Haïti : information sur le traitement réservé par la société, les groupes criminels et les autorités aux ressortissants haïtiens qui retournent en Haïti après une longue absence, particulièrement à ceux qui reviennent du Canada; information indiquant si leur retour représente une menace pour la sécurité des membres de leurs familles en Haïti; protection offerte par l’État (2022-janvier 2024) [HTI201784.EF]

Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada

1. Aperçu

Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), 216 677 ressortissants haïtiens ont été expulsés vers leur pays d’origine en 2023, dont 96,07 p. 100 depuis la République dominicaine (Nations Unies s.d.a). D’après la même source, 39 541 personnes avaient été renvoyées en Haïti en 2022, dont 42,8 p. 100 à partir de la République dominicaine et 38,4 p. 100 à partir des États-Unis (Nations Unies s.d.a). L’Institut de politique migratoire (Migration Policy Institute - MPI), une organisation [traduction] « non partisane » ayant son siège à Washington qui réalise des travaux de recherche et milite pour de meilleures politiques en matière d’immigration et d’intégration (MPI s.d.), signale que les [traduction] « États-Unis sont la destination la plus populaire pour les migrants haïtiens » et que « nombre » d’entre eux vont au Brésil, au Canada, au Chili et en République dominicaine (MPI 2023-07-05).

Dans une déclaration de février 2023 faite au terme d’une visite officielle en Haïti, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a fait observer que [version française des Nations Unies] « tant que la situation désastreuse du pays n’est pas résolue, il est clair que les violations et abus systématiques des droits humains ne permettent pas actuellement le retour sûr, digne et durable des Haïtiens en Haïti » (Nations Unies 2023-02-10). De même, en avril 2023, le Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination raciale a lancé un appel aux [traduction] « États parties concernés » dans les Amériques afin qu’ils « suspendent le retour forcé des Haïtiens vers leur pays d’origine compte tenu de la situation actuelle en Haïti » (Nations Unies 2023-04-28).

Au cours d’entretiens avec la Direction des recherches, des sources ont signalé qu’il est [traduction] « très rare » (responsables 2024-01-11) ou [traduction] « peu probable » (directeur 2024-01-16; anthropologue indépendant 2024-01-16) que les ressortissants haïtiens retournent volontairement; toutefois, on observe une tendance chez les ressortissants haïtiens à [traduction] « revenir volontairement » de la République dominicaine en raison de préoccupations liées à la sécurité là-bas (responsables 2024-01-11). Au cours d’un entretien conjoint avec la Direction des recherches, un directeur de la Haitian Bridge Alliance (HBA) [1], s’exprimant en son nom personnel, et un anthropologue indépendant, qui habite en Haïti, ont fait remarquer que les Haïtiens ne restent pas longtemps en République dominicaine, mais que ceux qui reviennent des États-Unis sont plus susceptibles de s’être absentés d’Haïti pendant de longues périodes, étant donné qu’il est difficile pour les migrants haïtiens d’atteindre les États-Unis; par exemple, [traduction] « il se peut qu’ils soient aux États-Unis depuis deux mois ou deux ans, mais leur trajet a pu prendre jusqu’à six ans » (directeur 2024-01-16; anthropologue indépendant 2024-01-16).

1.1 Identifiabilité des personnes qui retournent en Haïti

Au cours d’un entretien téléphonique avec la Direction des recherches, le codirecteur de Défenseurs Plus [2], avocat spécialiste du droit international et des droits de la personne à Port-au-Prince, a déclaré que le fait qu’une personne maîtrise l’anglais, mais parle le créole avec difficulté serait un indice pour d’autres Haïtiens qu’il s’agit d’une personne qui revient de l’étranger (avocat 2024-01-17). De même, au cours d’un entretien avec la Direction des recherches, deux responsables de la mission de l’OIM en Haïti [3], s’exprimant en leur nom personnel à titre d’experts en la matière, ont affirmé que [traduction] « de nombreuses » personnes qui retournent en Haïti ne peuvent pas parler le français ou le créole (responsables 2024-01-11). Au cours de l’entretien conjoint, le directeur de la HBA a signalé qu’il connaissait une personne qui avait séjourné trois ans à l’extérieur d’Haïti et qui était identifiable à titre de personne qui revient de l’étranger parce qu’elle avait perdu son accent haïtien (directeur 2024-01-16).

