Turkey: Domestic violence, including legislation, state protection and support services [TUR104074.E]

Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, Ottawa

1. Situation générale

Dans son rapport d’étape de 2011 sur la Turquie en préparation de l’entrée de ce pays dans l’Union européenne (UE), la Commission européenne (CE) explique que l’élimination de la violence à l’égard des femmes constitue toujours un [traduction] « défi » et que la violence conjugale est encore un « problème grave » (UE 12 oct. 2011, 31,33). D’après un article paru dans le Today's Zaman, journal turc publié en anglais, [traduction] « la Turquie demeure aux prises avec la violence à l’égard des femmes malgré les efforts et les initiatives du gouvernement et de certaines [organisations non gouvernementales (ONG)] » (19 févr. 2012). On peut lire dans les Country Reports on Human Rights Practices for 2010 des États-Unis que la violence à l’égard des femmes, y compris la violence conjugale, représente un problème [traduction] « grave » dans les régions urbaines et rurales de la Turquie (É.-U. 8 avr. 2011, sect. 6).

1.1 Statistiques sur la violence à l’égard des femmes

Dans un rapport de mai 2011 sur la violence familiale en Turquie, Human Rights Watch cite une étude menée en 2009 par l’Université Hacettepe de Turquie qui démontrait que 42 p. 100 des femmes âgées de 15 à 60 ans en Turquie et que 47 p. 100 des femmes dans les régions rurales avaient [traduction] « été victimes de violence physique ou sexuelle de la part de leur mari ou partenaire à un moment de leur vie » (mai 2011, 10). Par ailleurs, d’après un article paru dans le Today's Zaman, [traduction] « plus de 40 p. 100 des femmes en Turquie ont subi de la violence à un moment de leur vie » (19 févr. 2012). De plus, Roj Women's Association (Roj Women), [traduction] « mouvement de défense des droits des femmes d’origine turque et kurde » de Londres (s.d.), souligne que, dans le sud-est de la Turquie, une femme sur deux est victime de violence et qu’à l’échelle nationale, cette proportion est de 39 p. 100 (mars 2011, 5).

Dans un rapport de mars 2012, la Commission parlementaire des droits de l’homme a souligné que, depuis 2008, la violence conjugale et la violence à l’égard des femmes en Turquie a [traduction] « doublé » (Today's Zaman 13 mars 2012). Le rapport comprend des statistiques de la police et de la gendarmerie sur le nombre de cas d’agression conjugale et de violence à l’égard des femmes; en 2008, 48 264 cas ont été signalés, en 2009, 62 587, en 2010, 72 257 et en 2011, 80 398 (ibid.). On peut par ailleurs lire dans le Hurriyet Daily News que, de 2008 à 2011, le nombre de cas de violence conjugale enregistrés par les organismes d’application de la loi a augmenté de près de 70 p. 100, passant de 48 000 à 80 000 (5 mai 2012). D’après bianet, site d’information multimédia turc, une étude menée par la Direction générale de la police a démontré que, de février 2010 à août 2011, 78 488 cas de violence conjugale ont été enregistrés en Turquie (10 nov. 2011).

Dans son rapport, la Commission parlementaire des droits de l’homme a décrit la province d’Istanbul comme la [traduction] « plus dangereuse » pour les femmes en ce qui concerne la violence conjugale et fondée sur le sexe; en 2011, 10 207 incidents de violence à l’égard des femmes y ont été commis au total (Today's Zaman 13 mars 2012). Les dossiers de la police, explique le Today's Zaman, démontrent que, de 2009 à février 2012, 2 754 cas [traduction] « "[d’] agression conjugale" » ont eu lieu dans la ville d’Istanbul (19 févr. 2012).

La Commission parlementaire des droits de l’homme a également souligné une diminution manifeste de la violence à l’égard des femmes dans certaines provinces anatoliennes, région connue pour ses taux élevés de violence fondée sur le sexe, de mariages forcés et de meurtres d’honneur (ibid. 13 mars 2012). Par exemple, le nombre de cas répertoriés dans la province de Batman est passé de 163 en 2008 à 51 en 2011 et, dans la province de Diyarbakir, de 581 en 2008 à 279 en 2011 (ibid.).

