Pakistan : information sur la fréquence avec laquelle des dirigeants religieux incitent à la violence contre les musulmans chiites, y compris sur l'affiliation de ces dirigeants à des groupes militants; la réponse de l’État à l’égard des dirigeants religieux qui incitent à la violence, tout particulièrement les mesures prises au titre du plan d’action national (National Action Plan - NAP) de lutte contre le terrorisme (2015-mars 2018) [PAK106080.EF]

Direction des recherches, Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, Ottawa

1. Fréquence à laquelle des dirigeants religieux incitent à la violence contre les musulmans chiites

Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, le directeur exécutif du South Asia Terrorism Portal (SATP) [1] a déclaré que [traduction] « le nombre d’incidents enregistrés de discours haineux envers les chiites a diminué à la suite des mesures de répression adoptées quant aux haut-parleurs de mosquées, suivant l’attaque visant [l’école publique de l’armée de Peshawar (Army Public School Peshawar )] perpétrée par des activistes le 16 décembre 2014 » (SATP 22 mars 2018). Cependant, des sources mentionnent que l’incitation à la haine ou à la violence envers les musulmans chiites de la part de dirigeants religieux sunnites est [traduction] « répandue dans tout le pays » (CASS 19 mars 2018) ou [traduction] « répandue » (SATP 22 mars 2018).

Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, le département des recherches du Centre for Academic Shi’a Studies (CASS) [2] a affirmé que [traduction] « les incidents liés au terrorisme ont diminué de façon draconienne [au Pakistan], mais le problème de l’extrémisme ou de l’incitation à la violence à l’endroit des minorités demeure [et], dans les faits, [s’]aggrave » (CASS 19 mars 2018). Au cours d’un entretien téléphonique avec la Direction des recherches, Shehryar Fazli, analyste principal et éditeur régional pour l'Asie du Sud à l’International Crisis Group , a déclaré [traduction] « [qu’]au Pakistan, il règne une atmosphère générale de tolérance pour les discours qui répandent la haine et la violence sectaires, par exemple, par l'entremise de haut-parleurs sur les mosquées » (Fazli 28 mars 2018). Lorsqu’il a été demandé au directeur exécutif du SATP s’il y avait des régions au Pakistan où l’incitation à la haine ou à la violence à l’endroit des musulmans chiites de la part de dirigeants religieux sunnites était plus répandue, il a répondu que [traduction] « Karachi, Quetta, Parachinar (agence de Kurram) et les districts du Pendjab du Sud [étaient] les régions les plus instables […] bien que l’extrémisme sectaire et le terrorisme touchent toutes les parties du pays » (SATP 22 mars 2018).

Cependant, le département des recherches du CASS a ajouté ceci :

[traduction]

[L]es dirigeants religieux sunnites ne se livrent pas tous à la diffusion de messages haineux contre les chiites. En fait, il existe de nombreux exemples de coopération entre chiites et sunnites au Pakistan. Les dirigeants religieux sunnites qui se livrent à la diffusion de messages haineux contre les chiites sont ceux qui adhèrent à l’idéologie voulant que les chiites ne soient pas musulmans et qui croient qu’il en va de leur devoir religieux de détruire les imambargahsou les temples chiites (CASS 19 mars 2018).

Selon Shehryar Fazli, [traduction] « l’incitation publique à la haine ou à la violence à l’endroit des musulmans chiites par des dirigeants religieux deobandis est très fréquente au Pakistan » (Fazli 28 mars 2018). Il ressort d’un rapport du Middle East Institute [3] que les deobandis sont l’une des deux grandes [traduction] « sous-sectes sunnites » nées des « mouvements de réforme au sein de l’islam sunnite en Inde britannique » au XIXe siècle, avec les barelvis (The Middle East Institute déc. 2014, 12). Comme l’explique Shehryar Fazli,

[traduction]

les deobandis s’opposent à leurs confrères sunnites qui adhèrent à l’école du barelvisme, laquelle est plus syncrétique. Lorsqu’il est question du conflit entre sunnites et chiites au Pakistan, il s’agit du conflit entre deobandis et chiites. Les musulmans sunnites barelvis et les musulmans chiites ont beaucoup plus de choses en commun que les musulmans sunnites deobandis et les musulmans sunnites barelvis (Fazli 28 mars 2018).

