Cameroon: Treatment of men who father children out of wedlock, including legal, religious and social consequences; whether they may face criminal charges (2004-May 2013) [CMR104453.E]

Cameroun : information sur le traitement réservé aux hommes qui ont des enfants hors mariage, y compris les conséquences sur les plans juridique, religieux et social; information indiquant s'ils font l'objet d'accusations criminelles (2004-mai 2013)

Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, Ottawa

1. Conséquences liées au fait de devenir père hors des liens du mariage

Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches a trouvé peu de renseignements sur les conséquences liées au fait de devenir père hors des liens du mariage.

Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, la coordonnatrice de l'Association de lutte contre les violences faites aux femmes (ALVF), une ONG dont le siège se trouve à Yaoundé, a décrit le Cameroun comme une société « patriarcale » où « les hommes ont la domination dans tous les aspects » (23 mai 2013). Elle a expliqué que, dans un tel contexte, « avoir un enfant hors mariage n'affecte d'aucune façon la vie ou la situation d'un homme ». il pourrait être tenu « de s'occuper de l'enfant et de la mère tout au plus » (ALVF 23 mai 2013). La secrétaire générale de la Fédération internationale des femmes juristes (FIDA) au Cameroun, dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, a affirmé que les hommes au Cameroun [traduction] « ne subissent aucune répercussion sur les plans juridique, social ou religieux du fait d'avoir eu des enfants hors des liens du mariage » (FIDA 29 mai 2013).

Cependant, la coordonnatrice de l'ALVF a souligné qu'il pourrait y avoir des conséquences pour un homme sur les plans social, religieux et juridique si la mère de l'enfant était mineure (23 mai 2013). Pour ce qui est des conséquences sur le plan juridique, elle a précisé que le père de l'enfant pourrait être accusé de détournement de mineure (ibid.). Parmi les sources qu'elle a consultées, la Direction des recherches n'a trouvé aucun renseignement sur les sanctions prévues pour une telle infraction ni statistiques quant au nombre d'arrestations et de condamnations. D'après les Country Reports on Human Rights Practices for 2012, du Département d'État des États-Unis, les lois du Cameroun ne prévoient pas d'âge minimum pour le consentement à des activités sexuelles (É.-U. 19 avr. 2013, 30).

Pour ce qui est des conséquences sur les plans social et religieux, la coordonnatrice de l'ALVF a affirmé que le père serait tenu d'épouser la fille mineure et de fournir une dot, et que la famille de la fille pourrait l'« obliger » à le faire (ALVF 23 mai 2013).

D'après la secrétaire générale de la FIDA, un homme marié qui a un enfant hors des liens du mariage est perçu [traduction] « défavorablement » par la société, et son épouse n'a plus de respect pour lui (FIDA 29 mai 2013). Elle a affirmé que, dans certains cas, le père reconnaît la paternité de l'enfant, mais qu'il attend que cesse le potinage de la société (ibid.), ou encore que le père reconnaît la paternité de l'enfant et qu'il le prend en charge, l'accueillant au sein de sa résidence avec son épouse, notamment s'ils ont de la difficulté à concevoir un enfant (ibid.). Elle a aussi précisé que le père pourrait [traduction] « parrainer » son enfant né hors des liens du mariage, et qu'il s'agit d'une pratique courante dans la plupart des familles pieuses (ibid.). La secrétaire générale a déclaré qu'il arrive parfois que des hommes catholiques reconnaissent plus tard la paternité d'un enfant, mais que la plupart des hommes musulmans préfèrent ne pas reconnaître un enfant né hors des liens du mariage (ibid.). Elle a ajouté que certains hommes musulmans, afin de protéger leur mariage et leur réputation, laissent l'enfant aux soins de la mère uniquement et cessent de fréquenter la mère (ibid.). Aucune autre information allant dans ce sens n'a pu être trouvée parmi les sources consultées par la Direction des recherches.

2. Écarts régionaux

La coordonnatrice a également expliqué que le traitement réservé aux hommes qui ont des enfants hors mariage est différent selon leur groupe social et la région où ils habitent (ALVF 23 mai 2013). Elle a précisé que, dans la région de l'Extrême-Nord, soit celle qui lui est la plus familière, les cas peuvent être traités en fonction du droit coutumier ou soumis à un tribunal (ibid.). Si l'affaire est traitée en fonction du droit coutumier, la famille de la mère exigera souvent une dot et le mariage (ibid.). Si l'affaire est portée devant un tribunal, le père pourrait être accusé de détournement de mineure (ibid.).

