Turquie : information sur le traitement réservé aux personnes ayant diverses orientations sexuelles, identités de genre et expressions de genre (OSIGEG) par la société et les autorités, y compris la protection offerte par l’État et les services de soutien (2018-novembre 2020) [TUR200360.EF]

Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada

1. Lois

Des sources signalent que la Turquie ne dispose d’aucune loi interdisant les actes sexuels entre personnes de même sexe (Australie 10 sept. 2020, paragr. 3.83; ILGA World déc. 2019, 176). Selon un rapport d’information sur les pays consacré à la Turquie, publié en septembre 2020 par le ministère des Affaires étrangères et du Commerce (Department of Foreign Affairs and Trade - DFAT) de l’Australie, l’Empire ottoman a décriminalisé la sodomie en 1858 (Australie 10 sept. 2020, paragr. 3.83). De même, il est écrit dans un rapport d’information sur les pays publié par le ministère des Affaires étrangères (Ministry of Foreign Affairs) des Pays-Bas que l’Empire ottoman a légalisé les [traduction] « contacts homosexuels » en 1858 et que l’homosexualité est légale depuis la création de la République de Turquie en 1923 (Pays-Bas oct. 2019, 42-43).

Selon des sources, l’âge légal du consentement est 18 ans, et ce, pour tous types d’actes sexuels, y compris les actes homosexuels (Australie 10 sept. 2020, paragr. 3.83; Stonewall août 2018).

Dans le document sur la Turquie tiré de la série Global Workplace Briefings 2018 publiée par Stonewall, une organisation du Royaume-Uni dont la mission consiste entre autres à collaborer avec des institutions [traduction] « pour veiller à ce qu’elles offrent un milieu inclusif, égalitaire et inspirant aux personnes LGBT » et à améliorer les protections prévues par la loi pour ces personnes en Grande-Bretagne et à l’étranger (Stonewall 10 août 2015), on peut lire que le mariage entre personnes de même sexe n’est pas légal en Turquie, que les relations homosexuelles [traduction] « ne [sont] d’aucune façon reconnues par la loi » et que les couples de même sexe n’ont pas le droit d’adopter un enfant (Stonewall août 2018).

Selon des sources, il est interdit aux personnes qui s’affichent ouvertement comme étant LGBT de servir dans l’armée (Freedom House 4 mars 2020, sect. F4; Pays-Bas 11 juill. 2019, 16).

Des sources soulignent le vide juridique sur la question de la protection contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre (Freedom House 4 mars 2020, sect. F4; Australie 10 sept. 2020, paragr. 3.83). Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un professeur agrégé de l’Université Butler, en Indiana, qui a rédigé un ouvrage sur les droits des personnes LGBTI en Turquie, a attiré l’attention sur le fait que

[traduction]

[l’]un des pires problèmes engendrés par les lois en vigueur en Turquie est que le libellé de la constitution n’interdit pas expressément la discrimination contre la communauté LGBTI. Si l’article 10 interdit la discrimination, l’orientation sexuelle n’y est pas mentionnée explicitement comme motif de discrimination (professeur agrégé 25 oct. 2020).

Concernant le principe d’égalité devant la loi, la constitution de la Turquie prévoit ce qui suit :

[traduction]

ARTICLE 10- Tous les individus sont égaux devant la loi, sans distinction de langue, de race, de couleur, de sexe, d’opinion politique, de croyance philosophique, de religion ou de confession, ou distinction fondée sur des considérations similaires (paragraphe ajouté le 7 mai 2004; loi no 5170). Les hommes et les femmes ont des droits égaux. L’État est tenu d’assurer la mise en pratique de cette égalité (phrase ajoutée le 12 septembre 2010; loi no 5982). Les mesures prises à cet effet ne doivent pas être interprétées contrairement au principe d’égalité (paragraphe ajouté le 12 septembre 2010; loi no 5982). Les mesures prises pour la protection des enfants, des personnes âgées, des personnes handicapées, des veuves et des orphelins des martyrs, de même que des invalides et des anciens combattants, ne sont pas considérées comme une atteinte au principe d’égalité. Aucun privilège ne peut être accordé à un individu, une famille, un groupe ou une classe quelconque. Les organes de l’État et les autorités administratives sont tenus d’agir conformément au principe de l’égalité devant la loi en toute circonstance (Turquie 1982).