De façon semblable, il est écrit ce qui suit dans le rapport du Middle East Institute :

[traduction]

De façon générale et dans les discussions plus éclairées au Pakistan et ailleurs, la violence sectaire entre groupes sunnites et chiites est qualifiée sans exception ou presque de violence sunnite-chiite. Toutefois, cette caractérisation est une impropriété. Deux des trois grandes sous-sectes sunnites du Pakistan, les ahl-e-hadiths, et, dans une moindre mesure, les barelvis, peuvent éprouver de l’antipathie envers les chiites, mais ils expriment rarement ces sentiments au moyen d’actions violentes. Depuis les années 1980, ce sont plutôt des segments de la communauté sunnite des deobandis et les chiites dits « Ithna Ashari » (ou chiites duodécimains) qui sont en guerre et qui ont élaboré – avec l’aide des forces gouvernementales au Pakistan, en Iran et en Arabie saoudite – une infrastructure et un discours conçus pour combattre l’autre partie. Les sectes chiites de moindre taille, comme les Dawoodi Bohras et les Imami Ismailis, ont été victimes de violence attribuable aux sunnites deobandis, mais ne sont pas impliquées de façon significative dans des activités militantes (The Middle East Institute déc. 2014, 9).

2. Affiliation aux groupes militants

D’après Shehryar Fazli, [traduction] « les dirigeants religieux, les mosquées et les madrasasdeobandis ont des liens avec des groupes militants et reçoivent un soutien financier provenant d’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis » (Fazli 28 mars 2018). Le directeur exécutif du SATP a expliqué que [traduction] « les groupes militants sectaires qui orchestrent la violence contre les chiites au Pakistan entretiennent des liens directs avec des établissements d'enseignement religieux et des dirigeants religieux sunnites, ou sont soutenus par eux » (SATP 22 mars 2018). Selon la même source,

[traduction]

un large éventail d'établissements d'enseignement et de dirigeants religieux deobandis parrainent ces groupes et appuient ouvertement leurs objectifs par l’entremise de discours haineux largement publicisés, ce qui leur assure une très grande acceptabilité sociale. Il n’y a aucune résistance visible à ces organisations militantes et dirigeants religieux sectaires de la part des communautés locales.

Les formations sectaires comme le Lashkar-e-Jhangvi (LeJ), l’Ahle Sunnat Wal Jamaat (ASWJ) et divers groupes terroristes, y compris les talibans, al-Quaïda, Jundallah, Harkat-ul-Mujahiddeen et Jaish-e-Mohammed [4] sont étroitement liés l’un à l’autre (SATP 22 mars 2018).

2.1 L’ASWJ

Des sources décrivent l’ASWJ comme un [traduction] « groupe extrémiste » proscrit (É.U. 15 août 2017, 15) ou un [traduction] « groupe suprémaciste sunnite » (The Guardian 7 juin 2016). Selon un article du Diplomat , un [traduction] « magazine d’affaires publiques de portée internationale pour la région de l’Asie-Pacifique » (The Diplomat s.d.), l’ASWJ est

[traduction]

une organisation sectaire proscrite qui répand des messages de haine contre les chiites depuis des décennies. Durant les années 1990, le groupe a participé activement à un certain nombre d’attaques médiatisées visant des érudits, des mosquées et des rassemblements chiites. Avant cela, l’organisation était enregistrée sous le nom Sipah-e-Sahaba Pakistan (SSP). Cependant, après que le général Pervaiz Musharaf a déclaré le SSP illégal en 2002, l’organisation est réapparue sous le nom d'ASWJ (The Diplomat 20 sept. 2016).