Dans son rapport d’étape, la CE a souligné que, selon des statistiques officielles sur la violence à l’égard des femmes, en 2008, 806 femmes ont été tuées et, au cours des 7 premiers mois de 2009, 953 l’ont été (UE 12 oct. 2011, 32 note 37). Bianet signale que, selon des données recueillies par des médias nationaux et locaux, de janvier à octobre 2011, 226 femmes ont été tuées par des hommes et 93 ont été violées; la plupart des cas ont eu lieu dans la région de Marmara (dans le nord-ouest du pays) et dans la région égéenne (sur la côte ouest) (16 déc. 2011). Au mois d’octobre 2011, 20 femmes ont été assassinées par des hommes, la plupart par leur mari, dans 16 provinces du pays (bianet 16 déc. 2011). Parmi elles, 12 ont été poignardées à mort, 7 ont été tuées par balle, une est morte après avoir quitté un refuge et 4 ont été tuées après avoir déposé une demande de protection ou avoir porté plainte au bureau du procureur (ibid.).

Selon bianet, au mois d’octobre, les médias ont fait état de 22 cas où des hommes ont blessé des femmes et dont la majorité était le mari ou le petit ami de la femme; la plupart de ces incidents ont eu lieu à Izmir (ibid.). Voici ce qu’il s’est produit : 13 femmes ont été battues, 7 ont été blessées avec un couteau, une a été blessée à l’aide d’un fusil, une est tombée d’un balcon se trouvant au 5e étage d’un immeuble parce qu’elle tentait de fuir son mari et une a été blessée par son mari, qui contrevenait à une ordonnance de non-communication (ibid.).

Human Rights Watch souligne que, selon une étude menée par l’Université Hacettepe de Turquie, uniquement 8 p. 100 des femmes victimes de violence sexuelle ou physique sollicitent de l’aide à des institutions, à des ONG ou ailleurs (mai 2011, 10).

2. Lois

En novembre 2011, la Turquie a ratifié la [traduction] « convention phare sur "la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique" du Conseil de l’Europe (CE) », le premier pays à le faire (Today's Zaman 25 mars 2012). Dans les Country Reports 2010, les États-Unis soulignent que les lois en Turquie [traduction] « interdisent la violence à l’égard des femmes, y compris la violence conjugale » (É.-U. 8 avr. 2011, sect. 6). Dans un article paru dans le Today's Zaman, un chercheur au Centre d’études sociales de l’Organisation internationale de recherche stratégique souligne que la loi no 4320 sur la protection de la famille (Law No. 4320 on the Protection of the Family), qui a été adoptée en 1998, prévoit un certain nombre de mesures de protection pour les femmes et les enfants victimes de violence familiale (25 mars 2012).

Selon les Country Reports 2010 des États-Unis, le gouvernement turc n’a pas [traduction] « efficacement mis en œuvre » la loi sur la violence à l’égard des femmes (É.-U. 8 avr. 2011, sect. 6). D’après un rapport de 2010 sur le sixième rapport périodique de la Turquie au Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, rédigé conjointement par le Comité directeur du Forum des ONG sur la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) et la Turquie et la Plateforme des femmes sur le code pénal turc, groupe de 20 ONG (CEDAW NGO working group) (juill. 2010, 1), même si la loi était en vigueur depuis 10 ans, [traduction] « elle n’est toujours pas pratique courante et les procédures administratives qu’elle comporte empêchent une mise en œuvre efficace » (juill. 2010, 23). Le chercheur du Centre d’études sociales a aussi souligné que la loi no 4320 comportait [traduction] « [d’] importantes lacunes », offrant notamment de la protection uniquement aux femmes légalement mariées et ne prévoyant aucune « sanction de sorte à permettre aux autorités judiciaires de protéger les femmes » (Today's Zaman 25 mars 2012).

On peut également lire dans le rapport à la CEDAW qu’il y a un manque de politiques étatiques et de plans d’action préventifs et protectifs, ainsi qu’un manque de mécanismes d’appui comme des refuges, ce qui [traduction] « mine également la force de dissuasion de la loi » (CEDAW NGO working group juill. 2010, 23).

Selon un juge à la retraite questionné par le Sunday's Zaman, [traduction] « comme la loi porte sur "la protection de la famille", certains tribunaux ne l’interprètent pas comme si elle offrait une protection aux femmes contre la violence que leur fait subir leur partenaire si elles ne sont pas mariées, même si la loi laisse place à l’interprétation » (Today's Zaman 17 juill. 2011).

