Egypt: Circumstances under which evading military service or being a conscientious objector would be considered an act of political opposition by the authorities; consequences for the evader or conscientious objector (2016-August 2018) [EGY106162.E]

Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, Ottawa

1. Refus de se soumettre à la conscription militaire en Égypte

Selon des sources, les autorités égyptiennes ne considèrent pas le refus d’accomplir le service militaire ou l’objection de conscience comme une forme [traduction] « [d’]opposition politique » (chargé d’enseignement en droit public 2 août 2018; EOHR 31 juill. 2018), et elles ne perçoivent pas non plus l’objection de conscience comme une forme [traduction] « [d’]expression politique » (EOHR 31 juill. 2018); toutefois, un représentant de l’organisation égyptienne pour les droits de la personne (Egyptian Organization for Human Rights - EOHR), une ONG égyptienne, a déclaré dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches que, en ce qui concerne le service militaire, les [traduction] « antécédents politique » peuvent être invoqués pour exempter ou « exclure une personne de la conscription » (EOHR 31 juill. 2018).

Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un chercheur de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord de Human Rights Watch a affirmé que, dans ce genre de cas, les autorités égyptiennes considèrent par défaut que le refus d’accomplir le service militaire est [traduction] « une infraction et entraîne des sanctions comme [la] loi le prescrit » (Human Rights Watch 1eraoût 2018). De même, le représentant de l’EOHR a expliqué que [traduction] « [q]uelqu’un qui refuse d’accomplir [son] service militaire » subira les conséquences prévues par les lois égyptiennes (EOHR 31 juill. 2018).

Cependant, le chercheur de Human Rights Watch a affirmé que les autorités égyptiennes considéreraient les comportements des objecteurs de conscience comme des actes de [traduction] « dissidence politique » (Human Rights Watch 1eraoût 2018). Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un représentant du mouvement contre le service militaire obligatoire (No to Compulsory Military Service Movement - NoMilService ), une ONG égyptienne cofondée en 2009 par Maikel Nabil, Égyptien candidat au prix Nobel de la paix et objecteur de conscience (Peacebuilding Connections s.d.), a également déclaré ceci :

[traduction]

Étant donné que des Égyptiens de toutes les affiliations politiques - même celles qui sont favorables au gouvernement - tendent à refuser la conscription, les autorités égyptiennes considère le refus de se soumettre à la conscription commun un acte d’opposition politique seulement si ce refus est fondé sur des motifs politiques. [Refuser de se soumettre à la conscription militaire est] vu comme un geste qui menace l’armée, le régime et le pays. C’est un acte de trahison, qui équivaut à abandonner l’Égypte et à refuser de servir son pays.

[…]

[L’]armée égyptienne perçoit l’objection de conscience comme une menace existentielle. En Égypte, les conscrits sont forcés de prêter serment d’allégeance au président de l’Égypte et au régime politique, et le refus de servir dans l’armée revient à refuser de prêter serment d’allégeance au président et au régime. L’objection de conscience n’est pas vue comme un acte de conscience ou de conviction, mais comme un acte de contestation du régime, de ses lois, de son autorité et de sa légitimité (NoMilService 31 juill. 2018a).

2. Lois et application des lois

Selon des sources, les individus qui se soustraient à la conscription militaire en Égypte risquent une peine d’emprisonnement de trois ans (NoMilService 31 juill. 2018a; Human Rights Watch 1eraoût 2018), ou deux ans d’emprisonnement et une amende [traduction] « [d’]au moins » 2 000 livres égyptiennes (EGP) [environ 146 $CAN] (EOHR 31 juill. 2018). Sans fournir d’autres précisions, le représentant de l’EOHR a déclaré que la peine imposée en cas de refus d’accomplir le service militaire est appliquée seulement aux personnes qui ont plus de 30 ans, et que [traduction] « les insoumis qui ont moins [de] 30 ans sont forcés d’accomplir un service militaire prolongé en guise de sanction » (EOHR 31 juill. 2018). Le chercheur de Human Rights Watch a ajouté que [traduction] « de nombreux jeunes Égyptiens » quittent l’Égypte et reviennent après l’âge de 30 ans, « l’âge maximal de recrutement des conscrits »; ils sont « poursuivis en justice, mais ne paient généralement qu’une amende », même si le juge pourrait « opter pour une peine d’emprisonnement » (Human Rights Watch 1eraoût 2018). La même source a déclaré que, si une personne retourne en Égypte avant d’avoir 30 ans, elle sera [traduction] « probablement envoyée en prison » (Human Rights Watch 1eraoût 2018). Pour plus d’information sur les règlements qui régissent le service militaire, y compris pour les Égyptiens qui vivent à l’étranger, veuillez consulter la réponse à la demande d’information EGY106143 publiée en juillet 2018.