D’autres sources font observer de façon semblable que l’ASWJ se faisait anciennement appeler SSP (Fazli 28 mars 2018; CASS 19 mars 2018; É.U. 15 août 2017, 20).

The Diplomat explique que, malgré l’interdiction, l’ASWJ

[traduction]

a poursuivi ses activités sans subir de pressions notables de la part du gouvernement. En fait, en plus de continuer de se livrer activement à des assassinats sectaires, l’ASWJ reste ouvertement engagé en politique : les campagnes menées ouvertement par l’organisation pour courtiser les forces militaires et les grands partis politiques par l'entremise de rassemblements et de conférences dans des universités et collèges sont devenues une pratique courante. Ces rassemblements se déroulent souvent sous garantie de la protection de l’État, les forces de l’ordre montant la garde à ces occasions (The Diplomat 20 sept. 2016).

Selon l’Express Tribune , un quotidien pakistanais, le gouvernement du Sindh [traduction] « assure la sécurité du chef de l’ASWJ à Karachi, Aurangzeb Farooqi, à l’occasion de rassemblements publics où il est souvent vu en train de soulever ses adeptes contre les membres de la communauté chiite au Pakistan » (The Express Tribune 30 janv. 2017). Le département des recherches du CASS fait observer que [traduction] « les dirigeants du SSP, y compris […] Aurangzeb Farooqi […] continuent d’organiser des rassemblements et de prononcer des sermons anti-chiites partout au Pakistan » et ils « continuent de se livrer à leurs activités dans l’impunité, malgré l’augmentation marquée des attaques perpétrées contre les musulmans chiites » (CASS 19 mars 2018).

Le directeur exécutif du SATP précise que le 17 juin 2016, l’imam de la mosquée Jamia Masjid à Qayyumabad [traduction] « a demandé aux fidèles de faire des dons en argent et d'offrir la charité aux membres de l’ASWJ » (SATP 22 mars 2018). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens ni aucun renseignement additionnel.

Il est écrit dans le 2016 Report on International Religious Freedom des États-Unis que, en décembre 2016, un dirigeant religieux [traduction] « officieusement affilié » à l’AWSJ a obtenu un siège à l’Assemblée du Pendjab (É.U. 15 août 2017, 15). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens ni aucun renseignement additionnel.

D’après le département des recherches du CASS, le [traduction] « SSP et les autres groupes anti-chiites sont capables d’identifier les chiites grâce à leurs noms de famille, c’est-à-dire Rizvi, Alvi, etc. » et de « cibler les médecins, les avocats, les professeurs et d’autres professionnels chiites dans des fusillades au volant » (CASS 19 mars 2018). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens ni aucun renseignement additionnel.

2.2 Le LeJ

Des sources mentionnent que le LeJ est un [traduction] « groupe dissident » du SSP (CASS 19 mars 2018) ou une [traduction] « ramification militante » du SSP (The Middle East Institute déc. 2014, 20). Selon le département des recherches du CASS, le LeJ et le SSP [traduction] « adhèrent à l’idéologie anti-chiite et visent tous les deux à éradiquer les chiites du Pakistan et, pour cette raison, leurs adeptes sont les mêmes. Le LeJ se consacre plus activement au militantisme, tandis que le SSP mène le front idéologique, tout en se livrant à des activités de militantisme » (CASS 19 mars 2018). Shehryar Fazli fait observer que, [traduction] « bien que le LeJ compte peu d’adhérents à la base, sa portée s’étend à tout le pays, ce qui comprend des informateurs, des sympathisants et des membres. L’organisation s’appuie sur des tueurs à gages et sur des membres motivés par l’idéologie » (Fazli 28 mars 2018). La même source précise en outre que [traduction] « les dirigeants religieux dans les mosquées et les madrasas y identifient souvent des individus qui pourraient être recrutés pour faire partie du LeJ » (Fazli 28 mars 2018).

