Guinea: Prevalence of levirate, particularly in the Peul ethnic group; consequences of refusal; assistance available and state protection (2012-June 2013) [GIN104483.FE]

Guinée : information sur la fréquence des lévirats, particulièrement dans le groupe ethnique peul; conséquences d'un refus; aide disponible et protection offerte par l'État (2012-juin 2013)

Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, Ottawa

Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches a trouvé peu d'information sur le lévirat, particulièrement dans le groupe ethnique peul.

1. Fréquence du lévirat et du sororat

Selon INTACT, une organisation sans but lucratif belge fondée en 2009 qui « vise à devenir un "lieu de référence" sur les questions juridiques » liées aux pratiques traditionnelles comme les mutilations génitales féminines et les mariages forcés (INTACT s.d.), le sororat consiste à obliger une fille à « "remplacer" sa sœur [décédée] auprès de son mari » et le lévirat consiste à « obliger le frère du mari défunt à le "remplacer" auprès de son épouse » (ibid. 10 oct. 2012).

Le lévirat et le sororat figurent parmi les pratiques traditionnelles de la Guinée qui ont toujours cours (Nations Unies mars 2012, 62; FeDDAF janv. 2013; CI-AF 26 juin 2013). Au cours d'un entretien téléphonique avec la Direction des recherches le 26 juin 2013, un représentant du Comité Inter-Africain sur les pratiques traditionnelles néfastes (CI-AF), a affirmé que le lévirat est une pratique répandue en Guinée et que celui-ci est « ancré dans les moeurs » (ibid.). De plus, il a ajouté que le sororat est également répandu au pays puisque ces pratiques sont généralement interreliées (ibid.).

Le représentant du CI-AF a aussi précisé que le lévirat est pratiqué chez le groupe ethnique peul (ibid.). Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches le 1er juillet 2013, le représentant de l'Agency for Cooperation and Research in Development (ACORD) en Guinée, une ONG qui travaille dans une dizaine de pays africains [traduction] « avec les communautés sur les moyens de subsistance et de souveraineté alimentaire, le VIH et le sida, et le renforcement de la paix et des droits des femmes » (ACORD s.d.), a signalé de son côté que les deux groupes ethniques qui pratiquent le lévirat en Guinée sont les Peuls et les Malinkés (ibid. 1er juill. 2013).

2. Refus du lévirat

Le représentant du CI-AF a signalé que le refus d'une femme de se marier avec le frère de son mari défunt est considéré comme une « honte » pour la famille (CI-AF 26 juin 2013). Dans un tel cas, le représentant a précisé que la famille exerce une « forte pression » sur la femme afin de la faire changer d'avis (ibid.). Le représentant de l'ACORD en Guinée a également fait état, chez les Peuls, de cette pression en expliquant que les arguments utilisés sont liés à l'éducation et à l'intégration sociale des enfants ainsi qu'à « la gestion des richesses » laissées par le mari (ACORD 1er juill. 2013). Toutefois, il a signalé que, dans certains cas, « des familles font tout pour que la femme quitte le foyer pour s'approprier des biens laissés par le défunt » (ibid.). Il a ajouté que, généralement, ce sont les femmes plus scolarisées qui refusent la pratique du lévirat (ibid.).

Le représentant du CI-AF a signalé que, lorsqu'une femme refuse de se remarier, un « différend » peut se former entre elle et sa famille (CI-AF 26 juin 2013). Il a précisé que, en conséquence, elle peut être battue par les membres de sa famille (ibid.). Il a expliqué que les trois situations possibles, dans le cas du refus du lévirat, sont les suivantes :

  1. La femme refuse de se remarier : la famille s'unit et décide de l'exclure temporairement ou définitivement. La durée de l'exclusion peut varier si une personne, généralement très proche de la famille, décide « d'arranger la situation » en permettant le dialogue entre les deux parties;
  2. La femme refuse de se remarier et certains membres de sa famille soutiennent sa décision : cela provoque une fracture au sein de la famille. La femme peut être menacée d'exclusion. Si sa mère se retrouve parmi les membres qui la soutiennent, cette dernière peut également être menacée de divorce et d'exclusion;
  3. La femme refuse de se remarier et cette dernière est complètement soutenue par famille : le remariage n'a pas lieu et la femme retourne vivre dans sa famille (ibid.).

Parmi les sources qu'elle a consultées, la Direction des recherches n'a trouvé aucune autre information allant dans le même sens.

Bien que le lévirat soit « répandu », le représentant du CI-AF a signalé qu'il n'est pas « automatique » (ibid.). Il a précisé que cela est dû, entre autres, à une meilleure connaissance du VIH/sida de la part de la population guinéenne (ibid.). Il a expliqué que, dans le cas du lévirat, les hommes s'informent parfois des causes du décès de la personne (ibid.). De plus, certains hommes provenant de familles plus fortunées vont demander à ce qu'une analyse de sang de la conjointe soit pratiquée (ibid.). Le représentant a expliqué qu'en Afrique, la plupart de gens n'ont pas recours au dépistage du VIH/sida de peur d'être stigmatisés (ibid.). Un article publié le 22 octobre 2008 par les Réseaux d'information régionaux intégrés des Nations Unies signale le cas d'une Guinéenne qui a refusé de se remarier avec le frère de son mari, décédé en 2005, lequel avait contracté le VIH/sida.