Le directeur et l’anthropologue indépendant ont affirmé que les personnes de retour au pays seront [traduction] « remarquées » (directeur 2024-01-16; anthropologue indépendant 2024-01-16). Ils ont ajouté que la société haïtienne est [traduction] « tissée très serrée [et que] les gens connaissent et reconnaissent les étrangers » (directeur 2024-01-16; anthropologue indépendant 2024-01-16). L’avocat a souligné que Haïti est un « petit pays » et l’arrivée d’une personne à l’aéroport sous escorte policière est une information qui serait partagée dans les familles, les quartiers ou les villages (avocat 2024-01-17). La même source a ajouté que l’arrivée à l’aéroport en vêtements imposés aux « personnes expulsées » par les autorités américaines ou bahamiennes serait aussi un signe qu’il s’agit d’une personne expulsée (avocat 2024-01-17).

2. Traitement réservé aux personnes de retour en Haïti

Selon les responsables, les Haïtiens qui retournent en Haïti sont exposés à des risques, mais ces risques ne sont pas propres à eux et ils touchent l’ensemble du pays (2024-01-11). Les mêmes sources ont déclaré que la société ne réserve pas un traitement particulier aux personnes de retour en Haïti ou expulsées vers Haïti parce que les retours et les expulsions sont si courants (responsables 2024-01-11). De même, dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, le chancelier de l’Institut interuniversitaire de recherche et de développement (Interuniversity Institute for Research and Development - INURED) [4], prenant la parole au nom de l’organisation, a souligné que les personnes qui rentrent au pays [traduction] « se heurteront aux mêmes difficultés politiques, économiques, environnementales et sociales que celles éprouvées par la population générale en ces temps de crise aggravée » en Haïti (INURED 2024-01-18). La même source a déclaré que les personnes de retour au pays ne sont pas [traduction] « forcément prises pour cible ou harcelées » parce qu’elles sont perçues comme des gens n’ayant « pas de ressources » que l’on pourrait tenter d’exploiter (INURED 2024-01-18).

Toutefois, l’avocat a fait remarquer que les Haïtiens qui retournent en Haïti après un long séjour à l’étranger courent un risque (2024-01-17). L’avocat a affirmé que la société perçoit comme riches les personnes de retour au pays après avoir vécu longtemps à l’étranger, ce qui les expose aux enlèvements contre rançon par des criminels ou des groupes criminels parce que la situation économique en Haïti a poussé la société à prendre « des mesures désespérées » (avocat 2024-01-17). La même source a souligné que les personnes de retour au pays courent le risque de se faire assassiner si leur famille n’est pas en mesure de payer la rançon (avocat 2024-01-17).

Au cours de leur entretien conjoint avec la Direction des recherches, à la question de savoir si les personnes qui rentrent en Haïti après un long séjour à l’étranger courent un risque, le directeur et l’anthropologue indépendant ont répondu que [traduction] « la réponse générale est "oui" », en ajoutant que l’insécurité actuelle est « assez grave » (directeur 2024-01-16; anthropologue indépendant 2024-01-16). Les mêmes sources ont aussi déclaré que les personnes qui retournent en Haïti sont menacées par des gens qui profitent du climat d’insécurité au pays et qu’il y a [traduction] « plusieurs couches » aux « menaces » dont les personnes de retour au pays peuvent être les « victimes » (directeur 2024-01-16; anthropologue indépendant 2024-01-16).

Les mêmes sources ont fait observer qu’il y a [traduction] « beaucoup de migration » à Port-au-Prince, où « règne une grande partie de l’insécurité » (directeur 2024-01-16; anthropologue indépendant 2024-01-16). De même, les responsables ont souligné que [traduction] « pratiquement [toutes les personnes qui rentrent au pays] » doivent passer par Port-au-Prince et qu’il s’agit du « principal foyer du risque » (2024-01-11).

L’anthropologue indépendant a signalé que, en raison de la situation économique [traduction] « désastreuse », les personnes qui rentrent au pays sont exploitées et dévalisées après avoir reçu une assistance financière « minimale » pour leur réinstallation en Haïti (2024-01-16). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé d’autres renseignements allant dans le même sens.

