Benin: Treatment of people with mental illness, including schizophrenics, by society and the authorities (2009-May 2013) [BEN104449.FE]

Bénin : information sur le traitement réservé aux personnes atteintes d'une maladie mentale, y compris la schizophrénie, par les autorités et la société (2009-mai 2013)

Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, Ottawa

1. Survol

Lors de la journée mondiale de la santé mentale qui s'est tenue le 10 octobre 2012, la ministre de la Santé du Bénin a signalé que

[s]elon les études panoramiques des affections psychiatriques au Centre National Hospitalier de Psychiatrie de Jacquot à Cotonou et au Centre National Hospitalier Universitaire-Hubert Koutoubou MAGA, les déprimés diagnostiqués en consultation représentent respectivement 26 et 40 p. 100 (Bénin [2012]).

Dans une entrevue accordée à AfricaMedia21, un groupe panafricain d'information offrant notamment un site Internet « participatif » et une radio Web (s.d.), le directeur du Centre national hospitalier psychiatrique de Jacquot a affirmé que « [l]a dépression constitue la première affection mentale que nous rencontrons lors des consultations et que nous hospitalisons au Bénin » (AfricaMedia21 13 oct. 2010). De plus, il a souligné que 1 p. 100 de la population du Bénin serait atteinte de schizophrénie (ibid). Parmi les sources qu'elle a consultées, la Direction des recherches n'a trouvé aucune autre information allant en ce sens ni aucune autre information sur la situation des personnes schizophrènes au Bénin.

2. Traitement réservé par la société aux personnes atteintes d'une maladie mentale

Un article publié par Podcast Journal, un journal international diffusé en baladodiffusion (Podcast Journal s.d.), signale ce qui suit :

[d]ans la société béninoise, la « folie » est généralement considérée, non comme une maladie, mais bien comme une possession démoniaque ou une agression magico-sorcière. Dans les familles tout comme dans la rue, les malades mentaux sont rejetés, maltraités, obligés souvent d'avoir recours à la violence pour se faire accepter et « gagner » leur pitance (ibid. 18 juill. 2010).

Au cours d'un entretien téléphonique avec la Direction des recherches, un psycho-éducateur de formation et représentant des Amis de la St-Camille a lui aussi signalé qu'au Bénin, les personnes ayant une maladie mentale sont associées à la sorcellerie (Les Amis de la Saint-Camille 24 mai 2013). Le représentant a expliqué qu'elles ne sont pas considérées comme des « malades », mais plutôt comme des personnes « habitées par un démon » (ibid.). Les Amis de la St-Camille constituent une ONG canadienne qui développe des réseaux locaux d'entraide et de coopération en Côte d'Ivoire et au Bénin, en plus de soutenir l'Association Saint-Camille-de-Lellis, leur partenaire africain (ibid. s.d.a).

2.1 Traitement réservé aux personnes atteintes de maladie mentale par leur famille

Un article sur une enquête menée par l'Unité de formation et de recherche de psychiatrie de l'Université de Parakou au Centre hospitalier départemental du Borgou au Bénin et publié dans la Revue internationale des sciences médicales montre que parmi les 54 cas de personnes ayant des accès maniaques recensés entre janvier 2003 et mai 2011 par les chercheurs, environ 39 p. 100 d'entre elles ont suivi un traitement médical, et environ 40 p. 100 ont reçu des soins traditionnel ou religieux (Tognon et al. 2012, 83, 86). Selon les auteurs de l'étude, « [c]ette attitude des familles de [leurs] patients cadre bien avec les croyances populaires de [leurs] cultures qui trouvent que la maladie mentale relève de la tradition ou de la religion » (ibid., 87).

De même, d'après le représentant des Amis de la St-Camille, les familles vont généralement avoir recours, en premier lieu, à la médecine traditionnelle selon laquelle la personne malade est traitée à l'aide de « potions » ou « d'incantations » (Les Amis de la Saint-Camille 24 mai 2013). En second lieu, les familles vont faire appel à une « secte spécialisée » dirigée par « un pasteur qui se dit soignant » et qui offre d'amener les personnes malades avec lui et de les traiter (ibid.). Le représentant a précisé que le traitement consiste, par exemple, à fouetter les personnes malades afin que « le démon quitte le corps du malade » et à les enchaîner à un arbre (ibid.).

