Des experts des droits humains de l’ONU demandent la libération d’un blogueur mauritanien en détention

GENEVE (18 juin 2019) - Un groupe d’experts des droits humains de l’ONU vient d’exprimer sa grande préoccupation quant à la détention arbitraire prolongée et l’état de santé du blogueur et défenseur de droits humains mauritanien Cheikh Ould Mohamed M’Kheitir.

« Nous demandons au Gouvernement de la Mauritanie de libérer M. M’Kheitir en accord avec ses obligations internationales et les recommandations des mécanismes des Nations Unies pour les droits humains. »

M. M’Kheitir a été condamné à mort pour apostasie en décembre 2014 après avoir publié un article en ligne questionnant l’utilisation de justifications religieuses pour légitimer la discrimination basée sur les castes. Le 9 novembre 2017, la Cour d’appel de Nouadhibou a annulé sa condamnation à mort et l’a condamné à deux ans de prison et une amende, le rendant éligible pour une libération immédiate eu égard au temps déjà passé en prison.

Refusant d’appliquer la décision de la Cour d’Appel, le Gouvernement a cependant décidé de le placer en détention administrative dans un lieu inconnu du public, sans accès à ses avocats, pour des raisons d’ordre public et pour prétendument assurer la sécurité physique de M. M’Kheitir. Le procureur de la république a aussi fait appel de la décision auprès de la Cour Suprême mais rien n’indique que la Cour examinera ce cas prochainement.

« Il est très préoccupant que M. M’Kheitir ait déjà été détenu pendant quatre ans et que, au mépris de la décision de la Cour d‘Appel, la détention administrative soit aujourd’hui considérée comme la seule solution pour garantir sa sécurité et l’ordre public en Mauritanie, ce qui ne devrait pas être le cas dans un état de droit » ont ajouté les experts, indiquant qu’il est impératif pour M. M’Kheitir d’avoir accès à ses avocats.

« Cette détention prolongée pour l’exercice pacifique de ses droits à la liberté de conscience et d’expression, est en contradiction avec les normes internationales relatives aux droits de l’homme et les conventions internationales ratifiées par la Mauritanie, et viole ses droits fondamentaux,» ont déclaré les experts.

Des informations crédibles indiquent que l’état de santé de M. M’Kheitir s’est dégradé de manière significative depuis qu’il est, il y a plus d’un an, en détention administrative et dans un lieu inconnu du public.

« Les dommages à l’intégrité physique et mental de M’Kheitir rendent sa libération ou son évacuation médicale très urgente afin qu’il puisse accéder à des traitements médicaux adéquats » ont conclu les experts.

Les experts ont indiqué avoir écrit au gouvernement mauritanien au sujet de la situation de M. M’Kheitir et reçu réponses à leurs lettres.

ENDS

*Les experts: Mme. Agnes Callamard, Rapporteuse spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires ; Mme. Karima Bennoune, Rapporteuse spéciale des Nations Unies dans le domaine des droits culturels ; M. José Antonio Guevara Bermúdez, Président-Rapporteur du Groupe de travail sur la détention arbitraire ; M. Bernard Duhaime, Président-Rapporteur du Groupe de travail des Nations Unies sur les disparitions forcées ou involontaires ; M. Michel Forst, Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme ; M. Nils Melzer, Rapporteur Spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ; M. Dainius Pūras, Rapporteur Spécial sur le droit à la santé ; M. Diego García-Sayán, Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats ; et M. Ahmed Shaheed, Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction .

Les Rapporteurs spéciaux des Nations Unies font partie de ce quon appelle les « procédures spéciales » du Conseil des droits de lhomme. Les procédures spéciales qui constituent le plus grand groupe dexperts indépendants dans le système des Nations Unies des droits de lhomme, sont les mécanismes indépendants denquête et de surveillance du Conseil qui traitent, soit de situations spécifiques de pays ou de questions thématiques dans toutes les régions du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent sur une base volontaire; ils ne sont pas fonctionnaires de lONU et ne reçoivent pas un salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou organisation et siègent à titre individuel.

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