Djibouti: Forced marriage, including the frequency; the consequences of refusing such a marriage, including for the parents of minors whom their grandparents want to marry by force; recourse available to parents; state protection available (2015-April 2017) [DJI105797.FE]

Djibouti : information sur le mariage forcé, y compris sa fréquence; les conséquences associées à un refus, y compris pour les parents de mineures que les grands-parents veulent marier de force; les recours disponibles pour les parents; information sur la disponibilité de la protection offerte par l'État (2015-avril 2017)

Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, Ottawa

1. Fréquence et contexte culturel des mariages précoces ou forcés

Les Country Reports on Human Rights Practices for 2016 du Département d’État des États-Unis mentionnent qu'à Djibouti, les mariages précoces surviennent occasionnellement en zone rurale, où ils sont considérés comme une tradition plutôt qu’un problème (É.-U. 3 mars 2017). Selon ONU Femmes, l'entité des Nations Unies pour « l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes » (Nations Unies s.d.a), le mariage précoce est considéré comme un mariage forcé puisqu'une mineure (personne de moins de 18 ans) « n’a pas la capacité de consentir valablement à son mariage » (Nations Unies s.d.b).

Au cours d’un entretien téléphonique avec la Direction des recherches, une représentante de de l'Association des femmes de Tadjourah (AFT), une association établie à Djibouti qui vise à améliorer les conditions de vie des habitants de la région de Tadjourah, entre autres en combattant les mutilations génitales féminines et « toutes les formes de violence faites aux femmes » (AFT s.d.), a affirmé que le mariage forcé est un problème qui touche « l'arrière-pays, là où l'État a moins de pouvoir, moins d'emprise » (AFT 12 avr. 2017). De même, un rapport publié en 2014 par le ministère de la Promotion de la femme et du Planning familial affirme que « les mariages forcés […] sont très récurrents surtout dans les zones rurales » (Djibouti juill. 2014, 34). Dans une communication écrite adressée à la Direction des recherches, , un représentant de l'Observatoire djiboutien pour la promotion de la démocratie et des droits humains (ODDH), une association locale créée par des fonctionnaires (É.-U. 3 mars 2017), a signalé que les mariages forcés se raréfient puisque la population quitte les milieux ruraux pour s'installer en ville (ODDH 26 avr. 2017). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

La représentante de de l'AFT a signalé que le mariage forcé est une pratique traditionnelle qui est « aussi présent[e] » dans la communauté afar (AFT 12 avr. 2017). Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un représentant de la Ligue djiboutienne des droits humains (LDDH), une ONG située à Djibouti qui a pour objectif de protéger et promouvoir les droits humains dans le pays, a signalé qu'à sa connaissance, dans la communauté afar, « les filles sont promises dès leur naissance à un membre de leur famille maternelle » (représentant 14 avr. 2017).

De son côté, la représentante de l'AFT a signalé ce qui suit au sujet des mariages forcés dans la communauté afar :

[I]l s'agit de traditions de mariage entre tribus. Lorsqu'un homme ne trouve pas d'épouse (à cause de son âge ou par manque d'argent), il peut demander à sa cousine de lui donner une de ses filles en mariage. Sa cousine doit accepter. La fille passe de la tribu de son père pour se marier dans la tribu de sa mère (AFT 12 avr. 2017).

Selon la même source, outre ses parents, une jeune fille ou une femme peut être obligée de se marier par « sa tribu, ses oncles [ou] ses frères » (AFT 12 avr. 2017). La même source a précisé que si le père refuse le mariage de sa fille, la tribu de la mère peut forcer le mariage (AFT 12 avr. 2017). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

Sans fournir plus de détails, le représentant de la LDDH a affirmé que les mariages forcés étaient aussi présents au sein de la communauté somalie (représentant 14 avr. 2017).

2. Conséquences associées à un refus pour la jeune fille et ses parents

Selon la représentante de l'AFT, si les parents s'opposent au mariage de leur fille mineure, le grand-père maternel de celle-ci peut l'obliger à se marier (AFT 12 avr. 2017). La même source a précisé que « si les parents s'opposent au mariage, le grand-père maternel (père de la mère) va faire une tribune où il va discuter avec la tribu jusqu'à ce que le mariage soit accepté » (AFT 12 avr. 2017). Selon la même source, si les parents continuent à refuser le mariage de leur fille mineure, le grand-père maternel va « maudire » sa fille, c'est-à-dire la mère de la mineure, et la tribu de la mère va couper tous les liens avec cette dernière (AFT 12 avr. 2017). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

Selon le représentant de la LDDH, les parents qui soutiendraient le refus de leur fille de se marier seraient « mis en quarantaine » (représentant 14 avr. 2017). La même source a affirmé que la jeune fille ou la femme qui s'oppose à un mariage forcé s'expose à un « rejet de la société » (représentant 14 avr. 2017). Le représentant de l'ODDH a précisé qu'elle peut s'exposer à la « perturbation de [s]a scolarité, [à des] pressions, [du] harcèlement, [des] manipulations » (ODDH 14 avr. 2017).

