Brésil et Haïti : information sur la situation des Haïtiens en matière d'emploi au Brésil, y compris sur le traitement qui leur est réservé en milieu de travail; information indiquant si les Haïtiens subissent de la discrimination à l’embauche; les voies de recours offertes par l’État (2018-juin 2019) [ZZZ106295.EF]

Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada

1. Accès à l’emploi

Selon l’Economist Intelligence Unit (EIU), l’économie du Brésil était en récession en 2015-2016 et a connu une [traduction] « faible » reprise en 2017-2019 (EIU 31 mai 2019, 8). D’après l’Indice de transformation de la Fondation Bertelsmann pour l’année 2018 (Bertelsmann Stiftung Transformation Index 2018 - BTI 2018 ), qui présente une analyse par pays des développements liés aux tendances politiques et économiques, le taux de chômage moyen a atteint 11,5 p. 100 en 2016, [traduction] « le plus élevé de l’histoire du pays » (Bertelsmann Stiftung 2018, 2, 4). On peut aussi lire dans le BTI 2018que l’inégalité raciale [traduction] « demeure un grave problème », car « la population à revenu élevé est essentiellement blanche, tandis que la plupart des Brésiliens qui vivent dans la pauvreté sont noirs » (Bertelsmann Stiftung 2018, 15).

Selon le rapport annuel de 2019 de l’Observatoire des migrations internationales (Observatório das migrações internacionais - OBMigra) [1], la nationalité haïtienne est la plus représentée parmi les immigrants qui sont employés dans le secteur formel au Brésil, et 45 873 autorisations de séjour ont été accordées à des Haïtiens entre 2011 et 2018 (OBMigra 2019, 47). Le rapport annuel de 2018 de la même source cite des renseignements du Service de police fédéral (Departamento de Polícia Federal ) selon lesquels 95 497 Haïtiens s’étaient inscrits à titre de migrants à long terme entre 2010 et 2017 (OBMigra 2018, 63). D’après le rapport de 2019, 128 968 Haïtiens sont entrés au Brésil de 2010 à 2018, pendant que 32 495 ont quitté le pays (OBMigra 2019, 78). Le même rapport présente de l’information provenant du ministère du Travail (Ministério do Trabalho ) selon laquelle, de 2010 à 2018, un total de 90 607 permis de travail (Carteiras de Trabalho ) ont été délivrés à des résidents haïtiens, suivis de 8 560 permis additionnels délivrés au cours des six premiers mois de 2019 (OBMigra 2019, 51, 68). D’après le Migration Policy Institute (MPI), dont le siège est à Washington, bien que le Brésil ait accordé des visas humanitaires et la résidence permanente à environ 98 000 Haïtiens après le tremblement de terre de 2010, quelque 30 000 d’entre eux ont quitté le pays pour diverses raisons, notamment la récession économique (MPI 29 mars 2018).

Selon le rapport annuel de 2018 d’OBMigra, 25 782 Haïtiens occupaient un emploi dans le secteur formel en 2016, et 35 658 en 2017 (OBMigra 2018, 116). La même source signale que, parmi les Haïtiens qui avaient un dans le secteur formel, la plupart travaillaient dans des industries liées à la production de biens et de services, ce qui représente 22 312 des 35 658 emplois réglementaires en 2017, ou dans le domaine des services, ce qui représente 9 781 des 35 658 emplois en 2017 (OBMigra 2018, 120). D’après le rapport annuel 2019 d’OBMigra, 15 490 Haïtiens ont été embauchés au cours des six premiers mois de 2019, tandis que 13 008 ont été congédiés ou ont démissionné (OBMigra 2019, 70).

Le rapport annuel 2018 d’OBMigra cite des renseignements du ministère du Travail selon lesquels, en 2017, la plupart des travailleurs haïtiens se trouvaient dans le Sud du Brésil, principalement dans les États suivants :

  • Santa Catarina (6 642 travailleurs embauchés et 3 749 travailleurs congédiés);
  • Rio Grande do Sul (4 018 travailleurs embauchés et 2 382 travailleurs congédiés);
  • Paraná (3 856 travailleurs embauchés et 2 007 travailleurs congédiés);
  • São Paulo (2 940 travailleurs embauchés et 1 830 travailleurs congédiés);
  • Minas Gerais (1 311 travailleurs embauchés et 802 travailleurs congédiés);
  • Mato Grosso (1 130 travailleurs embauchés et 774 travailleurs congédiés) (OBMigra 2018, 82-83).