2.1 Traitement réservé par la société

Selon l’avocat, la société présume que les personnes qui retournent en Haïti ont été expulsées et, par conséquent, ces personnes sont « stigmatisées » (2024-01-17). La même source a affirmé que les membres de la société chercheront la raison du retour de la personne et voudront savoir si elle se livrait à des activités criminelles à l’étranger (avocat 2024-01-17). De même, le directeur et l’anthropologue indépendant ont déclaré que les gens poseront des questions jusqu’à ce qu’ils sachent qui est la personne, les relations de sa famille et la raison de son retour en Haïti (directeur 2024-01-16; anthropologue indépendant 2024-01-16). Les mêmes sources ont signalé que les personnes de retour au pays qui ont un passé criminel, mais qui ne sont pas en prison font l’objet d’une réprobation sociale (2024-01-16). Ces sources ont ajouté que [traduction] « la crainte et la condamnation sociale » des personnes ayant un passé criminel sont « fortes » (2024-01-16).

D’après l’avocat, il est courant de voir des personnes qui reviennent de la République dominicaine parce que cela se produit si souvent; toutefois, le fait d’être expulsé par le Canada ou les États-Unis est « très mal vu » par la population (avocat 2024-01-17). La même source a ajouté que la société perçoit les personnes qui reviennent du Canada et des États-Unis comme des personnes mêlées à des crimes, au travail illégal ou à des délits financiers (avocat 2024-01-17). L’avocat a aussi fait remarquer qu’elles sont perçues comme des personnes dont la protection offerte au Canada a été « révis[ée] » parce qu’ils n’ont pas respecté les principes et les lois, ou encore parce qu’elles n’ont pas suivi les démarches exigées par la cour (avocat 2024-01-17).

D’après l’INURED, ceux qui retournent en Haïti sont considérés [traduction] « comme des ratés, dans une certaine mesure » (2024-01-18). Les responsables ont déclaré que les personnes de retour au pays sont perçues comme [traduction] « des fardeaux » pour leurs familles parce qu’elles ne peuvent pas travailler (2024-01-11).

Le directeur et l’anthropologue indépendant ont signalé que les personnes qui reviennent dans leur communauté locale en passant par Port-au-Prince sont [traduction] « vues » comme étant des gens qui apportent la violence au sein de la communauté (directeur 2024-01-16; anthropologue indépendant 2024-01-16).

2.2 Traitement réservé par les groupes criminels

Selon le MPI, [traduction] « la violence des gangs et l’insécurité sont des facteurs qui contribuent grandement au déplacement des Haïtiens » (2023-07-05).

À la question de savoir si les gens qui retournent en Haïti après avoir vécu à l’étranger étaient pris pour cible par les criminels, les responsables ont répondu que les Haïtiens de retour ne sont pas expressément pris pour cible parce qu’ils ont vécu à l’étranger et que cela dépend de la perception de leur richesse et de la façon dont ils ont été rapatriés au pays (responsables 2024-01-11). D’après l’INURED, les personnes qui retournent en Haïti ne sont [traduction] « pas nécessairement » prises pour cible par les criminels, car il est entendu qu’il s’agit de migrants de retour qui n’ont pas réussi et qui n’ont « que peu ou pas de moyens » (2024-01-18). Au cours de l’entretien conjoint avec la Direction des recherches, l’anthropologue indépendant a souligné que toute personne au pays ayant de la richesse sera prise pour cible (2024-01-16).

2.2.1 Enlèvement

L’avocat a affirmé que les Haïtiens de retour au pays sont les « cible[s] principale[s] » des groupes criminels pour des enlèvements et des demandes de rançon parce que les criminels présument qu’ils sont riches (2024-01-17). La même source a déclaré que les Haïtiens de retour au pays courent le risque « d’être séquestrés, enlevés, ou assassinés par des membres de groupes criminels » (avocat 2024-01-17).