2.2 Nouvelle loi

Le 8 mars 2012, la Turquie a adopté la loi no 6284 sur la prévention de la violence à l’égard des femmes et la protection de la famille (Law No. 6284 on Prevention of Violence Against Women and the Protection of the Family), qui [traduction] « vise toutes les femmes, peu importe leur état civil et accroît les droits des victimes; [de plus] il y a eu intensification des sanctions répressives pour les auteurs » (ibid. 25 mars 2012). Dans le cadre des réformes, [traduction] « les tribunaux de la famille peuvent classer les résidences communes comme des "foyers familiaux" et informer également le bureau d’enregistrement des titres fonciers. Ainsi, l’agresseur ne pourra pas vendre la propriété contre le gré de la femme ou en vue de la forcer à déménager. Le déménagement constitue une décision qui revient à la femme » (ibid.). Au titre de la loi no 6284, [traduction] « les auteurs de violence conjugale ne peuvent pas accéder à leur maison pendant un mois » (ibid. 28 mars 2012). Les nouveaux règlements prévoient également de l’aide offerte par l’État pour les victimes de violence conjugale, dont une nouvelle résidence, de l’aide financière, de l’aide juridique et psychologique et une protection policière (ibid. 16 avr. 2012).

2.3 Code pénal

Human Rights Watch souligne que, même si le code pénal de la Turquie ne contient aucun article précis régissant la violence conjugale, l’article 96 prévoit que [traduction] « quiconque porte préjudice à son époux ou à des membres de sa famille est passible d’une peine d’emprisonnement de trois à huit ans. L’article 232 du code pénal prévoit une peine d’emprisonnement maximale d’un an pour tout mauvais traitement infligé à une personne qui vit sous le même toit que soi » (mai 2011, 20). L’organisation Femmes pour les droits des femmes (Women for Women's Human Rights - WWHR) souligne également que, conformément au code pénal actuel, le viol d’un époux constitue un crime et peut faire l’objet d’une poursuite si la victime porte plainte (WWHR s.d.).

3. Protection de l’État

Human Rights Watch signale qu’il y a trois [traduction] « problèmes structuraux » en Turquie qui posent des difficultés par rapport à la violence conjugale et à la protection, [traduction] « tout d’abord, le manque de personnel et d’unités spécialisés dans les postes de police, même dans les grandes villes et dans les importants centres régionaux, ensuite le manque de formation adéquate, continue et approfondie pour les agents d’application de la loi, les procureurs et les juges qui sont chargés des cas de violence conjugale, puis le manque d’intimité dans les postes de police ou les tribunaux de la famille lors du dépôt des plaintes pour violence familiale » (mai 2011, 40).

3.1 Système de justice

Selon des avocats questionnés par Human Rights Watch, en Turquie, à certains égards, [traduction] « il est futile de solliciter la protection pour autre chose que de la violence physique, car les autorités ne sont jamais intervenues dans les accusations liées à d’autres formes d’abus, comme la violence psychologique et économique et même le viol d’un époux » (mai 2011, 41).

Un avocat bénévole pour la Mor Çatı Women's Shelter Foundation, une ONG qui s’emploie à mettre un frein à la violence en Turquie (s.d.), a souligné que [traduction] « les fonctionnaires et les institutions publiques ont tendance à adopter un profond point de vue sexiste par rapport à la société […] ce qui influence le traitement réservé aux femmes victimes de violence lorsqu’elles tentent de porter plainte ou qu’elles sollicitent une protection dans un poste de police ou au bureau du procureur public » (cité dans Today's Zaman 1er mars 2012). Human Rights Watch souligne que de nombreux agents d’application de la loi ou fonctionnaires judiciaires turcs n’ont pas [traduction] « l’expertise requise ni souvent la volonté » pour régler les cas de violence à l’égard des femmes et préfèrent maintenir « l’unité familiale » plutôt que protéger la victime (mai 2011, 15,50). Par ailleurs, un chercheur et militant pour les droits des femmes est cité dans le Today's Zaman et explique que les agents d’application de la loi conseillent aux victimes de violence conjugale de résoudre leur problème [traduction] « "en famille" » (17 juill. 2011).