La même source signale que, en 2017, les travailleurs haïtiens occupaient des emplois dans les domaines suivants :

  • construction de bâtiments (7,88 p. 100 des embauches);
  • abattage de porcs (7,53 p. 100 des embauches);
  • abattage de volailles (7,29 p. 100 des embauches);
  • restauration et activités similaires (5,97 p. 100 des embauches);
  • [traduction] « autres » (60,24 p. 100 des embauches) (OBMigra 2018, 86-87).

Les principales professions des travailleurs haïtiens en 2018 étaient :

  • chargeur de ligne de production (16,42 p. 100);
  • ouvrier en construction (10,23 p. 100);
  • concierge (9,06 p. 100);
  • boucher (6,71 p. 100);
  • travailleur des services d’alimentation (3,80 p. 100);
  • [traduction] « autres » (32,02 p. 100) (OBMigra 2019, 62).

2. Traitement réservé aux Haïtiens au Brésil

Selon le BTI 2018,

[traduction]

[l]a migration au Brésil a augmenté depuis quelques années. Un grand nombre d’Haïtiens sont venus au Brésil en passant par l’Amazone, à la recherche d’emplois et de meilleures conditions de vie. Le Ghana, le Bangladesh, le Sénégal et l’Angola se sont aussi démarqués comme sources d’immigrants. Cette croissance de l’immigration a engendré des difficultés. Malgré son ouverture reconnue à l’échelle internationale, le Brésil a constaté une hausse des cas de xénophobie. De plus, de nombreux étrangers au Brésil vivent dans des conditions précaires (Bertelsmann Stiftung 2018, 6).

Dans les Country Reports on Human Rights Practices for 2018 portant sur le Brésil, publiés par le Département d’État des États-Unis, on peut lire que la loi [traduction] « interdit la discrimination raciale, plus précisément le fait de refuser à quiconque l’accès à des établissements publics ou privés, à un emploi ou à un logement en raison de sa race », mais que

[traduction]

[l]es citoyens dont la peau est plus foncée, particulièrement les Afro-Brésiliens, subissaient la discrimination [… et] étaient sous-représentés au sein du gouvernement, dans les postes professionnels et dans les classes moyennes et supérieures. Ils affichaient un taux de chômage plus élevé et touchaient des salaires inférieurs à ceux des Blancs qui occupaient des postes similaires (É.-U. 13 mars 2019, 18).

Selon Minority Rights Group International (MRG),

[traduction]

[l]es Afro-Brésiliens représentent à peu près la moitié de la population, mais leur participation économique correspond à seulement 20 p. 100 du PNB. Le taux de chômage est de 50 p. 100 plus élevé chez les Afro-Brésiliens que chez les Blancs, et les Noirs qui ont un emploi gagnent moins de la moitié de ce que gagnent les Blancs. La majorité des Afro-Brésiliens, soit 78 p. 100, vivent en deçà du seuil de pauvreté, comparativement à 40 p. 100 des Blancs. […] Les données statistiques ventilées en fonction de la race, largement diffusées partout au Brésil, démontrent un écart socioéconomique constant entre les Noirs et les Blancs en raison de la discrimination exercée dans toutes les facettes de la société (MRG s.d.).

Des sources signalent qu’il y avait eu dans le passé des cas d’agressions violentes, telles que des coups de feu ou des attaques au couteau, et d’actes racistes commis à l’endroit d’immigrants, y compris des Haïtiens (Huffington Post 22 août 2016; TeleSUR 9 août 2015; UOL 16 mai 2016), ainsi que des cas de discrimination en matière d’emploi et sur les lieux du travail (Feldmann Dutra et da Silva juill. 2016; O Tempo 12 déc. 2016; UOL 16 mai 2016). Pour plus d’information sur la situation des Haïtiens au Brésil, y compris sur l’accès à l’emploi et à l’éducation, la protection offerte par l’État et les services de soutien, veuillez consulter la réponse à la demande d’information ZZZ106127 publiée en juin 2018. Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a trouvé aucun autre renseignement sur le traitement réservé aux Haïtiens au Brésil.

