Benin: The practice of Voodoo, especially the selection and role of priestesses; treatment of women who refuse to agree to become priestesses; state protection (2012-October 2013) [BEN104597.FE]

Bénin : information sur la pratique du vaudou, notamment la sélection et le rôle des prêtresses; information sur le traitement réservé aux femmes qui refusent d'accepter de devenir prêtresses; protection offerte par l'État (2012-octobre 2013)

Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, Ottawa

1. Information générale sur le vaudou au Bénin

Au Bénin, le vaudou [également appelé le culte vodoun (TDH 26 juin 2012) et vodun (consultant 27 sept. 2013)] est une religion reconnue par l'État (BBC 18 nov. 2011; Slate Afrique 6 mars 2011).

Selon certaines sources, le vaudou serait essentiellement pratiqué dans le Sud du pays (anthropologue 20 sept. 2013; directeur 20 sept. 2013). Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches le 20 septembre 2013, un anthropologue de l'Université de l'Arizona qui a vécu et travaillé dans plusieurs communautés où le vaudou a une présence significative au Bénin, souligne que le vaudou serait également pratiqué dans le Nord du pays, mais de façon différente et dans une moindre mesure, dû à des raisons historiques. Il a expliqué que, dans le Nord, la vie religieuse serait plutôt [traduction] « centrée sur l'islam » (anthropologue 20 sept. 2013). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autre information allant en ce sens.

D'après plusieurs sources, la pratique du vaudou au Bénin varie selon les régions et les groupes ethniques (directeur 20 sept. 2013; professeure 19 sept. 2013; professeur adjoint invité 30 sept. 2013; professeur adjoint 25 sept. 2013), ainsi que selon les différents prêtres qui le pratiquent (ibid.). Selon deux universitaires, la pratique du vaudou varie [traduction] « énormément » au Bénin (ibid.; anthropologue 20 sept. 2013). Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches le 19 septembre 2013, une professeure d'études africaines et afro-américaines de l'Université de Harvard signale que des différences dans la pratique du vaudou au Bénin peuvent également être observées à l'intérieur d'une même ville. De même, dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches le 27 septembre 2013, un consultant en développement culturel et touristique travaillant près d'Abomey au Bénin, et également diplômé en socio-anthropologie (consultant 2 oct. 2013), explique que, dans le vaudou béninois, les « gestes et manières de vénération [...] diffèrent en fonction des attitudes culturelles endogènes à une ethnie, une aire culturelle, une région [et] une langue ». Il ajoute que d'autres facteurs, tels que l'environnement sociopolitique et économique, peuvent également « influer sur les comportements des acteurs cultuels et religieux » (ibid. 27 sept. 2013). Selon l'anthropologue, [traduction] « les pratiques [du vaudou au Bénin] sont élaborées localement selon les besoins et les demandes » et il est donc difficile d'en tirer des conclusions générales (20 sept. 2013).

Des sources signalent que le vaudou n'est pas basé sur des écrits (professeur adjoint 25 sept. 2013; anthropologue 20 sept. 2013). L'anthropologue a également expliqué que la pratique du vaudou n'est pas basée sur des rites officiels (ibid.).

2. Organisation du culte

Le consultant en développement culturel et touristique a expliqué que les adeptes du vaudou se rassemblent et s'organisent en une « communauté initiatique », laquelle comprend :

  • les adeptes qui pratiquent le vodun;
  • les vodunsi [également appelés les [traduction] « initiés » (anthropologue 27 sept. 2013)];
  • le chef de culte;
  • les adjuvants ou collaborateurs (consultant 27 sept. 2013).

Le consultant a expliqué que les adeptes se situent « au bas de l'échelle » (ibid.). Ensuite, ceux d'entre eux qui suivent l'initiation, qui comprend une « mort symbolique » et un « rituel de résurrection », peuvent devenir vodunsi (ibid.). Le vodunsi est une personne qui consacre sa vie à un dieu (ibid.). Le chef de culte a la responsabilité de coordonner le « sanctuaire », d'instruire les initiés et de présider les cérémonies et les rituels (ibid.). Les adjuvants ou collaborateurs assistent le chef de culte dans ses fonctions (ibid.). Selon le consultant, il y aurait au moins quatre types d'adjuvants :

  • le hunso, qui effectue des sacrifices d'animaux et qui supervise les fidèles qui sont responsables d'assainir le sanctuaire. Le hunso est celui qui remplace le chef de culte quand ce dernier doit s'absenter;
  • le kpodo, ou agbajigan, est responsable de la sécurité du temple en plus d'être le porte-parole des adeptes;
  • le hunsunugan, qui est obligatoirement un homme, a pour responsabilité le « contrôle [...] des comportements des adeptes de sexe masculin », notamment ceux d'entre eux qui entrent en transe;
  • la hungnonnnugan est l'équivalent du hunsunugan pour les femmes (ibid.).

