Haïti : information sur la disponibilité des documents officiels depuis le séisme du 14 août 2021, y compris sur la possibilité de se procurer des documents frauduleux; information indiquant si les autorités peuvent délivrer des documents tels que les actes de naissance et de décès, les rapports de police et les cartes d'identité nationales (CIN) (2021–juin 2022) [HTI201065.F]

Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada

1. Aperçu

Selon des sources, le séisme du 14 août 2021 a dévasté le sud d'Haïti avec plus de 2 000 personnes qui ont perdu la vie et plus de 50 000 bâtiments qui se sont effondrés, y compris des habitations et des établissements publics (Médecins du monde 14 févr. 2022; Nations Unies 21 sept. 2021, 1; Haïti 4 sept. 2021, 2, 3, 5). L'Organisation internationale pour les migrations (OIM) signale que « [c]e séisme a affecté de manière considérable les bâtiments et maisons de la péninsule sud et a endommagé sévèrement des infrastructures de bas[e] et des routes, coupant l'accès [à] certaines zones du sud-ouest » (Nations Unies 21 sept. 2021, 1). Le Secrétariat permanent de gestion des risques de désastre du gouvernement haïtien, dans son rapport produit à cet égard en septembre 2021, affirme également que « des hôpitaux et des centres de santé, des établissements scolaires, tant publics que privés, des ponts, des installations et d'autres infrastructures critiques ont été affectés » (Haïti 4 sept. 2021, 5). D'après la même source en revanche, le Centre d'opérations d'urgence (COU) [1] n'a reçu « [a]ucun rapport […] concernant les infrastructures de télécommunications affectées » (Haïti 4 sept. 2021, 8).

La fiche sur les documents de voyage et d'identité (Reciprocity Schedule) concernant Haïti, publiée par le Département d'État des États-Unis, signale qu'en ce qui concerne les documents officiels, [traduction] « [d]es documents originaux et des extraits sont tous les deux disponibles » (É.-U. s.d.). Au cours d'un entretien avec la Direction des recherches, le directeur de Défenseurs plus, un collectif qui défend les droits de la personne en Haïti « pour parvenir à un véritable état de droit démocratique » (Défenseurs plus s.d.), a en revanche affirmé que les documents officiels fiables sont devenus « de plus en plus inaccessibles » dans la région touchée par le séisme du 14 août 2021, et qu'ils restent difficilement accessibles sur l'ensemble du territoire haïtien (Défenseurs plus 17 juin 2022). Dans une communication écrite envoyée à la Direction de recherches, la directrice de programme de l'Association internationale des femmes juges (International Association of Women Judges – IAWJ), une organisation sans but lucratif dirigée par des femmes juges et représentant environ 6 500 juges dans 100 pays, a signalé que le séisme, ainsi que l'insécurité qui s'est ensuivi, a [traduction] « probablement » réduit l'accessibilité des documents officiels vu qu'il a causé la destruction de dossiers et la fermeture de bureaux (directrice de programme 25 juin 2022).

2. Délivrance des documents d'état civil

Des sources affirment que les copies des documents d'état civil peuvent être obtenus aux bureaux locaux d'état civil [2] tandis que les extraits de leurs registres sont disponibles auprès du bureau des archives nationales (Archives nationales d'Haïti – ANH) (É.-U. s.d.; AlterPresse 28 janv. 2020; Défenseurs plus 17 juin 2022) situé à Port-au-Prince (Défenseurs plus 17 juin 2022; AlterPresse 28 janv. 2020).

Les renseignements contenus dans le paragraphe suivant ont été fournis dans un article publié en janvier 2020 par AlterPresse, un « réseau alternatif haïtien d'information » (AlterPresse s.d.) :

Les ANH « constituent une structure déconcentrée » du ministère de la Culture et de la Communication (MCC) dont la mission inclut la conservation du double des documents de registre civil. Les ANH font face à

de problèmes majeurs, non résolus jusqu'alors, en relation avec la sécurisation des documents, le relais et le contrôle du travail des officiers d'état civil, l'encombrement, dû en grande partie à des dossiers en souffrance, suite à leur non-enregistrement dans les archives nationales [et] l'envahissement des raketè [racketteurs].

