Dokument #1044659
IRB – Immigration and Refugee Board of Canada (Autor)
Pratique et fréquence
Trois types de mutilation génitale
féminine (MGF) sont pratiqués au Kenya : la
clitoridectomie, l'excision et l'infibulation (les deux
premières formes étant les plus répandues)
(Njue et Askew déc. 2004, 6; NPWJ 18 sept. 2004).
Une enquête menée au Kenya en 2003 sur la démographie et la santé (Kenya Demographic and Health Survey - KDHS) a révélé qu'environ 32 p. cent des femmes kényanes âgées entre 15 et 49 ans avaient subi une mutilation génitale (Kenya juill. 2004, 251). Par rapport au taux de 1998, il s'agit d'une diminution de 6 p. cent sur une période de cinq ans (ibid., 250). Toutefois, l'enquête a montré que la fréquence de la mutilation génitale féminine (MGF) variait en fonction de certains facteurs, dont l'âge des femmes, leur niveau d'instruction et leur appartenance ethnique (ibid., 250-251).
Ainsi, chez les femmes âgées entre 15 et 19 ans, 20 p. cent avait subi une mutilation génitale, comparativement à 48 p. cent dans le cas des femmes âgées entre 45 et 49 ans; 36 p. 100 des femmes vivant en milieu rural avaient subi une mutilation génitale, contre 21 p. 100 dans les villes; environ 50 p. cent des musulmanes avaient subi une mutilation génitale contre quelque 33 p. cent des non-musulmanes (ibid., 250). En outre, une forte corrélation négative entre le niveau d'instruction et la MGF a été observée (58 p. cent des femmes sans instruction avaient subi une mutilation génitale, alors que cette proportion n'était que de 21 p. cent chez les femmes qui avaient entamé leurs études secondaires) (ibid.).
Les statistiques suivantes montrent le taux de MGF chez les différents groupes ethniques.
[Traduction]
Il convient de signaler ici que les Kisiis sont également appelés Abagusiis, Gisiis, Guziis, Kissiis, Kisis, Kosovas ou Ekegusiis (Finke 2003).
Par ailleurs, Jane Kamau, coordonnatrice d'un projet mis en oeuvre par le ministère kényan de la Santé et l'organisation allemande pour la coopération technique (Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit - GTZ), signale qu'en matière de MGF, les aînés jouent un rôle prépondérant dans les prises de décision, notamment en déterminant le moment et l'endroit de l'intervention ainsi que la personne qui doit la pratiquer (Kamau 17 sept. 2004).
Cependant, des sources concordantes signalent que la pratique de la MGF devient de plus en plus médicalisée et que des professionnels de la santé (médecins et infirmières) pratiquent souvent ces mutilations, moyennant rémunération (Njue et Askew déc. 2004, iv; Nations Unies 10 mars 2004; WeNews 12 févr.2004).
Attitudes et croyances
Une étude menée auprès
des membres des Abagusiis (Kisiis), chez qui le taux de MGF atteint
presque 96 p. cent (Kenya juill. 2004, 251; Njue et Askew
déc. 2004, 1), a montré que le désir de
remplir les obligations culturelles et le souci du bien-être
social de la fille étaient les principales raisons
invoquées pour justifier la MGF (ibid.).
L'étude explique que dans l'esprit des Kisiis, les filles,
en subissant une mutilation génitale, limitent leur
sexualité, se font respecter davantage et augmentent leurs
chances de se trouver un mari (ibid.). La pratique
permettrait également aux parents de la fille d'obtenir
[traduction] « un meilleur prix pour la future mariée
» (ibid.).
Dans un récent article, Gemma Richardson, diplômée en journalisme et en droits de la personne de la Carleton University (Ottawa), qui travaille actuellement avec la Planned Parenthood Federation of America, écrit que chez les Kikuyus, la MGF a pour but [traduction] « de rendre les femmes sexuellement soumises » (2005). Jane Kamau explique qu'en plus de servir de rite de passage (17 sept. 2004; voir également Nations Unies 10 mars 2004), la MGF est censée augmenter [traduction] « la propreté » de la fille, faciliter la recherche d'un mari et rendre les accouchements moins pénibles (Kamau 17 sept. 2004).
Protection offerte par l'État
C'est en 2001 (The Nation sept.
2004; Njue et Askew déc. 2004, 3; BBC 7 févr. 2003)
que le Kenya a promulgué une loi interdisant la MGF chez les
filles de moins de 18 ans (ibid.; The Nation 22
sept. 2004; Kibaki 16 sept 2004). Connue sous le nom de
Children's Act (ibid; Nations Unies 10 mars 2004;
Njue et Askew déc. 2004, 3), cette loi stipule dans sa
section 18 que toute personne reconnue coupable d'un acte
lié à la MGF est passible d'une peine de prison de 12
mois ou d'une amende de 50 000 shillings (environ 670 dollars
américains) (ibid. déc. 2004, 4).
Également en 2001, le ministère de la Santé a émis une directive qui interdisait la MGF dans tous les établissements de santé (Njue et Askew déc. 2004, 3). En décembre 2003, le pays a signé le protocole de Maputu, qui stipule notamment, dans son article 5, que la MGF doit être condamnée et interdite (Kibaki 16 sept. 2004).
