Inde : information sur la délivrance de passeports indiens aux Tibétains, y compris les règles administratives et les décisions judiciaires en vigueur et information indiquant si elles sont effectivement appliquées; les exigences et la marche à suivre pour demander la citoyenneté et obtenir un passeport indien, y compris la façon dont les règles sont appliquées; les obstacles à l'obtention de passeports par les Tibétains; les conséquences pour les Tibétains qui demandent un passeport (2016–décembre 2021) [IND200687.EF]

Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada

1. Citoyenneté

L'article 3 de la loi de 1955 sur la citoyenneté (Citizenship Act, 1955), modifiée en 2019, prévoit que toute personne née en Inde est citoyenne de naissance si elle répond aux critères suivants :

[traduction]

  1. Sauf dans les cas prévus au paragraphe (2), est considérée comme citoyenne indienne de naissance toute personne née en Inde ―
    1. le 26 janvier 1950 ou après cette date, mais avant le 1er juillet 1987;
    2. le 1er juillet 1987 ou après cette date, mais avant l'entrée en vigueur de la loi de 2003 portant modification de la loi sur la citoyenneté (6 de 2004) [Citizenship (Amendment) Act, 2003 (6 of 2004)], et dont l'un des parents était citoyen au moment de sa naissance;
    3. le jour de l'entrée en vigueur de la loi de 2003 portant modification de la loi sur la citoyenneté (6 de 2004), si, selon le cas ―
      1. ses deux parents sont citoyens de l'Inde; ou
      2. au moins un de ses parents est citoyen de l'Inde et l'autre n'était pas un migrant illégal au moment de sa naissance.
  2. Une personne n'est pas considérée comme citoyenne indienne au titre du présent article si, au moment de sa naissance ―
    1. son père ou sa mère jouit de l'immunité judiciaire accordée à un émissaire d'un État souverain étranger accrédité auprès du président de l'Inde, et ce parent n'a pas la citoyenneté indienne; ou
    2. son père ou sa mère est sujet d'un pays ennemi et la naissance a lieu dans un endroit occupé par l'ennemi (Inde 1955, art. 3).

Dans une circulaire accessible sur le site Internet du ministère des Affaires intérieures (Ministry of Home Affairs – MHA) de l'Inde, qui répond aux questions les plus fréquemment posées au sujet de l'acquisition de la citoyenneté indienne, on peut lire ce qui suit :

[traduction]

[Question :] Je suis né en Inde en 1990 et mes deux parents étaient étrangers au moment de ma naissance. Est-ce que je suis citoyen de l'Inde de naissance?

Réponse : Non. Pour plus de détails, vous pouvez vous reporter aux dispositions de l'article 3 de la loi de 1955 sur la citoyenneté (Inde s.d.a, 3).

L'article 9 de la constitution de l'Inde (Constitution of India) prévoit ce qui suit concernant la double citoyenneté :

[traduction]

Les personnes qui acquièrent volontairement la citoyenneté d'un État étranger ne peuvent avoir la citoyenneté. — Une personne ne peut avoir la citoyenneté indienne au titre de l'article 5, ni être réputée avoir la citoyenneté indienne au titre de l'article 6 ou de l'article 8, si elle a volontairement acquis la citoyenneté d'un État étranger (Inde 1949, art. 9, en gras dans l'original).

1.1 Exigences et marche à suivre

Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a trouvé aucun renseignement sur la marche à suivre pour demander la citoyenneté indienne de naissance au titre de l'article 3 de la loi de 1955 sur la citoyenneté.

1.2 Décisions judiciaires

Dans l'affaire Namgyal Dolkar v. Government of India, Ministry of External Affairs, la Haute Cour de Delhi a instruit l'affaire d'une fille de réfugiés tibétains née en Inde en 1986, dont la demande de passeport avait été refusée par l'agent régional des passeports et le ministère des Affaires extérieures (Ministry of External Affairs – MEA) parce qu'elle [traduction] « ne pouvait être traitée comme une ressortissante indienne au titre de l'alinéa 3(1)a) » de la loi de 1955 sur la citoyenneté (Inde 22 déc. 2010, paragr. 1, 2). Dans la décision dans cette affaire, on peut lire ce qui suit :

[traduction]

24. Selon le sens ordinaire de la disposition ci-dessus, le Parlement a établi une date butoir pour la reconnaissance de la citoyenneté de naissance. Sauf dans les cas énoncés au paragraphe 3(2), toute personne née en Inde le 26 janvier 1950 ou après cette date, mais avant le 1er juillet 1987, est citoyenne de l'Inde de naissance. Il n'est pas contesté que, dans la présente affaire, aucun des critères d'exclusion énoncés au paragraphe 3(2) [de la loi de 1955 sur la citoyenneté] ne s'applique. La situation de la requérante relève de l'alinéa 3(1)a) étant donné qu'elle est née en Inde […] [en 1986], c'est-à-dire après le 26 janvier 1950 mais avant le 1er juillet 1987. Dans l'Énoncé des objectifs et motifs [Statement of Objects and Reasons] joint au projet de loi de 1986, dans le cadre duquel la disposition ci-dessus a été déposée et examinée dans la Lok Sabha et la Rajya Sabha, il est clairement précisé que le changement apporté par la modification serait de nature prospective. La raison d'être de l'adoption d'une date butoir était la volonté de ne rien changer à la situation antérieure au 1er juillet 1987.

25. La savante avocate de la requérante a raison de faire observer qu'une personne qui possède la citoyenneté indienne de naissance n'a pas à présenter de demande de citoyenneté. Contrairement à d'autres dispositions, telles que l'article 5 et l'article 6 [de la loi de 1955 sur la citoyenneté], qui prévoient la présentation d'une demande en vue de l'octroi ou de la reconnaissance de la citoyenneté, aucune démarche de demande de ce genre n'est envisagée au paragraphe 3(1) [de la loi de 1955 sur la citoyenneté] (Inde 22 déc. 2010, paragr. 24–25).