Les structures chargées de la gestion du système haïtien d'enregistrement de l'état civil (le ministère des Affaires étrangères pour les Haïtiens résidant à l'étranger et les ANH pour les requérants nationaux) « n'existent que de nom » dans la mesure où elles « ne sont pas fonctionnelles, par manque de budget » et « [c]ette situation offre le champ libre aux officiers de gérer les bureaux sans respect des procédures légales en vigueur ». D'ailleurs, étant donnée la « faible compétence » et le « manque de recyclage autour des tâches à exécuter » des officiers d'état civil, ces derniers « commettent souvent des erreurs au niveau du contenu des actes de naissance », généralement concernant les noms et les dates de naissance, et celles-ci ne sont pas « facilement détectées » par des parents peu scolarisés. « Ces mêmes erreurs constitueront, plus tard, des difficultés énormes pour l'obtention d'un autre papier important, comme un passeport ou un extrait d'archives de l'acte de naissance, auprès de l'administration publique » (AlterPresse 28 janv. 2020).

Le directeur de Défenseurs plus a aussi affirmé que les actes d'état civil font partie des documents « les moins fiables » en Haïti, notamment du fait que les officiers sont mal formés et surtout mal payés (Défenseurs plus 17 juin 2022). Selon la même source, seul l'extrait du registre d'état civil est « relativement fiable », mais pour l'obtenir, il faut faire enregistrer convenablement au préalable l'acte au bureau local d'état civil et se rendre par la suite aux ANH à Port-au-Prince, ce qui est difficile voire impossible pour les personnes qui habitent dans les zones les plus éloignées de la capitale et/ou touchées par le séisme (Défenseurs plus 17 juin 2022).

La fiche sur les documents de voyage et d'identité précise que les extraits de naissance, de décès, de mariage et de divorce sont [traduction] « principalement » de couleur bleue et doivent porter la signature du directeur des ANH, un timbre bleu et un sceau sec dans leur coin supérieur droit (É.-U. s.d.).

2.1 Actes de naissance et extraits du registre des actes de naissance

Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches a trouvé peu d'information sur la délivrance des actes de naissance et des extraits du registre des actes de naissance en Haïti.

La fiche sur les documents de voyage et d'identité explique que l'acte de naissance original [traduction] « n'est délivré qu'une seule fois, lors de la première déclaration de naissance », par un bureau civil régional (É.-U. s.d.). La même source affirme aussi, sans donner plus de précision à cet égard, [traduction] « [qu'e]n général, les actes de naissance originaux sont difficiles à vérifier » (É.-U. s.d.).

La directrice de programme de l'IAWJ a affirmé qu'un acte de naissance est [traduction] « difficile » à obtenir (directrice de programme 25 juin 2022). Le Nouvelliste, un journal haïtien, citant les propos d'un coordinateur de l'Initiative citoyenne pour les droits de l'homme (ICDH), une organisation haïtienne (ICDH s.d.), affirme qu'il y a « environ » trois millions de personnes sans acte de naissance en Haïti, du fait que le système est « "très compliqué" », la procédure est « "lourde et discriminatoire" » et les officiers sont « "dépourvus de moyens logistiques" » y compris de registres; en outre, des clercs bénévoles « font presque tout le travail sans recevoir aucune rémunération » (Le Nouvelliste 25 mai 2021). AlterPresse signale également que malgré des « progrès remarquables » au cours des décennies récentes, le « non-enregistrement des naissances […] demeure un phénomène de grande ampleur » (AlterPresse 28 janv. 2020).

Concernant l'accès aux extraits du registre des actes de naissance, la fiche sur les documents de voyage et d'identité signale que, si une personne a besoin d'un acte de naissance supplémentaire plus d'un an après la déclaration initiale de naissance, elle doit s'adresser aux ANH pour obtenir un « extrait de naissance » (É.-U. s.d.). D'après AlterPresse, un extrait est en effet une copie du registre du bureau local, consignée par un officier d'état civil; chaque année les officiers sont censés expédier une copie du registre aux ANH et au ministère de la Justice (AlterPresse 28 janv. 2020). La même source affirme que « des officiers, surtout ceux des villes et des bourgs de province, peuvent passer des années, sans transmettre les registres au bureau central » des ANH (AlterPresse 28 janv. 2020).

2.2 Actes de décès, extraits d'actes de décès et documents funéraires

Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches a trouvé peu d'information sur la délivrance des actes de décès, des extraits du registre des actes de décès et des documents funéraires en Haïti.

Les renseignements contenus dans le paragraphe suivant ont été fournis dans la fiche sur les documents de voyage et d'identité des États-Unis :

[traduction] « Un acte de décès original n'est délivré qu'une seule fois, au moment de la déclaration initiale du décès », par un bureau civil régional. « En général » ces actes de décès sont « difficiles à vérifier ». Pour vérifier un décès, il faut demander un extrait de décès, qui devient disponible un an après la date du décès. Avant cette date, on peut demander des documents funéraires, connus sous le nom de « "pompes funèbres" » (É.-U. s.d.).