D’après le département des recherches du CASS, le Pakistan a entrepris d’appliquer des [traduction] « mesures de répression à l’endroit du LeJ » (CASS 19 mars 2018). Cependant, Shehryar Fazli signale que le LeJ [traduction] « compte des sympathisants parmi les autorités de l’État, comme des juges et des policiers locaux. Alors que dans la province du Pendjab, les autorités se sont opposées au LeJ, il a bénéficié du soutien de l’État dans d’autres provinces, comme le Baloutchistan » (Fazli 28 mars 2018). Pour obtenir d'autres renseignements au sujet du LeJ, veuillez consulter la réponse à la demande d’information PAK105672 publiée en janvier 2017.

3. Réponse de l’État à l’égard de l’incitation à la violence de la part de dirigeants religieux

Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches a trouvé peu de renseignements sur la capacité de l’État de répondre à l’incitation à la violence à l’endroit des musulmans chiites de la part de dirigeants religieux au Pakistan.

3.1 Lois

Selon la British Broadcasting Corporation (BBC), [traduction] « l’incitation à la haine religieuse est illégale au Pakistan » et « tout geste ou discours qui incite à la haine sectaire, délibérément ou par inadvertance, est passible d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à sept ans » (BBC 20 mai 2015). Le directeur exécutif du SATP a mentionné que, malgré les lois visant à réglementer et à contrôler [traduction] « [l’]abus » de la liberté d’expression, « leur mise en œuvre n’est pas efficace » et, qui plus est, « les lois régissant le blasphème sont souvent utilisées contre toutes les minorités » (SATP 22 mars 2018).

3.2 Réponse de la police

Selon le 2016 Report on International Religious Freedom des États-Unis, des ONG et des médias signalent qu’il est arrivé à certaines occasions que l’intervention de la police aide à prévenir la violence fondée sur la religion (É.U. 15 août 2017, 9). Le département des recherches du CASS a expliqué que la [traduction] « police assure la protection des musulmans chiites à l’occasion de processions et de rassemblements religieux publics pour lesquels les chiites détiennent des permis depuis de nombreuses années » (CASS 19 mars 2018). De même, Matthew Nelson, chargé de cours en politique à la School of Oriental and African Studies (SOAS) de l’Université de Londres [5], a fait observer en 2017 qu’il y avait [traduction] « une plus grande présence policière pour protéger certaines processions chiites » que les années précédentes et que le « niveau de violence sectaire durant le Muharram avait baissé, notamment parce que les policiers étaient davantage à pied d’œuvre pour tenter d’empêcher certaines de ces violences » (Nelson févr. 2018, 24-25).

Toutefois, selon la BBC, l’incitation à la haine religieuse est [traduction] « rarement signalée ou punie » (BBC 20 mai 2015). Le directeur exécutif du SATP a souligné que les musulmans chiites du Pakistan ne font pas confiance aux institutions de l’État (SATP 22 mars 2018). Selon le département des recherches du CASS, [traduction] « en règle générale, les personnes et la communauté chiite ne se fient pas aux forces de l'ordre », bien que, « dans une certaine mesure, cela dépend également de la situation et de la région » (CASS 19 mars 2018). Le directeur exécutif du SATP a apporté les précisions suivantes :

[traduction]

[A]u fil des ans, la police et le public sont devenus insensibles à l’incitation extrémiste sectaire par l’entremise d’affiches, de discours publics, d’allocutions dans les mosquées et, de plus en plus, des médias sociaux. Il est rare qu’elle soit reconnue ou que des actions soient prises à son endroit. Parmi les problèmes légitimes à cet égard, mentionnons la faible capacité de la police et son refus de prendre en charge d’autres « cas », tout particulièrement ceux qui vont à l’encontre de l’environnement politique général, qui est favorable à la majorité sunnite (SATP 22 mars 2018).

