Democratic Republic of the Congo: The treatment of the Banyamulenge living in the provinces of North Kivu and South Kivu, as well as in Kinshasa (2014-August 2015) [COD105270.FE]

République démocratique du Congo : information sur le traitement réservé aux Banyamulenge vivant dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, ainsi qu'à Kinshasa (2014-août 2015)

Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, Ottawa

1. Aperçu

Au cours d’un entretien téléphonique avec la Direction des recherches, un professeur émérite de sciences politiques à l'Université de Floride, qui a étudié les conflits ethniques en Afrique centrale, y compris en République démocratique du Congo (RDC), a affirmé que quoique la communauté banyamulenge, au sens restreint, se trouve au Sud-Kivu, le terme « Banyamulenge » est aussi utilisé au sens large pour désigner les Tutsis ou les autres personnes d’origine rwandaise en RDC (professeur 12 août 2015). Dans un rapport sur les Banyamulenge et leur situation par rapport aux conflits qui touchent l’Est de la RDC, publié par l'Institut de la Vallée du Rift [1], on peut lire que le terme «"Banyamulenge"» peut être utilisé « pour désigner sans discernement et souvent de manière péjorative tous les Tutsi[s] de l’est de la RDC » (Institut de la Vallée du Rift 2013, 13).

Selon le Pulitzer Center on Crisis Reporting, une organisation journalistique à but non lucratif qui cherche à mettre en lumière les sujets moins explorés par le journalisme conventionnel (Pulitzer Center s.d.), les Banyamulenge ne constituent qu'un petit pourcentage de la population au Sud-Kivu (Pulitzer Centre 1 avr. 2014). Le rapport de l'Institut de la Vallée du Rift souligne également que les Banyamulenge sont « peu nombreux », leur population se situant entre 50 000 et 400 000 personnes (2013, 9, 14). Pour sa part, un chercheur en histoire et politique au sein de la section d'anthropologie culturelle et d’histoire du Musée royal de l'Afrique centrale en Belgique a affirmé, au cours d'un entretien téléphonique avec la Direction des recherches, que la population qu’il désigne comme étant de « vrais » Banyamulenge, à savoir ceux qui seraient issus de la première vague de Tutsis rwandais qui se sont réfugiés sur le territoire actuel de la RDC au 19e siècle, ne serait constituée que d'environ 30 000 personnes (chercheur en histoire et politique 12 août 2015).

Pour plus de renseignements généraux concernant les Banyamulenge, en particulier sur leur histoire et leur situation par rapport aux conflits en RDC, veuillez consulter le rapport de l'Institut de la Vallée du Rift, Les Banyamulenge: insurrection et exclusion dans les montagnes du Sud-Kivu, qui est annexé à la présente réponse.

2. Traitement réservé au Banyamulenge vivant dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, ainsi qu'à Kinshasa

Selon le rapport de l’Institut de la Vallée du Rift, les Banyamulenge seraient considérés par « de nombreux Congolais comme des immigrants récents ne jouissant d’aucun droit légitime à la citoyenneté congolaise » (2013, 14). Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un chercheur en études africaines qui a écrit sur la situation des populations d'origine rwandaise en RDC, a déclaré que, selon lui, l'idéologie « anti-Tutsi » est toujours présente en RDC (chercheur en études africaines 11 août 2015). De même, le professeur émérite a expliqué que certains Congolais réclament que tous les groupes d'origine rwandaise « s'en aillent chez eux » (12 août 2015).

Par ailleurs, des sources notent que des Banyamulenge occupent des postes importants au sein des forces de sécurité (chercheur en histoire et politique 12 août 2015; Institut de la Vallée du Rift 2013, 9,10).

2.1 Sud-Kivu

Le professeur émérite et le chercheur en histoire et politique ont tous deux affirmé qu'il existe des tensions entre les Banyamulenge et les communautés voisines au Sud-Kivu (professeur 12 août 2015; chercheur en histoire et politique 12 août 2015). Selon le rapport de l’Institut de la Vallée du Rift, les « tensions ethniques » qui existent entre les Banyamulenge et les communautés voisines au Sud-Kivu « sont notamment imputables à la concurrence autour du pouvoir local ainsi qu’à des différends relatifs à l’utilisation des terres et à la transhumance des troupeaux de bétail » (2013, 13). Human Rights Watch explique notamment que les Barundi, groupe ethnique auquel les Banyamulenge se sont souvent alliés, disputent aux Bafuliro le contrôle d’une chefferie coutumière dans la plaine de Ruzizi, et ce, depuis « plusieurs décennies » (Human Rights Watch 3 juill. 2014). Toujours selon Human Rights Watch, ces groupes s’accusent mutuellement d’avoir tué ou enlevé des membres de leurs communautés respectives, et notamment depuis avril 2012, date à laquelle le conflit se serait « intensifié » (ibid.).

Des sources notent qu’en juin 2014, il y a eu des incidents de violence ethnique entre des membres des communautés Banyamulenge et Bafuliro dans la ville de Mutarule, au Sud- Kivu (É.-U. 25 juin 2015, 6; Nations Unies 5 juin 2015, paragr. 61; Human Rights Watch 3 juill. 2014). Selon Human Rights Watch, « [l]e massacre a eu lieu dans un contexte de tensions croissantes entre les groupes ethniques bafuliro, barundi et banyamulenge » (ibid.). La même source rapporte que selon des victimes et des témoins,

un groupe d'assaillants armés, dont certains portaient des uniformes militaires et parlaient kirundi et kinyamulenge – les langues des Barundis et des Banyamulenges – ont attaqué les participants à un service religieux qui se déroulait en plein air dans la partie bafuliro de Mutarule (ibid.).