Une étude intitulée Child Malnutrition in Cameroon: Does Out-of Wedlock Childbearing Matter? [la malnutrition chez les enfants au Cameroun : la maternité hors des liens du mariage a-t-elle une incidence sur celle-ci?], réalisée par Jacques B.O. Emina, un chercheur affilié au Centre de recherche africain sur la population et la santé (African Population and Health Research Center), fournit de l'information sur la maternité hors des liens du mariage dans différentes régions du Cameroun. Il y est question des différentes attitudes de la société selon la région :

[traduction]

Compte tenu des valeurs traditionnelles, la grossesse et la maternité hors des liens du mariage constituaient les situations les plus perturbantes pour une jeune fille célibataire et sa famille dans les principales sociétés traditionnelles, à l'exception des peuples de la forêt tropicale, notamment les Bulus, les Beti-Fangs, les Bassas, les Bafias et les Doualas, qui vivent dans les régions du centre, du Sud, de l'Est et du littoral (Ombolo, 1990; Emina, 2005). Les peuples de la forêt tropicale toléraient la maternité hors mariage, probablement parce qu'ils accordaient de l'importance aux femmes ayant ainsi prouvé leur fertilité, compte tenu du taux élevé d'infertilité et de stérilité dans les pays d'Afrique du Centre. Les traditions des Fulfudes et des Kirdis, qui vivent dans la région du Nord, ainsi que des Bamiléké-Bamouns et des groupes ethniques de la savane camerounaise interdisaient la maternité hors mariage, qui portait atteinte à l'honneur de la famille, et de telles situations étaient punies sévèrement par les communautés. Dans ces sociétés, les femmes devaient être vierges à leur mariage, la maternité avant le mariage était inacceptable, et les conséquences de tels actes de défiance étaient graves. Par exemple, une mère célibataire risquait de ne jamais avoir d'époux. En outre, sa famille pouvait être ostracisée par le village (Bangha, 2003). Parmi les Fulfudes et les Biu-mandaras, une femme célibataire qui devient enceinte doit quitter les hautes terres et se réfugier dans les plaines, aussi loin que possible, et ne jamais retourner chez elle, pas même pour une simple visite (Johnson-Hanks, 2003). La norme des mariages précoces, la supervision rigoureuse des jeunes femmes, la polygamie et les sanctions sévères dans le cas d'une infraction constituaient des stratégies sociales visant à éviter les relations sexuelles préconjugales et ses conséquences (Emina [2007], 3).

Toutefois, Emina signale également que la maternité hors mariage est [traduction] « courante » au Cameroun, particulièrement dans les régions urbaines et parmi les femmes instruites (ibid.). Il fournit des statistiques pour 2004, recueillies dans le cadre de l'enquête démographique et sanitaire du Cameroun, quant au pourcentage de femmes âgées de 15 à 49 qui ont donné naissance pour la première fois hors des liens du mariage, selon différentes régions :

Région de résidence Pourcentage de première naissance hors mariage
Yaoundé, Douala 33,1
Adamawa, Nord, extrême Nord 5,8
Nord-Ouest, Sud-Ouest 35,1
Littoral, Ouest 20,4
Centre, Sud, Est 38,3

(ibid.).

3. Règles relatives à la reconnaissance de la paternité

Les autorités du Cameroun, dans un rapport présenté au Comité des droits de l'enfant des Nations Unies, affirment que [traduction] « l'ordonnance no 81/02 portant organisation de l'état civil prévoit des dispositions sur l'établissement et la reconnaissance de la paternité et punit tout parent abandonnant un enfant en lui imposant le versement d'une pension alimentaire » (Nations Unies 22 oct. 2009, no 102). La partie 5 de l'ordonnance no 81/02 portant organisation de l'état civil, qui comprend des lignes directrices en ce qui concerne les enfants nés hors des liens du mariage, est ainsi libellée :

TITRE V

De la filiation naturelle

CHAPITRE 1

De la reconnaissance des enfants

41. (1) a) La reconnaissance ou la légitimation d'un enfant né hors mariage se fait par jugement. Il en est de même de l'adoption.

b) Toutefois, l'accouchement vaut reconnaissance à l'égard de la mère et le mariage célébré après la reconnaissance emporte légitimation des enfants reconnus nés des époux.

(2) La reconnaissance et la légitimation, à l'exception de la légitimation adoptive, sont fondées sur le lien de sang. Quand celui-ci est établi, nul ne peut faire obstacle à la reconnaissance.

(3) Les jugements de reconnaissance, légitimation ou adoption sont transcrits en marge des actes de naissance.

42. Les conditions de fond de l'adoption sont celles prévues en droit écrit, sauf dispositions contraires de la présente ordonnance.

43. (1) L'enfant né hors mariage peut être reconnu par le père naturel. Dans ce cas la mère est entendue et si elle est mineure, ses parents sont également entendus.