Human Rights Watch souligne que [traduction] « la méfiance envers les policiers est répandue en Turquie et constitue un obstacle important pour les femmes qui désirent dénoncer une situation de violence » (mai 2011, 28). Selon l’organisation, les policiers et les gendarmes renvoient les femmes à leur mari ou encouragent la réconciliation, même après de nombreuses plaintes de violence (mai 2011, 31). Par ailleurs, dans son rapport d’étape, la CE signale que les femmes sont renvoyées chez elles par les policiers plutôt que protégées (UE 12 oct. 2011, 32). De plus, on peut lire dans le Today's Zaman que, selon des militants, les femmes victimes de violence sont [traduction] « trop souvent » mal informées de leurs droits lorsqu’elles portent plainte pour la première fois à la police, notamment à propos du fait qu’elles ont droit à de l’aide juridique gratuite si elles n’ont pas les moyens d’en assumer le coût (17 juill. 2011).

Il arrive aussi souvent que les procureurs ou les juges renvoient des victimes au sein de la situation de violence, recommandent qu’il y ait réconciliation, exigent des dossiers médicaux ou retardent le processus (Human Rights Watch mai 2011, 25). De plus, dans son rapport, la CE affirme que les procureurs et les juges ont [traduction] « tardé à agir » pour offrir une protection, demandant notamment des éléments de preuve inutiles (UE 12 oct. 2011, 32). Selon l’avocat bénévole de la Mor Çatı, [traduction] « "les femmes qui sont forcées de retourner dans leur environnement violent risquent d’être tuées" » (Today's Zaman 1er mars 2012).

Human Rights Watch a relevé plusieurs autres obstacles auxquels se heurtent les femmes qui désirent obtenir une protection à différents endroits en Turquie, y compris la pénurie de personnel dans les tribunaux de la famille et les heures de travail restreintes des juges, ce qui peut entraîner des délais dans le traitement des demandes (mai 2011, 30). Par ailleurs, le rapport d’étape publié par la CE fait aussi état de la [traduction] « capacité insuffisante » des tribunaux de la famille et de cas où des victimes n’ont pas pu obtenir de l’aide (UE 12 oct. 2011, 32).

3.2 Ordonnances de protection

Dans son rapport de mai 2011, Human Rights Watch souligne que ses recherches ont démontré plusieurs cas où des femmes nécessitaient de la protection, mais n’ont pas pu en recevoir, car [traduction] « les agents responsables de leur cas ont interprété la loi de manière restrictive » (mai 2011, 17). Dans des cas où des avocats tentent de faire valoir le droit international, comme la CEDAW, certains juges rejettent leur demande, déclarant qu’il ne s’agit pas d’une loi nationale ou que le droit international ne s’applique pas aux [traduction] « traditions » turques, alors que d’autres juges ont invoqué le droit international pour accorder une protection (Human Rights Watch mai 2011, 19). Human Rights Watch souligne aussi que l’article 90 de la constitution turque prévoit que [traduction] « le droit national ne peut pas l’emporter sur les ententes internationales qui ont été promulguées » (ibid.).

Un avocat et militant pour les droits de la personne a affirmé que, dans le cadre d’une enquête menée en 2009 à propos de 2 019 requêtes à un tribunal de la famille par le Centre de soutien juridique pour les femmes KAHDEM, il a été conclu que les ordonnances de non-communication sont [traduction] « habituellement octroyées après un acte violent » (Today's Zaman 17 juill. 2011). Il a ajouté que la vitesse à laquelle les procureurs transmettent les plaintes aux tribunaux de la famille varie, car certains exigent un rapport médical comme preuve de blessure, ce qui [traduction] « retarde le processus » (ibid.).

La police et la gendarmerie sont chargées d’informer l’intimé lorsqu’une mesure de protection est délivrée; elles sont également [traduction] « tenues d’effectuer des vérifications régulières de la résidence dont il est question » (Human Rights Watch mai 2011, 37, 38). Toutefois, Human Rights Watch souligne que [traduction] « la police effectue rarement de la surveillance » (ibid., 25). Dans les Country Reports 2010, les États-Unis notent aussi que la police [traduction] « applique rarement » les ordonnances de non-communication (É.-U. 8 avr. 2011, sect. 6).

3.3 Protection au titre de la nouvelle loi

On peut lire dans le Today's Zaman que la nouvelle loi sur la protection des femmes contre la violence conjugale [traduction] « accorde un plus grand pouvoir aux gouverneurs de district de sorte qu’ils offrent une protection aux femmes sans attendre de décision de la cour » (16 avr. 2012). À titre d’exemple, dans l’article, on signale qu’au cours d’une période de 28 jours en mars et avril 2012, des gouverneurs de district dans trois districts d’Istanbul ont délivré des ordonnances de protection visant 48 femmes, rendant généralement cette décision dans les 24 heures (Today's Zaman 16 avr. 2012).