Il est écrit dans le 2016 Report on International Religious Freedom des États-Unis que, en 2016, [traduction] « des groupes de la société civile ont exprimé des préoccupations quant au fait que les autorités omettaient souvent d’intervenir dans les cas de violence sociétale contre les minorités religieuses, et que la police omettait d’arrêter les auteurs de tels mauvais traitements » (É.U. 15 août 2017, 9). Selon Shehryar Fazli,

[traduction]

la police assure une faible protection contre la haine et la violence sectaires, car les ressources sont limitées, et le taux de condamnation en matière de lutte contre la violence sectaire se situe à près de zéro. Il est possible que les autorités policières craignent elles-mêmes pour leur vie, surtout lorsqu’elles ont à composer avec des groupes militants. Bien qu’il soit attendu des autorités policières qu’elles pourchassent les membres de certains groupes militants comme le LeJ, elles laissent les membres d’autres groupes militants, comme Jaish-e-Mohammed, agir dans l’impunité, malgré le fait que les deux groupes recrutent au sein des mêmes madrasas et réseaux et que leurs ressources financières et leurs armes proviennent des mêmes sources. Outre les autorités policières, les procureurs et les juges craignent aussi pour leur vie et ont souvent été pris pour cible (Fazli 28 mars 2018).

Selon le Asian Legal Resource Centre (ALRC), une organisation hongkongaise du domaine des droits de la personne dont les activités sont axées sur les institutions judiciaires en Asie (ALRC s.d.), [traduction] « la partialité et les préjugés de l’État sont apparents dans l’attitude judiciaire et administrative » envers les minorités religieuses, y compris les « chiites hazaras » (ALRC 26 févr. 2018). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens ni aucun renseignement additionnel.

3.3 Plan d’action national contre le terrorisme

Des sources expliquent que le plan d’action national contre le terrorisme a été élaboré à la suite l’attaque perpétrée contre l’école publique de l’armée de Peshawar en 2014 (The Express Tribune 30 janv. 2017; Stratfor 12 avr. 2017) et que le NAP [traduction] « a été lancé en 2015 » (Stratfor 12 avr. 2017). L’Agence France-Presse (AFP) signale que le NAP a notamment pour but [traduction] « de déclarer l’illégalité des groupes militants, d’enregistrer les établissements d'enseignement religieux et de réprimer les discours haineux » (AFP 20 mai 2015). Dans un article de 2017 décrivant les réalisations qui ont été faites dans le cadre du NAP, l’Express Tribune mentionne que, selon le ministère de l’Information du Pakistan, [traduction] « plus de 1 500 livres et d’autre matériel haineux ont été confisqués et 71 commerces en la matière ont été fermés » (The Express Tribune 30 janv. 2017). D’après la même source, [traduction] « au moins 1 961 suspects ont été arrêtés et 1 893 plaintes ont été déposées contre des dirigeants religieux. Ces cas ont donné lieu à 271 déclarations de culpabilité, tandis que 826 cas sont toujours en instance devant des cours spéciales » (The Express Tribune 30 janv. 2017). Selon GeoTV, une chaine de télévision pakistanaise, les forces de sécurité ont arrêté [traduction] « 19 530 personnes à travers le pays » en vertu de « mesures de répression appliquées pour lutter contre le matériel et les discours haineux » (Geo TV 6 janv. 2018). Un article publié en décembre 2016 par DAWN , un quotidien pakistanais, cite des autorités qui auraient déclaré que [traduction] « les commissaires et sous-commissaires des divisions et districts rencontraient régulièrement des personnalités religieuses afin de dissuader les discours haineux dans le Sindh » (DAWN 28 déc. 2016).