D’après des sources, aucune mesure législative relative aux crimes haineux n’est prévue pour la protection des personnes LGBTI (Australie 10 sept. 2020, paragr. 3.84) ou, autrement dit, [traduction] « l’orientation sexuelle, l’identité de genre et les caractéristiques liées au sexe » ne sont pas protégées par les mesures législatives relatives aux crimes haineux contenues dans le code pénal de la Turquie (Kaos GL juill. 2020, 20). Le code pénal de la Turquie prévoit ce qui suit concernant les crimes haineux et la discrimination :

[traduction]

Article 122 – (modifié le 2 mars 2014 par l’article 15 de la loi no 6529)

  1. Est passible d’une réclusion de un à trois ans quiconque pratique une discrimination haineuse envers autrui fondée sur la langue, la race, la nationalité, la couleur, le sexe, l’incapacité, les opinions politiques, la croyance philosophique, la religion ou la confession en :
    1. faisant obstacle à la vente, au transfert ou à la location d’une propriété mobilière ou immobilière offerte au public,
    2. empêchant une personne de bénéficier d’un service offert au public,
    3. empêchant une personne d’obtenir un emploi,
    4. empêchant une personne d’exercer une activité économique ordinaire (Turquie 2004).

1.1 Personnes transgenres

Des sources signalent que, depuis 1988, des personnes en Turquie ont pu légalement changer de genre (Pays-Bas oct. 2019, 43; Al Jazeera 30 avr. 2020). Dans le document préparé par Stonewall, il est en outre précisé que les personnes transgenres peuvent faire changer leur nom légal sur tous leurs papiers d’identité; toutefois, pour qu’un changement de nom soit légalement autorisé, il faut présenter une demande au Bureau d’enregistrement national (National Registration Office), donner une [traduction] « "raison valable" » justifiant le changement et avoir un témoin (Stonewall août 2018). D’après des sources, les personnes transgenres [âgées de plus de 18 ans (Stonewall août 2018; ILGA World sept. 2020, 169)] peuvent obtenir le droit de changer de genre si elles disposent de l’autorisation d’un tribunal et d’une évaluation médicale (Stonewall août 2018; Australie 10 sept. 2020, paragr. 3.83), mais seulement au genre masculin ou féminin (Stonewall août 2018). C’est ce qui est prévu à l’article 40 du code civil (Stonewall août 2018). La personne qui souhaite changer de genre doit aussi subir une stérilisation (Australie 10 sept. 2020, paragr. 3.83; ILGA World sept. 2020, 169; Stonewall août 2018) et [ne pas être mariée (ILGA World sept. 2020, 169)], [demeurer non mariée (Australie 10 sept. 2020, paragr. 3.83)] ou [obtenir le divorce (Stonewall août 2018)]. Il est écrit dans un article publié en août 2020 par le Guardian que la chirurgie d’affirmation de genre est offerte gratuitement par le réseau national de la santé de la Turquie depuis 2002 (The Guardian 29 août 2020). Dans un article paru en décembre 2017 dans le Daily Sabah, un journal d’Istanbul, on peut lire que, en novembre 2017, le Tribunal constitutionnel (Constitutional Court) a annulé une loi qui exigeait des personnes transgenres qu’elles prouvent leur [traduction] « "incapacité à procréer" » afin de pouvoir subir la chirurgie d’affirmation de genre (Daily Sabah 1er déc. 2017). Selon un rapport sur la situation en matière de droits fondamentaux des personnes LGBTI en Europe et en Asie centrale publié en 2020 par la région de l’Europe de l’Association internationale des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, trans et intersexes (International Lesbian, Gay, Bisexual, Trans and Intersex Association - Europe - ILGA-Europe), [traduction] « [b]ien que la Cour suprême ait déjà statué que la stérilisation n’est plus une condition requise pour [la reconnaissance légale du genre d’une personne], les médecins l’exigeaient toujours cette année » (ILGA-Europe févr. 2020, 111).