Le chercheur du Centre d’études sociales souligne que, conformément à la nouvelle loi, le non-respect d’une mesure de protection entraîne une peine d’emprisonnement de trois jours; l’ordonnance peut aussi être délivrée par un policier sur-le-champ, en particulier si aucun procureur ni aucun tribunal de la famille ne peut le faire (ibid. 25 mars 2012). Dans les cas de violence conjugale, l’auteur [traduction] « sera maintenu hors de la résidence commune » (ibid.).

En 2012, à Istanbul, un homme a été condamné à 10 ans de prison pour avoir [traduction] « grièvement blessé sa femme » (ibid. 30 mars 2012). À la fin mars 2012, dans sa première action fondée sur la loi no 6284, le Commandement de la Gendarmerie de Balikesir a forcé un homme accusé de violence conjugale à quitter son domicile pendant un mois (ibid. 28 mars 2012). Le Tribunal de la famille d’Istanbul a interdit à un homme de retourner chez lui pendant six mois, car il avait battu sa femme et celle-ci avait porté plainte contre lui (ibid. 30 mars 2012).

À la suite de l’adoption de la nouvelle loi, de mars à avril 2012, 15 hommes et 500 femmes ont sollicité la protection de la police, ce qui a fait passer le nombre de femmes [traduction] « bénéficiant d’une protection de la police après avoir présenté une demande aux bureaux des gouverneurs et des gouverneurs de district » de 2 200 à 2 700 (ibid. 11 avr. 2012). Le ministère de l’Intérieur a signalé qu’en avril 2012, 11 000 personnes ayant été victimes de violence conjugale ou ayant fait l’objet de menaces à cet égard bénéficiaient d’une protection policière (ibid.).

Selon le Today's Zaman, lorsqu’une demande de protection est déposée, [traduction] « le personnel responsable de l’application de la loi détermine immédiatement si la personne sollicitant la protection est en danger. Le cas échéant, elle reçoit dès lors une protection au titre du règlement sur les services de protection » (ibid.). Les personnes admissibles peuvent aussi bénéficier des services d’un garde du corps (ibid.). D’après l’article paru le 11 avril 2012, 2 700 personnes font l’objet d’une mesure de protection personnelle ou domiciliaire, ce qui signifie une surveillance en tout temps, et 8 300 personnes sont sous la protection temporaire des policiers (ibid.).

3.3.1 Police d’Istanbul

Le Today's Zaman signale qu’à Istanbul, la police a créé une équipe spéciale ayant pour objectif principal de [traduction] « protéger les femmes contre la violence fondée sur le sexe » (Today's Zaman 19 févr. 2012). L’équipe est formée de 100 policiers, dont la moitié sont des femmes, et ils reçoivent tous une formation sur les [traduction] « rapports entre les sexes, l’inégalité et la façon d’intervenir adéquatement et avec sensibilité dans les cas de violence fondée sur le sexe » (ibid.). Au moins deux de ces policiers sont affectés à chaque district d’Istanbul (ibid.).

3.4 Formation sur la violence conjugale

Selon Human Rights Watch, le Fonds des Nations Unies pour la population et la Direction générale du statut de la femme de Turquie ont formé 270 agents haut placés sur la violence conjugale en 2009 et en 2010; ces agents ont, en retour, formé 40 000 policiers, dont 20 ont été choisis pour une formation [traduction] « plus approfondie » (mai 2011, 41). Lors d’une entrevue avec Human Rights Watch en novembre 2010, le directeur adjoint de la Direction générale du statut de la femme a affirmé que la police a commencé à demander conseil à son organisation (mai 2011, 22).

D’après le rapport parallèle de Roj Women, même si des programmes de formation devraient être en place, des éléments de preuve laissent croire qu’ils ne sont pas mis en application ou qu’ils n’existent pas véritablement (mars 2011, 11). Par ailleurs, dans son rapport d’étape, la CE souligne que les agents d’application de la loi, la magistrature et les travailleurs de la santé nécessitent davantage de formation (UE 12 oct. 2011, 32). Une ONG de Diyarbakir a expliqué à Human Rights Watch que la formation offerte aux policiers n’est pas appliquée dans cette ville (mai 2011, 41).

