Haïti : information sur la situation des partis politiques et sur le traitement réservé aux opposants politiques, y compris par les groupes criminels (2021-janvier 2023) [HTI201333.F]

Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada

1. Aperçu de la situation politique en Haïti

Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, une représentante du Réseau national de défense des droits humains (RNDDH), une ONG haïtienne engagée dans l'éducation en matière des droits de la personne et la surveillance de ses violations (RNDDH s.d.), a signalé que la situation politique actuelle « est vraiment chaotique » et que « toutes les institutions démocratiques sont complètement dysfonctionnelles » (RNDDH 2023-01-26). Des sources rapportent qu'après l'assassinat du président Jovenel Moïse, les États-Unis et d'autres acteurs internationaux ont soutenu Ariel Henry en tant que premier ministre (nommé par Moïse avant sa mort), bien qu'il n'ait pas été validé comme tel par les institutions législatives haïtiennes (É.-U. 2022-08-02, 1; professeur titulaire 2023-01-31). Selon le Service de recherche du Congrès (Congressional Research Service – CRS) des États-Unis, le premier ministre Henry a proposé de se maintenir en poste en attendant la convocation des prochaines élections, dans quel but il a nommé un conseil électoral provisoire (É.-U. 2022-08-02, 1). La même source signale que la Conférence citoyenne pour une solution haïtienne à la crise (connue sous le nom de groupe Montana), composée de nombreux organismes de la société civile et partis politiques, a tenté de former un gouvernement intérimaire d'une durée de deux ans comme une solution de rechange à la proposition d'Ariel Henry; après des mois de consultations, le groupe Montana est parvenu à un accord en août 2021 (dit [traduction] « accord Montana ») qui proposait la création d'un gouvernement intérimaire, dirigé par un président avec un premier ministre et des comités de surveillance, pour rétablir l'ordre et préparer des élections (É.-U. 2022-08-02, 1). Selon des sources, le 30 janvier 2022 en vertu de l'accord Montana, les élections ont été tenues à l'issue desquelles Fritz Alphonse Jean et Steven Benoit ont été respectivement élus président et premier ministre (VBI 2022-01-30; Le Nouvelliste 2022-01-31; HaïtiLibre 2022-01-31) par 42 « délégués » (Van Bèf Info 2022-01-30) ou par 42 membres du Conseil national de transition (HaïtiLibre 2022-01-31). Cependant, selon Insecurity Insight, une organisation dont le siège est en Suisse qui traite des données relatives à l'insécurité et de ses répercussions sur la vie humaine (Nations Unies s.d.), Ariel Henry a rejeté l'accord Montana disant qu'il n'y a pas de précédent juridique ou constitutionnel à cet égard (2022-02). En janvier 2023, Steven Benoit a démissionné du poste de premier ministre élu de l'accord Montana (Haiti24 2023-01-30; VBI 2023-01-30).

Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un professeur titulaire en développement international et mondialisation à l'Université d'Ottawa ayant 17 ans d'expérience dans la recherche sur Haïti a affirmé que « il n'y a aucun.e élu.e actuellement en fonction au niveau national en Haïti, ni à l'exécutif, ni au pouvoir législatif du pays » dans la mesure où Ariel Henry, le premier ministre « de facto », « n'a pas été élu » tandis que les mandats d'autres dirigeants élus sont échus et les élections qui étaient prévues pour les remplacer n'ont pas eu lieu, ce qui rend le Sénat et la Chambre des députés « caduques » (professeur titulaire 2023-01-31). Selon Al Jazeera et l'Associated Press (AP), jusqu'en janvier 2023 [traduction] « [l]e Sénat était la dernière institution démocratique élue d'Haïti bien que ses rangs aient été réduits à 10 après que le pays n'a pas organisé d'élections législatives en 2019 pour pourvoir les sièges vacants » (Al Jazeera & AP 2023-01-10). Des sources rapportent que les 10 sénateurs qui restaient ont vu leur mandat prendre fin en janvier 2023 (Al Jazeera & AP 2023-01-10; NPR 2023-01-18). Les mêmes sources affirment qu'après l'expiration des derniers mandats, Haïti s'est retrouvé [traduction] « sans un seul législateur à la Chambre ou au Sénat » (Al Jazeera & AP 2023-01-10) ou sans représentants élus (NPR 2023-01-18).