2. Traitement réservé aux personnes ayant diverses OSIGEG
2.1 Traitement réservé par la société
2.1.1 Violence

Freedom House signale que les personnes LGBT+ subissent de la discrimination, du harcèlement policier et de la [traduction] « violence occasionnelle » (Freedom House 4 mars 2020, sect. F4). Au dire du professeur agrégé, [traduction] « [l]a dernière décennie a vu de nombreux cas de personnes lesbiennes, gaies, transgenres, bisexuelles et intersexuées victimes de menaces et d’agressions physiques » (professeur agrégé 25 oct. 2020). Selon un rapport paru en mai 2020 sur les droits fondamentaux des personnes LGBTI+ en Turquie préparé par l’Association culturelle Kaos de solidarité et de recherche pour les gais et lesbiennes (Kaos Gay and Lesbian Cultural Research and Solidarity Association - Kaos GL), une association dédiée aux personnes LGBTI+ de Turquie (Kaos GL s.d.), des données obtenues auprès des autorités judiciaires et de la presse montrent que cinq [traduction] « meurtres motivés par la haine » ont été commis à l’endroit de personnes LGBTI+ en 2019 (Kaos GL mai 2020, 8). Dans une enquête réalisée par Kaos GL auprès de 150 victimes et témoins de crimes haineux motivés par l’homophobie et la transphobie survenus en 2019, sur les 150 cas signalés par les répondants, 56 consistaient en des agressions commises contre des personnes, dont des tentatives de meurtre, des voies de fait, des blessures par balle, des viols ou des agressions sexuelles (Kaos GL juill. 2020, 8, 11).

2.1.2 Violence contre les personnes transgenres

Le rapport de 2020 publié par l’ILGA-Europe fait état du meurtre de [traduction] « plusieurs » femmes trans en 2019 (ILGA-Europe févr. 2020, 109). D’après le projet de recherches comparatives sur le respect des personnes transgenres et la transphobie dans le monde (Transrespect Versus Transphobia Worldwide - TvT), mené par le réseau militant Transgender Europe (TGEU), dans le cadre duquel sont recueillis et analysés des renseignements sur [traduction] « les cas signalés de meurtre de personnes transgenres ou de diverses identités de genre partout dans le monde » (TGEU s.d.), d’octobre 2018 à septembre 2019, trois meurtres de cette nature ont été signalés en Turquie (TGEU 20 nov. 2019). Des sources signalent que, en janvier 2019, une femme trans a été abattue par balle par un policier à Izmir (Demirören News Agency 9 janv. 2019; Bianet 15 janv. 2019). On peut lire dans le rapport de 2020 publié par l’ILGA-Europe qu’un [traduction] « groupe de femmes trans a été assailli dans un parc de Gaziantep en juin [2019], et des policiers les ont ensuite placées en détention et leur ont fait subir de la violence verbale » (ILGA-Europe févr. 2020, 109).

2.2 Traitement réservé par les autorités
2.2.1 Liberté de réunion

Freedom House souligne que le gouvernement s’en est pris aux événements destinés à la communauté LGBT+ [traduction] « au cours des dernières années » (Freedom House 4 mars 2020, sect. E1). Des sources font état du fait que, en 2019, le défilé des fiertés d’Istanbul a été interdit pour la cinquième année consécutive (Freedom House 4 mars 2020, sect. E1; Amnesty International 16 avr. 2020, 82). Des sources ajoutent que les policiers ont fait usage de gaz lacrymogène et de balles en caoutchouc pour disperser les participants qui s’étaient rassemblés à Istanbul malgré l’interdiction (Freedom House 4 mars 2020, sect. E1; Reuters 30 juin 2019). Selon Freedom House, les rassemblements prévus pour célébrer les fiertés ont aussi été interdits à Ankara et à Izmir (Freedom House 4 mars 2020, sect. E1). De même, Amnesty International signale que les autorités des départements d’Izmir, d’Antalya et de Mersin ont imposé en juin 2019 des [version française d’Amnesty International] « interdictions générales » pour empêcher le déroulement de tous les événements de la semaine des fiertés (Amnesty International 16 avr. 2020, 82).