Le directeur et l’anthropologue indépendant ont signalé que toute personne qui revient des États-Unis risque de se faire enlever parce que les criminels présument que cette personne a des répondants dans ce pays, si bien qu’elle est perçue comme étant riche (directeur 2024-01-16; anthropologue indépendant 2024-01-16). De même, selon Human Rights Watch (HRW), les personnes rapatriées Haïti [version française de HRW] « courent le risque d’être enlevées et de subir du chantage par les gangs criminels », car ces derniers présument que les personnes qui sont rapatriées en Haïti « ont de l’argent pour voyager ou des proches à l’étranger » et ont les moyens de payer des rançons (2022-03-24). D’après les conseils aux voyageurs pour Haïti du gouvernement du Canada, [version française du Canada] « [l]es étrangers sont considérés comme étant riches, ce qui peut susciter l’envie » et « [l]es ravisseurs s’en prennent aussi bien à la population locale qu’aux étrangers, y compris les personnes ayant la double nationalité qui vivent ou voyagent en Haïti, quel que soit leur rang ou leur classe sociale » (Canada 2024-01-09). Les responsables ont affirmé que les personnes qui retournent volontairement en Haïti ont habituellement des revenus qui pourraient les exposer à des risques d’enlèvement, car la diaspora est prise pour cible par les groupes criminels (2024-01-11). La même source a ajouté que si une personne exhibe sa richesse, elle court un risque accru de se faire enlever (responsables 2024-01-11).

2.2.2 Recrutement par les gangs

Le Conseil de sécurité des Nations Unies signale que le groupe criminel 400 Mawozo, dirigé par Germine Joly alias « Yonyon », compte des expulsés dans ses rangs (Nations Unies 2023-09-15, 50). Selon l’anthropologue indépendant, il y a des groupes armés formés de personnes revenues en Haïti qui prennent pour cible d’autres personnes de retour au pays (2024-01-16). Le directeur et l’anthropologue indépendant ont souligné que les personnes de retour en Haïti sont [traduction] « communément » prises pour cible par les gangs et s’exposent à la violence si elles refusent de se joindre à un gang ou de participer à ses activités (directeur 2024-01-16; anthropologue indépendant 2024-01-16). D’après l’INURED, les jeunes renvoyés en Haïti [traduction] « peuvent être recrutés facilement » par les gangs en raison des possibilités restreintes tant pour les jeunes sous-scolarisés que pour les jeunes instruits (2024-01-18).

2.3 Traitement réservé par les groupes d’autodéfense civils

Les responsables ont fait remarquer que les personnes expulsées n’ont pas de pièces d’identité, si bien qu’elles courent un [traduction] « risque très élevé » de se faire tuer par des groupes de défense auto-organisés, tels que le Bwa Kale, qui assurent la sécurité dans les villages et sur les routes (responsables 2024-01-11). De même, le directeur et l’anthropologue indépendant ont signalé que les personnes qui retournent en Haïti peuvent être les victimes de groupes d’autodéfense qui protègent les communautés contre la violence (directeur 2024-01-16; anthropologue indépendant 2024-01-16).

2.4 Traitement réservé par les autorités

D’après les Country Reports on Human Rights for 2022 publiés par le Département d’État des États-Unis, des organisations de la société civile ont soutenu que des expulsés avaient été détenus à leur retour en Haïti même s’ils n’avaient pas commis de crime en Haïti (É.-U. 2023-03-20, 10). La même source a ajouté que des citoyens rapatriés avaient été [traduction] « détenus illégalement par les autorités gouvernementales, qui demandaient des pots-de-vin en échange de leur libération » (É.-U. 2023-03-20, 10). De même, le directeur et l’anthropologue indépendant ont signalé que des enlèvements contre rançon se produisent dans le système carcéral et que les familles de personnes de retour au pays se voyaient exiger [traduction] « une rançon exorbitante » pour obtenir la libération de leur proche par les autorités pénitentiaires (directeur 2024-01-16; anthropologue indépendant 2024-01-16). Selon l’Institut pour la justice et la démocratie en Haïti (Institute for Justice and Democracy in Haiti - IJDH), un organisme sans but lucratif haïtien voué à la défense des droits de la personne dont le siège est aux États-Unis (IJDH s.d.), les personnes rapatriées qui ont un passé criminel à l’étranger [traduction] « continuent d’être particulièrement en danger » en Haïti (IJDH 2023-12, 11). La même source donne l’exemple d’un groupe de 17 personnes qui ont passé du temps dans des prisons aux États-Unis et qui ont été détenues en Haïti pendant deux jours à leur retour, [traduction] « sans eau, ni nourriture, ni soins médicaux, ni matelas » (IJDH 2023-12, 11). De même, le directeur et l’anthropologue indépendant ont fait observer que, en 2022-2023, des personnes de retour au pays avaient été placées dans le pénitencier national et brutalisées durant leur détention, et que la [traduction] « la plupart », mais « peut-être pas toutes », avaient un casier judiciaire aux États-Unis (directeur 2024-01-16; anthropologue indépendant 2024-01-16). Les mêmes sources ont signalé que les personnes de retour au pays sont mises en détention [traduction] « sans motif », ne sont accusées d’aucun crime et sont détenues contre rançon par l’État (directeur 2024-01-16; anthropologue indépendant 2024-01-16).

