succession (Law of Succession Act) prévoit ce qui suit :

[traduction]

40. Intestat polygame

  1. Lorsqu’un intestat s’est marié plus d’une fois en vertu d’un système de droit permettant la polygamie, ses effets personnels et domestiques et le reliquat de la succession nette de l’intestat doivent, en premier lieu, être répartis entre les maisons selon le nombre d’enfants dans chacune d’elles, en ajoutant toutefois au nombre d’enfants toute épouse qui lui survivra.
  2. La répartition des effets personnels et domestiques et ainsi que le reliquat de la succession nette de l’intestat au sein de chaque maison se fera conformément aux règles établies aux articles 35 à 38 (Kenya 1972).

[4] L’Alliance foncière du Kenya (Kenya Land Alliance - KLA) est une ONG et un [traduction] « réseau cadre d’organisations et de personnes de la société civile » qui milite en faveur de lois foncières équitables et de réformes des politiques au Kenya, visant « un accès équitable aux terres et aux ressources naturelles » (KLA s.d.). La Fédération des avocates du Kenya (Federation of Women Lawyers Kenya - FIDA-Kenya) est une organisation kényane qui assure la promotion de l’accès des femmes à la justice (FIDA-Kenya s.d.).

[5] L’Institut de recherche et d’analyse du Kenya en matière de politiques publiques (Kenya Institute for Public Policy Research and Analysis - KIPPRA) est une organisation publique ou [traduction] « société d’État » établie à Nairobi qui fournit des conseils au gouvernement du Kenya et à « d’autres parties prenantes clés » par le truchement de travaux de recherche et d’analyse en matière de politiques et du renforcement des capacités (KIPPRA s.d.).

[6] L’Enquête de 2022 sur la santé et la démographie au Kenya (Kenya Demographic and Health Survey - KDHS) a été mise en œuvre par le Bureau national des statistiques du Kenya (Kenya National Bureau of Statistics - KNBS) en partenariat avec le ministère de la Santé et d’autres partenaires, avec l’aide d’ICF, une organisation qui gère le programme d’enquête sur la santé et la démographie, projet financé par l’Agence américaine pour le développement international (US Agency for International Development - USAID) qui met en œuvre des [traduction] « enquêtes sur la population et la santé » partout dans le monde (KNBS du Kenya et ICF 2023-01, ii). Les données de l’enquête ont été recueillies du 17 février au 13 juillet 2022 (KNBS du Kenya et ICF 2023-01, 7). Dans le cadre de la KDHS, 37 911 ménages ont participé, dont 14 330 en milieu urbain et 23 581 en milieu rural (KNBS du Kenya et ICF 2023-01, 9).

Références

Agente de programme, Kenya Legal & Ethical Issues Network on HIV and AIDS (KELIN). 2024-08-21. Entretien avec la Direction des recherches.

Banque mondiale. 2022. « Female Headed Households (% of Households with a Female Head) – Kenya ». [Date de consultation : 2024-09-16]

British Broadcasting Corporation (BBC). 2023-12-04. Dorcas Wangira. « HIV and Forced Sterilisations: How Four Kenyan Women Found Justice ». [Date de consultation : 2024-09-23]

États-Unis (É.-U.). 2024-04-22. Department of State. « Kenya ». Country Reports on Human Rights Practices for 2023. [Date de consultation : 2024-08-09]

Federation of Women Lawyers Kenya (FIDA-Kenya). S.d. « What We Do ». [Date de consultation : 2024-09-23]

Gestionnaire de la production de savoir, Initiative for Strategic Litigation in Africa (ISLA). 2024-08-22. Entretien avec la Direction des recherches.

The Guardian. 2022-07-01. Caroline Kimeu. « Bereaved then Evicted by In-Laws: Kenya's Widows Fight Disinheritance ». [Date de consultation : 2024-08-26]

Human Rights Watch (HRW) et Federation of Women Lawyers Kenya (FIDA-Kenya). 2020-06-25. "Once You Get Out, You Lose Everything": Women and Matrimonial Property Rights in Kenya. [Date de consultation : 2024-09-05]

Initiative for Strategic Litigation in Africa (ISLA). S.d. « About Us ». [Date de consultation : 2024-09-23]

Kenya. 2024-09-26. The National Assembly. Bills Tracker 2024. [Date de consultation : 2024-10-03]

Kenya. 2023. The Marriage (Amendment) Bill, 2023. [Date de consultation : 2024-09-05]