Dans la même décision, on peut lire ceci :

[traduction]

il n'y a pas de reconnaissance législative de la notion de nationalité dans la [loi de 1955 sur la citoyenneté]. Le fait que la requérante se décrit comme une personne de nationalité tibétaine n'entraîne aucune conséquence juridique en ce qui a trait à la [loi de 1955 sur la citoyenneté], ni d'ailleurs en ce qui concerne la politique du MEA (Inde 22 déc. 2010, paragr. 28).

De même, dans la décision Tenzin Choephag Ling Rinpoche v. Union of India rendue en août 2013, la Haute Cour du Karnataka s'est penchée sur la question de savoir si une personne qui est née en Inde entre le 26 janvier 1950 et le 1er juillet 1987 et dont les parents étaient des réfugiés tibétains serait considérée comme étant citoyenne de l'Inde par application de l'article 3 de la loi de 1955 sur la citoyenneté (Inde 7 août 2013, paragr. 5). Faisant référence à l'affaire Namgyal Dolkar v. Government of India, Ministry of External Affairs, l'auteur de la décision a écrit ce qui suit :

[traduction]

11. Ayant pris connaissance de la décision rendue par la Haute Cour de New Delhi, je suis d'avis que si une situation similaire se présente, le requérant aurait assurément droit à la conclusion rendue dans ladite décision dans la mesure où je ne vois aucun motif d'adopter un point de vue différent de celui énoncé par la Haute Cour de Delhi (Inde 7 août 2013, paragr. 11).

De même, dans la décision Phuntsok Wangyal v. Union of India, une autre affaire de citoyenneté mettant en cause trois personnes d'origine tibétaine nées en Inde, la Haute Cour de Delhi a déclaré ce qui suit en 2016 au sujet d'un des requérants :

[traduction]

14. Le requérant […] est né […] [en 1992] et son père est né en Inde […] [en 1966]. Étant donné que le père du requérant […] est né en Inde et satisfait aux critères énoncés à l'alinéa 3(1)a) de la loi, il aurait la citoyenneté indienne et, par conséquent, le requérant satisfait aux critères de l'alinéa 3(1)b) de la loi […] (Inde 22 sept. 2016, paragr. 14).

1.3 Application des décisions

Le Centre pour la justice au Tibet (Tibet Justice Center – TJC), un [traduction] « comité indépendant d'avocats et d'autres experts » aux États-Unis qui milite pour les droits fondamentaux et l'autodétermination des Tibétains (TJC s.d.), signale que

[traduction]

[l]es dispositions des [articles] 3 et 6 de la loi de 1955 sur la citoyenneté semblent offrir à un sous-ensemble de la population tibétaine en Inde un accès à la citoyenneté. Si on prend [l'article] 3 au pied de la lettre, un grand nombre de Tibétains en Inde ont la citoyenneté indienne de plein droit. Dans la réalité, il s'est avéré presque impossible pour ces Tibétains d'acquérir un passeport pour prouver leur statut de citoyen, si bien qu'ils demeurent des étrangers en Inde. Pour les nombreux Tibétains qui ne sont pas admis comme citoyens au titre de [l'article] 3, [l'article] 6 semble ouvrir la voie vers la naturalisation légale; cependant, là encore, cette voie est dans les faits barrée pour les Tibétains (TJC juin 2016, 58, 188).

Le TJC signale également que, même si les hautes cours ont statué [traduction] « à plusieurs reprises » que les Tibétains nés en Inde entre 1950 et 1987 sont citoyens de l'Inde, « [l']impossibilité pour les Tibétains […] d'acquérir la citoyenneté n'a pas changé » (TJC juin 2016, 58). De même, au cours d'un entretien téléphonique avec la Direction des recherches, une anthropologue culturelle et historienne à l'Université du Colorado à Boulder dont les recherches portent principalement sur le Tibet contemporain, y compris les questions touchant les réfugiés et la citoyenneté, a expliqué que la décision de la Haute Cour de Delhi ayant conféré la citoyenneté à une Tibétaine n'a pas [traduction] « généralement » été perçue comme « ayant établi un précédent » pour le reste du pays (anthropologue culturelle 3 déc. 2021). Également, dans un article publié en 2020 dans la Revue d'Études tibétaines, Abhinav Seetharaman, un chargé de recherche en commerce à l'Institut Milken à Singapour qui a mené des recherches sur les affaires gouvernementales, la politique publique et les relations internationales en Asie (ChinaUS Focus s.d.), renvoie à [traduction] « quelques-unes des décisions les plus importantes des hautes cours » et fait observer que le gouvernement de l'Inde « persiste dans son refus d'appliquer ces conclusions à qui que ce soit d'autre que la partie plaignante originale » (Seetharaman avr. 2020, 100). Dans un article paru dans le Tibetan Review, une revue mensuelle de langue anglaise de Delhi portant principalement sur des questions tibétaines (Tibetan Review s.d.), on peut lire que, malgré les décisions antérieures des hautes cours de Delhi et du Karnataka en 2011 et en 2013 confirmant la citoyenneté de naissance des Tibétains nés en Inde entre le 26 janvier 1950 et le 1er juillet 1987, le gouvernement de l'Inde a déclaré de nouveau en octobre 2014 que tous les Tibétains, peu importe leur date de naissance, sont tenus de s'inscrire à titre de [traduction] « "réfugiés" séjournant temporairement au pays pour des raisons humanitaires » (Tibetan Review 16 mai 2016). La même source ajoute en revanche que, plus tôt en 2014, la Commission électorale de l'Inde (Election Commission of India – ECI) avait publié une directive indiquant que les Tibétains nés durant la période désignée et leurs enfants avaient le droit de vote (Tibetan Review 16 mai 2016).