2.3 Actes de mariages et de divorce

Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches a trouvé peu de renseignements sur la délivrance des actes de mariage et des certificats de divorce en Haïti.

Les renseignements contenus dans cette section ont été fournis dans la fiche sur les documents de voyage et d'identité des États-Unis :

[traduction] « Un acte de mariage original est délivré une seule fois au moment du mariage ». « En général », les actes de mariage originaux sont « difficiles à vérifier ». « Le mariage est déclaré par les deux parties à un office d'état civil ou par un représentant religieux » et l'acte de mariage précise si la cérémonie était civile ou religieuse. La date du mariage doit coïncider avec celle de son enregistrement en cas de mariages civils tandis qu'un enregistrement survenu à une date ultérieure est plus courant lors des mariages religieux. Pour un certificat supplémentaire, un an après la célébration du mariage, une demande doit être faite aux ANH pour un extrait de mariage.

En ce qui concerne un acte de divorce, ce document peut être obtenu d'un bureau d'état civil, en personne par une partie intéressée ou par leur représentant. Au bout d'un an, l'acte de divorce est consultable aux ANH, auquel cas un « extrait de divorce » peut être produit. L'Office du Divorce des Étrangers est chargé de documenter les divorces entre des personnes non-Haïtiennes et peut également en fournir des extraits (É.-U. s.d.).

3. Délivrance des cartes nationales d'identité (CIN)

Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches a trouvé peu d'information sur la délivrance des CIN en Haïti.

Des sources ont signalé que les CIN sont délivrées par l'Office nationale d'identification (ONI) (Défenseurs plus 17 juin 2022; directrice de programme 25 juin 2022). La directrice de programme de l'IAWJ a affirmé que l'obtention d'une CIN [traduction] « nécessite » un acte de naissance, un certificat de baptême ou des extraits issus des archives nationales (directrice de programme 25 juin 2022). Selon son site Internet, l'ONI est l'organisme gouvernemental qui est responsable de la production et la délivrance de la CIN; il est « placé sous la tutelle » du ministère de la Justice et de la Sécurité publique et sa mission est de « gérer l'identification des citoyens et de tenir un registre comportant toutes les données sur la population » (Haïti s.d.a). Selon l'ONI, la CIN sert de pièce d'identité, de preuve d'identité pour voter et de remplacement pour la carte d'identité fiscale (Haïti s.d.a). Concernant les éléments caractéristiques de sécurité, la même source souligne que la CIN renferme des données « multi biométriques » qui permettent de garantir la « "permanence" de l'identification des citoyens », y compris une photo, les empreintes [digitales] et la reconnaissance faciale et de l'iris (Haïti s.d.a). Le directeur de Défenseurs plus a aussi affirmé que la nouvelle carte d'identité est le document officiel le « plus sûr » et le « plus fiable », voire « plus inviolable que le passeport » en Haïti du fait des données biométriques qu'elle contient (Défenseurs plus 17 juin 2022).

AyiboPost, une plateforme de média en ligne qui se concentre sur le « journalisme explicatif » sur Haïti (AyiboPost s.d.), affirme qu'en date du 19 avril 2017, un projet de loi a été adopté en conseil des ministres par le président Jovenel Moïse pour remplacer la CIN par la carte d'identification nationale unique (CINU), balayant ainsi « toute l'histoire [de la] CIN et aussi les fonds débloqués pour créer, actualiser et optimiser » le système de la CIN (AyiboPost 13 oct. 2019). Le projet de loi concerné, dit Projet de loi instituant la carte d'identification nationale unique et portant sur la protection des données personnelles, est disponible en ligne (Haïti 2017).