Des sources signalent que l’interdiction générale visant tous les événements liés aux personnes LGBTI décidée par les autorités d’Ankara en novembre 2017 a été levée en avril 2019 à la suite d’une décision de justice (Amnesty International 16 avr. 2020, 82; HRW 25 avr. 2019). Cependant, selon Amnesty International, depuis, les événements destinés aux personnes LGBTI à Ankara ont été interdits au cas par cas, comme ce fut le lot de la marche des fiertés organisée à l’Université technique du Moyen-Orient (ODTÜ) en mai 2019, interdite par la direction de l’université et dispersée par la police, [version française d’Amnesty International] « qui a utilisé une force injustifiée et excessive » (Amnesty International 16 avr. 2020, 82). La même source précise que dix-huit étudiants et un enseignant de l’ODTÜ ont été poursuivis en justice; il leur était reproché d’avoir participé à la marche des fiertés, qui avait été interdite (Amnesty International 16 avr. 2020, 82). Dans son rapport, le ministère des Affaires étrangères des Pays-Bas attire l’attention sur le fait que l’interdiction visant les activités publiques de la communauté LGBTI à Ankara [traduction] « est toujours en vigueur [en 2019] » (Pays-Bas oct. 2019, 43). D’après le DFAT de l’Australie, [traduction] « dans la pratique, l’interdiction imposée à Ankara et dans de nombreuses autres provinces perdure, car les autorités refusent de donner leur autorisation au cas par cas, invoquant des préoccupations en matière de sécurité » (Australie 10 sept. 2020, paragr. 3.89). La même source ajoute que, au cours des mois ayant suivi la levée de l’interdiction, les policiers ont utilisé des canons à eau, des balles en caoutchouc et du gaz lacrymogène pour disperser les personnes rassemblées lors du mois des fiertés (Australie 10 sept. 2020, paragr. 3.89).

3. Accès à l’emploi et à l’éducation
3.1 Accès à l’emploi

Le professeur agrégé a déclaré que des personnes ayant diverses OSIGEG avaient subi de la discrimination dans la sphère de l’emploi en Turquie (professeur agrégé 25 oct. 2020). Dans le rapport du ministère des Affaires étrangères des Pays-Bas, il est écrit que les personnes LGBTI reçoivent [traduction] « régulièrement » un traitement « défavorable » au travail (Pays-Bas oct. 2019, 43). Selon Stonewall, un membre du conseil d’administration de l’Association d’études sur l’orientation sexuelle, l’identité de genre et les politiques sociales (Social Policy, Gender Identity and Sexual Orientation Studies Association - SPoD), un groupe d’universitaires, d’avocats et de militants qui [traduction] « oeuvre à trouver des solutions globales et durables à la violence, l’oppression et la discrimination dont sont victimes les personnes appartenant à la communauté LGBTI+ » (SPoD s.d.), a affirmé que les personnes LGBT dissimulent souvent leur identité sexuelle et de genre au travail et que celles qui ne le font pas [traduction] « s’exposent à de possibles répercussions » (Stonewall août 2018). D’après la même source, la transphobie et l’absence de lois interdisant la discrimination font en sorte que les personnes transgenres ont peu de possibilités d’emploi, ce qui pousse bon nombre de femmes trans à devenir des travailleuses du sexe (Stonewall août 2018). Au dire du membre du conseil d’administration de la SPoD, le secteur privé est de plus en plus conscient des enjeux liés aux employés appartenant à la communauté LGBTI et collabore avec des ONG de défense des droits des personnes LGBTI pour, par exemple, fournir aux employés une formation sur ces droits (Stonewall août 2018).

3.2 Accès à l’éducation

D’après l’enquête de Kaos GL sur les crimes haineux motivés par l’homophobie et la transphobie, sur les 150 cas signalés en 2019, 37 victimes étaient des enfants, et 21 cas sont survenus dans des écoles (Kaos GL juill. 2020, 31-32). Dans un rapport sur la situation des personnes LGBTI en Turquie publié par l’Association pour l’égalité des droits des personnes LGBTI dans les Balkans occidentaux et la Turquie (LGBTI Equal Rights Association for Western Balkans and Turkey - ERA) [1], coécrit entre autres par Kaos GL, on peut lire que [traduction] « [l]a discrimination, l’exclusion, l’intimidation, les discours haineux et les crimes haineux dans les dortoirs étudiants sont monnaie courante d’après les signalements faits par des [organisations de la société civile] locales. Les étudiants transgenres dont l’identité de genre ne correspond pas à celle figurant sur leurs papiers d’identité officiels peuvent être expulsés des dortoirs » (ERA et al. 2 juill. 2019, 8).

4. Protection offerte par l’État
4.1 Système judiciaire et force policière

On peut lire dans un article paru en juillet 2020 dans Politico, un hebdomadaire européen traitant de considérations politiques et de politiques publiques (Politico s.d.), que, selon un avocat et défenseur des droits des personnes LGBTQ, [traduction] « le fait que les lois ne prévoient aucune mesure de protection a créé une culture d’impunité entourant les crimes haineux visant la communauté LGBTQ » (Politico 24 juill. 2020).