Abhinav Seetharaman souligne que, du fait que le gouvernement refuse d'appliquer les décisions judiciaires, [traduction] « de nombreux » Tibétains sont « demeurés des étrangers en Inde » (Seetharaman avr. 2020, 100). Citant une entrevue avec Namgyal Dolkar, la plaignante dans l'affaire Namgyal Dolkar v. Government of India, Ministry of External Affairs, le TJC affirme qu'elle se fait [traduction] « régulièrement » contacter par des Tibétains partout en Inde qui sont nés durant la période d'admissibilité, mais qui « ont été ignorés ou se sont vu refuser un passeport » même s'ils avaient les « documents nécessaires », y compris un certificat de naissance indiquant « l'âge et le lieu de naissance » (TJC juin 2016, 61). La même source ajoute que, malgré les décisions des hautes cours conférant la citoyenneté aux requérants tibétains :

[traduction]

les Tibétains nés entre les années désignées se voient encore couramment refuser un passeport, et il semble que la seule façon de faire appliquer les dispositions de la loi sur la citoyenneté soit d'embaucher un avocat (pour environ 100 000 roupies [1 687 $CAN]) afin de contester le refus devant la Haute Cour. Il ne s'agit pas d'une option réaliste pour la vaste majorité des Tibétains (TJC juin 2016, 61).

2. Passeport

Selon des sources, le 17 septembre 2018, le MEA a diffusé une directive signée par le directeur des passeports de l'Inde aux bureaux régionaux [ou à toutes les autorités de délivrance de passeport en Inde et à l'étranger (Inde 17 sept. 2018)] à la suite d'une ordonnance de la Haute Cour de Delhi concernant la délivrance de passeports aux réfugiés tibétains nés en Inde entre le 26 janvier 1950 et le 1er juillet 1987, et aux enfants de réfugiés tibétains nés après le 1er juillet 1987 (Inde 17 sept. 2018; Tibetan Review 24 sept. 2018). La directive de 2018 prévoit que les catégories suivantes de Tibétains ont la citoyenneté de naissance au titre du paragraphe 3(1) de la loi de 1955 sur la citoyenneté et, par conséquent, sont en droit d'obtenir un passeport indien :

  • les personnes nées en Inde le 1er janvier 1987 ou après cette date, mais avant la promulgation de la loi de 2003 portant modification de la loi sur la citoyenneté, et dont au moins un des parents est né en Inde entre le 26 janvier 1950 et le 1er juillet 1987;
  • les personnes nées en Inde le jour de la promulgation de la loi de 2003 portant modification de la loi sur la citoyenneté ou après cette date, dont au moins un des parents est né en Inde entre le 26 janvier 1950 et le 1er juillet 1987, à condition qu'aucun de ses parents ne soit un [traduction] « migrant illégal » au moment de la naissance (Inde 17 sept. 2018).

La même directive précise que toutes les autorités de délivrance des passeports en Inde et à l'étranger :

[traduction]

doivent traiter les demandes [de passeport] présentées […] par [les réfugiés tibétains] nés entre [le 26 janvier 1950] et [le 1er juillet 1987] et leurs enfants dont la citoyenneté indienne a été reconnue au titre de la loi de 1955 sur la citoyenneté (Inde 17 sept. 2018).

La loi de 1967 sur les passeports (Passports Act, 1967), qui régit les sorties du pays des citoyens indiens, prévoit les motifs suivants pour refuser de délivrer un passeport :

[traduction]

6. Refus de demandes de passeport, de titre de voyage, etc.

  1. Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, l'autorité de délivrance des passeports refusera d'accorder l'autorisation de séjourner dans un pays étranger au titre de l'alinéa b) ou de l'alinéa c) du paragraphe (2) de l'article 5 pour un ou plusieurs des motifs suivants, et pour aucun autre motif, à savoir :
    1. que le demandeur pourrait se livrer ou se livrera vraisemblablement dans ce pays à des activités préjudiciables à la souveraineté et à l'intégrité de l'Inde;
    2. que la présence du demandeur dans ce pays pourrait être ou sera vraisemblablement préjudiciable à la sécurité de l'Inde;
    3. que la présence du demandeur dans ce pays pourrait être ou sera vraisemblablement préjudiciable aux relations cordiales de l'Inde avec ce pays ou tout autre pays;
    4. que, de l'avis du gouvernement central, la présence du demandeur dans ce pays n'est pas dans l'intérêt public.
  2. Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, l'autorité de délivrance des passeports refusera de délivrer un passeport ou un titre de voyage permettant de séjourner dans tout pays étranger au titre de l'alinéa c) du paragraphe (2) de l'article 5 pour un ou plusieurs des motifs suivants, et pour aucun autre motif, à savoir :
    1. que le demandeur n'est pas citoyen de l'Inde;
    2. que le demandeur pourrait se livrer ou se livrera vraisemblablement à l'extérieur de l'Inde à des activités préjudiciables à la souveraineté et à l'intégrité de l'Inde;
    3. que la présence du demandeur à l'extérieur de l'Inde pourrait être ou sera vraisemblablement préjudiciable à la sécurité de l'Inde;
    4. que la présence du demandeur à l'extérieur de l'Inde pourrait être ou sera vraisemblablement préjudiciable aux relations cordiales de l'Inde avec tout pays étranger;
    5. que, au cours de la période quinquennale qui précède la date de présentation de sa demande, le demandeur a été reconnu coupable par un tribunal en Inde d'une infraction de turpitude morale et condamné à une peine d'emprisonnement d'au moins deux ans;
    6. qu'une procédure à l'égard d'une infraction dont est accusé le demandeur est en instance devant un tribunal pénal de l'Inde;
    7. que le demandeur est visé par une assignation à comparaître ou un mandat d'arrestation délivré par un tribunal au titre d'une loi alors en vigueur, ou qu'une ordonnance interdisant au demandeur de quitter l'Inde a été rendue par un tribunal;
    8. que le demandeur a été rapatrié et n'a pas remboursé les frais encourus pour assurer son rapatriement;
    9. que, de l'avis du gouvernement central, la délivrance d'un passeport ou d'un titre de voyage au demandeur n'est pas dans l'intérêt public (Inde 1967, art. 6).