(2) Toutefois, l'enfant né du commerce adultérin de sa mère ne peut être reconnu par le père naturel qu'après désaveu du mari en justice.

(3) Est irrecevable toute action en reconnaissance d'un enfant issu d'un viol.

44. (1) a) Nonobstant les dispositions de l'article 41 ci-dessus, la reconnaissance des enfants nés hors mariage peut être faite par déclaration devant l'officier d'état-civil au moment de la déclaration de naissance.

b) Dans ce cas, la déclaration du père prétendu est reçue par l'officier d'état-civil après consentement de la mère et en présence de deux témoins.

(2) L'officier d'état-civil identifie les parents de l'enfant et consigne la déclaration dans un registre coté, paraphé par le Président du Tribunal de Première Instance et destiné à cet effet.

(3) Cette déclaration est signée par le père, la mère, les témoins et l'officier d'état-civil avant l'établissement de l'acte de naissance.

(4) Si l'un des parents est mineur, son consentement est donné par son père, sa mère ou son tuteur. Le consentement est donné verbalement devant l'officier d'état-civil ou par écrit dûment légalisé, annexé au registre.

(5) La procédure prévue aux paragraphes ci-dessus est inapplicable lorsqu'il y a contentieux et notamment si la paternité est revendiquée par plusieurs personnes avant l'établissement de l'acte d'état-civil.

45. Toute reconnaissance intervenue devant l'officier d'état-civil peut être contestée devant la juridiction compétente par toute personne qui revendique la paternité sur le même enfant.

CHAPITRE II

De la recherche de paternité

46. (1) La mère pour l'enfant mineur, ou l'enfant majeur peut, par une requête à la juridiction compétente, intenter une action en recherche de paternité.

(2) Toutefois, est irrecevable toute action en recherche de paternité lorsque pendant la période légale de conception, la mère a été d'une inconduite notoire ou si elle a eu un commerce avec un autre homme ou si le père prétendu était dans l'impossibilité physique d'être le père.

(3) A peine de forclusion, l'action en recherche de paternité doit être intentée.

a) par la mère dans le délai de deux (2) ans à compter de l'accouchement ou du jour où le père a cessé de pourvoir à l'entretien de l'enfant

b) par l'enfant majeur dans le délai d'un (1) an à compter de sa majorité.

(4) Les jugements en recherche de paternité sont transcrits en marge des actes de naissance.

CHAPITRE III

De la puissance paternelle et de la garde des enfants naturels

47. La puissance paternelle sur les enfants nés hors mariage est conjointement exercée par la mère et par le père à l'égard duquel la filiation a été légalement établie.

En cas de désaccord, elle est exercée par le parent qui a la garde effective de l'enfant sauf décision contraire du juge (Cameroun 1981).

Un article paru en 2011 dans la revue de droit mensuel Le Droit, du Cameroun, renvoie à l'ordonnance 81/02 en tant que loi relative à la reconnaissance de la paternité des enfants illégitimes (4 déc. 2011). La secrétaire générale de la FIDA a également mentionné que cette ordonnance était en vigueur (FIDA 29 mai 2013).

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Références

Association de lutte contre les violences faites aux femmes (ALVF). 23 mai 2013. Communication écrite de la coordonnatrice envoyée à la Direction des recherches.

Cameroun. 1981. Civil Status Registration. Ordinance No. 81-02 of 29 June 1981. [Date de consultation : 27 mai 2013]

Le Droit [Yaoundé]. 4 décembre 2011 « La reconnaissance et la légitimation ». [Date de consultation : 28 mai 2013]

Emina, Jacques B.O. [2007]. Child Malnutrition in Cameroon: Does Out-of-Wedlock Childbearing Matter? [Date de consultation : 23 mai 2013]

États-Unis (É.-U.). 19 avril 2013. Department of State. « Cameroon ». Country Reports on Human Rights Practices for 2012. [Date de consultation : 28 mai 2013]

Fédération internationale des femmes juristes (FIDA). 29 mai 2013. Communication écrite de la secrétaire générale envoyée à la Direction des recherches.

Nations Unies. 22 octobre 2009. Comité des droits de l'enfant (CRC). « Consideration of Reports Submitted by States Parties Under Article 44 of the Convention ». [Date de consultation : 27 mai 2013]

Autres sources consultées

Sources orales : Les tentatives faites pour joindre des représentants des organisations suivantes ont été infructueuses : African Population and Health Research Center; Cameroun – Ministry of Women's Empowerment and the Family, National Institute of Statistics; FIDA; professeur de l'Université de Montréal; Reach Out; Rural Women Development Centre.

Sites Internet, y compris : Africa Confidential; AllAfrica; ecoi.net; Factiva; Jeune Afrique; Nations Unies – Refworld; La Nouvelle Expression; La Nouvelle Tribune.

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