Ces violences auraient entraîné la mort d’au moins 30 personnes (ibid.; É.-U. 25 juin 2015, 6), dont certaines auraient été brûlées vives ou abattues par balles, selon les Country Reports on Human Rights Practices for 2014 publiés par le Département d'État des États-Unis (ibid.). Human Rights Watch affirme que la majorité des victimes étaient des bafuliro (3 juill. 2014).

Des sources signalent que l'armée congolaise ne serait pas intervenue pour empêcher les violences (É.-U. 25 juin 2015, 6; Human Rights Watch 3 juill. 2014). Human Rights Watch a également reproché aux membres de la mission de maintien de la paix des Nations Unies en RDC (MONUSCO), qui se trouvaient à quelques kilomètres de là, de ne pas être intervenus (ibid.). Des sources notent toutefois que les autorités auraient lancé une commission d’enquête concernant ces violences, et que deux membres des forces armées auraient été arrêtés (ibid.; É.-U. 25 juin 2015, 6) pour leur complicité présumée dans [traduction] « l’attaque » (ibid.).

Human Rights Watch signale que

[l]es tensions entre les Bafuliros, les Barundis et les Banyamulenges restent élevées à la suite du massacre. Un tract anonyme écrit en swahili et distribué le 16 juin à Uvira, la ville principale au sud de Mutarule, a suggéré que les Bafuliros rendraient la justice eux-mêmes. Ce tract avertissait au sujet de toute personne attrapée en train de transporter des Banyamulenges, « que ce soit à vélo, à moto, ou dans sa voiture, c'est fini; cette personne et son client seront brûlés ensemble » (3 juill. 2014).

2.2 Nord-Kivu

Selon le chercheur en histoire et politique, la communauté Banyamulenge dans son sens strict n’est pas présente au Nord-Kivu (chercheur en histoire et politique 12 août 2015). Toutefois, la même source souligne que des groupes armés composés de Banyamulenge seraient actifs dans le Nord-Kivu (ibid.). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé d’autres renseignements allant dans le même sens, ni aucun autre renseignement sur la situation des Banyamulenge au Nord-Kivu.

2.3 Kinshasa

Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches a trouvé peu de renseignements concernant la situation des Banyamulenge à Kinshasa.

Selon le professeur émérite, en l’absence de recensement, il est très difficile de connaître le nombre de Banyamulenge à Kinshasa (professeur 12 août 2015). D’après le chercheur en histoire et politique, le nombre de Tutsis et de personnes d'origine rwandaise à Kinshasa serait faible, beaucoup ayant fui lors des affrontements dans les années 1990 (12 août 2015). Le chercheur en études africaines affirme que « la situation est toujours relativement tendue pour les Banyamulenge à Kinshasa » (11 août 2015).

Le chercheur en histoire et politique a toutefois noté qu'il y a beaucoup de Banyamulenge qui servent comme officiers au sein des forces de sécurité à Kinshasa (chercheur en histoire et politique 12 août 2015). Il a ajouté que des Tutsis et des membres d'autres communautés d’origine rwandaise occupent des postes « influents » de cadres, d'industriels et de professeurs à Kinshasa (ibid.).

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Note

[1] L’Institut de la Vallée du Rift est une ONG enregistrée au Royaume-Uni et qui se consacre à la recherche sur les pays de l'Afrique centrale et de l'Est, et notamment sur des sujets qui touchent la sécurité, la protection du patrimoine culturel et le développement social (Institut de la Vallée du Rift s.d.).

Références

Chercheur en études africaines. 11 août 2015. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

Chercheur en histoire et politique, section d'anthropologie culturelle et d’histoire, Musée royal de l'Afrique centrale. 12 août 2015. Entretien téléphonique.

États-Unis (É.-U.). 25 juin 2015. Department of State. « Democratic Republic of the Congo ». Country Reports on Human Rights Practices for 2014. [Date de consultation : 13 août 2015]

Human Rights Watch. 3 juillet 2014. « RD Congo : L'armée et l'ONU n'ont pas agi pour arrêter un massacre ». [Date de consultation : 13 août 2015]

Institut de la Vallée du Rift. 2013. Jason Stearns et al. Les Banyamulenge: insurrection et exclusion dans les montagnes du Sud-Kivu. [Date de consultation : 13 août 2015]

_____. S.d. « Aims of the Institute ». [Date de consultation : 14 août 2015]

Nations Unies. 5 juin 2015. Assemblée générale, Conseil de sécurité. Children and Armed Conflict: Report of the Secretary-General. (A/69/926–S/2015/409) [Date de consultation : 13 août 2015]

Professeur émérite de sciences politiques, Université de Floride. 12 août 2015. Entretien téléphonique.

Pulitzer Center on Crisis Reporting. 1 avril 2014. Stuart Reid. « Eastern Congo: the Plight of the Banyamulenge ». [Date de consultation : 13 août 2015]

_____. S.d. « About Us. » [Date de consultation : 14 août 2015]

Autres sources consultées

Sources orales : directeur, Conflict Research Group; professeur émérite de sciences politiques, Université catholique de Louvain.

Sites Internet, y compris : AllAfrica; Amnesty International; BBC; ecoi.net; Factiva; France – Cour nationale du droit d'asile; Freedom House; International Crisis Group; IRIN; The Jamestown Foundation; Minorities at Risk; Nations Unies – Refworld; Le Phare; Le Potentiel; Royaume-Uni – Home Office.

Document annexé

Institut de la Vallée du Rift. 2013. Les Banyamulenge: insurrection et exclusion dans les montagnes du Sud-Kivu. [Date de consultation : 13 août 2015]

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