Les élections législatives et présidentielles de Turquie de juin 2018 se sont déroulées dans un climat de censure des médias. Certains députés et un candidat à la présidence ont été emprisonnés. Le Parti de la justice et du développement (AKP), qui est au pouvoir et dirigé par Erdoğan, a conservé le contrôle d’un parlement affaibli par le biais d’une coalition. Et avec la réélection d’Erdoğan, le système présidentiel de gouvernement, approuvé par un référendum constitutionnel de 2017, est entré pleinement en vigueur en Turquie.
« Tout espoir de voir la fin de l’état d’urgence, décrétée il y a six mois, marquer un retour au respect des droits humains s’est évanoui », a déclaré Hugh Williamson , directeur de la division Europe et Asie centrale de Human Rights Watch. « Le gouvernement Erdoğan s’est acharné contre ses détracteurs et opposants et a démantelé l’Etat de droit en Turquie et mis la justice sens dessus dessous. »
Rapport mondial (FRA) abrégé >>
Les tribunaux turcs manquent d’indépendance et n’hésitent pas à jeter les détracteurs du gouvernement ou ses opposants derrière les barreaux pendant que les autorités ouvrent à leur encontre des poursuites judiciaires pour des accusations de terrorisme fabriqués de toutes pièces. L’abus généralisé des lois antiterroristes contre les opposants au gouvernement a fragilisé les efforts légitimes pour poursuivre en justice les responsables véritables de la tentative de coup d’État militaire de 2016.
Plusieurs procès de journalistes à caractère politique ont abouti en 2018 à des condamnations. Un tribunal a condamné Ahmet Altan, Mehmet Altan et Nazlı Ilıcak, de célèbres écrivains, à la réclusion à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle pour des commentaires politiques qui ne faisaient pas l’apologie de la violence, mais que le tribunal a considérés comme une tentative de renversement du gouvernement.
Les autorités ont multiplié les attaques contre les défenseurs des droits humains, notamment en ouvrant une nouvelle enquête sur les manifestations antigouvernementales massives de 2013 à Istanbul, connues sous le nom de manifestations de Gezi. Parmi les personnes visées, la plus importante était un homme d’affaires injustement emprisonné et dirigeant d’une organisation culturelle, Osman Kavala.
Le gouvernement n’a pas tenu compte d’une décision de la Cour européenne des droits de l’homme, qui demandait la remise en liberté de Selahattin Demirtaş, membre de l’opposition, en détention arbitraire depuis plus de deux ans, aux côtés d’anciens membres du Parlement et de maires élus de partis pro-kurdes. À l’approche des élections locales prévues pour mars 2019, la démocratie locale dans le sud-est du pays reste suspendue. Le gouvernement contrôle 94 municipalités de la région après avoir évincé les représentants élus par la population kurde.
Le Rapport mondial 2019 passe également en revue les restrictions au droit de manifestation pacifique et à la liberté de réunion en Turquie, les atteintes à la liberté d’expression des universitaires et l’absence d’enquête sur des allégations d’actes de torture perpétrés en garde à vue. La Turquie continue d’accueillir le plus grand nombre de réfugiés au monde.