2.1 Exigences et marche à suivre

Les renseignements contenus dans le paragraphe suivant ont été tirés du site Internet officiel de la Division des services consulaires, des passeports et des visas (Consular, Passport and Visa Division) du MEA :

Pour remplir et soumettre le formulaire de demande de passeport, il faut bien remplir les champs des renseignements personnels et fournir une photo en couleur récente de taille passeport et une signature ou, pour les demandeurs analphabètes, l'empreinte du pouce. Pour les citoyens nés en Inde, la demande doit être accompagnée des documents suivants :

  • une preuve de leur adresse actuelle, telle qu'une facture de services publics ou un bail; et
  • une preuve de la date de naissance, telle qu'un certificat de naissance ou une carte d'électeur ou un permis de conduire indiquant la date de naissance complète.

Les demandeurs peuvent également soumettre une preuve de leur exemption du contrôle lié à l'émigration (Non Emigration Check Required (non-ECR)) [1] ou fournir les documents à l'appui pour la délivrance accélérée (« out of turn » [2]) du passeport (Inde s.d.b, 1,2, 7, 11, 12, 13).

La directive du MEA de 2018 prévoit que les Tibétains qui demandent un passeport indien doivent se conformer aux exigences suivantes :

  1. le demandeur doit remettre son certificat d'enregistrement (Registration Certificate – RC) [3] et/ou son certificat d'identité (Identity Certificate – IC) [4] à l'autorité de délivrance des passeports. Si le RC a déjà été remis, le Tibétain doit soumettre l'attestation de remise délivrée par l'agent régional d'enregistrement des étrangers (Foreign Regional Registration Officer – FRRO) ou l'agent d'enregistrement des étrangers (Foreign Registration Officer – FRO);
  2. une fois qu'il a reçu un passeport indien, le Tibétain ne [traduction] « doit » plus demeurer dans un camp de réfugiés tibétains ni toucher de prestations du gouvernement tibétain en exil. Il doit présenter une déclaration attestant qu'il « renonce volontairement à [son] statut » de réfugié tibétain et aux prestations connexes (Inde 17 sept. 2018).

La même directive précise que les demandes de passeport doivent faire l'objet d'une [traduction] « [v]érification préalable de la police » et que, si le résultat de cette vérification est « "[d]éfavorable" » du fait que le demandeur est l'enfant d'un réfugié tibétain, l'autorité de délivrance des passeports devra considérer que le rapport de vérification est « [a]pprouvé » et délivrer le passeport indien (Inde 17 sept. 2018).

Pour obtenir des renseignements sur les exigences et la marche à suivre pour obtenir un passeport depuis l'étranger, en particulier pour les Tibétains nés en Inde entre 1950 et 1987, ainsi que sur les exigences que doit respecter un Tibétain pour retourner en Inde à partir de l'étranger, veuillez consulter la réponse à la demande d'information IND106312 publiée en juin 2019.

2.2 Décisions judiciaires

Dans la décision de 2018 Sonam Lhanzom v. Union of India, la Haute Cour de Delhi s'est penchée sur la question de savoir si une personne d'origine tibétaine née en Inde en 1998 d'un parent né en Inde avant 1987 serait en droit d'obtenir un passeport indien au titre de l'alinéa 3(1)a) ou b) de la loi de 1955 sur la citoyenneté, et elle a exposé les motifs suivants :

[traduction]

9.1. Selon une interprétation simple de l'alinéa 3(1)a), toute personne qui n'est pas visée par l'exception énoncée au paragraphe (2) et qui est née en Inde [le 26 janvier 1950] ou après cette date, mais avant [le 1er juillet 1987] aurait la citoyenneté indienne. De même, l'alinéa 3(1)b) prévoit que toute personne qui n'est pas visée par l'exception énoncée au paragraphe (2) et qui est née [le 1er juillet 1987] ou après cette date, mais avant l'entrée en vigueur de la loi de 2003 portant modification de la loi sur la citoyenneté, et dont l'un des parents était citoyen de l'Inde au moment de la naissance aurait la citoyenneté indienne.

9.2. Il n'est pas contesté que ni la requérante ni sa mère ne sont visées au paragraphe (2) de l'article 3.

9.3 Par conséquent, en ce qui concerne la requérante (dont la date de naissance, tel qu'il a été précisé précédemment, est […] [en 1998]), elle peut revendiquer la citoyenneté de l'Inde de naissance, seulement si l'un de ses parents était également un citoyen de l'Inde au moment de sa naissance.

9.4 Tel qu'il a été précisé précédemment, la mère de la requérante est née en Inde […] [en 1979]; par conséquent, en ce qui concerne la mère, sa revendication de citoyenneté relève de l'alinéa 3(1)a) de la loi de 1955.

9.5 De même, en ce qui a trait à la requérante, sa revendication relève de l'alinéa 3(1)b) de la loi de 1955 parce que la requérante satisfait aux deux conditions qui y sont énoncées, étant donné que sa naissance a eu lieu au cours de la période spécifiée, soit après [le 1er juillet 1987] mais avant l'entrée en vigueur de la loi de 2003 portant modification de la loi sur la citoyenneté, et que sa mère avait acquis la citoyenneté de naissance, la situation de cette dernière étant visée à l'alinéa 3(1)a) de la loi de 1955.

10. À mon avis, une interprétation simple des dispositions susmentionnées établit à première vue que la revendication de citoyenneté de la requérante est fondée et que, s'il n'y a pas d'autre obstacle, sa demande de passeport devrait être examinée (Inde 9 févr. 2018, paragr. 9-10, en italique dans l'original).

La décision Karma Gyaltsen Neyratsang v. Union of India, rendue par la Haute Cour de Delhi en août 2017, portait sur la révocation du passeport d'une personne d'origine tibétaine née en Inde en 1965, pour les motifs suivants :

[traduction]

10. […] Premièrement, il a été soutenu que le requérant était un ressortissant tibétain et avait obtenu les passeports en cachant sa nationalité tibétaine - il s'agit du seul motif énoncé dans l'avis de justification délivré le 29 juin 2012. Deuxièmement, il a été soutenu que le requérant avait délibérément déclaré que ses parents étaient de nationalité indienne et avait caché son identité tibétaine. Troisièmement, il a été soutenu que le titulaire avait obtenu le passeport en dissimulant de l'information ou en présentation de l'information inexacte - cette allégation a été formulée dans l'avis daté du 12 septembre 2012, qui ne contenait pas de précisions. Quatrièmement, il a été déclaré dans l'affidavit de réponse déposé devant la Cour que le [Bureau du renseignement (Intelligence Bureau – IB)] avait signalé que le requérant se livrait à des « activités antinationales » (Inde 29 août 2017, paragr. 10).