Il a aussi précisé qu'une personne atteinte d'une maladie mentale représente une « honte pour la famille » et que les contacts physiques avec elles sont très rares, puisque les gens « ont peur d'être contaminés » (ibid.). Le représentant a ajouté que lorsqu'il n'y a plus d'autres options, les familles habitant dans les villages vont enchaîner la personne malade à un arbre dans la forêt, ou vont l'attacher dans un champ, généralement près d'une hutte afin de la protéger du soleil (ibid.). De temps en temps, la famille amènera des « restants de table » à la personne malade, mais « aucun soin d'hygiène ne lui sera prodigué par peur d'attraper la maladie » (ibid.). En ville, les personnes malades seraient laissées à elles-mêmes et « errent dans les rues » (ibid.). Parmi les sources qu'elle a consultées, la Direction des recherches n'a trouvé aucune autre information allant en ce sens.

3. Ressources offertes aux personnes atteintes de maladie mentale

Selon un rapport publié par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), au Bénin, il n'y a pas de loi portant sur la santé mentale en particulier, et celle-ci n'est pas abordée dans les lois sur la santé en général, ni dans d'autres lois (Nations Unies 2011). Toujours selon l'OMS, il n'y a pas non plus de politique officielle sur la santé mentale, qui figure néanmoins dans la politique générale sur la santé (ibid.). L'OMS souligne également que la plupart des médecins généralistes et des infirmières en poste n'auraient reçu aucune formation officielle sur la santé mentale entre 2006 et 2011, que la plupart des centres de soins de santé primaire n'auraient pas de manuel officiel sur le traitement de troubles mentaux et qu'il n'y aurait de procédure officielle d'aiguillage entre les différents paliers de soins (ibid.). Parmi les sources qu'elle a consultées, la Direction des recherches n'a trouvé aucune autre information allant dans le même sens que celle fournie par l'OMS.

Selon Podcast Journal, la « santé mentale occupe une place subsidiaire dans les préoccupations nationales. Le seul hôpital psychiatrique de référence basé à Cotonou est démuni et ne doit sa survie qu’aux bonnes volontés et à l’engagement de ses responsables et du personnel » (18 juill. 2010). De même, d'après le représentant des Amis de la St-Camille, la santé mentale ne figure pas parmi les priorités de l'État (24 mai 2013).

Toutefois, le représentant des Amis de la St-Camille a signalé que des malades peuvent être traités à l'Hôpital psychiatrique Jacquot, situé à Cotonou (ibid.). Il a précisé cependant que les « les médicaments coûtent chers et les malades passent beaucoup de temps dans les cellules », et que les malades sont « enchaînés lorsqu'ils sont agités » (ibid.). Il a aussi ajouté qu'il y a peu de psychiatres au Bénin (ibid.). Un article paru dans Adjinakou, un quotidien de Porto-Novo au Bénin lancé en 2003 (PANAPress 5 déc. 2003), signale qu'en 2012, il y avait 495 patients à l'Hôpital psychiatrique Jacquot dont prenait soin une équipe de 44 personnes comprenant 2 psychiatres (Adjinakou 29 nov. 2012). Les locaux seraient par ailleurs vétustes et l'équipement, inadéquat (ibid.).

Les personnes ayant une maladie mentale peuvent également se prévaloir des services de l'Association Saint-Camille-de-Lellis, une organisation caritative africaine, présente en Côte d’Ivoire depuis 1991, et au Bénin depuis 2004 (Les Amis de la Saint-Camille s.d.b). Le site des Amis de la Saint-Camille signale ce qui suit au sujet de l'Association Saint-Camille-de-Lellis :

[…] dix centres opèrent actuellement en Côte d’Ivoire et cinq au Bénin. Le malade est accueilli dans un Centre d’Hébergement, diagnostiqué par un psychiatre, traité et entouré d’intervenants (ex-malades) qui lui assurent un milieu de vie soignant, aimant et revalorisant. Après quelques mois et selon son évolution personnelle, il est dirigé vers un Centre de Travail (ou Réhabilitation) dans la communauté pour y apprendre un métier et débuter son intégration à la vie sociale. Quand il est prêt, il est réintégré ensuite dans sa communauté d’origine (village, quartier). Un réseau externe assure médication et suivi médical dans la communauté. En 2010, on dénombrait plus de 30,000 hommes et femmes qui ont profité de cette organisation de soin et qui sont maintenant actifs dans leur communauté. L’Association St-Camille ne compte que sur les dons pour fonctionner : aucune aide financière gouvernementale ne lui est fournie (ibid.).