Le consultant en développement culturel et touristique a expliqué que, dans le vaudou béninois, « le statut acquis en fonction d'un grade déterminerait la notoriété et l'autorité de chaque membre du groupe » (27 sept. 2013).

3. Sélection des futurs initiés, des prêtresses et des chefs de culte

D'une manière générale, le consultant en développement culturel et touristique a expliqué que les personnes qui sont amenées à vivre le rituel de l'initiation vaudou (les futurs initiés) le font pour diverses motivations (consultant 27 sept. 2013). Il a précisé qu'il « s'agit souvent d'une tradition familiale, parfois d'un désir personnel » (ibid.). Selon lui, il « arrive également qu'un Vodun [dieu] porte son choix sur un individu en se révélant à lui, soit à travers un vœu à la naissance, soit dans les rêves, soit encore par les maladies, etc. » (ibid.). L'âge ou le sexe n'aurait pas d'influence sur la décision d'entrer en initiation (ibid.).

Le consultant a affirmé que le choix des prêtres et prêtresses se fait selon les mêmes motivations que pour les futurs initiés (ibid.). La professeure en études africaines et afro-américaines à l'Université de Harvard a affirmé que les prêtresses peuvent être choisies au sein des familles des adeptes (professeure 19 sept. 2013). Quant au professeur adjoint invité, il a expliqué que plusieurs années de formation sont nécessaires pour qu'une initiée devienne prêtresse et que la candidate doit démontrer qu'elle a les qualités requises pour être choisie (30 sept. 2013). Il a ajouté que le processus de sélection des prêtresses se fait parfois à travers la divination, parfois à travers les parents, et parfois selon le désir de la candidate (30 sept. 2013).

Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches le 30 septembre 2013, un professeur adjoint invité en anthropologie de la North Dakota State University, qui vient de terminer sa thèse de doctorat sur le vaudou, a précisé qu'il n'y a pas d'âge précis pour devenir prêtresse. Il a ajouté que les filles qui ont subi le rite d'initiation (entre environ 8 et 12 ans) sont amenées à devenir prêtresses plus tard (pour certaines d'entre elles, au début de la vingtaine, alors que dans certains groupes, seules les femmes ménopausées peuvent devenir prêtresses) (professeur adjoint invité 30 sept. 2013).

En ce qui concerne le choix du chef de culte, le consultant a affirmé qu'il hérite de son rang [traduction] « par une désignation qui se veut être purement lignagère et attestée par la consultation de Fa [un processus divinatoire (professeure 30 sept. 2013)] » (27 sept. 2013).

4. Refus du titre de prêtresse

Plusieurs sources soulignent qu'une femme peut refuser de devenir prêtresse (professeur adjoint invité 30 sept. 2013; directeur 20 sept. 2013). Toutefois, au cours d'un entretien téléphonique avec la Direction des recherches, le directeur du Laboratoire d'anthropologie des mondes contemporains de l'Université libre de Bruxelles a précisé qu'il peut être « délicat » de le faire et que cette décision peut créer « des brouilles » au sein de la famille (ibid.). De même, la professeure d'études africaines et afro-américaines a affirmé que, dans certaines situations, une jeune femme peut subir des pressions de la part de sa famille afin qu'elle devienne prêtresse (professeure 30 sept. 2013). Elle a expliqué [traduction] « [qu']honorer une divinité, c'est aussi une façon de conserver des liens avec les ancêtres », compte tenu que, selon la croyance, lors de leur mort, ces derniers peuvent devenir des divinités qui peuvent avoir « un impact positif ou potentiellement négatif sur la vie familiale » (ibid.). Ainsi, les membres de la famille étendue peuvent exercer une [traduction] « pression considérable » pour inciter l'un des leurs à remplir ce rôle (ibid.). La professeure a affirmé que les conséquences liées au refus du titre de prêtresse peuvent aller jusqu'à [traduction] « l'ostracisme » (19 sept. 2013). Cependant, dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches le 25 septembre 2013, un professeur adjoint en anthropologie au Agnes Scott College de Géorgie dont les recherches portent sur le Bénin, le vaudou ainsi que sur le christianisme en Afrique, explique que [traduction] « [c]ertaines familles interdisent à leurs enfants de se faire initier, alors que d'autres croient fortement en leur devoir envers les esprits vaudou et vont alors se soumettre aux demandes du chef vaudou ».