Selon le directeur de Défenseurs plus, le projet de loi de 2017 a été suivi par un décret adopté en 2020 qui a instauré officiellement la CINU et a rendu « invalide » la CIN (Défenseurs plus 17 juin 2022). La même source a aussi affirmé que la nouvelle CINU est « beaucoup plus sécurisée » que l'ancienne CIN, mais reste toujours gérée par l'ONI; la plupart des dispositions du décret qui l'a mis en place en 2020 se sont « largement inspirées » du décret de 2005 qui régissait la CIN (Défenseurs plus 17 juin 2022). Cependant, l'article publié dans Le Nouvelliste de juin 2020 signale que les abréviations CINU et NINU (numéro d'identification nationale unique) ne sont plus utilisées en vertu de la nouvelle version du Décret sur le numéro d'identification unique et la carte d'identification nationale publiée dans Le Moniteur, le journal officiel de la République, le 18 juin 2020 (Le Nouvelliste 19 juin 2020). Selon la même source, la CIN doit être renouvelée tous les dix ans; les cartes délivrées en vertu du Décret du 1er juin 2005 relatif à la carte d'identification nationale restent valides jusqu'au 16 octobre 2020 (Le Nouvelliste 19 juin 2020). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé une copie du Décret sur le numéro d'identification unique et la carte d'identification nationale.

4. Délivrance des permis de conduire

Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches a trouvé peu d'information sur la délivrance des permis de conduire en Haïti.

Des sources ont affirmé que le permis de conduire est délivré par le Service de la circulation et de la police routière (Défenseurs plus 17 juin 2022; directrice de programme 25 juin 2022). En revanche, le site Internet du Consulat général d'Haïti à Montréal signale que le permis de conduire haïtien est délivré par le Service de la circulation des véhicules automobiles (Haïti s.d.b). Le site Internet du Centre de renseignements administratifs (CRA) du gouvernement d'Haïti signale aussi les quatre étapes à suivre pour l'obtention d'un permis de conduire :

  1. La délivrance d'un certificat par une auto-école
  2. L'obtention d'une « [m]atricule fiscale » à un coût de 50 gourdes haïtiennes (HTG) [0,56 $CAN]
  3. La prise de photo
  4. Des examens théoriques et pratiques à la Direction de la circulation et de la police routière (Haïti s.d.c).

Selon le directeur de Défenseurs plus, le permis de conduire se trouve parmi les documents officiels « les moins fiables » du fait qu'il n'est pas sécurisé (Défenseurs plus 17 juin 2022). La même source a affirmé que le permis de conduire est « plutôt accessible », qu'il soit obtenu légalement ou illégalement, moyennant le déboursement d'une somme d'argent, allant d'environ 5 000 [56 $CAN] à près de 10 000 HTG [112 $CAN], en fonction de la catégorie de permis recherchée et de la personne qui aide à obtenir le permis (Défenseurs plus 17 juin 2022).

5. Mandats judiciaires

Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches a trouvé peu d'information sur la délivrance des mandats judiciaires (mandats de comparution, mandat d'amener, mandat de dépôt et mandat d'arrêt) en Haïti.

Le Code d'instruction criminelle d'Haïti précise les modalités relatives aux mandats de comparution, d'amener, de dépôt et d'arrêt :

CHAPITRE VII

DES MANDATS DE COMPARUTION, D'AMENER, DE DÉPÔT ET D'ARRÊT

Article 77.- Lorsque l'inculpé sera domicilié, et que le fait sera de nature à ne donner lieu qu'à une peine correctionnelle, le juge d'instruction pourra, s'il le juge convenable, ne décerner contre l'inculpé qu'un mandat de comparution, sauf, après l'avoir interrogé, à convertir ce mandat en tel autre mandat qu'il appartiendra.

Si l'inculpé fait défaut, le juge d'instruction décernera contre lui un mandat d'amener.

Il décernera pareillement mandat d'amener contre toute personne de quelque qualité qu'elle soit, inculpée d'un fait emportant peine afflictive ou infamante.

Article 78.- Il peut aussi donner des mandats d'amener contre les témoins qui refusent de comparaître sur la citation à eux donnée, conformément à l'article 67, et sans préjudice de l'amende portée au dit article.

Article 79.- Dans le cas de mandat de comparution, il interrogera de suite, dans le cas de mandat d'amener dans les vingt-quatre heures au plus tard.

Article 80.- Après l'interrogatoire, ou en cas de fuite de l'inculpé, le juge pourra décerner un mandat de dépôt ou d'arrêt, si le fait emporte la peine de l'emprisonnement ou une autre peine plus forte.

Il ne pourra décerner le mandat d'arrêt qu'après avoir entendu le commissaire du gouvernement.

Dans le cours de l'instruction, il pourra sur les conclusions du commissaire du gouvernement, et quelle que soit la nature de l'inculpation, donner main levée du mandat de dépôt ou d'arrêt à charge par l'inculpé de se représenter à tous les actes de la procédure et pour l'exécution du jugement, aussitôt qu'il en sera requis.

L'ordonnance de main levée n'est sujette à aucun recours.

