République démocratique du Congo : information sur la situation des militants pour les droits de la personne, y compris des militants pour les droits des femmes et des enfants; traitement qui leur est réservé par les autorités et par la société (juillet 2019-mars 2020) [COD200185.F]

Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada

1. Situation des militants pour les droits de la personne

Dans un rapport traitant de la période allant du 29 juin au 25 septembre 2019, la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) signale ce qui suit :

On observe que les atteintes à la liberté de presse et les agressions et menaces visant les défenseurs des droits de la personne et autres acteurs de la société civile se poursuivent. Dans certains cas, des groupes armés ont pris pour cible des journalistes et des membres de la société civile qui avaient signalé des atteintes aux droits de la personne ou soutenu le travail des équipes d’intervention contre l’Ebola. Si plusieurs manifestations pacifiques n’ont donné lieu à aucun débordement, d’autres ont été réprimées par les autorités, qui ont parfois eu recours à la force létale (Nations Unies 27 sept. 2019, paragr. 55).

La même source note, dans un deuxième rapport couvrant la période du 28 septembre au 25 novembre 2019, que « des informations continuent de faire état de violations de la liberté de la presse ainsi que d’agressions et de menaces visant des défenseurs des droits de l’homme et d’autres acteurs de la société civile » (Nations Unies 26 nov. 2019, paragr. 8). Dans un article paru en novembre 2019, Protection International [1] énumère une liste de violations des droits de la personne dont les hommes et femmes défenseurs des droits de la personne sont victimes dans la région du Nord-Kivu :

Exécutions sommaires, tortures, violences, arrestations et détentions arbitraires, menaces de mort, harcèlement et diffamation, restrictions de la liberté de mouvement, d’expression, d’association et de réunion, criminalisations, fausses accusations et faux procès : la liste de violations massives des droits humains à l’encontre des défenseur·e·s congolaise·s est longue (Protection International 21 nov. 2019).

Les Country Reports on Human Rights Practices for 2019 du Département d’État des États-Unis soulignent que les [traduction] « [d]éfenseurs des droits de la personne continuent de faire l'objet d'arrestations et de détentions arbitraires sans procès public équitable » en République démocratique du Congo (RDC) (É.-U. 11 mars 2020, 8).

Dans un rapport publié en août 2019, le Comité pour l'élimination de la discrimination à l’égard des femmes des Nations Unies signale en outre que

les défenseuses des droits de la personne souffrent d’une double discrimination, d’actes de violence et de préjugés, à la fois dans la famille et dans la société, et qu’elles [sont] sujettes au divorce et au renvoi de leur travail (Nations Unies 6 août 2019, paragr. 42).

Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé d’autres renseignements allant dans le même sens.

Dans une note documentant les principales tendances des violations des droits de la personne en RDC en janvier 2020, le Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’homme (BCNUDH) en RDC signale ce qui suit :

En janvier 2020, le BCNUDH a enregistré 91 violations des droits de l'homme liées à l'espace démocratique, une forte augmentation par rapport aux 41 violations enregistrées au mois de décembre 2019. Cette augmentation s’explique notamment par le nombre élevé de cas d’arrestation arbitraire et détention illégale, d’atteinte au droit à la liberté d’opinion et d’expression ainsi que de menaces de mort attribuables à des agents de la PNC [Police nationale congolaise] et des militaires des FARDC [Forces armées de la RDC], en particulier contre des défenseurs des droits de l'homme et d'autres membres de la société civile (Nations Unies 26 févr. 2020).

Selon un rapport de l’organisation irlandaise de défense des droits de la personne Front Line Defenders [2], le 6 septembre 2019, 18 défenseurs des droits de la personne, qui participaient à une manifestation pacifique contre une possible affaire de détournement de fonds publics, ont été arrêtés puis fouettés par des policiers au cours de leur détention dans un poste de police à Kinshasa (Front Line Defenders 10 sept. 2019). La même source rapporte également que le 9 septembre 2009, quatre défenseurs des droits de la personne membres du mouvement Lutte pour le changement (LUCHA), qui prenaient part à une marche à Kananga (province du Kasaï central) [traduction] « pour demander au gouverneur de la province d'annuler sa décision de nommer les autorités locales car ce n'est pas conforme à la Constitution », ont été blessés par des policiers et admis à l’hôpital (Front Line Defenders 10 sept. 2019). La source précise qu’ils ont obtenu leur congé de l’hôpital le lendemain (Front Line Defenders 10 sept. 2019). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé d’autres renseignements allant dans le même sens.