Selon AyiboPost, un média en ligne qui fait du « journalisme explicatif » pour Haïti (AyiboPost s.d.), 166 partis politiques ont été homologués par le Conseil électoral provisoire (CEP) pour participer aux élections de 2016 et plusieurs autres partis ont été créés par la suite (2020-10-20). La même source signale dans un article publié en mai 2019 que sur l'échantillon de 83 partis politiques étudiés pour l'article, seuls 2 avaient un site Internet « mis à jour » et 11 avaient une page Facebook « active » (AyiboPost 2019-05-09). Le National, un journal quotidien en Haïti, signale dans un article en ligne de mars 2022 que « plus de » 165 partis sont enregistrés auprès du ministère de la Justice dont « plusieurs […] se disent positionnés au centre-gauche » (2022-03-16). Dans un article de mars 2022 publié par Le Scientifique, une revue qui « promeut la recherche scientifique et socioprofessionnelle en Haïti et dans les [C]araïbes » (Le Scientifique s.d.), on peut lire aussi qu'il existe 108 partis politiques haïtiens « agréés » par le CEP et que chaque parti a « l'intention » de présenter un candidat aux élections présidentielles (2022-03-18). Selon la même source,

[c]es partis politiques, pour la plupart, n'ont aucun cadre normatif, aucun directoire participatif, voire un programme politique. Delà, il est extrêmement difficile d'identifier l'idéologie des partis politiques ha[ï]tiens (Le Scientifique 2022-03-18).

La représentante du RNDDH a signalé « [qu']aucun » accord politique « transparent » n'a été trouvé (RNDDH 2023-01-26). Des sources rapportent la signature d'un accord le 11 septembre 2021 par Ariel Henry et plusieurs regroupements politiques (RNDDH 2023-01-26; HaïtiLibre 2021-09-12; Le National 2022-09-13). Selon des sources, l'accord a été signé par [des représentants de la société civile (HaïtiLibre 2021-09-12) et] des partis politiques, y compris la Fusion des sociaux-démocrates haïtiens (Fusion), le Secteur démocratique et populaire (SDP) et l'Inite Patriotik (Inite) [ou Unité] (HaïtiLibre 2021-09-12; Le National 2022-09-13). HaïtiLibre, une source d'actualités haïtienne (HaïtiLibre s.d.), explique qu'avec l'accord, « l'opposition a accepté que pendant la période de transition il n'y ait pas de Président provisoire et que le pays soit dirigé » par le Conseil des ministres sous la gouverne d'Ariel Henry (2021-09-12). Cependant, un article publié en janvier 2022 par Le Nouvelliste, un quotidien haïtien, signale que des adhérents de l'accord ont constaté des « violations » de ses termes (2022-01-14). Dans un article publié en septembre 2022 par Le National, on peut lire que des signataires se sont retirés en signe de protestation contre une application non « rigoureus[e] » de l'accord (2022-09-13).

Selon des sources, Ariel Henry a conclu un nouvel accord politique le 21 décembre 2022 (RNDDH 2023-01-26; Le National 2023-01-06; Haiti24 2022-12-22). Des médias soulignent que le document prolonge le mandat d'Ariel Henry jusqu'en février 2024 (Le National 2023-01-06; Haiti24 2022-12-22) et prévoit des élections pour 2023 (Haiti24 2022-12-22). Selon la représentante du RNDDH, « plusieurs » organisations de la société civile considèrent l'accord comme de la « démagogie qui vise à renforcer le pouvoir d'Ariel Henry » (RNDDH 2023-01-26). Selon un article publié par AlterPresse, un « réseau alternatif haïtien d'information » (AlterPresse s.d.), le groupe Montana qualifie le document de « démagogique et de partisan[] » (2022-12-23).

1.1 Partis politiques détenant le plus de pouvoir ou d'influence

Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches a trouvé peu d'information sur les partis politiques qui détiennent le plus de pouvoir ou d'influence en Haïti.