Article 81.- Les mandats de comparution, d'amener et de dépôt, seront signés par celui qui les aura décernés et revêtus de son sceau.

Le prévenu y sera nommé et désigné le plus clairement qu'il sera possible.

Article 82.- Les mêmes formalités seront observées dans le mandat d'arrêt; ce mandat contiendra de plus l'énonciation du fait pour lequel il est décerné, et la citation de la loi qui déclare que ce fait est un crime ou un délit.

Article 83.- Les mandats de comparution, d'amener, de dépôt et d'arrêt, sont notifiés par un huissier ou par un agent de la force publique, lequel en fera l'exhibition au prévenu, et il lui en sera délivré copie.

Article 84.- Les mandats d'amener, de comparution, de dépôt et d'arrêt seront exécutoires dans toute l'étendue de la République.

Si le prévenu est trouvé hors du ressort de l'officier qui aura délivré le mandat de dépôt ou d'arrêt, il sera conduit devant le juge de paix ou son suppléant, lequel visera le mandat, sans pouvoir en empêcher l'exécution.

Article 85.- Le prévenu qui refusera d'obéir au mandat d'amener ou qui, après avoir déclaré qu'il est prêt à obéir, tentera de s'évader, devra être contraint.

Le porteur du mandat d'amener emploiera, au besoin, la force publique du lieu le plus voisin : elle sera tenue de marcher, sur la réquisition contenue dans le mandat d'amener.

Article 86.- Si, dans le cours de l'instruction, le juge saisi de l'affaire décerne un mandat d'arrêt, il pourra ordonner, par ce mandat, que le prévenu sera transféré dans la maison d'arrêt du lieu où se fait l'instruction.

S'il n'a pas exprimé dans le mandat d'arrêt que le prévenu sera ainsi transféré, il restera dans la maison d'arrêt de la commune dans laquelle il aura été trouvé, jusqu'à ce qu'il ait été statué par le juge d'instruction conformément aux dispositions du Chapitre IX de la présente loi.

Article 87.- Si le prévenu contre lequel il a été décerné un mandat d'amener ne peut être trouvé, ce mandat sera exhibé au juge de paix de la résidence du prévenu, qui mettra son visa sur l'original de l'acte de notification.

Article 88.- Tout dépositaire de la force publique, et même toute personne, sera tenue de saisir le prévenu surpris en flagrant délit ou poursuivi soit par la clameur publique, soit dans les cas assimilés au flagrant délit, et de le conduire devant le juge de paix, devant le commissaire du gouvernement ou le juge d'instruction, sans qu'il soit besoin de mandat d'amener.

Article 89.- Sur l'exhibition du mandat de dépôt, le prévenu sera reçu et gardé dans la maison d'arrêt établie près le tribunal correctionnel et le gardien remettra à l'agent de la force publique chargé de l'exécution du mandat, une reconnaissance de la remise du prévenu.

Article 90.- L'officier chargé de l'exécution d'un mandat de dépôt ou d'arrêt se fera accompagner d'une force suffisante pour que le prévenu ne puisse se soustraire à la loi.

Cette force sera prise dans le lieu le plus à la portée de celui ou [sic] le mandat d'arrêt ou de dépôt devra s'exécuter; et elle est tenue de marcher, sur la réquisition directement faite au commandant et contenue dans le mandat.

Article 91.- Si le prévenu ne peut être saisi, le mandat d'arrêt sera notifié à sa dernière demeure, et il sera dressé procès-verbal de réquisition.

Ce procès-verbal sera dressé en présence des deux plus proches voisins du prévenu que le porteur du mandat d'arrêt pourra trouver : ils le signeront; ou s'ils ne savent, ne peuvent ou ne veulent pas signer, il en sera fait mention, ainsi que de l'interpellation qui en aura été faite.

Le porteur du mandat d'arrêt fera ensuite viser son procès-verbal par le juge de paix ou son suppléant et lui en laissera copie.

Le mandat d'arrêt et le procès-verbal seront ensuite remis au greffe du tribunal.

Article 92.- Le prévenu saisi en vertu d'un mandat d'arrêt ou de dépôt sera conduit, sans délai, dans la maison d'arrêt indiquée par le mandat.

Article 93.- L'officier chargé de l'exécution du mandat d'arrêt ou de dépôt, remettra le prévenu au gardien de la maison d'arrêt qui lui en donnera décharge; le tout dans la forme prescrite par l'article 89.

Il portera ensuite au greffe du tribunal les pièces relatives à l'arrestation, et en prendra une reconnaissance.