Le professeur agrégé a déclaré que, [traduction] « [d]ans de nombreux cas, les crimes commis contre des personnes LGBTI ne font pas l’objet de poursuites en bonne et due forme » (professeur agrégé 25 oct. 2020). Selon l’enquête réalisée en juillet 2020 par Kaos GL, les auteurs de crimes haineux motivés par l’homophobie ou la transphobie [traduction] « peuvent recevoir une récompense des tribunaux turcs sous la forme d’une réduction de peine au motif qu’il y a eu "provocation injuste" ou "bonne conduite" » (Kaos GL juill. 2020, 21). De même, le professeur agrégé a affirmé que certains délinquants ayant perpétré des crimes contre des personnes LGBTI peuvent être autorisés à invoquer l’article 29 du code pénal, selon lequel des actes commis sous l’effet de la [traduction] « colère » peuvent entraîner une réduction de peine (professeur agrégé 25 oct. 2020). D’après le rapport du DFAT de l’Australie, [traduction] « [d]es groupes de défense des droits de la personne soutiennent que des juges ont appliqué l’article 29 afin de réduire des peines dans des affaires de meurtre de personnes LGBTI » (Australie 10 sept. 2020, paragr. 3.84). Le code pénal de la Turquie prévoit ce qui suit concernant la [traduction] « provocation injuste » :

Article 29

  1. Quiconque commet une infraction sous l’effet de la colère ou d’une détresse intense causé par une injustice sera condamné à une réclusion de dix-huit à vingt-quatre ans si l’infraction est normalement passible d’une réclusion à perpétuité aggravée, et à une réclusion de douze à dix-huit ans si l’infraction est normalement passible d’une réclusion à perpétuité ordinaire. Dans les autres cas, la réduction de peine sera d’un quart à trois quarts (Turquie 2004).

Au dire du professeur agrégé, de nombreux membres de la communauté LGBTI [traduction] « se sont dits préoccupés, car ils ne savent pas s’ils seront en sécurité s’ils décident de s’adresser à la police pour obtenir une protection contre la discrimination » (professeur agrégé 25 oct. 2020). Il est écrit dans le rapport publié par l’ERA et al. que la force policière ne compte aucune unité spéciale chargée d’enquêter sur les incidents dont les personnes LGBTI+ sont victimes (ERA et al. 2 juill. 2019, 6). Selon l’enquête réalisée en juillet 2020 par Kaos GL, 26 des 150 crimes haineux faisant l’objet de l’enquête ont été signalés à la police, 8 se sont rendus devant les tribunaux, et 4 ont été considérés comme des crimes haineux par la police (Kaos GL juill. 2020, 12). Dans le cadre de la même enquête, sur les 26 cas signalés à la police, [traduction] « les policiers se sont montrés solidaires dans 2 cas, indifférents dans 12 cas, cyniques ou humiliants dans 8 cas, et neutres dans 4 cas » (Kaos GL juill. 2020, 34). Selon la même source, parmi les répondants n’ayant pas signalé les incidents à la police, 70 [traduction] « croyaient que cela n’apporterait rien de bon », 46 « voulaient éviter que les policiers dévoilent leur orientation ou leur identité à [leur] famille ou aux médias », et 44 « ne voulaient pas subir de discrimination de la part des policiers » (Kaos GL juill. 2020, 35).

Dans le rapport de mai 2020 publié par Kaos GL, il est écrit que les atteintes aux droits des personnes LGBTI+ ont connu une [traduction] « augmentation […] qui était directement attribuable aux autorités et aux forces de l’ordre » en 2019 (Kaos GL mai 2020, 6). On peut lire dans le rapport préparé par l’ERA et al. que [traduction] « [l]es attitudes transphobes et l’insensibilité des avocats, des juges et des agents responsables de l’application de la loi », conjuguées à un sentiment d’impuissance et à un nombre accru de violations des droits, « causent d’importantes difficultés aux personnes transgenres [qui tentent] d’accéder à la justice » (ERA et al. 2 juill. 2019, 7). Selon l’article paru dans Politico, un avocat et défenseur des droits des personnes LGBTQ a déclaré que ses clients ont [traduction] « accusé des policiers de leur avoir fait subir des mauvais traitements, comme les avoir contraints à écouter des récitations du Coran alors qu’ils se trouvaient en détention » (Politico 24 juill. 2020). Le professeur agrégé a fait état de [traduction] « cas où des policiers turcs ont eux-mêmes maltraité des personnes transgenres » (professeur agrégé 25 oct. 2020).