La représentante du RNDDH a signalé que, parmi les partis politiques les plus puissants ou influents, on retrouve le Parti Haïtien Tèt Kale (PHTK), Inite et Fusion (RNDDH 2023-01-26). Le professeur titulaire a souligné qu'Ariel Henry « est issu du parti d'opposition Inite, mais la majorité de ses ministres et cadres sont issus du […] PHTK[], le parti fondé par l'ancien Président Michel Martelly. Ensemble, ils dirigent une coalition de partis » (2023-01-31). Selon la même source, le parti Inite est « majoritairement en opposition au gouvernement de facto » (professeur titulaire 2023-01-31). La source a ajouté que d'autres acteurs se sont joints à la coalition en 2021 et 2022, y compris du Rassemblement des démocrates nationaux progressistes (RDNP) (professeur titulaire 2023-01-31).

1.1.1 Évolution du PHTK

Les renseignements contenus dans le paragraphe suivant ont été fournis par le professeur titulaire :

« La situation interne du PHTK est devenue très floue depuis l'assassinat » de Jovenel Moïse, qui était membre du parti. La réputation du PHTK est « entaché[e] » par des accusations de complicité avec des groupes criminels. Les gouvernements du Canada et des États-Unis ont infligé des sanctions contre Michel Martelly, le fondateur du parti qui en dirige encore une aile, pour sa « collusion avec des gangs, pendant et depuis sa présidence ». Ariel Henry fait l'objet d'accusations de la part du groupe Montana de « connivence avec d'autres gangs criminels » (professeur titulaire 2023-01-31).

Les renseignements contenus dans le paragraphe suivant ont été fournis par un chargé de projet qui travaille sur Haïti au sein du Centre d'étude et de coopération internationale (CECI), un organisme canadien de coopération internationale qui mène « des projets de développement durable en Afrique, en Asie et dans les Amériques » (CECI s.d.), dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches :

Le PHTK a été « fragmenté » à la suite de la mort de Jovenel Moïse. Le parti se divise en diverses factions, dont les deux plus grandes présentement sont : d'un côté, le courant appartenant à Michel Martelly, ancien président dont Ariel Henry, premier ministre actuel, s'est rapproché; et d'un autre côté, le courant de Jovenel Moïse, maintenant dirigé par Claude Joseph, un ancien ministre des Affaires étrangères et ancien premier ministre par intérim. Le mouvement est à la tête du pays en coalition gouvernementale à côté des anciens partis d'opposition incluant notamment la Fusion et le SDP, auxquels s'est récemment ajouté le RDNP après que Mirlande Manigat a été nommée membre du Haut Conseil de transition (HCT) en vertu de l'accord du 21 décembre 2022 [1]. « Au-delà des partis politiques, le pouvoir se maintient aussi en place grâce à des alliances stratégiques avec des chefs de gangs » (chargé de projet 2023-01-22).

La représentante du RNDDH a également souligné que le PHTK est « le parti politique le plus puissant en ce moment » puisque certains proches de Jovenel Moïse se sont alliés avec ses anciens opposants après son assassinat, « pour contrôler le pouvoir avec Ariel Henry » (RNDDH 2023-01-26).

1.2 Partis et mouvements d'opposition en Haïti
1.2.1 Partis d'opposition traditionnels

Le chargé de projet au sein du CECI a affirmé que l'opposition est « plurielle » et possède une « faible capacité d'influence » pour plusieurs raisons dont la pauvreté, le « bâillonnement », la répression, la corruption et l'absence ou l'inefficacité de mobilisation (chargé de projet 2023-01-22). Parmi les principaux partis politiques d'opposition, les sources ont noté Fanmi Lavalas, Organisation du peuple en lutte (OPL) et Platfòm Pitit Desalin (chargé de projet 2023-01-22) ou Ayiti an aksyon (AAA) (RNDDH 2023-01-26).

1.2.2 Groupe Montana

Le professeur titulaire décrit le groupe Montana comme une « large » coalition de partis d'opposition et d'organisations de la société civile (2023-01-31). Selon le chargé de projet, l'accord Montana constitue « le principal challenger du pouvoir actuel », car il bénéficie d'une « très large » acceptation auprès des classes moyennes et populaires en Haïti et « d'une certaine reconnaissance » au niveau international (chargé de projet 2023-01-22). La même source a par ailleurs affirmé que l'accord regroupe des mouvements sociaux et divers partis dont les tendances politiques sont variées (2023-01-22).