Lorsqu’il a été demandé au directeur exécutif du SATP de faire état de certains des résultats du NAP, il a fourni les renseignements suivants :

[traduction]

Plus de 14 869 plaintes ont été déposées contre des prédicateurs de haine, des dirigeants religieux, des enseignants religieux, des dirigeants de prière et des dizaines d’érudits religieux. Les forces de contreterrorisme ont arrêté 11 169 dirigeants religieux ou propagateurs de haine, qui ont ultérieurement été traduits en justice pour terrorisme dans 10 648 cas au Pendjab, le tout au titre du NAP. La police et le Département de contreterrorisme (Counter Terrorism Department - CTD) ont procédé à l’arrestation de 2 845 dirigeants religieux dans le Khyber Pakhtunkhwa (KP), et plus de 2 693 plaintes ont été déposées contre des chefs religieux qui s’exposent aujourd’hui à de nombreuses accusations dans la province, où il y a eu une baisse marquée du terrorisme. Les décès pour cause de terrorisme sont passés de 1 206 en 2011 à 213 en 2016, et 123 en 2017 (données partielles compilées par le SATP).

La police du Sindh a réussi à déposer 1 133 plaintes contre 775 personnes accusées d’inciter à la haine et à l’extrémisme par leurs discours dans les mosquées et les madrasas durant cette période. Toutefois, le Baloutchistan n’a enregistré que 108 plaintes visant 100 dirigeants religieux arrêtés par les forces de l'ordre dans la province.

La police du Territoire fédéral d’Islamabad a arrêté 32 dirigeants religieux depuis le lancement du NAP; 119 plaintes ont été enregistrées contre ces personnes dans la capitale fédérale.

Le gouvernement du Gilgit-Baltistan a déposé 33 plaintes contre 40 dirigeants ou enseignants religieux qui enfreignaient les lois relatives aux haut-parleurs dans la région. Les organismes d’application de la loi ont également déposé 126 plaintes contre 200 enseignants d’écoles religieuses et dirigeants de prière dans l’Azad Cachemire [AJK].

En outre, selon des données officielles, environ 6 000 plaintes ont été enregistrées contre des commerçants qui vendaient du matériel haineux ou antiétatique. Plus de 3 200 plaintes ont été enregistrées contre des propriétaires de commerces dans le KP; ces données sont de 1 085 dans le Pendjab, 13 dans le Gilgit-Baltistan et 66 dans l’AJK. Plus de 1 200 livres et des centaines d’autres instruments liés à l’extrémisme ont été confisqués par la police au Baloutchistan (SATP 22 mars 2018).

Les médias citent des autorités qui auraient déclaré que les arrestations de dirigeants de prière visés par des accusations de discours haineux ont été faites en vertu du plan d’action national contre le terrorisme (BBC 20 mai 2015; AFP 20 mai 2015). Des sources signalent que, en 2015, une cour du Pakistan a condamné un imam à une peine d’emprisonnement de cinq ans pour avoir incité à la haine religieuse contre les musulmans chiites dans le district de Kasur (BBC 20 mai 2015; AFP 20 mai 2015). La BBC cite des autorités qui auraient affirmé qu'à Lahore, durant la première moitié de 2015, [traduction] « au moins six autres dirigeants religieux ont été incarcérés pour des infractions semblables » (BBC 20 mai 2015).

Des sources signalent que, en 2016, un imam a été arrêté au titre du NAP pour incitation à la violence à Hujra Shah Muqeem, après qu’un adolescent s’est amputé la main lorsque l’imam l’a traité de blasphémateur (Al Jazeera 17 janv. 2016; Reuters 17 janv. 2016). Selon des sources, la police a porté des accusations de terrorisme contre l’imam (Al Jazeera 17 janv. 2016; Reuters 17 janv. 2016).