Pour ce qui est du motif selon lequel le requérant était un ressortissant tibétain et avait caché son identité tibétaine, la Cour a écrit ce qui suit dans sa décision :

[traduction]

14. Suivant une interprétation simple de l'alinéa 3(1)a) de la loi de 1955 sur la citoyenneté, il est clair que toute personne née en Inde le 26 janvier 1950 ou après cette date, mais avant le 1er juillet 1987, possède la citoyenneté indienne de naissance. La seule exception est énoncée au paragraphe (2) de l'article 3 de ladite loi. Dans les situations où l'un des parents jouit de l'immunité judiciaire accordée à un émissaire d'un État souverain étranger accrédité auprès du président de l'Inde et où ledit parent n'a pas la citoyenneté indienne, la personne née Inde n'a pas la citoyenneté indienne. Il y a une deuxième exception : si l'un des parents est citoyen d'un pays ennemi et que la naissance a lieu dans un endroit occupé par l'ennemi. Manifestement, ni l'une ni l'autre de ces exceptions ne s'applique dans la présente affaire.

15. Le requérant ne détenait pas de certificat de réfugié tibétain ni de carte d'identité tibétaine, si bien qu'il n'existe pas de document qui soulèverait des doutes au sujet de sa citoyenneté indienne. Manifestement, le requérant avait acquis la citoyenneté indienne à sa naissance.

16. Les circulaires publiées par le ministère des Affaires intérieures ne peuvent être interprétées de manière à affaiblir les dispositions de la loi de 1955 sur la citoyenneté. La possibilité d'invoquer les dispositions du paragraphe 9(2) de la loi de 1955 sur la citoyenneté se présente seulement s'il faut établir si le citoyen de l'Inde a acquis la citoyenneté d'un autre pays, à quel moment ou de quelle façon. Dans la présente affaire, rien ne porte le moindrement à croire que le requérant a acquis la citoyenneté d'un autre pays. Par conséquent, la possibilité que le requérant présente une demande au titre du paragraphe 9(2) de la loi de 1955 sur la citoyenneté afin de trancher la question de sa citoyenneté n'est pas soulevée (Inde 29 août 2017, paragr. 14-16).

Des sources signalent que, en juin 2017, le gouvernement de l'Inde a publié les quatre exigences suivantes pour les personnes d'origine tibétaine qui demandent la citoyenneté indienne : 1) quitter les camps de réfugiés tibétains [une fois qu'elles ont soumis la demande (Hindustan Times 26 juin 2017)]; 2) remettre leur RC et leur CI; 3) renoncer à leurs prestations; 4) soumettre une déclaration écrite confirmant qu'elles renoncent aux prestations (Seetharaman avr. 2020, 101-102; Hindustan Times 26 juin 2017; chercheuse 8 déc. 2021). En réponse, dans la décision Tamding Dorjee v. Government of India, Ministry of External Affairs de 2017, la Haute Cour de Delhi a statué que le gouvernement ne peut pas refuser de délivrer des passeports à des Tibétains qui habitent dans des camps de réfugiés désignés. Voici un extrait de la décision :

[traduction]

7. Le savant avocat qui comparaît pour l'intimé n'a pu relever aucune disposition de la loi qui permet aux autorités de délivrance des passeports de refuser un passeport à un citoyen indien en raison de son lieu de résidence au pays. Il faut préciser que la Cour n'est pas appelée à trancher la question de savoir si le requérant est en droit ou non d'habiter dans un camp de réfugiés tibétains désigné; dans le cadre de la présente requête, la question à trancher est celle de savoir si l'intimé peut refuser de délivrer un passeport à un citoyen indien parce que ce dernier habite dans un de ces camps.

[…]

9. Le paragraphe (2) de l'article 6 de la loi de 1967 sur les passeports prévoit expressément que le refus de délivrer un passeport doit être fondé sur un des motifs énoncés « et pour aucun autre motif ». Dans la présente affaire, aucun des motifs énoncés à l'article 6 de la loi de 1967 sur les passeports ne s'applique. Il est donc manifestement impossible de refuser de délivrer un passeport au requérant en se fondant sur l'avis daté du 30 mai 2017.

10. À la lumière de ce qui précède, j'ordonne aux intimés de traiter la demande de passeport du requérant le plus rapidement possible et, quoi qu'il arrive, dans un délai de quatre semaines à compter d'aujourd'hui. De plus, le requérant doit remettre son RC ou son CI à l'autorité concernée à l'intérieur du même délai (Inde 7 nov. 2017, paragr. 7, 9-10).

2.3 Application des décisions

Dans un article paru en 2017 dans le Hindustan Times, un quotidien de langue anglaise en Inde, Lobsang Wangyal, [un des requérants dans l'affaire Phuntsok Wangyal v. Union of India (Inde 22 sept. 2016)], a déclaré que les exigences publiées en juin 2017 [énumérées dans la section 2.2 de la présente réponse] à l'intention des Tibétains qui demandent un passeport indien [traduction] « "ont placé les Tibétains devant un dilemme" », car les obliger à quitter leur camp pour obtenir un passeport « "équivaut à demander à un Tibétain de devenir sans abri une deuxième fois" » (Hindustan Times 26 juin 2017). Dans le même article, Lobsang Wangyal a fait état de la situation de deux Tibétains qui ont présenté des demandes de passeport à Bengaluru [Bangalore] et ont été avisés qu'ils devaient [traduction] « fournir une adresse autre que celle de leur camp » dans leurs demandes; Lobsang Wangyal a ajouté que, en raison du manque de « clarté au sujet de l'ordonnance », les Tibétains se voient refuser des passeports (Hindustan Times 26 juin 2017). De même, Abhinav Seetharaman écrit que les exigences ajoutées en juin 2017, particulièrement l'interdiction de retourner dans leur camp de réfugiés, [traduction] « ont fait en sorte qu'il est extrêmement difficile » pour les Tibétains de demander la citoyenneté et « ont découragé » bon nombre d'entre eux de présenter des demandes (Seetharaman avr. 2020, 102).