1.2.3 Organisations de la société civile

Selon le chargé de projet au sein du CECI, il y a eu des « mouvements sociopolitiques » qui ont été « à certains moments très actifs » et constituaient alors « les leaders de la véritable opposition » (chargé de projet 2023-01-22). Parmi ces mouvements de la société civile, la même source cite diverses organisations à l'origine du mouvement Petro Karibe, comprenant entre autres le Nou pap dòmi et évoque également le cas du Konbit regroupant une variété des organisations à but social et des partis politiques situés à gauche de l'échiquier politique (chargé de projet 2023-01-22). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

2. Traitement réservé aux opposants politiques
2.1 Traitement réservé par le gouvernement d'Ariel Henry

Le chargé de projets au CECI a affirmé que le gouvernement d'Ariel Henri n'est pas « assez fort » pour s'en prendre « frontalement » aux chefs des partis qui sont libres d'exprimer leur opposition au pouvoir dans les médias (chargé de projet 2023-01-22). Selon la représentante du RNDDH, les opposants politiques en Haïti « n'ont jamais eu de bon traitement » et cela n'a point changé sous le gouvernement d'Ariel Henry; le gouvernement actuel « continue d'utiliser les forces de l'ordre pour [les] réprimer » (RNDDH 2023-01-26). Selon le chargé de projet, les personnes « les plus ciblées » par la répression gouvernementale sont « les militants de base » des partis politiques et des mouvements sociaux; ces militants sont, « le plus souvent », arrêtés et emprisonnés lors de manifestations antigouvernementales (2023-01-22). La même source a ajouté que les leaders [des militants de base] sont « systématiquement poursuivis » par la police et les commissaires gouvernementaux « pour les porter à fuir leurs zones d'influence » (chargé de projet 2023-01-22).

Le chargé de projet a également signalé que le gouvernement continue d'utiliser les pratiques « traditionnelle[s] » à l'égard des opposants politiques, d'abord « la cooptation en essayant de les faire taire », soit par l'offre d'un poste dans l'administration ou un acte de corruption, ou par la suite en cas de refus, en tentant de les réprimer à travers divers moyens « allant de l'intimidation, en passant par l'emprisonnement jusqu'à l'assassinat » (chargé de projet 2023-01-22). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens. La représentante du RNDDH donne l'exemple de cinq membres fondateurs de Bwa kale, un mouvement « antigouvernemental », qui ont été retrouvés morts en octobre 2022, quelques jours après avoir été arrêtés (RNDDH 2023-01-26). Le Secrétaire général des Nations Unies par l'intermédiaire du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) rapporte l'arrestation de cinq militants d'opposition lors d'une manifestation par des « individus vêtus d'uniforme de police » et la découverte de leur cadavre quelques jours plus tard (Nations Unies 2023-01-17, paragr. 41).

Le Washington Post rapporte par ailleurs qu'après l'assassinat du président Moïse en 2021, [traduction] « beaucoup de Haïtiens » ont commencé à croire que les autorités utilisent l'enquête pour réprimer les opposants politiques, après une série de mandats d'arrêt lancée par un procureur de Port-au-Prince contre certains d'entre eux (2021-08-08). On peut lire dans le même article que certains juges et greffiers enquêtant sur l'affaire rapportent avoir subi des pressions pour falsifier leurs rapports; deux des greffiers signalent avoir reçu des appels téléphoniques anonymes leur demandant d'ajouter les noms de certains des [traduction] « principaux détracteurs de Moïse », demande qu'ils ont refusée (The Washington Post 2021-08-08). D'après Reuters, les deux greffiers ont reçu des appels anonymes leur demandant [traduction] « de falsifier des rapports ou d'enlever des noms » (2022-01-20).

En revanche, dans une communication écrite envoyée à la Direction de recherche, le directeur général de Haiti Democracy Project, une organisation sans but lucratif basée aux États-Unis [dont l'objectif principal est de [traduction] « de protéger les élections des attaques par des éléments antidémocratiques » (Haiti Democracy Project s.d.) et qui a reçu du financement de l'Agence américaine pour le développement international (United States Agency for International Development - USAID) (CBC 2016-11-22)], a affirmé qu'Ariel Henry [traduction] « n'est pas un membre de la mafia politique » (Haiti Democracy Project 2023-01-26). La même source note néanmoins que le gouvernement haïtien est [traduction] « mal coordonné » et que le degré de contrôle exercé par le premier ministre sur ses sections n'est pas clair (Haiti Democracy Project 2023-01-26).