Il ressort du 2016 Report on International Religious Freedom des États-Unis que, en septembre 2016, l’Administration du Territoire fédéral d’Islamabad (Islamabad Capital Territory Administration - ICTA) a interdit à 11 dirigeants religieux [traduction] « de prononcer des discours et de s’adresser au public à Islamabad par peur qu’ils n’incitent à la violence sectaire » (É.U. 15 août 2017, 13). Selon la même source, l’ICTA [traduction] « a interdit à 16 dirigeants religieux étiquetés comme des “agitateurs sectaires” d’entrer dans la capitale durant deux mois, lesquels comprenaient le mois islamique du Muharram » (É.U. 15 août 2017, 13). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens ni aucun renseignement additionnel.

Le département des recherches du CASS a fait observer que, malgré l’instauration du NAP [traduction] « pour mettre un frein à l’extrémisme religieux, la situation a peu changé » au Pakistan (CASS 19 mars 2018). Selon la même source, [traduction] « il y a consensus autour de l’idée voulant que le NAP soit un échec, principalement en ce qui concerne son exécution » (CASS 19 mars 2018). Zahid Shabab Ahmed [6] mentionne que, parmi les critiques formulées à l’égard NAP, il y a [traduction] « sa déficience », par exemple en ce qui a trait « aux mesures appliquées pour contrer le matériel faisant la promotion de la haine, de l’extrémisme, du sectarisme et de l’intolérance, et l’absence de tout échéancier connexe » (Ahmed 16 févr. 2017). D’après Shehryar Fazli,

[traduction]

la mise en œuvre du NAP prend du retard. Les mesures appliquées pour enrayer l’incitation à la violence par les dirigeants religieux deobandis à l’endroit des musulmans chiites ne fonctionnent pas, puisque la mise en œuvre du NAP est axée sur le recours à la force contre les groupes militants, plutôt que sur la collecte de renseignements et la réalisation d’enquêtes. En outre, des fonds continuent de parvenir aux centres et aux tribunes qui diffusent des discours radicaux. Qui plus est, les groupes militants continuent de recruter. Bien que l’État se soit concentré sur le LeJ, quoique principalement sur ses dirigeants, il ne s’est pas attaqué à la haine engendrée dans les madrasas et les réseaux constitués dans les mosquées, par exemple dans les régions rurales du Sud du Pendjab, dans les zones tribales sous administration fédérale (FATA) et au Baloutchistan, de même qu’à Karachi et à Peshawar (Fazli 28 mars 2018).

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l’aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n’apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d’une demande d’asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d’information.

Notes

[1] Le South Asia Terrorism Portal (SATP) est un projet de l’Institute for Conflict Management (ICM) de New Delhi, une [traduction] « société sans but lucratif » « vouée à l’évaluation et à la résolution continues des problèmes de sécurité intérieure en Asie du Sud », y compris au Pakistan (SATP s.d.).

[2] Le Centre for Academic Shi’a Studies (CASS), affilié à la Fondation Al-Khoei, est une organisation londonienne qui [traduction] « a été créée en 2009 dans le but de promouvoir le savoir contemporain et impartial inédit sur l’islam chiite et les musulmans » (CASS s.d.a). La Fondation Al-Khoei [traduction] « exploite un certain nombre de programmes éducatifs, sociaux et religieux novateurs au Royaume-Uni ainsi qu’à New York, à Montréal, à Paris, à Bangkok, à Islamabad et dans plusieurs autres villes du monde » (CASS s.d.b).

[3] Le Middle East Institute est une [traduction] « institution de Washington entièrement vouée à l’étude du Moyen-Orient » (The Middle East Institute s.d.).

[4] Selon le National Counterterrorism Center des États-Unis, Jaish-e-Mohammed est un [traduction] « groupe extrémiste du Pakistan » qui a été interdit dans ce même pays en 2002 (É.U. sept. 2013). Jaish-e-Mohammed est [traduction] « également appelé Armée de Mohammed (Army of Mohammed ), Khudamul Islam et Tehrik ul-Furqaan, entre autres noms » et son « but est d’unir le Cachemire au Pakistan et d’expulser les militaires étrangers de l’Afghanistan » (É.U. sept. 2013).