D’après le directeur et l’anthropologue indépendant, [traduction] « dans certains cas », l’État exploite les personnes de retour au pays et profite d’elles (directeur 2024-01-16; anthropologue indépendant 2024-01-16).

3. Autres facteurs affectant la réintégration

Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, l’INURED a déclaré que les jeunes qui retournent au pays sont [traduction] « très vulnérables » à cause du manque de possibilités d’emploi, ce qui « peut les pousser » à se livrer à des activités criminelles comme l’adhésion à un gang, le vol, la corruption, la prostitution et l’exploitation d’autrui (2024-01-18). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé d’autres renseignements allant dans le même sens.

Au cours de l’entretien conjoint, le directeur et l’anthropologue indépendant ont affirmé que la richesse, le réseau social, l’orientation sexuelle et l’engagement politique sont des facteurs qui faciliteraient ou rendraient plus difficile le retour d’une personne au pays (directeur 2024-01-16; anthropologue indépendant 2024-01-16). Au dire de l’avocat, une personne instruite, qui a un solide réseau familial, qui a maintenu le contact avec ses parents et qui a investi financièrement dans le pays a une « possibilité » de retourner et de se réinstaller (2024-01-17). La même source a fait observer qu’il sera « très difficile » de se réintégrer au pays si la personne est pauvre, n’a pas d’instruction ou n’a pas maintenu de liens familiaux ou si son orientation sexuelle ou son identité de genre ne se conforment pas aux normes sociales acceptables en Haïti (avocat 2024-01-17).

Les responsables ont signalé que les personnes de retour au pays dont l’orientation et les caractères sexuels ainsi que l’identité et l’expression de genre (OCSIEG) doivent être pris en considération sont exposées à une réprobation sociale et à des risques [traduction] « importants » en Haïti (2024-01-11). De même, le directeur et l’anthropologue indépendant ont affirmé que les personnes ayant des OCSIEG dont il faut tenir compte, [traduction] « en particulier celles perçues comme telles », se heurtent à la réprobation sociale et ne peuvent pas trouver un logement ou être hébergées par leurs familles à cause du potentiel « extraordinaire » de violence aux mains des gangs et des voisins, ce qui mettrait leurs familles en danger (directeur 2024-01-16; anthropologue indépendant 2024-01-16). Pour des renseignements additionnels sur la situation des minorités sexuelles et de genre en Haïti, y compris le traitement qui leur est réservé, veuillez consulter la réponse à la demande d’information HTI200283 publiée en juin 2020.

D’après les responsables, bien que la richesse puisse faciliter la réintégration dans la société, les personnes dont la situation financière est meilleure sont des cibles plus attirantes (responsables 2024-01-11). Les mêmes sources ont ajouté que les personnes de retour au pays qui ont vécu longtemps à l’étranger n’ont peut-être pas les [traduction] « stratégies d’adaptation » nécessaires pour réintégrer la société, car la situation en Haïti était [traduction] « beaucoup plus sûre » avant leur départ, et « de nombreuses » personnes qui retournent au pays n’ont plus de liens familiaux ou ne peuvent plus parler le français ou le créole (2024-01-11).

