Au cours des deux dernières années, le conflit politique qui oppose le gouvernement camerounais majoritairement francophone à la minorité anglophone du pays – dont une partie cherche à obtenir l’indépendance – est devenu une crise des droits humains à part entière. On estime que des centaines de personnes auraient été tuées, plus d’un millier de maisons incendiées et des dizaines d’écoles attaquées. Environ 250 000 personnes auraient fui leurs foyers.

Personne n’a encore revendiqué la responsabilité de l’enlèvement de masse de lundi. Un responsable gouvernemental a accusé les groupes séparatistes anglophones, mais les plus importants d’entre eux ont nié toute implication et condamné l’attaque, insistant sur le fait qu’ils ne prenaient pas pour cibles de civils. D’autres ont accusé les forces progouvernementales d’avoir enlevé les enfants afin de ternir la réputation des séparatistes. Ni le gouvernement ni les groupes séparatistes n’ont fourni de preuves pour étayer leurs accusations.

Le gouvernement s’est engagé à ouvrir une enquête sur l’enlèvement, mais ses propres forces se sont rendus coupables de graves abus dans le cadre du conflit, notamment des attaques de villages et des exécutions extrajudiciaires de civils, pour lesquels il n’y a eu ni enquêtes ni condamnations.

L’enlèvement perpétré hier n’est peut-être que la partie émergée de l’iceberg, et en l’absence d’action internationale rapide, la crise risque de s’aggraver. Les acteurs internationaux – en particulier l’Union africaine, les Nations Unies, la France, le Royaume-Uni et les États-Unis – devraient condamner à l’unanimité les violences contre les civils et affirmer qu’aucun objectif politique ne justifie de porter atteinte au droit à l’éducation ni de kidnapper dans leurs lits des écoliers endormis. Mais ils doivent également veiller à ce que cet événement horrible ne devienne pas une justification pour de nouveaux abus de la part d’une des parties à la crise.