Article 94.- (Loi du 12 juillet 1920).- L'inobservation des formalités prescrites pour les mandats de comparution, d'amener, de dépôt et d'arrêt sera toujours punie d'une amende de vingt gourdes [environ 0,22$CAN] au moins contre le greffier et, s'il y a lieu, d'injonctions au juge d'instruction et au commissaire du gouvernement, même de prise à partie, s'il y échet (Haïti 1835).

Selon des sources, les mandats judiciaires sont délivrés par les juges d'instruction (Défenseurs plus 17 juin 2022; directrice de programme 25 juin 2022) et les commissaires du gouvernement (Défenseurs plus 17 juin 2022). Le directeur de Défenseurs plus a affirmé que les mandats de comparution, d'amener, de dépôt et d'arrêt sont des documents officiels « moyennement fiables », dans la mesure où leur falsification est « relativement rare » (Défenseurs plus 17 juin 2022). La même source a signalé que la falsification de ces mandats est « en général » pour un usage à l'étranger, en particulier au Canada et aux États-Unis (Défenseurs plus 17 juin 2022). La source a également affirmé que ces documents ont toujours été « rarement » accessibles du fait notamment de la corruption et de la désorganisation qui règnent dans le système judiciaire haïtien, mais que le séisme du 14 août 2021 a aggravé cette situation avec la destruction des routes et l'endommagement de certaines infrastructures publiques, y compris le Palais de justice des Cayes (Défenseurs plus 17 juin 2022).

6. Disponibilité et accessibilité des documents frauduleux

Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches a trouvé peu d'information sur la disponibilité et accessibilité des documents frauduleux en Haïti.

La fiche sur les documents de voyage et d'identité affirme [traduction] « [qu'e]n raison de l'incohérence des normes de délivrance et du niveau élevé de fraude concernant les documents civils haïtiens, les documents originaux sont généralement considérés comme peu fiables »; il existe « beaucoup de "vendeurs de documents" » en Haïti qui fournissent des documents frauduleux (É.-U. s.d.). La même source souligne un [traduction] « niveau relativement élevé de fraude » portant sur les documents de divorce et de décès d'origine haïtienne (É.-U. s.d.). La source signale également ce qui suit quant à la détection des signes de fraude sur les extraits du registre des actes de naissance :

[traduction]

Un extrait de naissance mentionnera deux dates : la date de naissance de la personne et la date d'enregistrement de la naissance. Une différence de plus de deux ans entre la date de naissance d'une personne et la date d'enregistrement de cette personne peut être un indicateur de fraude (É.-U. s.d.).

La directrice de programme d'IAWJ a quant à elle affirmé que [traduction] « beaucoup » de documents officiels s'avèrent faciles à acquérir si le demandeur peut payer un « entremetteur qui a l'accès à l'entité responsable » (directrice de programme 25 juin 2022). Selon la même source, ces faux documents sont obtenus auprès de l'entité [responsable] elle-même ainsi qu'auprès de réseaux criminels (directrice de programme 25 juin 2022).

AlterPresse affirme que les racketteurs profitent de l'ignorance des parents quant à la gratuité des actes de naissance et jouent les facilitateurs pour l'obtention de ces documents en se faisant « parfois passer pour des avocats » (AlterPresse 28 janv. 2020). La même source signale que ces racketteurs promettent de « faciliter l'octroi » des documents contre paiement, mais en effet fournissent « souvent » des papiers « faux, avec des sceaux invalides et n'ayant pas été enregistrés dans les archives du système de l'État civil national » (AlterPresse 28 janv. 2020). Dans le même ordre d'idées, Le Nouvelliste explique également que, selon l'un de ses sources qui est officier d'état civil, « "les demandeurs de l'acte de naissance payent par ignorance" » en se faisant « dupés » par des individus « qui les arnaquent au nom de l'officier d'état civil » (Le Nouvelliste 25 mai 2021). Selon le directeur de Défenseurs plus, les groupes criminels ont des racketteurs alliés qui ont établi un système parallèle de faux documents d'état civil ou ont « infiltré » les services gouvernementaux pour faire monnayer les documents authentiques obtenus illégalement (Défenseurs plus 17 juin 2022).