Kenya. 2022-09-29. High Court at Meru. Ripples International v Attorney General (Constitutional Petition E017 of 2021) [2022] KEHC 13210 (KLR) (29 September 2022) (Judgment). [Date de consultation : 2024-09-13]

Kenya. 2022-04. Kenya National Bureau of Statistics (KNBS). 2019 Kenya Population and Housing Census: Analytical Report on Household and Family Dynamics. Vol. XI. [Date de consultation : 2024-09-13]

Kenya. 2014. The Marriage Act, 2014. [Date de consultation : 2024-09-26]

Kenya. 2013. Matrimonial Property Act. [Date de consultation : 2024-09-05]

Kenya. 2012. The Land Registration Act, 2012. [Date de consultation : 2024-09-05]

Kenya. 2010. The Constitution of Kenya, 2010. [Date de consultation : 2024-08-09]

Kenya. 2007 (modifiée en 2012). Employment Act. [Date de consultation : 2024-09-05]

Kenya. 1972 (modifiée en 1990). Law of Succession Act. [Date de consultation : 2024-09-05]

Kenya National Bureau of Statistics (KNBS) du Kenya & ICF. 2023-01. Kenya Demographic and Health Survey 2022: Key Indicators Report. [Date de consultation : 2024-08-29]

Kenya Institute for Public Policy Research and Analysis (KIPPRA). 2024-01-08. Wilkista Lore & Geoffrey Baragu. « Promoting Land Ownership Among Women in Kenya ». [Date de consultation : 2024-09-17]

Kenya Institute for Public Policy Research and Analysis (KIPPRA). S.d. « Who We Are ». [Date de consultation : 2024-09-17]

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Kenya Legal & Ethical Issues Network on HIV and AIDS (KELIN). S.d. « Our History ». [Date de consultation : 2024-09-17]

Mujuzi, Jamil Ddamulira. 2021-10-01. « The Islamic Law of Marriage and Inheritance in Kenya ». Journal of African Law. 2021. Vol. 65, N° 3. [Date de consultation : 2024-09-17]

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Nation. 2022-10-01. David Muchui. « Law Denying Remarried Widows Right to Ex-Husband Property Declared Unconstitutional ». [Date de consultation : 2024-09-05]

Nation. 2022-03-22. Evelyn Odhiambo. « Widows Are Part of the Journey to Gender Equality ». [Date de consultation : 2024-09-17]

Ngondi, Consolata et Petronella Mukaindo. 2024. Strengthening Gender Equality in Law: Mapping Discriminatory Laws Against Women and Girls in Kenya. Organisation internationale de droit du développement (OIDD) & Entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes (ONU Femmes). [Date de consultation : 2024-09-17]

Organisation internationale de droit du développement (OIDD). S.d. « About IDLO ». [Date de consultation : 2024-09-27]

Single Mothers Association of Kenya (SMAK). 2024-09-27. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par la fondatrice.

Single Mothers Association of Kenya (SMAK). 2024-08-23. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par la fondatrice.

Single Mothers Association of Kenya (SMAK). S.d. « About Us ». [Date de consultation : 2024-08-20]

Xu, Yuanwei, Antonia Delius & Utz Pape. 2022-03. Gender Differences in Household Coping Strategies for COVID-19 in Kenya. Policy Research Working Paper 9959. Banque mondiale. [Date de consultation : 2024-09-13]

Autres sources consultées

Sources orales : Center for Reproductive Rights; Federation of Women's Lawyers; Fondation Rona; Global Fund for Widows; Kenya Human Rights Commission; professeur adjoint dans une université canadienne dont les travaux de recherche sont axés sur les questions de genre, la politique africaine et la sécurité; Réseau de développement et de communication des femmes africaines; Widows for Peace through Democracy.

Sites Internet, y compris : African Data Hub; Africanews; Al Jazeera; Amnesty International; Austrian Red Cross – ecoi.net; Business and Human Rights Resource Centre; Business Today; Center for Reproductive Rights; Centre for Rights Education and Awareness; Defenders Coalition; Factiva; Fondation Rona; Freedom House; Foreign Policy; Gay and Lesbian Coalition of Kenya; Initiative des conseils subventionnaires des sciences – Gender and Inclusivity Project; Institut de hautes études internationales et du développement de Genève; International Center for Research on Women; Joyful Women; Kenya National Commission on Human Rights; Kenyans.co.ke; National Health Insurance Fund Kenya; Nations Unies – Agence des Nations Unies pour la santé sexuelle et reproductive; Organisation de coopération et de développement économiques; Oxfam – Human Rights Hub, Oxfam Policy and Practice; Royaume-Uni – Home Office; The Standard.

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