Le représentant de NoMilService a également fait observer que quelqu’un qui s’est soustrait à la conscription militaire et qui n’a pas été arrêté avant l’âge de 30 ans serait [traduction] « passible d’une amende et/ou d’une peine d’emprisonnement, mais l’armée n’obligerait pas [cette personne] à s’enrôler par la suite » (NoMilService 31 juill. 2018b). Dans une communication écrite distincte, la même source a expliqué que, après avoir passé trois ans en prison pour avoir refusé ou évité la conscription, une personne pourrait recevoir à nouveau l’ordre d’accomplir son service militaire et, si elle refuse, elle pourrait être citée [traduction] « à nouveau devant un tribunal militaire et être passible d’une autre peine d’emprisonnement de trois ans » (NoMilService 31 juill. 2018a). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

Le représentant de NoMilService a déclaré ce qui suit concernant les conséquences subies par les insoumis et les objecteurs de conscience en Égypte :

[traduction]

L’armée réagit de façon extrêmement sévère lorsque quelqu’un se soustrait à la conscription, et la torture et le meurtre font partie des conséquences possibles […] Le fait de se soustraire ou d’échapper à la conscription ou de déserter le service est un crime selon les [lois] égyptiennes. Les individus qui commettent ces actent sont considérés comme des militaires et non des civils, de sorte qu’ils sont traduits en justice par des tribunaux militaires. Les tribunaux militaires sont reconnus pour leur partialité contre les détracteurs de l’armée, pour leur absence de procédures judiciaires appropriées et pour leurs taux de condamnations extrêmement élevés.

[…]

En plus de tout cela, de nombreuses sanctions extrajudiciaires sont imposées aux individus qui refusent ou fuient la conscription. Ces sanctions sont variables; il peut s’agir d’humiliation publique, de diffamation, de torture, de privation de nourriture et même de meurtre. Ces actes sont illégaux en Égypte, mais ils sont très fréquents, et les autorités militaires les encouragent (NoMilService 31 juill. 2018a).

Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un représentant du centre Al Nadeem pour la réadaptation des victimes de violence (Al Nadeem Center for Rehabilitation of Victims of Violence ), une ONG établie en Égypte (Al Nadeem Center s.d.), a déclaré que la peine imposée pour le refus d’accomplir le service militaire [traduction] « dépend largement de la volonté de l’autorité judiciaire, qui est [la] magistrature militaire » (Al Nadeem Center 1eraoût 2018).

2.1 Objection de conscience

Selon des sources, l’Égypte n’a pas de lois qui régissent l’objection de conscience au service militaire (EBCO 31 juill. 2018; WRI 31 juill. 2018). D’après le chercheur de Human Rights Watch , [traduction] « [l]e respect et la protection des objecteurs ne sont jamais garantis » (Human Rights Watch 1eraoût 2018). Le représentant de NoMilService a affirmé ceci :

[traduction]

[J]amais un objecteur de conscience en Égypte n’a eu de procès pour objection de conscience. [Les objecteurs de conscience] font l’objet d’autres accusations : incitation, trahison, propagation de rumeurs, blasphème et autres (NoMilService 31 juill. 2018b).

Le chercheur de Human Rights Watch a déclaré que [traduction] « l’Égypte [a été] témoin de cas d’emprisonnement d’objecteurs de conscience », et il a ajouté ceci :

les objecteurs de conscience risqueraient […] fortement d’être envoyés en prison et peut-être torturés […] Les officiers militaires craignent qu’un tel comportement [puisse] s’étendre à un plus grand nombre de soldats ou de conscrits et auraient donc tendance à imposer des peines plus sévères aux objecteurs (Human Rights Watch 1eraoût 2018).

Dans sa réponse à une question sur les conséquences que risquent de subir les insoumis et les objecteurs de conscience en Égypte, la même source a déclaré que

[traduction]

[l]a loi prévoit la peine de mort pour plus de 20 infractions, dont certaines sont très vaguement définies, par exemple « la désobéissance au président » ou « l’incitation au chaos au sein des forces armées ». La loi prévoit aussi des peines d’emprisonnement pour des actes très vaguement définis comme le fait de « nuire au système militaire ou à l’obéissance » (Human Rights Watch 1eraoût 2018).

Le représentant de NoMilService a affirmé que, [traduction] « en théorie, un objecteur de conscience de 18 ans peut être emprisonné jusqu’à l’âge de 47 [ans] pour avoir refusé la conscription » (NoMilService 31 juill. 2018a). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un représentant du Bureau européen de l’objection de conscience (European Bureau for Conscientious Objection - EBCO) [1] a déclaré que [traduction] « [l’]objection de conscience est taboue dans la société égyptienne; par conséquent, les quelques objecteurs de conscience égyptiens qui sont traduits en justice par l’administration militaire n’obtiennent aucun soutien, même de la part des groupes nationaux de défense des droits de la personne » (EBCO 31 juill. 2018).

3. Autres conséquences

Selon des sources, les individus qui se soustraient à la conscription militaire se voient refuser des documents juridiques, et leur situation équivaut à une [traduction] « mort civile » (WRI 31 juill. 2018; NoMilService 31 juill. 2018a). Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un représentant de l’Internationale des résistants à la guerre (IRG), un « réseau global pacifiste et antimilitariste avec plus de [90] groupes affiliés dans 40 pays », a déclaré que les individus qui se soustraient à la conscription

[traduction]

se voient refuser des titres de voyage; parce qu’ils ne peuvent pas prouver qu’ils ont accompli le service militaire et obtenir une approbation de sécurité des autorités militaires, ils ne peuvent pas postuler des emplois, ni dans certains cas terminer leurs études (WRI 31 juill. 2018).