3. Voies de recours

Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches a trouvé peu d’information sur les voies de recours contre la discrimination.

Des sources signalent que la constitution du Brésil garantit la protection contre la discrimination raciale (Bertelsmann Stiftung 2018, 11; Brésil 21 mars 2018). D’après les Country Reports 2018 publiés par les États-Unis, [traduction] « [l]es lois et règlements du travail interdisent la discrimination fondée sur la race [… et] l’origine ou la citoyenneté » (É.-U. 13 mars 2019, 24). Sur le site Internet du gouvernement du Brésil, on peut lire que la loi no 12 288 du 20 juillet 2010

[traduction]

a instauré la loi sur l’égalité raciale, qui vise à garantir aux personnes de race noire la concrétisation de l’égalité de traitement, la protection des droits individuels, collectifs et ethniques, et la lutte contre la discrimination et d’autres formes d’intolérance ethnique. La pratique du racisme est un crime pour lequel il n’y a pas de délai de prescription ni de possibilité de libération sous caution, et qui est punissable d’une peine d’emprisonnement suivant l’article 5 de la Constitution (Brésil 21 mars 2018).

Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a trouvé aucun renseignement sur la mise en œuvre de la loi sur l’égalité raciale. Dans les Country Reports 2018 publiés par les États-Unis, on peut lire que

[traduction]

[d]e manière générale, le gouvernement appliquait les lois et règlements, mais il y avait de la discrimination en matière d’emploi à l’endroit des Afro-Brésiliens […]. Le ministère du Travail a mis en place des règles visant à intégrer la promotion de l’égalité raciale dans ses programmes, y compris l’obligation d’inclure la race dans les données recueillies pour les programmes financés par le ministère (É.-U. 13 mars 2019, 24-25).

Sans fournir d’autres précisions, le BTI 2018signale que les voies de recours qui existent contre la discrimination, y compris [traduction] « les mécanismes et institutions destinés à engager des poursuites, à imposer des sanctions et à obtenir réparation », peuvent s’avérer inefficaces (Bertelsmann Stiftung 2018, 11).

Selon le site Internet du gouvernement du Brésil, les plaintes de racisme peuvent être soumises à Disque 100 , un centre d’appels administré par le ministère des Droits de la personne (Ministério da Mulher, da Família e dos Direitos Humanos ) et décrit comme étant [traduction] « un canal direct pour la réception de plaintes contre le racisme » (Brésil 21 mars 2018). Disque 100 est ouvert 24 heures par jour, 7 jours par semaine, et ses services sont gratuits (Brésil 21 mars 2018). La même source affirme que les plaintes reçues par Disque 100 sont [traduction] « examinées, traitées et acheminées aux instances responsables » (Brésil 21 mars 2018). La source ajoute que, au cours du premier semestre de 2017, Disque 100 a reçu 195 plaintes; les États qui ont reçu le plus grand nombre de plaintes étaient São Paulo (33), Rio de Janeiro (25) et Bahia (18) (Brésil 21 mars 2018).

Le gouvernement du Brésil administre aussi le Centre national de signalement des crimes cybernétiques (National Cyber Crimes Reporting Centre ), qui reçoit des plaintes au sujet des sites Internet au contenu raciste ou qui prônent le néonazisme ou incitent à commettre des crimes contre la vie, entre autres crimes cybernétiques (Brésil 21 mars 2018). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a trouvé aucun autre renseignement sur la mise en application des recours offerts, y compris l’issue des cas dont il a été question précédemment.

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Note

[1] L’Observatoire des migrations internationales (Observatório das migrações internacionais - OBMigra) est un institut voué à l’étude des mouvements migratoires internationaux au Brésil, en collaboration avec le ministère du Travail et de l’Emploi (Ministério do Trabalho e Emprego - MTE), le Conseil national de l’immigration (Conselho Nacional de Imigração - CNIg) et le Département d’études latino-américaines (Departamento de Estudos Latino-Americanos - ELA) de l’Institut des sciences sociales (Instituto de Ciências Sociais - ICS) à l’Université de Brasília (Universidade de Brasília - UnB) (UnB s.d.).