Selon le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, les Haïtiennes expulsées [version française des Nations Unies] « courent un risque élevé d’exploitation et d’atteintes sexuelles » (Nations Unies 2023-09-25, paragr. 51). Le directeur et l’anthropologue indépendant ont souligné que les femmes qui retournent en Haïti sont [traduction] « exposées à un risque » d’exploitation sexuelle parce qu’elles sont vulnérables sur le plan économique (directeur 2024-01-16; anthropologue indépendant 2024-01-16). Les mêmes sources ont fait observer que les adolescentes et les femmes qui sont [traduction] « en mauvaise posture financière » peuvent se faire « exploiter », contraintes à des « relations sexuelles transactionnelles » pour obtenir un passeport ou payer un loyer (directeur 2024-01-16; anthropologue indépendant 2024-01-16). Pour des renseignements additionnels sur la violence sexuelle et fondée sur le genre en Haïti, veuillez consulter la réponse à la demande d’information HTI201783 publiée en février 2024.

D’après le directeur et l’anthropologue indépendant, les personnes qui ont quitté Haïti pour des raisons de sécurité parce qu’elles étaient [traduction] « prises pour cible ou persécutées » se heurteront exactement aux mêmes menaces à leur retour, parce que ces menaces persistent, même après plusieurs années (directeur 2024-01-16; anthropologue indépendant 2024-01-16). De même, l’INURED a signalé que les personnes qui ont quitté Haïti à cause de la persécution politique [traduction] « peuvent », à leur retour, subir des représailles ou « peut-être » leurs familles (2024-01-18). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé d’autres renseignements allant dans le même sens.

4. Traitement réservé aux membres de la famille

Selon des sources, les proches des personnes de retour en Haïti sont exposés aux mêmes risques que ces personnes elles-mêmes pour ce qui est des enlèvements (directeur 2024-01-16; anthropologue indépendant 2024-01-16; avocat 2024-01-17) et, d’après l’avocat, ils courent aussi les mêmes risques de se faire enlever ou tuer par les groupes criminels (2024-01-17). Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, l’INURED a signalé que si la famille a contracté une dette pour faciliter la migration d’un membre de la famille et que ce membre de la famille revient au pays, cette tentative infructueuse signalera au prêteur qu’il ne pourra pas récupérer son argent, ce qui peut entraîner des représailles (INURED 2024-01-18). Le directeur et l’anthropologue indépendant ont fait observer que les familles des personnes de retour au pays éprouvent des [traduction] « difficultés économiques extrêmes » parce qu’elles ont rassemblé de l’argent en faisant appel à des amis ou à la communauté ou parce qu’elles ont fait de « grands sacrifices », par exemple en vendant des parcelles de terre ou du bétail, pour permettre à un membre de la famille d’aller à l’étranger (directeur 2024-01-16; anthropologue indépendant 2024-01-16).

Le directeur et l’anthropologue indépendant ont déclaré que [traduction] « la condamnation sociale et la crainte » « importantes » des personnes ayant un passé criminel pourraient exposer la famille de la personne de retour au pays à des « risques » (directeur 2024-01-16; anthropologue indépendant 2024-01-16).

5. Protection offerte par l’État

Selon des sources, le gouvernement n’offre pas de programmes (HRW 2023-01-12) ou il n’existe [traduction] « aucun soutien » (INURED 2024-01-18) pour la réintégration des personnes de retour en Haïti (HRW 2023-01-12; INURED 2024-01-18). Dans une déclaration faite en février 2023, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a affirmé ce qui suit :

[version française des Nations Unies]

Des communautés entières étant prises en otage par des gangs, les services sociaux publics sont largement absents. Alors que les organisations non gouvernementales et les agences des Nations Unies s'efforcent de fournir une aide indispensable, les « fondations » de ces quartiers sont souvent utilisées par les gangs pour contrôler une partie de l'aide.

[…]

Le manque de ressources et de personnel dans les forces de police, associé à une corruption chronique et à un système judiciaire faible, font que l'impunité est un problème central depuis des décennies maintenant .

[…]

La corruption rampante est un obstacle à la réalisation des droits économiques et sociaux, elle mine davantage des institutions déjà fragiles, notamment le système judiciaire et la police, et elle est profondément corrosive dans tous les aspects de la vie quotidienne du peuple haïtien (Nations Unies 2023-02-10).