D’après le DFAT de l’Australie, les personnes LGBTI qui sont détenues [traduction] « sont vulnérables à la violence physique, au harcèlement et au refus de soins médicaux », et elles se sont « plaintes du recours à l’isolement cellulaire, un traitement [qu’elles] qualifi[ent] d’inhumain » (Australie 10 sept. 2020, paragr. 3.90).

4.2 Institutions de défense des droits de la personne

D’après l’enquête réalisée en juillet 2020 par Kaos GL, la loi régissant l’Institution de l’ombudsman de la Turquie (Ombudsman Institution of Turkey) ne permet pas explicitement à celle-ci de se pencher sur les questions de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre (Kaos GL juill. 2020, 20). Dans son rapport de mai 2020, Kaos GL souligne que la loi établissant l’Institution turque pour l’égalité et les droits de la personne (Human Rights and Equality Institution of Turkey - TIHEK), dont le mandat consiste à [traduction] « "protéger et faire progresser les droits de la personne" », ne comprend pas de disposition sur la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou le genre (Kaos GL mai 2020, 77). De même, on peut lire dans le rapport préparé par l’ERA et al. que l’OSIGEG ne constitue pas un motif de protection reconnu par la TIHEK ni par l’Institution de l’ombudsman (ERA et al. 2 juill. 2019, 5-6). D’après le rapport de mai 2020 de Kaos GL, tant la TIHEK que l’Institution de l’ombudsman [traduction] « ont instauré des pratiques et pris des décisions discriminatoires » relativement à des questions concernant la communauté LGBTI+ (Kaos GL mai 2020, 5). Il est écrit dans le rapport publié par le ministère des Affaires étrangères des Pays-Bas que [traduction] « certaines » des institutions qui, en théorie, sont censées protéger les droits des personnes LGBTI « se révèlent inefficaces, voire contre-productives, dans la pratique » (Pays-Bas oct. 2019, 44). À titre d’exemple, on donne dans le rapport de mai 2020 de Kaos GL la déclaration finale établie à l’occasion du [traduction] « symposium sur le droit à la protection de la famille », dans laquelle la TIHEK « [a] tenu des propos hostiles aux droits des personnes LGBTI+ » (Kaos GL mai 2020, 79). Selon la même source, dans la déclaration finale, la TIHEK a affirmé que les unions homosexuelles n’équivalent pas à une famille reposant sur un [traduction] « mariage légitime » entre un homme et une femme, qui constitue la « base d’une société saine », avant d’ajouter que les unions homosexuelles portent préjudice à « l’institution de la famille » (Kaos GL mai 2020, 79).

5. Services de soutien

Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un représentant de Kaos GL a déclaré que l’État ne fournit aucun service de soutien [traduction] « fonctionnel » (Kaos GL 23 oct. 2020). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé d’autres renseignements allant dans le même sens.

5.1 Exemples de services non gouvernementaux de soutien et de défense des droits

Le professeur agrégé a écrit que la Turquie compte [traduction] « beaucoup » d’ONG oeuvrant auprès de la communauté LGBTI pour fournir à ses membres des services et du soutien (professeur agrégé 25 oct. 2020). D’après le profil que dresse l’ERA de la Turquie, il y a au pays 13 organisations enregistrées légalement qui oeuvrent auprès des personnes LGBT ainsi que [traduction] « plusieurs organisations non officielles dans différentes villes » (ERA 8 mars 2017). Le représentant de Kaos GL a fait observer que des organisations dédiées aux personnes LGBTI+, telles que Kaos GL, disposent de réseaux d’avocats et de psychologues et sont en mesure d’aider les victimes sur le plan juridique (Kaos GL 23 oct. 2020). On peut lire dans le site Internet de la SPoD que l’association [traduction] « fournit de l’aide juridique et psychologique ainsi qu’une assistance sociale », de même que de la formation à l’intention des travailleurs sociaux, des avocats, des travailleurs en santé mentale, des organisations et des municipalités (SPoD s.d.).