Selon Abhinav Seetharaman, depuis le jugement Tamding Dorjee v. Government of India, Ministry of External Affairs, les bureaux régionaux des passeports n'ont pas appliqué le critère relatif à la résidence dans un camp désigné [traduction] « dans la plupart des cas » (Seetharaman avr. 2020, 102). Au cours d'un entretien avec la Direction des recherches, une chercheuse dans une université de New Delhi dont les recherches portent sur le Tibet ainsi que sur des sujets tels que la paix, la sécurité, la démocratie et les droits de la personne, a déclaré, sans fournir de précisions additionnelles, que divers bureaux régionaux des passeports appliquaient les quatre critères différemment : certains suivent [traduction] « rigoureuse[ment] » les directives alors que d'autres les appliquent de façon plus « indulgente » (chercheuse 8 déc. 2021). D'après l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), « très peu » de Tibétains avaient obtenu un passeport et étaient inscrits sur les listes électorales en date d'octobre 2017, en raison à la fois de la « réticence » des bureaux de délivrance des passeports à traiter les demandes soumises par des personnes d'origine tibétaine et de l'obligation de renoncer à vivre dans les camps de réfugiés tibétains et à toucher les allocations de l'Administration centrale tibétaine (Central Tibetan Administration – CTA) (France 7 janv. 2020, 7). Selon un article publié dans le Times of India, un journal indien de langue anglaise appartenant au conglomérat médiatique Times Group (The Times Group s.d.), [traduction] « [e]nviron 1 000 » des « quelque » 22 000 Tibétains qui vivent dans l'État de l'Himachal Pradesh se sont inscrits auprès de l'ECI en vue de voter aux élections de l'assemblée de l'État en 2017 (The Times of India 3 nov. 2017). Des médias signalent aussi que les Tibétains vivant dans le district de Kangra de l'Himachal Pradesh ont été tenus de renoncer à leur RC dès qu'ils se sont inscrits comme électeurs indiens (The Tibet Express 12 févr. 2018; Tibetan Review 12 févr. 2018; The Times of India 11 févr. 2018).

3. Situation des Tibétains qui exercent leurs droits de citoyenneté et demandent un passeport

La chercheuse a fait observer que l'Inde n'est pas signataire de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, et que le gouvernement considère la population tibétaine de l'Inde comme des [traduction] « étrangers » (chercheuse 8 déc. 2021). Selon des sources, le nombre de réfugiés tibétains qui arrivent en Inde a diminué [traduction] « continuellement » (Australie 10 déc. 2020, paragr. 2.19) ou [traduction] « considérablement » (Reuters 21 juin 2017); le ministère des Affaires étrangères et du Commerce (Department of Foreign Affairs and Trade – DFAT) de l'Australie signale que 80 Tibétains sont arrivés en Inde en 2017, comparativement à 3 000 chaque année de 1996 à 2008 (Australie 10 déc. 2020, paragr. 2.19), tandis que Reuters précise que 87 Tibétains se sont inscrits auprès du gouvernement tibétain en exil à Dharamsala en 2015, comparativement à 2 500 par année avant 2008 (Reuters 21 juin 2017). Dans un article paru dans l'Indian Express, un quotidien de langue anglaise en Inde, le conseiller en matière d'affaires tibétaines du gouvernement de l'Inde a déclaré que le nombre de réfugiés tibétains en Inde avait diminué, passant de 1,5 million en 2011 à 85 000 en 2018, une baisse qui, de l'avis des [traduction] « autorités », « pourrait » découler de « divers facteurs » tels que l'absence d'une politique nationale relative aux réfugiés (The Indian Express 11 sept. 2018). D'après le plus récent recensement réalisé par le Comité central d'entraide tibétain (Central Tibetan Relief Committee – CTRC) en 2019 et cité dans le rapport annuel 2019-2020 du MHA de l'Inde, la population des réfugiés tibétains en Inde se chiffre à 73 404, les principales concentrations se trouvant dans le Karnataka (21 922), l'Himachal Pradesh (16 146), l'Arunachal Pradesh (4 708), l'Uttarakhand (4,654), le Bengale occidental (3 006) et le Jammu-et-Cachemire (7 041) (Inde 13 févr. 2021, 253). Toutefois, le DFAT de l'Australie signale que, [traduction] « selon les estimations », il y a 95 000 (Australie 10 déc. 2020, paragr. 2.19) Tibétains qui vivent en Inde (Australie 10 déc. 2020, paragr. 2.19).

Dans un article publié par le Washington Post, un [traduction] « représentant du gouvernement indien » a déclaré « [qu']il n'y a pas de décompte du nombre de Tibétains ayant présenté des demandes de passeport », mais un porte-parole de la CTA a affirmé « [qu']un petit nombre d'entre eux avaient soumis des demandes » (The Washington Post 9 oct. 2017). Abhinav Seetharaman signale qu'il y a [traduction] « plus de 300 » Tibétains qui détiennent un passeport, dont « quelques-uns » qui ont intenté des procédures judiciaires « très médiatisées » en vue de les obtenir (Seetharaman avr. 2020, 100). L'anthropologue culturelle a déclaré que [traduction] « de nombreux » membres de « l'élite » tibétaine en Inde détiennent la citoyenneté de l'Inde ou de pays occidentaux (anthropologue culturelle 3 déc. 2021).