L'anthropologue est d'avis que, de façon générale, dans le vaudou béninois,

[traduction]

[i]l existe des représentations sensationnelles du vaudou, telles que des histoires portant sur des pratiques d'initiations forcées, mais cela est le résultat d'une stratégie de protection employée par les praticiens du vaudou pour garder secrets les éléments entourant les rituels (20 sept. 2013).

Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autre information allant en ce sens ni aucune information portant sur des incidents de violence faite aux femmes afin qu'elles deviennent prêtresse. Cependant, l'information qui suit peut s'avérer utile.

Un article publié le 25 juin 2013 par La Nouvelle Tribune, un quotidien béninois dont les bureaux sont situés à Cotonou (s.d.), signale que deux jeunes gens originaires d'Abomey, « désignés (par les chefs du vaudou sakpata) par le sort pour participer aux cérémonies rituelles annuelles d'initiation dans le temple du vaudou "Sakpata" », auraient refusé d'être initiés, car cette désignation serait « contraire à leurs croyances et à leurs convictions ». L'article signale qu'ils se seraient enfuis de la ville d'Abomey pour aller « se réfugier à Lokossa », et ce, avec l'aide de leurs parents (La Nouvelle Tribune 25 juin 2013). On peut également lire dans cet article qu'ils auraient été obligés de fuir à nouveau, car « les gardiens et les chefs du vaudou "Sakpata" ont réussi à les localiser » (ibid.). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autre information sur cet incident.

Selon les données d'une étude menée par l'Association nationale pour la défense et le renouveau du culte traditionnel (ANDRCT), qui a bénéficié du soutien de l'UNICEF, la plupart des enfants qui fréquentent les 72 couvents traditionnels vaudou qui initient des enfants et qui ont été couverts dans cette étude y auraient été admis contre leur gré pour une période allant de six mois à trois ans (Ouvertures 11 nov. 2011; Nations Unies 12 oct. 2011). De plus, on signale que la décision concernant cette admission serait prise par les parents des enfants touchés (ibid.; Ouvertures 11 nov. 2011). Ces enfants seraient majoritairement d'âge scolaire (THD 26 juin 2012; Nations Unies 12 oct. 2011). L'accès aux soins de santé serait réduit à la visite d'un « agent de santé initié aux rites » du couvent (Ouvertures 11 nov. 2011; THD 26 juin 2012). Selon un article du centre des médias des Nations Unies, l'étude de l'ANDRCT aurait porté sur 157 couvents faisant partie des communes de Allada, Tori, Kpomassè, Toffo et de Zè (2011).

5. Protection offerte par l'État

Selon des sources, il n'y aurait pas de loi au Bénin qui porte spécifiquement sur la pratique du vaudou (anthropologue post-doctorante 19 sept. 2013; directeur 20 sept. 2013). Le directeur du laboratoire d'anthropologie signale également que le droit coutumier n'aurait pas de statut légal au Bénin (ibid.).

Des sources signalent que la constitution [article 23 (Bénin 1990)] ainsi que d'autres lois protègent la liberté de religion au Bénin, mais ne mentionnent pas lesquelles (consultant 27 sept. 2013; É.-U. 2012). Le rapport sur la liberté religieuse au Bénin pour l'année 2011, publié par le Département d'État des États-Unis, souligne que

[l]es pouvoirs publics accordent du respect aux autorités religieuses, toutes confessions confondues, en assistant à leurs cérémonies d'intronisation, aux funérailles, et autres manifestations religieuses. Les forces de sécurit[é] assurent la sécurité lors des manifestations religieuses, à la demande des organisateurs (ibid.).

Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autre information sur la protection offerte par l'État.