Concernant le permis de conduire en Haïti, un article écrit en novembre 2019 dans AyiboPost signale que « [l]es faux permis sont devenus monnaie courante »; même un agent de la circulation n'arrive pas à vérifier si un permis est authentique et les gens ordinaires peuvent avoir un faux permis sans le savoir (AyiboPost 1er nov. 2019). Le directeur de Défenseurs plus a aussi affirmé que le permis de conduire est le document officiel le plus accessible de façon frauduleuse et « probablement » le plus utilisé à des fins frauduleuses, dans la mesure où il est facilement reproductible, il est toujours en forte demande, il peut servir dans d'autres délits et il est « plutôt rentable » pour les faussaires, les gangs et les employés gouvernementaux corrompus (Défenseurs plus 17 juin 2022). Selon le directeur, les groupes criminels sont derrière la plupart de faux permis de conduire ou des permis authentiques obtenus frauduleusement en Haïti; certains possèdent des branches spécialisées dans leur fabrication et/ou vont jusqu'à créer des fausses auto-écoles délivrant des faux certificats permettant d'obtenir des vrais permis de conduire (Défenseurs plus 17 juin 2022).

À propos des mandats judiciaires, le directeur de Défenseurs plus a affirmé que ceux-ci sont parfois falsifiés en intégralité par les groupes criminels qui ont pris le contrôle de certains palais de justice où sont émis ce genre de documents (Défenseurs plus 17 juin 2022). La source a cité le Palais de justice de Port-au-Prince comme exemple et a signalé qu'il est sous le contrôle du gang de Village-de-Dieu depuis environ une semaine en date du 17 juin 2022 (Défenseurs plus 17 juin 2022). D'après la même source, bien que le gang se soit emparé du palais de justice après une attaque perpétrée en pleine vue suite à la « forte dégradation » de la situation sécuritaire actuelle à Port-au-Prince, les groupes criminels « sont habitués à agir en sous-main » pour contrôler le système judiciaire haïtien, ce qui leur permet de maitriser « toute la chaine » de la fraude documentaire touchant les mandats judiciaires délivrés dans certains palais de justice (Défenseurs plus 17 juin 2022). Pour des renseignements supplémentaires sur les groupes criminels en Haïti, veuillez consulter la réponse à la demande d'information HTI201064 publiée en juillet 2022.

Le directeur de Défenseurs plus a signalé que ces faux mandats judiciaires sont « très rarement » utilisés en Haïti, mais sont plutôt vendus à la diaspora haïtienne ou à ceux qui quittent le pays, notamment pour servir dans les procédures de demande d'asile dans les pays comme le Canada et les États-Unis (Défenseurs Plus 17 juin 2022). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Notes

[1] Le Centre d'opérations d'urgence (COU) et les dix Centres d'opérations d'urgence départementales (COUD) sont des structures composées d'une unité de commandement et d'un lieu de coordination, qui ont été mises en place par la Direction générale de la protection civile du ministère de l'Intérieur et des Collectivités territoriales (MICT), pour répondre aux désastres (Haïti s.d.d).

[2] D'après AlterPresse, les bureaux d'État civil « sont traditionnellement localisés dans les centres urbains et des bourgs du pays, laissant les communautés des sections communales au dépourvu » (AlterPresse 28 janv. 2020).

Références

AlterPresse. 28 janvier 2020. Mickens Mathieu. « Population : état des lieux du système d'enregistrement des naissances en Haïti ». [Date de consultation : 16 juin 2022]

AlterPresse. S.d. « Qui sommes nous ? ». [Date de consultation : 16 juin 2022]

AyiboPost. 1er novembre 2019. Emmanuel Moïse Yves. « Quelqu'un n'ayant jamais vu une voiture peut détenir un permis de conduire en Haïti ». [Date de consultation : 9 juin 2022]

AyiboPost. 13 octobre 2019. Snayder Pierre Louis. « L'histoire de la carte d'identité en Haïti est étroitement liée aux élections ». [Date de consultation : 16 juin 2022]

AyiboPost. S.d. « À propos ». [Date de consultation : 16 juin 2022]

Défenseurs plus. 17 juin 2022. Entretien téléphonique avec le directeur.

