No Way Out; Child Marriage and Human Rights Abuses in Tanzania

Le gouvernement devrait fixer à 18 ans l'âge minimum du mariage
29 octobre 2014
(Nairobi) – Le mariage des enfants en Tanzanie limite l'accès des filles à l'éducation et les expose à de sérieux préjudices, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd'hui. Human Rights Watch a documenté des cas dans lesquels des filles étaient mariées dès l’âge de sept ans. Le gouvernement devrait fixer à 18 ans l'âge minimum du mariage pour les filles et les garçons, comme une première étape vers l'éradication du mariage des enfants et l’amélioration de la vie des filles et des femmes.

Le rapport de 75 pages, intitulé « ‘No Way Out’ : Child Marriage and Human Rights Abuses in Tanzania » (« ‘Aucune échappatoire’ : Le mariage des enfants et les violations des droits humains en Tanzanie »), documente la façon dont le mariage des enfants limite considérablement l'accès des filles à l'éducation, et les expose à l'exploitation ainsi qu’à la violence – notamment le viol conjugal et les mutilations génitales féminines (MGF) – et les risques en matière de santé reproductive. Human Rights Watch a examiné les lacunes dans le système de protection de l'enfance de la Tanzanie, l'absence de protection pour les victimes de mariages d'enfants, et les obstacles rencontrés par les filles lorsqu'elles tentent d'obtenir réparation, ainsi que les lacunes dans les lois et les plans gouvernementaux actuels pour lutter contre le mariage des enfants.

« Le projet de Constitution de la Tanzanie ne prévoit malheureusement pas d'âge minimum pour le mariage», a déclaré Brenda Akia, chercheuse auprès de la division Droits des femmes à Human Rights Watch et auteure du rapport. « Le gouvernement tanzanien devrait faire preuve de leadership sur la question du mariage des enfants en fixant à 18 ans l'âge minimum dans la loi sur le mariage et en fournissant des protections plus fortes contre le mariage des enfants. »

Le rapport de Human Rights Watch s'appuie sur des entretiens approfondis avec 135 filles et femmes dans 12 districts de la Tanzanie, ainsi qu’avec des représentants du gouvernement, des militants locaux et le personnel d’agences internationales.
La Loi sur le mariage de 1971 de la Tanzanie fixe l'âge minimum à 18 ans pour les garçons et 15 ans ns l'âge minimum deegnancy. pour les filles avec le consentement des parents. Elle permet également aux filles et aux garçons de se marier à 14 ans avec l'autorisation d'un tribunal. L'Assemblée constituante, chargée de rédiger une nouvelle constitution, a raté l'occasion d'inclure un âge de mariage minimum unique dans son dernier projet en octobre 2014, selon Human Rights Watch.
 

Le gouvernement tanzanien envisage de revoir la Loi sur le mariage, sur la base de recommandations de la Commission sur la réforme du droit de la Tanzanie, et finalisera un document du gouvernement pour consultation publique après la conclusion du processus de révision constitutionnelle.

Bien que les taux de mariage des enfants en Tanzanie aient diminué ces dernières années, ils restent à un niveau inacceptable, selon Human Rights Watch. Quatre femmes tanzaniennes sur 10 se sont mariées avant leur 18ème anniversaire, d’après les statistiques du gouvernement.
 

Le père d’Anita, âgée de dix-neuf ans, l'a forcée à se marier à l’âge de 16 ans, au cours de sa deuxième année d'école secondaire. « Mon père a dit qu'il n'avait pas d'argent pour subvenir aux besoins de ma scolarité », a-t-elle confié. « J'ai alors découvert qu'il avait déjà reçu 20 vaches comme dot en échange de mon mariage. »

Judith avait 14 ans et travaillait comme domestique quand elle s’est mariée afin d’échapper à la violence et à l'exploitation par son employeur. « Un garçon employé dans la maison dans laquelle je travaillais m'a demandé de l'épouser », a-t-elle expliqué. « J’ai acquiescé – parce que je considérais le mariage comme ma seule option pour échapper aux mauvais traitements que me faisait subir mon patron. »