3.1 Traitement réservé par les autorités indiennes

Selon des sources, les Tibétains en Inde ont [traduction] « [g]énéralement » (Seetharaman avr. 2020, 99) ou [traduction] « parfois » (É.-U. mars 2021, 37) éprouvé des difficultés à exercer leurs droits de citoyenneté même s'ils satisfont aux exigences légales (É.-U. mars 2021, 37; Seetharaman avr. 2020, 99). D'après diverses sources, les Tibétains qui demandent un passeport subissent les effets des [traduction] « retards » administratifs (Seetharaman avr. 2020, 105) ou de la [traduction] « réticence » à traiter les demandes (chercheuse doctorante 8 déc. 2021), bien qu'il s'agisse d'un problème qui touche « de nombreux » demandeurs de passeport en Inde, et pas seulement les Tibétains (chercheuse doctorante 8 déc. 2021; Seetharaman avr. 2020, 105). Au cours d'un entretien téléphonique avec la Direction des recherches, une chercheuse doctorante à l'Université du Sussex à Brighton, au Royaume-Uni, dont les recherches portent principalement sur les déplacements, les réinstallations et les migrations, y compris parmi les Tibétains en Inde, a déclaré que ces problèmes touchent [traduction] « particulièrement » les gens qui vivent dans les régions éloignées ou défavorisées de l'Inde ou dans les « localités plus petites » de la région du Sud (chercheuse doctorante 8 déc. 2021).

Selon des sources, un autre obstacle que les Tibétains doivent surmonter est la méconnaissance du processus de demande (chercheuse 8 déc. 2021; Seetharaman avr. 2020, 99). Abhinav Seetharaman, qui a interviewé 25 personnes en Inde en 2018, y compris des Tibétains [traduction] « ordinaires » et des politiciens tibétains ainsi que des journalistes indiens couvrant le Tibet et un avocat en droit constitutionnel indien, signale que, d'après les personnes interviewées, cette méconnaissance « découle de l'absence d'instructions de la part du gouvernement de l'Inde » (Seetharaman avr. 2020, 98, 100).

D'après un [traduction] « haut fonctionnaire de la CTA » interviewé par Abhinav Seetharaman, les autorités indiennes perçoivent les Tibétains comme des citoyens « naturalisés » plutôt que comme des citoyens « naturels », ce qui « pourrait expliquer » pourquoi les Tibétains croient qu'ils doivent embaucher un avocat pour demander la citoyenneté (Seetharaman avr. 2020, 105). Des sources signalent que les avocats qui offrent ces services demandent [traduction] « des honoraires très élevés » (chercheuse 8 déc. 2021) ou [traduction] « importants » que « la plupart » des Tibétains n'ont pas les moyens de payer (Seetharaman avr. 2020, 103, 104). Les mêmes sources ajoutent que [traduction] « certains » de ces avocats « exploi[tent] » les demandeurs (chercheuse 8 déc. 2021) ou qu'un [traduction] « nombre non négligeable » de ces avocats « se livrent à des pratiques frauduleuses », par exemple en « surfacturant » ou en « induisant en erreur » les demandeurs (Seetharaman avr. 2020, 104).

Selon la chercheuse doctorante, pour les Tibétains en Inde qui sont nés dans une région éloignée ou dans une famille pauvre, il peut être [traduction] « ardu » de rassembler tous les documents d'identité requis pour présenter une demande, ce qui comprend des documents expirés (chercheuse doctorante 8 déc. 2021). De même, l'anthropologue culturelle a déclaré que la [traduction] « majorité » des Tibétains en Inde sont des « citoyens insuffisamment documentés » pour qui les passeports « ne sont pas accessibles » (anthropologue culturelle 3 déc. 2021). Le TJC signale que, pour les Tibétains qui ont droit à la citoyenneté de naissance en Inde, l'obligation [traduction] « [d']établir leur date de naissance » au moyen d'un certificat de naissance « pourrait » constituer un « obstacle », car « ce ne sont pas tous les Tibétains nés en Inde qui détiennent un certificat de naissance indien valide » (TJC juin 2016).

3.2 Traitement réservé par la société

Selon Abhinav Seetharaman, à la lumière des entrevues réalisées en 2018, les Tibétains en Inde doivent surmonter un autre type d'obstacles pour exercer leurs droits de citoyenneté, qui comprend [traduction] « les reproches de nombreux membres de la communauté tibétaine en Inde » (Seetharaman avr. 2020, 98, 100). De même, la chercheuse doctorante a signalé que les Tibétains peuvent subir des [traduction] « pressions sociales » liées à leur position ou statut au sein de la communauté en exil qui « compliquent » leur quête de citoyenneté, par exemple s'ils sont moines ou fonctionnaires de la CTA; il arrive « coura[mment] » que des gens présentent des demandes de citoyenneté et de passeport « secrètement » (chercheuse doctorante 8 déc. 2021). La même source a ajouté que la pression sociale peut également provenir de la famille du demandeur, si le fait de devenir citoyen indien est perçu comme étant contraire [traduction] « aux pratiques de dévotion ou à la nationalité tibétaine » (chercheuse doctorante 8 déc. 2021). La chercheuse a fait remarquer que l'obtention de la citoyenneté indienne est perçue par [traduction] « certains » Tibétains comme une « négation » du mouvement d'indépendance tibétain, et qu'elle place les Tibétains ayant la citoyenneté indienne dans une « zone d'incertitude » où ils sont « ostracisés » par le reste de la communauté tibétaine (chercheuse 8 déc. 2021).