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Note

[1] Le rapport, présenté dans le cadre de l’Examen périodique universel de la Turquie, a été rédigé par l’Association pour l’égalité des droits des personnes LGBTI dans les Balkans occidentaux et la Turquie (LGBTI Equal Rights Association for Western Balkans and Turkey - ERA), [traduction] « une [a]ssociation régionale d’organisations représentant les lesbiennes, hommes gais et les personnes bisexuelles, transgenres, intersexuées et allosexuelles » des Balkans occidentaux et de la Turquie (ERA s.d.), en partenariat avec Kaos GL, la SPoD et Red Umbrella, une organisation de la société civile de Turquie qui défend les droits des travailleurs du sexe (ERA et al. 2 juill. 2019, 3).

Références

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Amnesty International. 16 avril 2020. Human Rights in Europe: Review of 2019. (EUR 01/2098/2020) [Date de consultation : 2 oct. 2020]

Australie. 10 septembre 2020. Department of Foreign Affairs and Trade (DFAT). DFAT Country Information Report: Turkey. [Date de consultation : 2 oct. 2020]

Bianet. 15 janvier 2019. Evrim Kepenek. « Murder of Trans Woman Hande Şeker Protested in Kadıköy ». [Date de consultation : 12 nov. 2020]

Daily Sabah. 1er décembre 2017. « Landmark Court Ruling a Victory for Transgender Citizens of Turkey ». [Date de consultation : 12 nov. 2020]

Demirören News Agency. 9 janvier 2019. « Off-Duty Police Officer Kills Transgender Sex Worker in Turkey's Izmir ». [Date de consultation : 12 nov. 2020]

Freedom House. 4 mars 2020. « Turkey ». Freedom in the World 2020. [Date de consultation : 6 oct. 2020]

The Guardian. 29 août 2020. Bethan McKernan. « Grumpy Virgin Bows Out as Drag Becomes a Political Act in Turkey ». [Date de consultation : 12 nov. 2020]

Human Rights Watch (HRW). 25 avril 2019. Graeme Reid. « In Turkey, Ankara Wakes Up to Court Lifting LGBTI Events Ban ». [Date de consultation : 2 oct. 2020]

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Kaos Gay and Lesbian Cultural Research and Solidarity Association (Kaos GL). Juillet 2020. Homophobia and Transphobia Based Hate Crimes in Turkey: 2019 Review. [Date de consultation : 4 nov. 2020]

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Kaos Gay and Lesbian Cultural Research and Solidarity Association (Kaos GL). S.d. « Who Are We? ». [Date de consultation : 6 nov. 2020]

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Politico. S.d. « About Us ». [Date de consultation : 17 nov. 2020]

Professeur agrégé, Butler University. 25 octobre 2020. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

Reuters. 30 juin 2019. Murad Sezer. « Istanbul's LGBT Community Holds Small Rally After March Banned ». [Date de consultation : 3 nov. 2020]

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Stonewall. Août 2018. « Turkey ». Stonewall Global Workplace Briefings 2018. [Date de consultation : 3 nov. 2020]

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Transgender Europe (TGEU). S.d. « TvT Project ». [Date de consultation : 3 nov. 2020]

Turquie. 2004 (version modifiée en 2016). Penal Code of Turkey. [Date de consultation : 6 nov. 2020]

Turquie. 1982 (version modifiée en 2017). Constitution of the Republic of Turkey. [Date de consultation : 26 nov. 2020]

Autres sources consultées

Sources orales : chercheur indépendant qui a écrit sur les considérations politiques liées aux personnes LGBT en Turquie; Istanbul LGBTI Dayanışma Derneği; LGBTI Equal Rights Association for Western Balkans and Turkey; Pembe Caretta LGBTQ.

Sites Internet, y compris : Anadolu Agency; Astraea Lesbian Foundation for Justice; Austrian Red Cross – Austrian Centre for Country of Origin and Asylum Research and Documentation; BBC; Bertelsmann Stiftung; Conseil de l’Europe; ecoi.net; Factiva; Fédération internationale pour les droits humains; Nations Unies – Haut-Commissariat aux droits de l’homme, Refworld; Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe; PinkNews; Pride Istanbul; Royaume-Uni – Home Office; Union européenne – Commission européenne, European Asylum Support Office.

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