Une étude de la Direction générale de la police, qui portait sur des services de police dans les 81 provinces du pays, a démontré que [traduction] « les formulaires d’enregistrement liés aux cas de violence conjugale ont été remplis avec négligence par les unités policières » et que seulement 7 078 incidents liés à la violence conjugale sur 78 488 ont été enregistrés au moyen du [traduction] « Formulaire d’enregistrement d’un incident de violence conjugale » (bianet 10 nov. 2011).

4. Services de soutien

Selon un rapport de la Mor Çatı Women's Shelter Foundation, le gouvernement n’offre pas un [traduction] « soutien suffisant » aux femmes victimes de violence (Today's Zaman 1er mars 2012). Le rapport de 2012 de la Mor Çatı, explique un avocat bénévole pour l’organisation, a démontré que [traduction] « les femmes victimes de violence en Turquie ne reçoivent pas d’aide juridique, sociale ou de santé adéquate de la part du gouvernement » (ibid.). Par ailleurs, dans son rapport d’étape, la CE souligne que les mécanismes de soutien ainsi que les services locaux pour les femmes victimes de violence doivent être [traduction] « renforcés » (UE 12 oct. 2011, 32).

Cependant, la nouvelle loi offre [traduction] « aux femmes victimes […] une indemnité ou, si elles travaillent, deux mois d’allocations familiales » et le ministère de la Famille et des Politiques sociales (Ministry of Family and Social Policies) s’est vu allouer un budget spécial pour la mise en place d’autres réformes (Today's Zaman 25 mars 2012).

Le directeur de l’Association juridique d’Ankara (Ankara Bar Association) a souligné, lors d’une conférence sur la violence à l’égard des femmes, que, comme la plupart des victimes de violence fondée sur le sexe préfèrent s’adresser aux organisations de la société civile plutôt qu’aux autorités, le projet Poppy a été mis sur pied en avril 2011 (ibid. 19 févr. 2012). Ce projet comprend un service d’écoute téléphonique où peuvent appeler les victimes pour obtenir des conseils juridiques sur ce qu’elles devraient faire à la suite d’une agression (ibid.). D’avril 2011 à février 2012, 9 500 appels ont été faits par l’entremise de ce service (Today's Zaman 19 févr. 2012). D’après les Country Reports 2010 des États-Unis, le gouvernement offre un service d’écoute téléphonique, auquel 19 377 appels ont été faits de janvier à octobre 2010, dont 8 704 étaient de la part de femmes (É.-U 8 avr. 2011, sect. 6).

Human Rights Watch souligne que, dans les cas de violence conjugale, les femmes sont souvent incapables de solliciter de l’aide ou elles hésitent à le faire parce que leur famille ou leur mari exerce généralement un vaste contrôle sur elles, que ce soit sur le plan physique, psychologique ou économique (mai 2011, 25). Par exemple, de nombreuses femmes dépendent financièrement de leur agresseur et ne disposent d’aucun autre moyen pour subvenir à leurs besoins (Human Rights Watch mai 2011, 27). De plus, une femme pourrait ne pas solliciter d’aide au motif qu’après avoir vécu une situation personnelle ou avoir été mise au fait de la situation vécue par une connaissance, elle a fini par croire que la police ne lui apporterait aucune aide (ibid., 25).

Après avoir mené des recherches sur la violence conjugale en Turquie, Human Rights Watch a conclu que l’État avait omis de

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se pencher efficacement sur les obstacles qui empêchent les femmes et les filles de signaler les agressions et d’obtenir une protection, ainsi que de premièrement mieux freiner la violence, puis de changer les attitudes discriminatoires (ibid., 50).

4.1 Refuges

L’article 14 de la loi municipale prévoit que [traduction] « les municipalités dont la population excède 50 000 personnes doivent ouvrir des maisons d’aide pour les femmes et les enfants » (Turquie 2005).

Le chef de service de la Direction générale des autorités régionales a expliqué à Roj Women qu’une municipalité admissible qui omet de construire des refuges conformément à la loi obtient un [traduction] « avertissement » (mars 2011, 8). De plus, selon le rapport d’étape de la CE, aucune sanction n’est prévue si une municipalité ne respecte pas la loi (UE 12 oct. 2011, 32).

