Dokument #1341915
IRB – Immigration and Refugee Board of Canada (Autor)
Dans un mémoire de maîtrise intitulé Widowhood Among the Igbo People of Eastern Nigeria, Korieh a écrit ce qui suit au sujet de l'observation du lévirat chez les Igbos :
[traduction]
Les cas de remariage sont très isolés aujourd'hui; le lévirat l'est donc également. Ma recherche a démontré uniquement deux cas de remariage, deux cas de lévirat et cinq cas où les veuves avaient des amants. Les veuves sont donc susceptibles de le rester. Aujourd'hui, le lévirat est également peu répandu. Des renseignements fournis de vive voix confirment qu'il était très fréquent dans le passé. [...]
Héritage de la veuve (lévirat) - Nkushi
Comme chez de nombreux autres peuples africains, les Igbos de la précolonisation exigeaient qu'un parent d'un homme décédé hérite de la veuve de celui-ci. Dans la tradition igbo, cela signifie qu'une veuve doit être « prise en charge » [89] ou « héritée », dans un sens plus général, par un frère du défunt. Par exemple, par le fils ou le frère de son défunt mari. Le rôle normatif du lévir est d'engendrer des enfants, si la famille de la veuve n'est pas déjà considérée complète, de gérer les biens détenus en fiducie pour le fils mineur de la veuve, d'aider celle-ci en fournissant de la main-d'œuvre pour défricher, labourer, planter et récolter, et de contribuer à entretenir son ménage. Dans la société igbo traditionnelle, quand le lévirat était plus fréquent, une veuve jeune était plus susceptible de choisir le lévirat pour plusieurs raisons :
Elle subissait une pression considérable pour avoir plus d'enfants le plus rapidement possible, en particulier si elle n'avait pas de fils [90];
Les veuves jeunes peuvent également apprécier les conseils d'un homme plus âgé pour gérer leurs biens [91];
Elle a besoin des services d'un homme pour couper ses fruits de palme et d'aide pour le travail agricole [92];
Elle a besoin d'aide pour le travail agricole, pour les réparations de la maison, et a besoin d'un gardien pour ses enfants [93].
Dans la société igbo, une veuve n'est pas tenue de prendre un arrangement de lévirat. Bien que cette pratique ait été courante dans la société traditionnelle, il est peu probable qu'une veuve ayant un fils adulte y consentirait. Avec un héritier adulte pour sa maison, une telle femme ne subirait pas de pression pour porter d'autres enfants. Elle attendrait de ses fils qu'ils jouent le rôle de l'homme dans la division des tâches selon les sexes et lui procurent l'aide qui lui serait autrement fournie par un lévir. Si cette femme a un amant, il s'agit de l'homme de son choix, qui n'a habituellement aucun lien avec son défunt époux. Je ne dispose pas de données statistiques sur le nombre de cas de lévirat; j'ai eu directement connaissance de deux cas seulement pendant ma recherche sur le terrain. Cependant, je crois que le lévirat dans une communauté igbo ne serait pas évident pour un étranger à moins que des cas soient recherchés activement. Pour cette raison, je conclus que la pratique est très peu courante chez les Igbos aujourd'hui. Le lévirat, selon mes informateurs, n'est pas fréquent aujourd'hui. Ils attribuent cette diminution aux raisons suivantes :
Les ressources sont rares et les hommes ne veulent plus les gaspiller pour s'occuper d'une femme et d'enfants qui ne lui appartiennent pas légalement [94];
Dans le passé, une veuve et ses enfants augmentaient le bassin de travailleurs agricoles d'un homme. Comme signe de richesse et de statut, les exploitations agricoles revêtent de moins en moins d'importance [95];
En théorie, une veuve et ses enfants n'appartiennent pas au lévir. Les gens ne sont donc plus disposés à élever des enfants qui ne leur apporteront peut-être rien dans le futur [96];
Cela crée des problèmes dans la famille [97];
C'est contre l'éthique chrétienne [98];
Mes enfants n'aimeront pas cela [99].
On s'attend d'une veuve jeune à ce qu'elle continue à porter des enfants, en particulier si elle n'a pas déjà une grande famille. Ces enfants appartiendront à sa « maison » et ils seront considérés comme des descendants de son premier (et seul) époux, peu importe qui en est le géniteur. Les fils nés d'une union de lévirat ont les mêmes droits d'héritage que ceux nés du défunt mari de la veuve. Ils n'ont aucun droit d'héritage dans la maison de leur géniteur.