3.3 Traitement réservé par la CTA

Le TJC fait observer, à la lumière d'entrevues avec des représentants de la CTA, que la [traduction] « position officielle » de la CTA n'est pas de « refuser son approbation » aux Tibétains qui tentent d'obtenir la citoyenneté indienne, en soulignant que la charte des Tibétains permet « expressément » la double citoyenneté (TJC juin 2016, 63). Toutefois, la même source cite d'autres personnes interviewées, y compris des responsables tibétains et un représentant de la société civile, selon qui bon nombre de gens, y compris [traduction] « au sein de la CTA », croient que les Tibétains « devraient conserver leur statut de réfugié » de façon à ne pas « renoncer à leur identité et à leurs allégeances nationales »; « [c]e manque de soutien de la part de la CTA envers l'acquisition de la citoyenneté indienne fait en sorte que certains Tibétains hésitent » à la demander (TJC juin 2016, 63). De même, l'anthropologue culturelle a expliqué que la CTA [traduction] « affirme officiellement » ne pas avoir d'objection à ce que les Tibétains demandent la citoyenneté indienne, mais décourage « officieusement » de telles démarches (anthropologue culturelle 3 déc. 2021). La chercheuse signale que la CTA préférerait que moins de gens demandent la citoyenneté (chercheuse 8 déc. 2021). Dans une entrevue avec le Hindu, un quotidien de langue anglaise en Inde, un fonctionnaire [traduction] « haut placé » de la CTA a déclaré que l'obtention de passeports indiens par des Tibétains fait naître « de réelles préoccupations » quant au sort du « mouvement tibétain » (The Hindu 4 févr. 2018). À l'inverse, un représentant du ministère de l'Information et des Relations internationales (Department of Information and International Relations) de la CTA a déclaré dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches que les Tibétains vivant en Inde qui obtiennent un passeport indien [traduction] « n'auront aucune difficulté » à demeurer admis dans la communauté tibétaine, pourvu qu'ils conservent leur livre vert tibétain (Tibetan Green Book) [5] (CTA 17 déc. 2021). La même source a ajouté [traduction] « [qu']aucune pression [sociale] » n'est exercée sur les Tibétains pour qu'ils demeurent apatrides (CTA 17 déc. 2021).

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Notes

[1] Selon la Division des services consulaires, des passeports et des visas (Consular, Passport and Visa Division) du ministère des Affaires extérieures (Ministry of External Affairs – MEA), les personnes appartenant à certaines [traduction] « sections vulnérables de la société », y compris les enfants et les travailleurs analphabètes, doivent subir un contrôle de l'immigration avant de se rendre à l'étranger, lequel vise à les protéger contre l'exploitation (Inde s.d.b, 4). La même source ajoute que [traduction] « [l]a plupart des citoyens » se classent dans la catégorie de l'exemption du contrôle lié à l'émigration (Non Emigration Check Required (non-ECR) (Inde s.d.b, 4).

[2] Des sources signalent que la vérification policière s'effectue après la délivrance du passeport accéléré (« out of turn »), et non avant (NewsBytes 5 avr. 2018; Inde 2018, art. 2e)).

[3] Des sources affirment que le certificat d'enregistrement (Registration Certificate – RC) est l'équivalent d'un permis de résidence (France 7 janv. 2020, 4) ou atteste que la personne s'est [traduction] « inscrite à titre d'étranger en Inde » (TJC juin 2016, 40). Selon le TJC, dans la pratique, ce certificat confère un [traduction] « statut informel » qui permet aux Tibétains « d'habiter dans une localité donnée en Inde » et qui est rattaché un camp de réfugiés tibétains (TJC juin 2016, 40).

[4] L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) précise que le certificat d'identité (Identity Certificate – IC) est un titre de voyage délivré par le gouvernement de l'Inde aux Tibétains (France 7 janv. 2020, 4). D'après le TJC, bien que la délivrance de ce certificat vise à permettre aux Tibétains de voyager à l'étranger, [traduction] « [c]e ne sont pas tous les pays qui acceptent l'IC comme titre de voyage valide » et il y a des signalements de cas où des Tibétains « se font harceler et humilier par des agents des douanes et du personnel aéroportuaire qui ne connaissent pas le document », même dans des pays comme les États-Unis et le Canada, qui l'acceptent (TJC juin 2016, 49-50).

[5] Selon le site Internet de l'Administration centrale tibétaine (Central Tibetan Administration – CTA), le livre vert tibétain (Tibetan Green Book) est délivré à tout Tibétain qui verse une [traduction] « contribution volontaire mensuelle », appelée « Chatrel », au gouvernement en exil (CTA s.d.). Le livre vert est [traduction] « en fait » un passeport pour les Tibétains exilés qui sert à « réclam[er] leurs droits auprès de la CTA » et pour « l'admission à l'école, les bourses d'études et l'accès à l'emploi dans la communauté des exilés » (CTA s.d.).

Références

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Chercheuse, université à New Delhi. 8 décembre 2021. Entretien avec la Direction des recherches.

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The Washington Post. 9 octobre 2017. Vidhi Doshi. « After Nearly Six Decades of Exile, Some Tibetans in India Are Slowly Letting Go of the Past ». [Date de consultation : 16 nov. 2021]

Autres sources consultées

Sources orales : Canada – haut-commissariat du Canada à New Delhi; Central Tibetan Administration – Office of Tibet à Washington; Centre for Studies in Social Sciences Calcutta; Citizens Against Hate; Comité Canada-Tibet; Inde – ambassade de l'Inde à Washington, haut-commissariat de l'Inde à Ottawa; International Campaign for Tibet; professeur d'affaires internationales dans une université aux États-Unis dont les recherches portent principalement sur les relations étrangères de la Chine et qui a publié des articles sur les Tibétains en Inde et en Chine; professeur de droit dans une université aux États-Unis dont les recherches portent principalement sur les droits de la personne, les réfugiés et le droit constitutionnel en Inde; professeur de géographie humaine dans une université au Royaume-Uni dont les recherches portent principalement sur la légitimité politique dans les communautés marginalisées, notamment la communauté tibétaine en exil; professeur et socio-anthropologue culturel dans une université aux États-Unis dont les recherches portent principalement sur la société tibétaine.

Sites Internet, y compris : Amnesty International; BBC; Canterbury Christ Church University; Central Tibetan Administration – Tibetan Policy Journal; ecoi.net; États-Unis – US Commission on International Religious Freedom; Factiva; Freedom House; The Guardian; Human Rights Watch; Manipur International University; Manohar Parrikar Institute for Defence Studies and Analyses; Nations Unies – Haut Commissariat pour les réfugiés, Refworld; Press Trust of India; Royaume-Uni – Home Office; Tibet Sun; The Tribune [Inde]; The University of Texas at Austin.

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