Par ailleurs, selon la représentante de l’AFT, par manque d'éducation, les femmes soumises au mariage forcé ne connaissent pas les procédures qui leur permettraient de porter plainte et d'éviter le mariage (AFT 12 avr. 2017).

3. Lois et protection offerte par l'État

Le Code de la Famille de Djibouti, adopté en 2002, énonce ce qui suit en matière de mariage :

Article 7

Le mariage est conclu en République de Djibouti par devant Al Ma’doun Al Char-i en présence de deux témoins honorables.

Le statut et les attributions du Al Ma’doun Al Char-i seront définis par une loi.

Le mariage des Djiboutiens à l’étranger est célébré devant les agents diplomatiques ou consulaires ou selon la loi locale.

Le mariage n’est formé que par le consentement des deux époux et du tuteur de la femme.

La présence de deux témoins honorables et la fixation du Mahr au profit de la femme sont, en outre, requises pour la validité du mariage.

Article 13 :

Les deux futurs époux ne doivent pas se trouver dans l’un des cas d’empêchement prévus par la loi.

Les futurs époux doivent avoir l’âge de 18 ans révolu pour contracter mariage.

Article 14 :

Le mariage des mineurs qui n’ont pas atteint l’âge de la majorité légale est subordonné au consentement de leurs tuteurs.

En cas de refus des tuteurs et de persistance des deux futurs conjoints, le mariage est autorisé par le juge.

Article 16 :

Le père ou son mandataire, le grand-père ou son mandataire consent au mariage de l’enfant mineur, qu’il soit de sexe masculin ou féminin et ce conformément aux dispositions de l’article 14. (Djibouti 2002).

Au sujet de la protection offerte par l'État aux femmes qui refusent un mariage forcé, la représentante de l'AFT a affirmé ce qui suit : « [l]'État n'a pas beaucoup de pouvoir dans les régions où ces traditions existent encore. Il n'y a pas de protection possible de la part de l'État » (AFT 12 avr. 2017). Sur le même sujet, le représentant de la LDDH a affirmé que « l'État ne s'immisce pas dans ce genre d'affaires, ce qui conduit à l'absence totale de protection offerte par l'État » (représentant 14 avr. 2017). Le représentant de l’ODDH a souligné que le Code de la Famille offre, dans le texte, une protection aux femmes, mais que dans la pratique, le cadre législatif n’est généralement pas appliqué (ODDH 26 avr. 2017).

Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a trouvé aucun rensignement sur les recours disponibles pour les parents de mineures que les grands-parents veulent marier de force.

4. Autres initiatives et services offerts aux victimes de mariage forcé

Le quotidien djiboutien La Nation signale que durant une conférence coorganisée par le Parlement panafricain (PAP) et le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) les 29 et 30 juillet 2016, deux parlementaires djiboutiennes ont souligné leur volonté de voir l'Afrique débarrassée de la pratique du mariage précoce (La Nation 3 août 2016). Les Country Reports 2016 précisent que le ministère de la Promotion de la femme et du Planning familial a collaboré avec des associations de femmes afin de protéger les droits des filles, y compris [traduction] « le droit de décider quand et avec qui se marier » (É.-U. 3 mars 2017).

Selon La Nation, l'Union nationale des femmes de Djibouti (UNFD) [une ONG qui existe depuis 1977 (UNFD s.d.a) et qui œuvre à ce que la femme djiboutienne soit une citoyenne et une actrice socio-économique et politique à part entière dans son pays (UNFD s.d.b)] administre depuis 2014 « un programme communautaire de promotion et de protection des droits humains » nommé « Salam », instauré en 2008 « sous le leadership du [m]inistère de la Promotion de la [f]emme » (La Nation 29 nov. 2015). Il s’agit d’un programme qui concerne plusieurs domaines « allant de la santé à l’éducation […] avec comme priorité la protection des enfants contre toute forme de violences, en particulier la promotion de l’abandon de toute forme d’excision, […] et la lutte contre les mariages précoces » (La Nation 29 nov. 2015). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé de renseignements additionnels sur les activités du programme « Salam » contre les mariages forcés.