En réponse à la question « Pourquoi n'avez-vous pas pris de lévir? », la plupart des veuves ont répondu qu'elles ont des enfants (65). Nombre d'entre elles ont déclaré qu'elles n'ont pas été sollicitées (50). Quarante-huit veuves ont déclaré qu'elles pouvaient s'occuper d'elles-mêmes et de leurs enfants. Quinze veuves ont déclaré que la pratique n'est plus populaire alors que cinq veuves ont déclaré avoir un amant. Seulement trois des répondantes ont affirmé qu'elles étaient vieilles.
Langley (1979:73) a déclaré qu'en ce qui concerne les Nandis du Kenya des années 1970, « le lévirat est considéré avec dégoût et est effectué uniquement dans le secret ». J'ai l'impression que cela n'était pas le cas dans la société igbo précoloniale. Mais la situation est différente aujourd'hui. Les effets du christianisme ne peuvent être ignorés. Je crois qu'en 1969, le motif d'une veuve pour garder son amant secret justifie l'opinion de Langley :
Je me suis mariée à l'église. Lorsque mon époux est décédé pendant la guerre, j'avais seulement deux enfants. Son seul frère était déjà marié. Mon beau-père m'a encouragée à élever plus d'enfants au nom de mon époux. C'était quelque chose que l'Église désapprouvait. Je n'ai pas communié pendant longtemps. Je ne voulais pas qu'il éprouve les mêmes problèmes.
Il y a un net écart entre les propos des informateurs masculins et féminins concernant ce qui se passe habituellement lorsqu'une veuve jeune a des enfants mineurs. Les informateurs masculins affirment généralement que le frère du défunt, dans la société traditionnelle, épousait la veuve en lévirat, gérait les biens de la maison, y compris la terre et les palmiers, et faisait vivre les enfants en donnant à la veuve de l'argent pour répondre à leurs besoins. Les femmes ont tendance à déclarer que les veuves gèrent leurs biens et s'occupent de leurs enfants elles-mêmes. En général, mes observations et mes conversations avec les informateurs me portent à croire que l'opinion du frère dans la gestion des biens est peu importante, à moins qu'il ne soit un lévir. La mesure dans laquelle la veuve, et non le frère, gère les biens, ainsi que le niveau d'aide fournie à une veuve par un lévir, sont flexibles et varient selon les cas particuliers. Dans la société igbo d'aujourd'hui, la tendance à l'individualisme est plus grande. Cela a eu de grandes répercussions sur la parenté et les relations dans le groupe, ainsi que sur la gestion des biens. Les veuves instruites, indépendantes et autonomes exercent un plus grand contrôle sur leurs ressources et leur gestion qu'elles ne le faisaient dans la société igbo traditionnelle.
Dans la société igbo traditionnelle, le lévirat était considéré positivement et non avec dégoût. Bien que beaucoup de femmes soient veuves à un âge relativement jeune, elles deviennent plus autonomes. En outre, le mariage confère à la femme ayant des enfants mâles un certain accès à un domaine défini (celui de son époux) et elle conserve ces droits indépendamment de toute relation qu'elle entretient avec un homme. Aujourd'hui, une veuve n'a pas besoin de se remarier (ce qui de toute façon ne lui est pas interdit) ou d'avoir un lévir pour avoir accès aux biens par l'intermédiaire de ses enfants. Cela s'applique également aux biens communs, peu importe qui est le père biologique des enfants. Un enfant né d'une femme mariée d'origine igbo ne peut pas être illégitime. On peut prétendre que le lévirat n'est pas par nature une institution conçue pour lier une femme et ses enfants à la famille de son défunt époux. Il s'agit plutôt d'une institution conçue pour subvenir aux besoins de la femme et des enfants. Le lévir a la responsabilité de prendre soin des dépendants de son frère défunt qui ne peuvent s'en sortir sans aide masculine.
Pour les veuves plus âgées, l'aide sous la forme de travail peut être fournie par des fils adultes. De plus, en raison du niveau général de redressement économique dans le cas de certaines veuves, l'argument voulant qu'une veuve devrait avoir un lévir pour l'aider à répondre à ses besoins financiers ne s'applique pas aujourd'hui dans la société igbo. Les revenus provenant d'autres sources peuvent servir à embaucher de la main-d'œuvre. Dans ce cas, la veuve n'a pas besoin de l'aide que lui fournirait autrement un lévir. Aujourd'hui, dans la plupart des familles, les biens de la maison d'une veuve suffisent pour faire vivre celle-ci et ses enfants. Cela explique en partie pourquoi le lévirat est de moins en moins fréquent. Contrairement aux veuves dans la plupart des autres sociétés africaines, la veuve igbo est plus libre d'avoir ou non une liaison avec un homme, et il en va entièrement de sa préférence personnelle. Dans l'économie igbo prémonétaire, les veuves étaient probablement moins en mesure de remplacer la main-d'œuvre et les autres types d'aide que le lévir doit en théorie fournir.