Toujours en septembre 2019, selon l’Agence France-Presse (AFP), le mouvement LUCHA a signalé que certains de ses membres qui manifestaient à Butembo et à Bukavu (dans l’est de la RDC) contre une entreprise de téléphonie et à Matadi (dans le sud-ouest de la RDC) pour la destitution du gouverneur de la province « ont été tabassés par les forces de l'ordre » (AFP 24 sept. 2019). À Matadi, quatre d’entre eux ont été interpellés puis relâchés (AFP 24 sept. 2019). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé d’autres renseignements allant dans le même sens.

Des sources rapportent que deux défenseurs des droits de la personne, soit le coordonnateur de l’ONG Action pour la promotion rurale et le président de la Nouvelle société civile de Faradje, ont été arrêtés en décembre 2019 et détenus [de manière « arbitraire » (Observatoire 24 janv. 2020)] dans la province du Haut-Uélé en lien avec le saccage d’un véhicule appartenant au Parc national de la Garamba (PNG) au cours d’un conflit entre les autorités du PNG et les communautés riveraines (Observatoire 24 janv. 2020; Kongo Social-Care, et al. 30 déc. 2019).

Des médias soulignent que, le 18 janvier 2020, des policiers ont tenté d’arrêter le défenseur des droits de la personne Firmin Yangambi à Kisangani lors d’une conférence sur l’avenir de la RDC, mais qu’ils en ont été empêchés par les participants à la conférence (Afrik.com 19 janv. 2020; Politico.cd 18 janv. 2020). D’après le site d’information congolais Politico.cd, Firmin Yangambi est un ancien prisonnier politique qui a été détenu à la prison de Makala à Kinshasa pendant une dizaine d’années après avoir été reconnu coupable d’avoir organisé un mouvement insurrectionnel à Kisangani (Politico.cd 18 janv. 2020).

Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a trouvé aucun renseignement portant précisément sur les militants pour les droits des femmes et des enfants entre juillet 2019 et mars 2020.

2. Lois visant à protéger les défenseurs des droits de la personne

Protection International rapporte ce qui suit dans un article paru en novembre 2019 :

La RDC ne dispose pas encore de cadres légaux nationaux ou locaux efficaces qui puissent effectivement protéger les défenseur·e·s des droits humains. Les auteurs de violations demeurent impunis et il n’existe aucun mécanisme de réparation des préjudices qu’ils ou elles subissent. Lors des deux derniers Examens Périodiques Universels de 2014 et 2019, plusieurs recommandations avaient été adressées à la RDC en faveur de la création et mise en place d’un cadre légal relatif à la protection des [hommes et femmes défenseur·e·s des droits humains], mais jusqu’à ce jour rien n’avait été concrètement réalisé (Protection International 21 nov. 2019).

La RDC, dans un rapport soumis au Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies en octobre 2019, déclare cependant qu’elle a pris les mesures suivantes pour protéger les défenseurs des droits de la personne :

C’est à ce titre qu’il y a lieu de mentionner les textes légaux et réglementaires ci-après : l’arrêté ministériel no 219/CAB/MIN J&DH/2011 du 13 juin 2011 portant création, organisation et fonctionnement de la Cellule de Protection des Défenseurs des Droits de l’Homme qui a pour mandat de venir en aide chaque fois que les défenseurs des droits de l’homme sont en détresse, en attendant l’adoption du projet de loi portant protection des défenseurs des Droits de l’Homme qui est en train d’être examiné par la Commission paritaire du Parlement après avoir été adopté en des termes différents par le Sénat et l’Assemblée nationale; l’existence de l’Édit no 001/2016 du 10/02/2016 portant protection des défenseurs des Droits de l’Homme et des journalistes en province du Sud-Kivu (RDC 30 oct. 2019, paragr. 127).

Des sources rapportent qu’un édit sur la protection des défenseurs des droits humains a été adopté au Nord-Kivu le 11 novembre 2019 (Protection International 21 nov. 2019; Radio Okapi 13 nov. 2019). Selon Protection International, « [a]vec l’adoption de cet Édit provincial, un pas fondamental vers la reconnaissance effective de ce droit fondamental de défendre les droits humains en RDC a été fait » (Protection International 21 nov. 2019). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé de détails sur le contenu de cet édit.