2.2 Traitement réservé par les groupes criminels

Le chargé de projet au sein du CECI a affirmé que « [d]ans certaines zones, des dirigeants politiques et militants qui sont hostiles aux pratiques des gangs et qui essayent de sensibiliser » la population [au sujet de cet enjeu] se retrouvent visés par ces groupes criminels et « beaucoup de » dirigeants communautaires ont été « assassinés » (chargé de projet 2023-01-22).

Les renseignements contenus dans le paragraphe suivant ont été fournis par la représentante du RNDDH :

« Les groupes criminels [sont] souvent orientés et utilisés par le pouvoir en place ». Lorsqu'il n'est pas possible d'utiliser la police « pour attaquer ou détruire un opposant », les dirigeants ont recours aux « bandits ». Dans « certaines zones », « les bandits interdisent les rassemblements populaires ». Le RNDDH a documenté sous les gouvernements d'Ariel Henry et de Jovenel Moïse un total de 18 massacres [commis par les groupes criminels], qui ont entraîné 969 morts, « plus de » 167 blessés, « plus de » 102 viols et « plus de » 392 maisons incendiées ou détruites. Les massacres servent d'outil pour « répr[imer] » « les citoyens des quartiers défavorisés, qui sont des zones de résistance face au pouvoir en place » (RNDDH 2023-01-26).

Parmi les opposants politiques victimes de la violence des groupes criminels, des sources citent Eric Jean Baptiste, tué en octobre 2022, qui était ancien candidat aux élections présidentielles (Nations Unies 2023-01-17, paragr. 13; professeur titulaire 2023-01-31) ou leader du parti RDNP (CNN 2022-10-29; Reuters 2022-10-29). Selon CNN, Eric Jean Baptiste avait précédemment subi une tentative d'assassinat où il avait survécu à une blessure par balle (2022-10-29). Reuters signale que la mort du politicien est survenue dans le quartier de Laboule 12 contrôlé par un gang appelé « Ti Makak » et a été précédée par l'assassinat de l'ancien sénateur Yvon Buissereth qui a également eu lieu dans le même quartier et a été attribué au même groupe criminel par un responsable gouvernemental (2022-10-29). HaïtiLibre souligne de même que le décès de Yvon Buissereth dans le quartier de Laboule 12 est attribué au gang Ti Makak (2022-08-07). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a trouvé aucun renseignement sur des liens particuliers entre Ti Makak et le gouvernement d'Ariel Henry.

3. Voies de droit dont disposent les opposants politiques

Les renseignements contenus dans le paragraphe suivant ont été fournis par le professeur titulaire :

Les opposants politiques peuvent « [e]n principe » porter plainte devant la Police nationale d'Haïti (PNH) et auprès du tribunal de première instance compétent dans leur région lorsqu'ils ont été « victimes de menaces ou de graves crimes contre leur personne (ou contre leurs proches) », auquel cas, les investigations « devraient » être menées avant de « procéder à l'arrestation des accusés, juger ces personnes et les condamner s'il y a lieu ». En revanche, du fait de défaillance de l'appareil judiciaire, le système est « incapable » d'offrir de la justice pour un opposant politique ou un membre d'une organisation de défense droits de la personne (à l'instar du RNDDH); « même l'assassinat de l'ex-président Moïse (du parti PHTK au pouvoir) n'a pas abouti à des sanctions juridiques » (professeur titulaire 2023-01-31).

Selon le chargé de projet au sein du CECI, « différents mécanismes de recours » existent « [e]n théorie »; les tribunaux ordinaires et spéciaux peuvent accueillir des plaintes tandis que l'Inspection générale de la PNH peut être saisie en cas d'abus d'autorité par un policier (chargé de projet 2023-01-22). Néanmoins, la même source a également souligné que, dans les faits, les mécanismes ne marchent pas « en raison du manque d'indépendance du pouvoir judiciaire » vis-à-vis du pouvoir exécutif et à cause de la corruption (chargé de projet 2023-01-22). D'après cette source, il n'y a donc pas de voies de droit possibles « [e]n réalité » dans la mesure où plus on a d'argent ou de pouvoir, « moins on est passible de poursuites judiciaires et/ou policières » (chargé de projet 2023-01-22). Les sources ont signalé qu'il n'existe « aucun » recours politique ou voie de droit pour les opposants politiques en Haïti (RNDDH 2023-01-26; Haiti Democracy Project 2023-01-26). La représentante du RNDDH note cependant que la société civile peut « faire pression auprès des autorités en faveur des opposants victimes des gouvernements en place » (RNDDH 2023-01-26).