Le lévirat était considéré comme l'expression d'un seul principe social fondamental, soit l'identification sociale d'un parent à un autre. Il peut également être considéré comme un moyen de reproduire les relations structurelles entre les vicissitudes du cycle de vie humain. Radcliffe-Brown a écrit, au sujet de l'héritage de la veuve et du lévirat (1950:64), que « toutes ces coutumes de mariage préférentiel peuvent être considérées comme la continuation ou le renouveau de la structure existante des relations sociales. Elles sont toutes aussi des exemples de l'unité de la fratrie, puisqu'un frère remplace un frère ».
L'analyse historique du système appuie peu une interprétation aussi simple. La recherche des « fonctions primaires » des institutions conjugales met en arrière-plan ce qui devrait précisément être en premier plan, entre autres les différentes façons dont les idéologies concernant les relations sociales ont été mêlées aux processus d'évolution (Ogbu 1978). Dans la société igbo précoloniale, l'héritage de la veuve correspondait peut-être à l'interprétation de Radcliffe-Brown. À la fin du XIXe siècle cependant, des actifs politiques et économiques si importants sont entrés en jeu dans la transaction de mariage que l'héritage de la veuve peut difficilement être compris comme étant simplement un élément de remplacement de position. Il s'agissait d'un aspect très important de l'héritage en général à cette époque, alors que la nature et la valeur des actifs en jeu changeaient rapidement. On peut donc associer l'héritage de la veuve à l'accumulation et au contrôle des ressources par les hommes. À la fin du XXe siècle, la relation entre le veuvage et les procédures relatives au domaine socio-économique avait encore changé, mettant au premier plan ces éléments d'héritage de la veuve qui définissent l'accès des femmes aux ressources de base nécessaires pour vivre.
De façon générale, nous avons constaté que de nombreuses femmes aujourd'hui n'aiment pas l'idée de passer d'un homme à un autre. Les hommes n'aiment pas plus la pratique. J'aimerais insister encore sur un élément ici. Cette pratique est moins utilisée parce que certains hommes ont commencé à être désespérés quand les enfants de la veuve grandissaient. Celle-ci peut informer les enfants que l'homme avec qui ils vivent n'est pas leur père. Si les enfants suivent leur mère ou si leur mère meurt avant son lévir, ils peuvent ne fournir aucune aide au vieil homme maintenant en détresse qui a consacré sa vie à s'occuper de la femme et des enfants de son frère.
De la même façon, cette analyse démontre qu'il existe un déclin de ce qui peut légitimement être considéré comme l'héritage de la veuve, déclin qui coïncide avec l'importance accrue accordée à la descendance patrilinéaire. Les deux processus découlent de changements apportés aux systèmes idéologique et économique. La coutume d'héritage de la veuve qui s'est développée à une certaine période de l'histoire igbo n'était pas seulement une question de soutien des veuves par la communauté. Les femmes représentaient également un moyen important d'obtention de pouvoir politique et économique. Étant donné que le commerce avec les Européens a remplacé l'agriculture comme principal moyen d'accumulation de biens, « la richesse des personnes » ne permettait pas comme avant d'obtenir un statut politique et économique, et les veuves, ayant perdu leur valeur comme ressources, n'étaient plus désirées [100]. Dans une large mesure, la production de produits des palmiers, qui a remplacé la culture vivrière et tubéreuse, était un travail moins intensif. Le déclin de l'héritage de la veuve a par contre renforcé en grande partie l'indépendance plutôt que l'interdépendance des épouses dans l'acquisition de biens. Ces changements en termes de contrôle des ressources, d'accès à des ressources productives et d'une plus forte tendance à l'accumulation d'une richesse privée par les femmes expliquent en partie les raisons du déclin des lévirats.
Notes en bas de page :[89] Nkuchi Nwanyi - prendre une femme en charge
Pour obtenir de l'information sur la pratique du lévirat dans la communauté yorouba, veuillez consulter NGA33619.EF du 27 janvier 2000.
Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais prescrits. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile ou de statut de réfugié.
Référence
Korieh, Chima Jacob [Université
de Bergen, Norvège]. Printemps 1996. Widowhood Among the
Igbo of Eastern Nigeria. Thèse présentée
pour l'obtention d'une maîtrise en philosophie
spécialisée en histoire. http://www.uib.no/hi/korieh/chima.html
[Date de consultation : 19 janv. 2000]
Igbo levirate marriage practices [NGA33756.E] (Anfragebeantwortung, Englisch)