Références

Bertelsmann Stiftung . 2018. « Brazil Country Report ». Bertelsmann Stiftung’s Transformation Index (BTI) 2018 . [Date de consultation : 9 août 2019]

Brésil. 21 mars 2018. « Racial Equality Statute Promotes Equal Opportunity and the Fight Against Racism ». [Date de consultation : 9 sept. 2019]

The Economist Intelligence Unit (EIU). 31 mai 2019. Country Report: Brazil . [Date de consultation : 31 mai 2019]

États-Unis (É.-U.). 13 mars 2019. Department of State . « Brazil ». Country Reports on Human Rights Practices for 2018 . [Date de consultation : 29 août 2019]

Feldmann Dutra, Cristiane et Rodrigo da Silva. Juillet 2016. « Os imigrantes haitianos no Brasil e a discriminação múltipla ». Revista Contribuciones a las Ciencias Sociales . [Date de consultation : 9 août 2019]

Huffington Post . 22 août 2016. Gabriela Bazzo. « Haitian Migrants Pouring Into Brazil Don’t Find a Warm Welcome ». [Date de consultation : 29 août 2019]

Migration Policy Institute (MPI). 29 mars 2018. Shari Wejsa et Jeffrey Lesser. « Migration in Brazil: The Making of a Multicultural Society ». [Date de consultation : 30 juill. 2019]

Minority Rights Group International (MRG). S.d. « Brazil: Afro-Brazilians ». World Directory of Minorities and Indigenous Peoples . [Date de consultation : 9 sept. 2019]

Observatório das Migrações Internacionais (OBMigra). 2019. Leonardo Cavalcanti, Tadeu de Oliveira et Marília de Macedo. Relatório Anual 2019: Imigração e Refúgio no Brasil . Série Migrações. [Date de consultation : 5 sept. 2019]

Observatório das Migrações Internacionais (OBMigra). 2018. Leonardo Cavalcanti, Tadeu de Oliveira et Marília de Macedo. Relatório Anual 2018: Migrações e Mercado de Trabalho no Brasil . Série Migrações. [Date de consultation : 13 juin 2019]

O Tempo . 12 décembre 2016. Aline Diniz. « Imigrantes haitianos sofrem com xenofobia no trabalho ». [Date de consultation : 10 juin 2019]

TeleSUR . 9 août 2015. « Haitian Immigrants Victims of Xenophobic Attacks in Brazil ». [Date de consultation : 29 août 2019]

Universidade de Brasilia (UnB). S.d. « Observatório das Migrações internacionais (OBMigra) ». [Date de consultation : 13 sept. 2019]

Universo Online (UOL). 16 mai 2016. « Haitiano é agredido com garrafada em Foz do Iguaçu, e Dilma se solidariza ». [Date de consultation : 3 sept. 2019]

Autres sources consultées

Sources orales :Associação dos Haitianos no Rio de Janeiro; Associação de Imigrantes Haitianos de Bento Gonçalves; Associação Sociocultural dos Haitianos de Três Lagoas ; cabinet juridique à Sao Paolo; Caritas Internationalis; Missão Paz; Serviço Jesuíta a Migrante e Refugiados; União social dos Imigrantes Haitianos ; universitaire au Brésil qui mène des recherches sur les migrations latino-américaines.

Sites Internet, y compris :Agência Brasil ; Al Jazeera; Amnesty International; Brésil – Centro Scalabriniano de Estudos Migratórios, Conselho Nacional de Imigração (CNIg), Instituto Brasileiro de Geografia e Estatistica, Ministério da Economica, Ministério da Justiça e Segurança Pública, Ministério da Mulher, da Família e dos Direitos Humanos, Rede Observatórios do Trabalho ; The Conversation ; Deutsche Welle ; ecoi.net; Factiva; FGV DAPP; Folha PE; Folha de S.Paulo; Geledés ; Human Rights Watch ; Instituto Migrações e Direitos Humanos; Instituto de Políticas Públicas en Derechos Humanos del MERCOSUR ; Inter Press Service; Miami Herald ; MigraMundo ; Nations Unies – Haut Commissariat pour les réfugiés, Refworld; The New York Times ; Organisation des États américains; Organisation internationale pour les migrations; Orlando Sentinel ; Perspectivas Lateinamerika; Repórter Brasil ; The Rio Times ; Scielo ; Voice of San Diego; The Washington Post .

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