Des filles ont confié à Human Rights Watch que leurs familles les ont forcées à se marier afin de pouvoir obtenir des paiements liés à la dot, parce qu'elles ne valorisaient pas l'éducation de leurs filles, et parce que les filles étaient enceintes ou que leurs familles craignaient qu’elles ne tombent enceintes et entraînent le déshonneur pour la famille. D'autres filles ont déclaré avoir considéré le mariage comme un moyen d’échapper à la pauvreté, à la violence, à la négligence ou au travail des enfants.

Les politiques et pratiques d’éducation gouvernementales discriminatoires et vagues facilitent les mariages précoces, portant gravement atteinte à l'éducation et aux chances des filles, selon Human Rights Watch. De nombreuses écoles tanzaniennes imposent des tests de grossesse obligatoires. Le gouvernement autorise également les écoles à expulser ou exclure les élèves mariés ou les élèves qui commettent des infractions « contre la morale », généralement considérées comme comprenant les relations sexuelles ou la grossesse avant le mariage.

L'Examen de fin d’école primaire du gouvernement, qui détermine quels sont les élèves pouvant accéder à l'école secondaire, expose également les filles au mariage des enfants, a constaté Human Rights Watch.

Salia J., 19 ans, a été contrainte de se marier à 15 ans après avoir échoué à l'examen de fin d’école primaire. « Mon père a décidé de me trouver un homme pour me marier parce que je restais à la maison à ne rien faire », a-t-elle expliqué.

« Les tests de grossesse obligatoires et l’expulsion des filles enceintes et mariées de l'école portent gravement atteinte à leurs droits, en particulier à l'éducation », a déclaré Brenda Akia. « Le gouvernement devrait abolir ses règlements discriminatoires et permettre aux filles enceintes et mariées ainsi qu’aux jeunes mères de poursuivre leurs études. »

Le mariage des enfants expose les filles et les femmes à un danger accru de violence sexuelle et sexiste, selon Human Rights Watch. Les filles qui ont rejeté ou tenté de résister aux mariages ont déclaré que leurs familles les ont agressées et maltraitées verbalement ou les ont chassées. Les filles qui n’ont pu échapper au mariage ont déclaré que leurs maris les battaient et les violaient et ne leur permettaient de prendre aucune décision dans leurs maisons pas plus que dans leurs vies.

Un grand nombre des filles et jeunes femmes interrogées par Human Rights Watch ont déclaré que leurs maris les ont abandonnées et les ont laissées prendre soin des enfants sans aucun soutien financier. Dans certains cas, les filles ont subi la violence et des exactions de la part de leurs beaux-parents. Des filles issues des groupes ethniques Massaï et Gogo ont affirmé qu'elles ont été contraintes de subir des MGF afin de les préparer au mariage.

Le gouvernement devrait travailler pour une réforme complète des lois du mariage et du divorce, notamment fixer l'âge minimum du mariage à 18 ans, selon Human Rights Watch. Il devrait adopter une loi sur la violence domestique visant à faire de la violence sexuelle au sein du mariage une infraction pénale ainsi qu’élaborer un plan national d'action pour prévenir et traiter les conséquences du mariage d’enfants.

Le gouvernement devrait également mettre un terme aux tests de grossesse dans les écoles, permettre aux élèves tant enceintes que mariées de rester à l'école, et prendre toutes les mesures possibles pour permettre à tous les enfants de fréquenter l'école secondaire, indépendamment de leurs résultats à l’Examen de fin d'école primaire.

« Le mariage des enfants a de profondes répercussions négatives sur les filles et les femmes », a conclu Brenda Akia. « Le gouvernement de la Tanzanie devrait prendre des mesures immédiates et à long terme pour mettre fin à cette pratique, et donner aux survivantes le soutien économique, psychologique et social si nécessaire. »

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