D’après HRW, [version française de HRW] « [a]ctuellement, les renvois vers Haïti mettent la vie des personnes expulsées en danger et cela restera le cas tant que les conditions de sécurité ne se seront pas améliorées » (2022-03-24). Le gouvernement du Canada signale que [version française du Canada] « [l]a présence policière dans le pays est limitée et non garantie » (2024-01-09). Selon le MPI, [traduction] « la police est faible, manque d’effectifs et de matériel, si bien que la population est laissée à la merci des gangs » (2023-07-05). La même source fait remarquer que [traduction] « [l]e peu de présence gouvernementale qui existe est en proie à la corruption généralisée » (MPI 2023-07-05). D’après l’INURED, le gouvernement montre une [traduction] « volonté politique peu encline » à venir en aide aux Haïtiens migrants et à ceux de retour au pays (2024-01-18). L’avocat a déclaré que le gouvernement n’a pas de ressources ou de politiques pour aider les personnes de retour, « surtout » celles qui arrivent du Canada et des États-Unis (2024-01-17).

D’après les responsables, l’organisme gouvernemental chargé de prêter assistance aux migrants est l’Office national de la migration (ONM) (2024-01-11). Les responsables ont signalé que les ressources financières de l’ONM sont restreintes et que l’organisme ne peut offrir que très peu d’aide (2024-01-11). De même, l’avocat a déclaré que les Haïtiens rapatriés des États-Unis ou du Canada reçoivent une aide « très minime » (2024-01-17). Des sources ont signalé que, à l’arrivée des migrants en Haïti, l’ONM les rencontre et leur remet une petite somme d’argent pour leur permettre de se rendre chez eux (avocat 2024-01-17; INURED 2024-01-18). Des sources ont fait observer que la protection est [[traduction] « extrêmement » (responsables 2024-01-11)] limitée (responsables 2024-01-11; INURED 2024-01-18) ou « n’existe pas » en Haïti (avocat 2024-01-17). Au cours de leur entretien conjoint avec la Direction des recherches, le directeur et l’anthropologue indépendant ont affirmé qu’il n’y a [traduction] « absolument aucune mesure de protection » pour les personnes de retour au pays et que l’État ne peut pas « assurer leur sécurité » (directeur 2024-01-16; anthropologue indépendant 2024-01-16). Les mêmes sources ont ajouté que l’État [traduction] « ne peut pas se charger du transport » des personnes qui rentrent au pays pour leur permettre de retourner à leurs communautés (directeur 2024-01-16; anthropologue indépendant 2024-01-16).

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Notes

[1] La Haitian Bridge Alliance (HBA) est une organisation communautaire à but non lucratif qui [traduction] « milite en faveur de politiques migratoires justes et humaines » et qui offre « des services sociaux, juridiques et humanitaires » aux migrants et aux immigrants, « en accordant une attention particulière aux Noirs, à la communauté haïtienne, aux femmes et aux filles, aux personnes LGBTQIA+, ainsi qu’aux victimes de torture et d’autres atteintes aux droits de la personne » (HBA s.d.).

[2] Défenseurs Plus est un collectif sans but lucratif qui s’est donné pour mission de défendre les droits de la personne en Haïti [version française de Défenseurs Plus] « pour parvenir à un véritable état de droit démocratique » (Défenseurs Plus s.d.).

[3] L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) en Haïti apporte [traduction] « une aide humanitaire aux migrants, y compris aux personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays et aux migrants de retour, et […] renfor[ce] les capacités de l’État », en collaboration avec le gouvernement d’Haïti et les ONG (Nations Unies s.d.b).

[4] L’Institut interuniversitaire de recherche et de développement (Interuniversity Institute for Research and Development – INURED) est un institut de recherche à Port-au-Prince qui [version française de l’INURED] « contribu[e] au développement de la recherche et de la formation scientifique de haut niveau en Haïti en vue d’améliorer les conditions d’éducation, socioéconomique et politique des [H]aïtiens » (INURED 2024-01-18).

Références

Anthropologue indépendant. 2024-01-16. Entretien conjoint avec la Direction des recherches.

Avocat, codirecteur de Défenseurs Plus. 2024-01-17. Entretien avec la Direction des recherches.