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Note

[1] Selon HaïtiLibre, l'Accord du 21 décembre 2022 prévoit la mise en place du Haut Conseil de transition (HCT), mais les noms des trois membres dévoilés le 21 décembre (Mirlande Manigat pour représenter les partis politiques, Calixte Fleuridor pour la société civile et Laurent Saint Cyr pour le secteur privé) ne figurent pas à la base dans le texte de cet accord (2023-01-12). Le journal en ligne la Gazette Haiti signale l'ouverture en février 2023 des bureaux du HCT qui a notamment comme rôle de « "choisir le Comité d'experts en charge de la révision de la Constitution […]; coopérer avec le Premier Ministre et le Conseil des Ministres pour définir une feuille de route comportant des étapes et des délais précis et mettre en œuvre un plan d'action stratégique pour la période de transition » (2023-02-06).

Références

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Le Scientifique. S.d. « Qui sommes-nous ? ». [Date de consultation : 2023-01-20]

Vant Bèf Info (VBI). 2023-01-30. « Steven Benoît démissionne comme premier ministre de l'Accord de Montana ». [Date de consultation : 2023-02-01]

Vant Bèf Info (VBI). 2022-01-30. « Accord de Montana: Fritz Alphonse Jean président, Steven Benoit premier ministre ». [Date de consultation : 2023-02-01]

The Washington Post. 2021-08-08. Widlore Mérancourt, Samantha Schmidt & Shawn Boburg. « In Haiti, a Clouded Assassination Probe Prompts Fears of Political Crackdowns ». [Date de consultation : 2023-02-01]

Autres sources consultées

Sources orales : Action citoyenne pour l'abolition de la torture; ancien juge de la Cour suprême d'Haïti; Association des femmes soleil d'Haïti; Avocats sans frontières; Bureau des avocats internationaux; Bureau des droits humains en Haïti; cabinet d’avocats haïtien spécialisé notamment en droit constitutionnel et droit public; Centre de recherche et de formation économique et sociale pour le développement; Défenseurs plus; Groupe d'appui aux rapatriés et réfugiés; Haïti – Office de la protection du citoyen; Initiative citoyenne pour les droits de l'homme; Institute for Justice and Democracy in Haiti; International Association of Women Judges; Interuniversity Institute for Research and Development; journaliste et responsable de communication dans un média haïtien en ligne; Nations Unies – Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti; OXFAM-Québec en Haïti; Plate-forme des organisations haïtiennes des droits humains; professeure adjointe des sciences sociales dans une université américaine et dans une université haïtienne spécialisée sur les politiques en Haïti; professeure agrégée de droit dans une université américaine effectuant les recherches sur Haïti; professeur de sociologie politique dans une université mexicaine spécialisé en politiques haïtiennes; professeur en sciences politiques et relations internationales dans une université canadienne menant des recherches sur les politiques haïtiennes.

Sites Internet, y compris : Amnesty International; Austrian Red Cross – ecoi.net; BBC; Bertelsmann Stiftung; Center for Strategic and International Studies; États-Unis – Department of State, Library of Congress; Factiva; France – Office français de protection des réfugiés et apatrides; France24; Freedom House; The Guardian; Haïti – Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, ministère de la Justice et de la Sécurité publique, Police nationale d'Haïti; The Haitian Times; Haïti en Marche; Haïti Inter; Haïti Progrès; Haïti standard; Hebdo 24; Human Rights Watch; Institut culturel Karl Lévêque; International Crisis Group; International Peace Bureau; Interuniversity Institute for Research and Development; Journal de Montréal; Juno7; Loop News; Médecins du monde; Minority Rights Group International; Le Monde; Nations Unies – Refworld; The New Humanitarian; The New Yorker; La Presse; Radio-Canada; Radio France internationale; Reporters sans frontières; Transparency International; TV5Monde; Voice of America.

 

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