De même, le représentant de NoMilService a déclaré ce qui suit :

[traduction]

Les hommes égyptiens âgés de plus de 18 ans doivent transporter en tout temps un certificat militaire pour prouver qu’ils se sont conformés à la loi sur la conscription. Sans ce document, ils ne peuvent pas travailler légalement, s’inscrire dans une école ou une université, obtenir un passeport ou quitter le pays. Ils ont aussi des problèmes pour se marier, voter, avoir accès à des services de santé et effectuer des opérations financières (NoMilService 31 juill. 2018a).

Le représentant de l’EBCO a également expliqué ce qui suit :

[traduction]

[L]es objecteurs de conscience en Égypte [n’ont pas le doit] de quitter le pays, [de] faire des études ou [d’]être embauché dans un emploi régulier, et [ils] vivent toujours dans le risque d’être incriminés et incarcérés par les tribunaux militaires. Dans certains cas particuliers, des objecteurs de conscience égyptiens ont été exemptés du service militaire après un séjour en prison, de multiples rappels en service, un séjour à l’hôpital psychiatrique [et] des grèves de la faim (EBCO 31 juill. 2018).

Le chercheur de Human Rights Watch s’est dit d’avis que le traitement réservé par les autorités à ceux qui se soustraient au service militaire et aux objecteurs de conscience varie selon le profil de l’individu, précisant que ses [traduction] « points de vue personnels, ses comportements et ses antécédents en matière de militantisme ou d’affiliation politique sont tous des facteurs qui influeraient sur la façon dont il serait traité » par les autorités égyptiennes (Human Rights Watch 1eraoût 2018). Selon le représentant de NoMilService ,

[traduction]

[l]a situation personnelle d’un individu peut amener l’armée à réagir plus sévèrement et plus agressivement. Les individus appartenant à des minorités et à des groupes marginalisés sont sanctionnés [plus sévèrement] s’ils s’opposent à la conscription. Cela s’applique aux homosexuels, aux minorités religieuses (chrétiens, musulmans chiites, baha’is, athées, etc.), aux minorités ethniques (Nubiens, Bédouins, personnes ayant une double nationalité, etc.) et aux opposants politiques. Toute personne appartenant à un de ces groupes qui refuse ou fuit la conscription provoquera une réaction plus sévère de la part de l’armée et n’attirera pas l’attention des médias de masse (et du public), en raison de la discrimination générale à l’endroit de ces groupes en Égypte (NoMilService 31 juill. 2018a).

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Note

[1] Le Bureau européen de l’objection de conscience (European Bureau for Conscientious Objection - EBCO) est une ONG établie à Bruxelles, qui [traduction] « offre une expertise et des avis juridiques » sur l’objection de conscience (EBCO 31 juill. 2018). Elle jouit du statut de collaborateur du Conseil de l’Europe depuis 1998 et [traduction] « collabore avec le Parlement européen et le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés » (EBCO 31 juill. 2018).

Références

Al Nadeem Center for Rehabilitation of Victims of Violence (Al Nadeem Center) . 1eraoût 2018. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par un représentant.

Al Nadeem Center for Rehabilitation of Victims of Violence (Al Nadeem Center) . S.d. « Contact Us ». [Date de consultation : 2 août 2018]

Chargé d’enseignement en droit public, Université Toulouse - Jean Jaurès. 2 août 2018. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

Egyptian Organization for Human Rights (EOHR). 31 juillet 2018. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par un représentant.

European Bureau for Conscientious Objection (EBCO). 31 juillet 2018. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par un représentant.

Human Rights Watch . 1eraoût 2018. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par un chercheur de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord.

Internationale des résistants à la guerre (IRG). 31 juillet 2018. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par un représentant.

Mouvement No to Compulsory Military Service (NoMilService) . 31 juillet 2018a. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par un représentant.

Mouvement No to Compulsory Military Service (NoMilService) . 31 juillet 2018b. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par un représentant.

Peacebuilding Connections . S.d. « Maikel Nabil: Writer and Peace Activist ». [Date de consultation : 3 août 2018]

Autres sources consultées

Sources orales :Adalah Center for Rights and Freedoms; Arab Center for the Independence of the Judiciary and the Legal Profession; Arabic Network for Human Rights Information; Arab Organization for Human Rights; Arab Penal Reform Organization; Cairo Institute for Human Rights Studies ; Centre national de coopération au développement (Bruxelles); cinq professeurs qui se spécialisent en politique égyptienne à la British University in Egypt ; Commission internationale des juristes; Committee for Justice (Genève); Conscience and Peace Tax International; Egyptian Initiative for Personal Rights; Land Center for Human Rights ; Nations Unies – représentant régional du Haut Commissariat pour les réfugiés en Égypte; Organisation mondiale contre la torture; quatre professeurs du Department of Political Science de l’American University in Cairo ; SOLIDAR.

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