Canada. 2024-01-09. Affaires mondiales Canada. « Haiti Travel Advice ». Travel.gc.ca. [Date de consultation : 2024-01-09]

Défenseurs Plus. S.d. « Who we are? ». [Date de consultation : 2024-01-24]

Directeur, Haitian Bridge Alliance (HBA). 2024-01-16. Entretien conjoint avec la Direction des recherches.

États-Unis (É.-U.). 2023-03-20. Department of State. « Haiti ». Country Reports on Human Rights Practices for 2022. [Date de consultation : 2024-01-15]

Haitian Bridge Alliance (HBA). S.d. « About Us ». [Date de consultation : 2024-01-19]

Human Rights Watch (HRW). 2023-01-12. « Haiti ». World Report 2023: Events of 2022. [Date de consultation : 2024-01-08]

Human Rights Watch (HRW). 2022-03-24. « Haitians Being Returned to a Country in Chaos: Humanitarian, Security Crisis Makes Deportations Unsafe ». [Date de consultation : 2024-01-08]

Institute for Justice and Democracy in Haiti (IJDH). 2023-12. Human Rights and the Rule of Law in Haiti: Key Recent Developments June through November 2023. [Date de consultation : 2024-01-09]

Institute for Justice and Democracy in Haiti (IJDH). S.d. « About Us ». [Date de consultation : 2024-01-24]

Interuniversity Institute for Research and Development (INURED). 2024-01-18. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

Migration Policy Institute (MPI). 2023-07-05. Emmanuela Douyon. « Haitians Flee a Nation Nearing Collapse ». [Date de consultation : 2024-01-08]

Migration Policy Institute (MPI). S.d. « About the Migration Policy Institute ». [Date de consultation : 2024-01-08]

Nations Unies. 2023-09-25. Conseil des droits de l’homme. Situation of Human Rights in Haiti. (A/HRC/54/79) [Date de consultation : 2024-01-10]

Nations Unies. 2023-09-15. Conseil de sécurité. Final report of the Panel of Experts on Haiti Submitted Pursuant to Resolution 2653 (2022). (S/2023/674) [Date de consultation : 2024-01-10]

Nations Unies. 2023-04-28. Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CEDR). Situation of Migrants, Asylum Seekers and Refugees of Haitian Origin in the Americas Region. [Date de consultation : 2024-01-08]

Nations Unies. 2023-02-10. Haut-Commissariat aux droits de l’homme. « UN High Commissioner for Human Rights Volker Türk Concludes his Official Visit to Haiti ». [Date de consultation : 2024-01-09]

Nations Unies. 2023-02. Organisation internationale pour les migrations (OIM). Repatriated Migrants in Haiti by Air and Sea in 2022: Profiles and Needs. [Date de consultation : 2024-01-08]

Nations Unies. S.d.a. Organisation internationale pour les migrations (OIM). Statistics on Forced Returnees in Haiti since 2021. [Date de consultation : 2024-01-08]

Nations Unies. S.d.b. Organisation internationale pour les migrations (OIM). « IOM in Haiti ». [Date de consultation : 2024-02-09]

Responsables. 2024-01-11. Organisation internationale pour les migrations (OIM). Entretien avec la Direction des recherches.

Autres sources consultées

Sources orales : représentant de l’Initiative citoyenne pour les droits de l’homme; représentant du Centre justice et foi; représentant du Groupe d’appui aux rapatriés et réfugiés; représentant du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme en Haïti.

Sites Internet, y compris : Al Jazeera; Amnesty International; Associated Press; Austrian Red Cross – Austrian Center for Country of Origin & Asylum Research and Documentation, ecoi.net; Axios; Belgique – Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides; CARICOM; Défenseurs Plus; États-Unis – Agency for International Development, Department of Homeland Security; The Hill; InSight Crime; International Crisis Group; Médecins sans frontières; Miami Herald; National Public Radio; Nations Unies – Bureau intégré des Nations Unies en Haïti; The New York Times; Organisation des États américains; Réseau national de défense des droits humains; Reuters; Toronto Star; Washington Office on Latin America.


 
 
 
 
 
 

Verknüpfte Dokumente