[5] Matthew Nelson, dont les travaux de recherche sont axés sur la politique et l’islam en Asie du Sud, présentait un exposé sur la politique sectaire au Pakistan dans le cadre d’une réunion d’information du Bureau européen d’appui en matière d’asile (Europeran Asylum Support Office (EASO) sur le Pakistan en octobre 2017 (Nelson févr. 2018, 24).

[6] Zahid Shabab Ahmed est [traduction] « l’expert local de Peace Direct en ce qui concerne la consolidation de la paix au Pakistan, en plus d’être boursier de recherches postdoctorales à l’Université Deakin en Australie »; il a obtenu son doctorat de l’Université de Nouvelle-Angleterre en Australie (Peace Direct s.d.a). Peace Direct est une [traduction] « organisation internationale [de Londres] qui soutient les populations locales dans leurs efforts pour mettre un terme à la guerre et instaurer une paix durable » (Peace Direct s.d.b). Zahid Shabab Ahmed [traduction] « a travaillé avec des agences de développement locales et internationales en Asie du Sud dans le cadre de divers projets de consolidation de la paix et de développement » et a « publié et présenté des écrits sur un vaste éventail de questions, dont l’islam, les droits de la personne, la paix et les conflits, le régionalisme et la sécurité régionale » (Peace Direct s.d.a).

Références

Agence France-Presse (AFP). 20 mai 2015. « Pakistan Imam Jailed for Five Years for Anti-Shia Sermons ». [Date de consultation : 22 mars 2018]

Ahmed, Zahid Shabab. 16 février 2017. « Counter-Extremism in Pakistan: Success or Falling Short ». [Date de consultation : 24 mars 2018]

Al Jazeera. 17 janvier 2016. « Imam Arrested After “Blasphemer” Teen Cuts Off Hand ». [Date de consultation : 12 mars 2018]

Asian Legal Resource Centre (ALRC). 26 février 2018. « Pakistan: Government Facilitates Curbing Freedom of Religion ». [Date de consultation : 12 mars 2018]

Asian Legal Resource Centre (ALRC). S.d. « About ALRC ». [Date de consultation : 23 mars 2018]

British Broadcasting Corporation (BBC). 20 mai 2015. « Pakistan Court Jails Hate Cleric for Five Years ». [Date de consultation : 22 mars 2018]

Centre for Academic Shi’a Studies (CASS), Al-Khoei Foundation . 19 mars 2018. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par le département des recherches.

Centre for Academic Shi’a Studies (CASS), Al-Khoei Foundation . S.d.a. « Our Goal ». [Date de consultation : 22 mars 2018]

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South Asia Terrorism Portal (SATP). S.d. « Disclaimer ». [Date de consultation : 22 mars 2018]

Stratfor. 12 avril 2017. « Tackling Terrorism in Pakistan’s Heartland ». [Date de consultation : 30 avr. 2018]

Autres sources consultées

Sources orales :The Asia Foundation; Centre for Research and Security Studies; Centre for Social Justice; Global Human Rights Defence; Human Rights Commission of Pakistan; Human Rights Focus Pakistan; Jinnah Institute; The Middle East Institute; Minority Rights Group International; National Commission for Justice and Peace ; Nations Unies – Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction; Pak Institute for Peace Studies ; Pakistan – Ministry of Interior, Ministry of Law and Justice, National Peace Council for Interfaith Harmony, National Police Foundation; Peace & Education Foundation ; universitaire spécialisé en violence politique au Pakistan; Women in Struggle for Empowerment .

Sites Internet, y compris :ecoi.net; Fox News; Global Human Rights Defence; The Jamestown Foundation; The Mackenzie Institute; Mapping Militants Project ; Nations Unies – Haut-Commissariat aux droits de l’homme; The New York Times; Pak Institute for Peace Studies ; Pakistan – Ministry of Information Broadcasting, National History and Literary Heritage, Ministry of Interior, National Counter Terrorism Authority; The Straits Times .

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