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes des Nations Unies mentionne en 2019 que « le projet de loi sur la protection des défenseurs des droits de la personne n’[a] pas encore été adopté » (Nations Unies 6 août 2019, paragr. 42). Un article faisant état d’une visite de la haute-commissaire aux droits de l’homme des Nations Unies en RDC en janvier 2020 signale de même que « la loi sur la protection des défenseurs des droits de l’homme » est encore « à l’étude » (Nations Unies 29 janv. 2020).

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Notes

[1] Protection International est une organisation internationale à but non lucratif basée à Bruxelles qui « soutient les défenseurs et défenseuses des droits humains dans l’élaboration de leurs stratégies de gestion de sécurité et de protection » et qui a œuvré dans plus de 30 pays depuis 2004 (Protection International s.d.).

[2] Front Line Defenders, une organisation basée à Dublin et qui a un bureau à Bruxelles de même que des employés en Afrique, en Asie, au Moyen-Orient et en Amérique, vise à protéger les défenseurs des droits de la personne en offrant notamment de la formation, une ligne d’appels d’urgence et de l’aide d’urgence pour les défenseurs en danger (Front Line Defenders s.d.).

Références

Afrik.com. 19 janvier 2020. Étienne Dionne. « RDC : tentative d’arrestation du défenseur des droits de l’homme Firmin Yangambi ». [Date de consultation : 17 mars 2020]

Agence France-Presse (AFP). 24 septembre 2019. « Un mouvement citoyen dénonce la répression de ses manifestations ». [Date de consultation : 17 mars 2020]

États-Unis (É.-U.). 11 mars 2020. Department of State. « Democratic Republic of the Congo ». Country Reports on Human Rights Practices for 2019. [Date de consultation : 17 mars 2020]

Front Line Defenders. 10 septembre 2019. « Wave of Reprisals Against LUCHA Members Across the Country ». [Date de consultation : 16 mars 2020]

Front Line Defenders. S.d. « About Us ». [Date de consultation : 16 mars 2020]

Kongo Social-Care, et al. 30 décembre 2019. « Monsieur le Magistrat du parquet près du Tribunal de paix de Watsa ». [Date de consultation : 18 mars 2020]

Nations Unies. 26 février 2020. Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’homme (BCNUDH). Note du BCNUDH sur les principales tendances des violations des droits de l’homme en janvier 2020. [Date de consultation : 19 mars 2020]

Nations Unies. 29 janvier 2020. « Congo RDC : Selon Bachelet, le nouveau gouvernement dispose d'une "fenêtre d'opportunité" après la transition politique pacifique qu’a connue le pays ». [Date de consultation : 17 mars 2020]

Nations Unies. 26 novembre 2019. Conseil de sécurité. Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo - Rapport du Secrétaire général. (S/2019/905). [Date de consultation : 23 mars 2020]

Nations Unies. 27 septembre 2019. Conseil de sécurité. Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo - Rapport du Secrétaire général. (S/2019/776). [Date de consultation : 23 mars 2020]

Nations Unies. 6 août 2019. Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes. Observations finales concernant le huitième rapport périodique de la République démocratique du Congo. (CEDAW/C/COD/CO/8) [Date de consultation : 16 mars 2020]

Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’homme. 24 janvier 2020. « RDC : détention arbitraire de MM. Malitano et Tandele ». [Date de consultation : 16 mars 2020]

Politico.cd. 18 janvier 2020. Serge Sindani. « Tshopo : une tentative d’arrestation du Me Firmin Yangambi avortée en pleine salle de conférence sur "l’avenir du Congo" ». [Date de consultation : 18 mars 2020]

Protection International. 21 novembre 2019. « République démocratique du Congo : l’Édit portant protection des défenseur-e-s des droits humains adopté au Nord-Kivu ». [Date de consultation : 24 mars 2020]

Protection International. S.d. « Nous sommes Protection International ». [Date de consultation : 23 mars 2020]

Radio Okapi. 13 novembre 2019. « Goma : vote d’un édit sur la protection des défenseurs des droits humains ». [Date de consultation : 24 mars 2020]

République démocratique du Congo (RDC). 30 octobre 2019. Sixième rapport périodique soumis par la République démocratique du Congo en application des articles 16 et 17 du Pacte, attendu en 2013*. (E/C.12/COD/6) [Date de consultation : 23 mars 2020]

Autres sources consultées

Sites Internet, y compris : Agence d’information d’Afrique centrale – Congo; Amnesty International; Les Dépêches de Brazzaville; ecoi.net; Factiva; Freedom House; Human Rights Watch; International Crisis Group; Nations Unies – Refworld.

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