Sur son site Internet, le ministère de la Famille et des Politiques sociales signale qu’il offre des services comme de l’aide psychologique, des conseils juridiques et de l’aide à l’emploi aux femmes qui sont susceptibles ou exposées à un risque de subir de la violence, par l’entremise de refuges et de foyers d’accueil, pendant une [traduction] « période déterminée » (Turquie s.d.). Le nombre de refuges pour les victimes de violence varie selon la source.

  • D’après Human Rights Watch, la Direction générale sur le statut de la femme a affirmé qu’il existe 37 refuges dirigés par le SHÇEK (ministère de la Famille et des Politiques sociales) en Turquie et 25 refuges exploités par des gouverneurs, des autorités locales et des ONG, mais des ONG ont signalé que la Turquie ne comptait que 52 refuges (mai 2011, 43).
  • Dans les Country Reports 2010, les États-Unis expliquent que, selon le gouvernement, 54 refuges sont dirigés par les gouvernements provinciaux et municipaux ainsi que des ONG (É.-U. 8 avr. 2011, sect. 6).
  • Roj Women signale qu’en octobre 2010, il y avait 62 refuges, dont 11 avaient ouvert leur porte cette année-là (mars 2011, 8).
  • En juillet 2011, on pouvait lire dans le Today's Zaman que la Turquie comptait 70 refuges en tout (17 juill. 2011).

D’après le rapport d’étape de la CE et Roj Women, il n’y a aucune [traduction] « surveillance efficace » des refuges ou des municipalités (UE 12 oct. 2011, 32; Roj Women mars 2011, 8); la CE a ajouté qu’aucun [traduction] « suivi » n’est effectué lorsqu’une femme quitte un refuge (UE 12 oct. 2011, 32).

Des directeurs de refuge à Ankara et à Istanbul expliquent qu’en raison de l’espace restreint dont ils disposent, ils n’acceptent que les [traduction] « "cas très graves" » (Human Rights Watch mai 2011, 44). La Mor Çatı a dû fermer son deuxième refuge après avoir perdu son financement public et a dit ne pas avoir pu satisfaire à la demande en matière de refuge (ibid.). Toutefois, des règlements gouvernementaux peuvent aussi entraîner l’exclusion d’une femme d’un refuge (ibid., 45). Par exemple, celles qui ont une maladie infectieuse, des problèmes psychologiques et une dépendance à la drogue ou à l’alcool sont exclues; les victimes de la traite des femmes et les travailleuses du sexe ne sont également pas admises dans les refuges, même si elles y ont légalement droit (ibid.). Les refuges dirigés par le gouvernement interdisent également l’accès aux femmes sans papiers, y compris les demandeures d’asile (ibid.). Human Rights Watch n’a trouvé aucun refuge pouvant accueillir une femme ayant une incapacité au cours de ses recherches (ibid., 46).

Les femmes questionnées par Human Rights Watch ont expliqué que les conditions, la sécurité et la qualité des services fournis dans les refuges peuvent être inadéquates (ibid., 44). La déficience en matière de sécurité dans les refuges est attribuable à une mauvaise gestion du personnel ainsi qu’au fait que les registres scolaires révèlent leur emplacement (ibid.). Certains refuges ont de bonnes mesures de sécurité, mais les victimes doivent alors vivre dans des conditions semblables à celles d’une [traduction] « prison » (ibid.).

Human Rights Watch a signalé que de l’aide n’est pas toujours offerte aux victimes lorsqu’elles quittent un refuge; pour celles qui en reçoivent, le niveau peut varier [traduction] « grandement » (ibid., 46). Habituellement, les victimes peuvent rester dans un refuge pendant six mois (ibid., 47). Certains refuges donnent de l’argent aux femmes lors de leur départ, mais aucun refuge exploité par une ONG ne peut offrir de soutien continu à une femme lorsqu’elle part (ibid.).

Le 29 avril 2009, bianet a expliqué que les résidents d’un quartier d’Anatalya et leur dirigeant local ont porté plainte contre la construction d’un refuge pour femmes dans leur région, même si l’emplacement des refuges doit demeurer secret. Selon un représentant de la Mor Çatı, même si [traduction] « dans une circulaire sur la violence à l’égard des femmes, le premier ministre a ordonné que l’emplacement des refuges pour femmes soit gardé secret, l’Institut pour les services sociaux et la protection de l’enfance SHÇEK n’a pas respecté cette mesure dans le cadre de sa procédure relative aux "foyers d’accueil pour femmes" » (ibid.).