Selon le site Internet de l'UNFD, il existe, dans la ville de Djibouti, une Cellule d'écoute, d'information et d'orientation mise en place en 2007 qui constitue « un espace sécurisé où les femmes victimes de violences de toute nature peuvent se confier, chercher secours ou protection » (UNFD s.d.c). Selon le rapport du ministère de la Promotion de la femme et du Planning familial, la Cellule d'écoute, d'information et d'orientation a traité 6 cas de mariages forcés en 2013 (Djibouti juill. 2014, 42). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé de renseignements additionnels sur les activités de la Cellule d'écoute, d'information et d'orientation concernant les mariages forcés.

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Références

Association des femmes de Tadjourah (AFT). 12 avril 2017. Entretien téléphonique avec une représentante.

Association des femmes de Tadjourah (AFT). S.d. « Nos objectifs ». [Date de consultation : 24 avr. 2017]

Djibouti. Juillet 2014. Ministère de la Promotion de la femme et du Planning familial. Rapport national d'évaluation quinquennal sur la mise en œuvre du programme d'action de Beijing (1995) et des textes issus de la vingt-troisième session extraordinaire de l'assemblée générale (2000). [Date de consultation : 24 avr. 2017]

Djibouti. 2002. Loi n°152/AN/02/4ème L portant Code de la Famille. [Date de consultation : 24 avr. 2017]

États-Unis (É.-U.). 3 mars 2017. Department of State. « Djibouti ». Country Reports on Human Rights Practices for 2016. [Date de consultation : 5 mai 2017]

La Nation. 3 août 2016. « Conférence du Parlement panafricain et du FNUAP : Une mission parlementaire djiboutienne à Midrand ». [Date de consultation : 5 mai 2017]

La Nation. 29 novembre 2015. « Programme communautaire de promotion et de protection des droits humains "Salam" : L’UNFD mobilise les autorités locales et les directeurs des ministères sociaux ». [Date de consultation : 4 mai 2017]

Nations Unies. S.d.a. ONU Femmes. « À propos d’ONU Femmes ». [Date de consultation : 15 mai 2017].

Nations Unies. S.d.b. ONU Femmes. « Définition du mariage forcé et du mariage des enfants ». [Date de consultation : 20 avr. 2017]

Observatoire djiboutien pour la promotion de la démocratie et des droits humains (ODDH). 26 avril 2017. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par un représentant.

Représentant de la Ligue djiboutienne des droits humains (LDDH). 14 avril 2017. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

Union nationale des femmes de Djibouti (UNFD). S.d.a. « Présentation ». [Date de consultation : 24 avr. 2017]

Union nationale des femmes de Djibouti (UNFD). S.d.b. « Vision ». [Date de consultation : 24 avr. 2017]

Union nationale des femmes de Djibouti (UNFD). S.d.c. « Halte à la violence ». [Date de consultation : 24 avr. 2017]

Autres sources consultées

Sources orales : Association Bender Djedid; Centre d’études et de recherche de Djibouti; Centre population et développement, Université Paris Descartes; Djibouti – Direction de la statistique et des études démographiques, Ministère de la Femme et de la Famille, Ministère de la Justice, Ministère de la Santé; Nations Unies – UNICEF; Strategic Initiative for Women in the Horn of Africa; Union nationale des femmes de Djibouti.

Sites Internet, y compris : Africa Newsroom; African Arguments; Africatime.com; Afrik.com; afrol News; Ali Sabieh – Conseil régional; Alkarama Foundation; Amnesty International; Association des femmes de Tadjourah; Banque mondiale; Centre for Civil and Political Rights; Centre d’études et de recherche de Djibouti; Djibouti – Direction de la statistique et des études démographiques, Ministère de la Femme et de la Famille, Ministère de la Justice, Ministère des Affaires, de la Culture et des Biens waqfs; ecoi.net; Factiva; Femmes Africa solidarité; Femmes sous lois musulmanes; Girls not Brides; The Guardian; Human Rights Watch; Humanium; Jeune Afrique; Libre Afrique; Le Monde; Nations Unies – Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, ONU Femmes, PNUD, Refworld, UNICEF; Radio France internationale; Solidarité féminine Djibouti; Strategic Initiative for Women in the Horn of Africa; Université de Djibouti; La Voix de Djibouti.

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