3. Loi et protection

Le Code civil de la République de Guinée interdit la polygamie, sauf dans certaines circonstances, notamment « [a]près le délai de viduité prévu à l'article 355 du présent Code, la ou les veuves d'un défunt peuvent se remarier sans contrainte, au beau frère de leur choix » (Guinée 1983, art. 315, 317(1)).

Selon le représentant de l'ACORD, il n'y a pas de loi spécifique portant sur le lévirat, c'est la tradition qui est privilégiée (ACORD 1er juill. 2013). De plus, il a signalé que, selon lui, les services offerts aux femmes qui refusent le lévirat sont « purement sociaux » et qu'une femme n'a « recours qu'à sa famille » (ibid.).

Le représentant du CI-AF a également tenu les mêmes propos au sujet de la loi et a ajouté qu'en conséquence, des « déviations » sont effectuées (CI-AF 26 juin 2013). Il a expliqué ses propos en disant que le lévirat (comme le sororat) constitue une forme de mariage forcé ou précoce (ibid.). Pour plus de renseignements sur la fréquence des mariages forcés, les lois touchant les mariages forcés, la protection offerte par l'État et la possibilité pour les femmes de refuser un mariage forcé, veuillez consulter la réponse GIN104197.F du 9 octobre 2012. Le représentant du CI-AF a précisé qu'à son avis, au sein de la société africaine, il est « hors de question » qu'une femme porte plainte contre son mari, son père ou sa mère (ibid.). Toutefois, il a signalé que le CI-AF et le ministère des Affaires sociales, de la Promotion féminine et de l'Enfance peuvent porter plainte en son nom, puisque cela « atténue la portée sociale de la plainte » (ibid.). Il a ajouté que le ministère peut protéger les femmes qui se sentent menacées en leur offrant principalement de la surveillance policière (ibid.). Parmi les sources qu'elle a consultées, la Direction des recherches n'a trouvé aucune autre information allant en ce sens.

Pour sa part, le CI-AF travaille plutôt à la sensibilisation de la population (ibid.).

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais prescrits. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous la liste des autres sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Références

ACORD. 1er juillet 2013. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par le représentant de la section Guinée.

_____. S.d. « FAQs ». [Date de consultation : 5 juill. 2013]

Comité inter-africain sur les pratiques traditionnelles néfastes (CI-AF). 26 juin 2013. Entretien téléphonique avec un représentant.

Femme, droit et développement en Afrique (FeDDAF). Janvier 2013. « Situation des droits des femmes en République de Guinée ». [Date de consultation : 4 juill. 2013]

Guinée. 1983. (modifié en 1993). Code civil de la République de Guinée. [Date de consultation : 9 juill. 2013]

Intact. 10 octobre 2012. « Le rapport de mission en Guinée 2011 ». [Date de consultation : 4 juill. 2013]

_____. S.d. « Présentation ». [Date de consultation : 4 juill. 2013]

Nations Unies. Mars 2012. Programme commun des Nations Unies sur le VIH/SIDA (ONUSIDA). Rapport UNGASS 2012-Guinée. [Date de consultation : 9 juill. 2013]

_____. 22 octobre 2008. Réseaux d'information régionaux intégrés (IRIN). « Guinée : "mon mari savait depuis longtemps qu'il était infecté" ». [Date de consultation : 4 juill. 2013]

Autres sources consultées

Sources orales : Les tentatives faites pour joindre les personnes et les organisations suivantes ont été infructueuses : Banque africaine de développement; Coalition nationale de Guinée pour les droits et la citoyenneté des femmes; FeDDAF Guinée; New Field Foundation; Organisation guinéenne de défense des droits de l'homme; Organisation internationale de la francophonie; professeur d'anthropologie de l'Université de Richmond; professeur de l'Université de la Floride. L'Association des femmes africaines pour la recherche et le développement n'a pas pu fournir de renseignements dans les délais voulus.

Sites Internet, y compris : Afrik.com; AllAfrica; Australie – Refugee Review Tribunal; British Broadcasting Corporation; Child Rights International Network; data.bnf.fr; ecoi.net; États-Unis – Department of State; Factiva; Fédération internationale des ligues des droits de l'homme; France – Bibliothèque nationale, Cour nationale du droit d'asile; Groupe international de travail pour les peuples autochtones; Guinée – ministère des Affaires sociales, de la Promotion féminine et de l'Enfance; Guinée 24; Guinée Conakry Info; Guinée News; Irlande – Refugee Documentation Centre; Jamtan Fulani; Jeune Afrique; Le Jour; Minority Rights Group International; Nations Unies – Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, Comité des droits de l'enfant, Refworld, Système de diffusion électronique des documents de l'ONU; Royaume-Uni – Home Office; La Voix de l'Amérique; World Vision.

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