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Références

bianet. 16 décembre 2011. Çiçek Tahaoglu. « Male Culprits Killed 20 Women in October ». [Date de consultation : 14 mai 2012]

_____. 10 novembre 2011. « 1 Case of Domestic Violence Every 10 Minutes ». [Date de consultation : 14 mai 2012]

_____. 29 avril 2009. Emine Özcan. « "Women's Shelters Must Be Secret for Safety Reasons" ». [Date de consultation : 14 mai 2012]

CEDAW NGO working group. Juillet 2010. Shadow NGO Report on Turkey's Sixth Periodic Report to the Committee on the Elimination of Discrimination against Women. [Date de consultation : 19 avr. 2012]

États-Unis. 8 avril 2011. Department of State. « Turkey ». Country Reports on Human Rights Practices for 2010. [Date de consultation : 18 mai 2012]

Human Rights Watch. Mai 2011. « "He Loves You, He Beats You": Family Violence in Turkey and Access to Protection ». [Date de consultation : 8 mai 2012]

Hurriyet Daily News. 5 mai 2012. « Domestic Violence in Turkey on the Rise, Data Reveals ». [Date de consultation : 15 mai 2012]

Mor Çatı Women’s Shelter. S.d. « Our Story ». [Date de consultation : 14 mai 2012]

Roj Women’s Association. Mars 2011. NGO Shaodow Report: For the Review of the Turkish Government Under the UN International Covenant on Economic, Social and Cultural Rights. [Date de consultation : 14 mai 2012]

_____. S.d. « About Us ». [Date de consultation : 14 mai 2012]

Today's Zaman [Istanbul]. 16 avril 2012. « New Regulation Boosts Protection of Women Against Domestic Violence ». [Date de consultation : 19 avr. 2012]

_____. 11 avril 2012. « 500 Women Applied for Police Protection in One Month ». [Date de consultation : 19 avr. 2012]

_____. 30 mars 2012. « Second Male Perpetrator of Domestic Violence Removed From Home This Week ». [Date de consultation : 19 avr. 2012]

_____. 28 mars 2012. « Gendarmerie Removes Domestic Violence Perpetrator from Home ». [Date de consultation : 19 avr. 2012]

_____. 25 mars 2012. Dilek Karal. « Domestic Violence No Longer a Family Matter ». [Date de consultation : 19 avr. 2012]

_____. 13 mars 2012. Alyson Neel et Habib Güler. « Parliamentary Report: Gender-Based Violence Doubled in 4 Years ». [Date de consultation : 19 avr. 2012]

_____. 1er mars 2012. « Mor Çatı Report: Abuse Victims Do Not Receive Adequate State Support ». [Date de consultation : 19 avr. 2012]

_____. 19 février 2012. « Special Police Force Trained to Protect Women in Istanbul ». [Date de consultation : 19 avr. 2012]

_____. 17 juillet 2011. Yonca Poyraz Do ǧan. « Domestic Violence Victims' Cries for Help Not Heard ». [Date de consultation : 19 avr. 2012]

Turquie. 2005. Municipal Law, Law No 5393. Official Gazette No. 25874, 3 July 2005. Traduction du site Internet de la Istanbul Metropolitan Municipality. [Date de consultation : 11 mai 2012]

_____. S.d. Ministry of Family and Social Policies. « Services for the Women Subject to Violence and Under the Risk ». [Date de consultation : 22 mai 2012]

Union européenne (UE). 12 octobre 2011. Commission européenne (CE). Turkey 2011 Progress Report. Document de travail des services de la Commission. (SEC(2011) 1201 final) [Date de consultation : 17 mai 2012]

Women for Women's Human Rights (WWHR) - New Ways. S.d. « Turkish Penal Code ». [Date de consultation : 19 avr. 2012]

Autres sources consultées

Sources orales : Les tentatives faites pour joindre Mor Çatı Kadın Sığınağı Vakfı (Women's Shelter Foundation) et Women for Women's Human Rights — New Ways dans les délais voulus ont été infructueuses.

Sites Internet, y compris : Amnesty International; ecoi.net; Mor Çatı Kadın Sığınağı Vakfı; Nations Unies — Haut-Commissariat aux droits de l’homme, Refworld, Base de données du Secrétaire général de l’ONU sur la violence contre les femmes; Turquie — Directorate General on the Status of Women; Turkish Statistics Institute.

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