Néanmoins, d'après le représentant, l'Association Saint-Camille-de-Lellis a reçu un crédit de 20 000 dollars canadiens de la part du gouvernement du Bénin, lequel était destiné à l'achat de médicaments vendus par la pharmacie de l'État (ibid. 24 mai 2013). Le représentant a ajouté que l'Association Saint-Camille-de-Lellis s'est également fait offrir un terrain, par les autorités municipales d'Adjara, où la construction de l'Hôpital Saint-Camille est en cours (ibid.).

Parmi les sources qu'elle a consultées, la Direction des recherches n'a trouvé aucune autre information sur l'Association Saint-Camille-de-Lellis ni sur les autres ressources offertes aux personnes atteintes d'une maladie mentale au Bénin.

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Références

Adjinakou [Porto-Novo]. 29 novembre 2012. « Prise en charge des malades mentaux ». [Date de consultation : 5 juin 2013]

AfricaMedia21. 13 octobre 2010. Reece Adanwenon. « Bénin : Centre national hospitalier et psychiatrique de Jacquot : 225 malades pour 100 places! ». [Date de consultation : 30 mai 2013]

_____. S.d. « Qui somme-nous ». [Date de consultation : 30 mai 2013]

Les amis de la Saint-Camille. 24 mai 2013. Entretien téléphonique avec un représentant.

_____. S.d.a. « Accueil ». [Date de consultation : 24 mai 2013]

_____. S.d.b. « Présentation ». [Date de consultation : 31 mai 2013]

Bénin. [2012]. Ministère de la Santé. « Journée mondiale de la santé mentale au Bénin : "La Dépression : une crise mondiale", le thème retenu pour la célébration ». [Date de consultation : 23 mai 2013]

Nations Unies. 2011. Organisation mondiale de la santé (OMS). « Benin ». Mental Health Atlas 2011. [Date de consultation : 5 juin 2013]

PANAPress. 5 décembre 2003. « "Adjinakou," 26ème quotidien béninois ». [Date de consultation : 5 juin 2013]

Le Podcast Journal. 18 juillet 2010. « Bénin : le chemin de croix des malades mentaux ». [Date de consultation : 30 mai 2013]

_____. S.d. « Qui sommes-nous? ». [Date de consultation : 30 mai 2013]

Tognon Tchegnonsi F., A. Djidonou, B. Houinou Ebo, P. Gandaho et D. Kone. 2012. « Les accès maniaques au Centre hospitalier départemental du Borgou (Bénin) : aspects épidémiologiques et itinéraire thérapeutique ». Revue internationale de sciences médicales, vol. 14, nº 1. [Date de consultation : 5 juin 2013]

Autres sources consultées

Sources orales : Les tentatives faites pour joindre les personnes et les organisations suivantes ont été infructueuses : Banque mondiale au Bénin; Bénin – Hôpital Jacquot-Psychiatrique, ministère de la Santé; Médecins sans frontières; Organisation mondiale de la santé; Réseau euro-méditerranéen migration et santé mentale; World Psychiatric Association.

Sites Internet, y compris : Africa Intelligence; Africa Presse; Afrique Express; Les Afriques; AllAfrica; Amnesty International; Banque mondiale au Bénin; Bénin – ministère de la Santé; ecoi.net; États-Unis – Department of State, Overseas Security Advisory Council; Factiva; Freedom House; Human Rights Watch; International Crisis Group; Médecins sans frontières; Minority Rights Group International; Nations Unies – Refworld, ReliefWeb; Perspectives Psy; Royal African Society.

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