Défenseurs plus. S.d. « Qui nous sommes ? ». [Date de consultation : 6 juin 2022]

Directrice de programme, International Association of Women Judges (IAWJ). 25 juin 2022. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

États-Unis (É.-U.). S.d. Department of State. « Haiti Reciprocity Schedule ». [Date de consultation: 8 juin 2022]

Haïti. 4 septembre 2021. Centre d'opérations d'urgence national (COUN), Secrétariat permanent de gestion des risques de désastre, Système national de gestion des risques de désastre. Tremblement de terre : Samedi 14 août 2021 – Péninsule Sud. Rapport d'étape du Centre d'opération d'urgence national. [Date de consultation : 15 juin 2022]

Haïti. 2017. Projet de loi instituant la carte d'identification nationale unique et portant sur la protection des données personnelles. [Date de consultation : 22 juin 2022]

Haïti. 1835. Code d'instruction criminelle. [Date de consultation: 13 juin 2022]

Haïti. S.d.a. Office national d'identification (ONI). « La Carte d'identification nationale ». [Date de consultation: 6 juin 2022]

Haïti. S.d.b. Consulat général de la République d'Haïti à Montréal. « Attestation de permis de conduire ». [Date de consultation : 9 juin 2022]

Haïti. S.d.c. Centre de renseignements administratifs d'Haïti (CRA). « Permis de conduire ». [Date de consultation : 9 juin 2022]

Haïti. S.d.d. Direction générale de la protection civile. « Centres d'opérations d'urgence départementales (COUD) ». [Date de consultation : 16 juin 2022]

Initiative citoyenne pour les droits de l'homme (ICDH). S.d. « ICDH ». [Date de consultation : 6 juill. 2022]

Médecins du monde. 14 février 2022. « Haïti : six mois après le séisme ». [Date de consultation : 6 juin 2022]

Nations Unies. 21 septembre 2021. Organisation internationale des migrations (OIM). Séisme 14 août 2021 – SITREP 4 : Matrice de suivi du déplacement – Résultats préliminaires. Suivi du déplacement et évaluation des dommages. [Date de consultation : 6 juin 2022]

Le Nouvelliste. 25 mai 2021. Ricardo Lambert et Valéry Daudier. « L'État haïtien peine toujours à enregistrer les naissances ». [Date de consultation : 10 juin 2022]

Le Nouvelliste. 19 juin 2020. Winnie Hugot Gabriel. « Vous avez 120 jours pour obtenir votre carte d'identification nationale ». [Date de consultation : 20 juin 2022]

Autres sources consultées

Sources orales : Action citoyenne pour l'abolition de la torture; ancien juge de la Cour suprême d'Haïti; ancien juge et procureur du ministère public en Haïti; Bureau des droits humains en Haïti; chercheuse dans une école de travail social d'une université américaine dont les recherches portent sur Haïti; Centre de recherche et de formation économique et sociale pour le développement; Commission épiscopale nationale justice et paix; Groupe d'appui aux rapatriés et réfugiés; Haïti – Archives nationales d'Haïti, consulat général de la République d'Haïti à Montréal, Direction générale de la protection civile, ministère de la Communication, Office d'assurance accidents du travail, maladie et maternité, Office de la protection du citoyen, Police nationale d'Haïti; Institut Culturel Karl Lévêque; Institute for Justice and Democracy in Haiti; Interuniversity Institute for Research and Development; journaliste et responsable de communication dans un média haïtien en ligne; Plate-forme des organisations haïtiennes des droits humains; professeure adjointe de droit dans une université américaine effectuant les recherches sur Haïti; professeure adjointe des sciences sociales dans une université américaine et dans une université haïtienne spécialisée sur les politiques en Haïti; Réseau national de défense des droits humains.

Sites Internet, y compris : Amnesty International; Associated Press; Austrian Red Cross – ecoi.net; BBC; Bertelsmann Stiftung; Commission épiscopale nationale justice et paix; États-Unis – Library of Congress; Factiva; France – Office français de protection des réfugiés et apatrides; France 24; Freedom House; GazetteHaiti; The Guardian; Haïti – Archives nationales d'Haïti, Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, ministère de la Justice et de la Sécurité publique, ministère de la Santé publique et de la population, ministère de l'Éducation nationale et de la Formation professionnelle; The Haitian Times; Haïti en Marche; Haïti Inter; Haïti Progrès; Haïti Standard; Hebdo24; Human Rights Watch; Institut Culturel Karl Lévêque; International Crisis Group; International Peace Bureau; Interuniversity Institute for Research and Development; Journal de Montréal; Juno7; Keesing Technologies – Keesing Documentchecker; Loop News; Minority Rights Group International; Le Monde; Nations Unies – Refworld, PNUD, UNICEF; The New Humanitarian; The New Yorker; La Presse; Radio-Canada; Reuters; Radio France internationale; Réseau national de défense des droits humains; Transparency International; TV5Monde; Union européenne – Registre public en ligne de documents authentiques d'identité et de voyage; Vant Bèf Info; Voice of America; The Washington Post.

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