Pour des renseignements sur le vaudou Sakpata, veuillez consulter la réponse à la demande d'information BEN104596.

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Références

Anthropologue. 27 septembre 2013. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

_____. 20 septembre 2013. Entretien téléphonique avec la Direction des recherches.

Anthropologue, post-doctorante au Centre of African Studies, University of Copenhagen, Danemark. 19 septembre 2013. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

Bénin. 1990. Loi Nº 90-32 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin. [Date de consultation : 4 oct. 2013]

British Broadcasting Corporation (BBC). 18 novembre 2011. « The Reality of Voodoo in Benin ». [Date de consultation : 17 sept. 2013]

Consultant en développement culturel et touristique. 2 octobre 2013. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

_____. 27 septembre 2013. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

Directeur du Laboratoire d'anthropologie des mondes contemporains, Université libre de Bruxelles, Belgique. 20 septembre 2013. Entretien téléphonique avec la Direction des recherches.

États-Unis (É.-U.). 2012. Department of State. Rapport sur la liberté religieuse au Bénin 2011. [Date de consultation : 17 sept. 2013]

Nations Unies. 12 octobre 2011. « Une étude lève le voile sur les droits des enfants dans les couvents ». [Date de consultation : 8 oct. 2013]

La Nouvelle Tribune [Cotonou]. 25 juin 2013. Max Akuéson. « Initiation forcée au vaudou "Sakpata" : deux jeunes refusent leur enrôlement ». [Date de consultation : 17 sept. 2013]

_____. S.d. « À propos de La Nouvelle Tribune ». [Date de consultation : 8 oct. 2013]

Ouvertures, le temps du citoyen. 11 novembre 2011. Bernado Houenoussi. « J. Lokenga (Unicef Bénin) : "L'initiation au vaudou doit respecter le droit des enfants à l'éducation et à la santé" ». [Date de consultation : 8 oct. 2013]

Professeur adjoint en anthropologie, Agnes Scott College, Decatur, Géorgie. 25 septembre 2013. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

Professeur adjoint invité en anthropologie, North Dakota State University, Fargo, North Dakota. 30 septembre 2013. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

Professeure d'études africaines et afro-américaines, Allen Whitehill Clowes, Harvard University, Cambridge, Massachusetts. 30 septembre 2013. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

_____. 19 septembre 2013. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

Slate Afrique. 6 mars 2011. Marcus Boni Teiga. « Bénin, le berceau du vaudou ». [Date de consultation : 3 oct. 2013]

Terre des Hommes (TDH). 26 juin 2012. « Bénin : Le Chef suprême des Vaudous chez Tdh ». [Date de consultation : 7 oct. 2013]

Autres sources consultées

Sources orales : Les tentatives faites pour joindre un représentant de l'Association des ombudsmans médiateurs de la Francophonie et un professeur associé du département de sociologie et d'anthropologie du Muhlenberg College ont été infructueuses.

Les personnes suivantes et des représentants des organisations suivantes n'ont pas pu fournir d'information pour la présente réponse : Association des femmes juristes; Association femmes solidaires du Bénin; candidate au doctorat, Université d'Ottawa; professeur agrégé, Université Laval; Ligue pour la défense des droits de l'homme au Bénin; anthropologue affiliée, Centre d'études africaines de Paris; anthropologue de l'espace social à l'École des hautes études en sciences sociales; doctorante de l'École des hautes études en sciences sociales; chargé de cours, département d'anthropologie, Southern Methodist University.

Sites Internet, y compris : Africa Presse; Afrik.com; Afrique Express; AllAfrica; Amnesty International; Bénin – Portail officiel du gouvernement, ministère de la Santé; bladi.net; Djakpata; ecoi.net; États-Unis – ambassade des États-Unis à Cotonou; Événement Précis; Factiva; Fédération internationale des ligues des droits de l'homme; Freedom House; The Guardian; The Huffington Post; Human Rights First; Human Rights Watch; Irlande – Refugee Documentation Centre; Jeune Afrique; Journal de la Société des africanistes; Koaci.com; Libération; Mouvements; National Geographic; Nations Unies – Refworld, ReliefWeb, Réseaux d'information régionaux intégrés; Netherlands African Studies Association; The New York Times; Radio France internationale; Radio Nederland Wereldomroep; Royal African Society; Wanderlust.

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