Par ailleurs, l'État kényan a mis sur pied un plan d'action pluriannuel (1999-2019) pour l'élimination de la MGF (National Plan of Action for the Elimination of FGM in Kenya, 1999-2019) (Jillo 17 sept. 2004). Ce plan vise notamment à accroître le nombre de services de soutien aux victimes et à sensibiliser les différents groupes ethniques au problème de la MGF (ibid.). En outre, le journal The Nation a signalé le 13 octobre 2004 que le gouvernement kényan allait, le mois suivant, ouvrir une ligne téléphonique gratuite (Childline Kenya) permettant aux enfants de signaler toute violence dont ils sont victimes, y compris la MGF.
Certaines sources font valoir que dans les faits, l'application de la loi sur les enfants laisse à désirer (Nations Unies 10 mars 2004; Richardson 2005). Ainsi, selon une représentante de l'organisation pour la promotion sociale des femmes Maendeleo ya Wanamuke (MYOWO), les juges imposent souvent des peines peu sévères à ceux qui enfreignent cette loi (Nations Unies 10 mars 2004). En outre, selon le ministère d'État aux Affaires intérieures du Kenya, les structures nécessaires à l'application efficace de la loi ne sont toujours pas en place (Kilimo 16 sept. 2004). Le ministre a ajouté que beaucoup de députés rechignent encore à aborder le problème de la MGF, car ils craignent de perdre des votes (ibid.).
En effet, la presse continue de faire état d'incidents liés à la MGF. Ainsi, une dépêche du 3 février 2005 de l'agence chinoise de nouvelles Xinhua signale qu'en novembre et en décembre 2004, c'est seulement l'intervention de l'ambassade d'Autriche à Nairobi et d'une église kényane qui a permis à environ 500 écolières d'éviter la mutilation génitale (Njue et Askew déc. 2004, 1). Selon Global Feminist News, une centaine d'élèves, la plupart âgées entre 10 et 18 ans, avaient été forcées, en août 2004, de subir une mutilation génitale dans le district de West Pokot (30 août 2004). Un rapport de la BBC du 7 février 2003 signalait qu'une centaine d'écolières avaient dû se réfugier dans des églises pour échapper à la mutilation génitale que leurs parents cherchaient à leur imposer. Le rapport de la BBC ajoutait qu'environ 700 autres jeunes filles, dans le seul sud-ouest du Kenya, faisaient l'objet de pressions exercées par leurs parents qui voulaient leur faire subir une mutilation génitale (7 févr. 2003).
Citant des données fournies par l'organisation féminine kényane Maendeleo ya Wanamuke, Gemma Richardson fait valoir que la majorité des 38 p. cent des Kényanes qui ont subi l'excision se disent prêtes à imposer cette opération à leurs filles (2005). En outre, on fait subir la MGF à des filles de plus en plus jeunes (entre 7 et 14 ans), dans le but de leur imposer l'opération avant qu'elles soit assez âgées pour s'enfuir (Richardson 2005).
Organisations et actions non gouvernementales
Un rapport des Nations Unies mentionne une
organisation non gouvernementale locale appelée Kenya
National Focal Point for FGM, dont l'objectif est de coordonner les
actions anti-MGF de différents groupes non gouvernementaux
partout au pays (10 mars 2004). Le même rapport explique que
grâce notamment au travail de diverses ONG, 200 praticiens de
la MGF dans la région de la Rift Valley ont accepté
d'abandonner cette pratique et de s'y opposer (Nations Unies 10
mars 2004). Par contre, dans le nord-est du pays, 98 p. cent des
filles subissent la MGF entre six et neuf ans, parce que les ONG
sont peu actives dans cette région où des bandits
sèment la peur (Nations Unies 10 mai 2004).
En outre, un rapport thématique de la conférence internationale de Nairobi sur la MGF faisait l'éloge de l'organisation Maendeleo ya Wanamuke (NPWJ 18 sept. 2004). Cette organisation a eu l'idée de remplacer la MGF par des rites substitutifs qui ont connu un certain succès dans diverses communautés (ibid.).
Par ailleurs, un article publié par Women's eNews (WeNews) signale que trois ONGs luttent spécialement contre la pratique de la MGF par les professionnels de la santé; il s'agit du Child Rights Advisory Documentation and Legal Centre (CRADLE), du Building Eastern Africa Community Network (BEACON) et du Julikei International, Women and Youth (12 mai 2004).
Pour ce qui est de la sensibilisation des jeunes, un rapport de la BBC du 7 février 2003 signalait qu'une organisation appelée Centre for Human Rights and Democracy faisait le tour des différentes écoles pour avertir les jeunes filles des dangers de la MGF et pour encourager la formation des clubs de lutte contre la MGF.
Certaines sources d'information mentionnent également le rôle des églises dans la lutte contre la MGF (Njue et Askew déc. 2004, 1; BBC 7 févr. 2003).
Les auteurs de Medicalization of Female Genital Cutting Among the Abagusii in Nyanza Province, Kenya, publié en décembre 2004, signalent également le rôle important joué par plusieurs organisations non gouvernementales dans la lutte contre la MGF dans trois districts peuplés par les Kisiis (Abagusiis) (Njue et Askew déc. 2004, 4). Il s'agit notamment du Program for Appopriate Technology in Health (PATH), la MYWO, l'Église adventiste du septième jour, la Female Guild Organization, la Federation of Women's Groups, la Pan African Christian Women's Organization, le Julokei International et la Coalition on Violence Against Women (Njue et Askew déc. 2004, 4).
Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais prescrits. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous la liste des autres sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.
Références
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The practice of female genital mutilation (FGM); state protection available to victims and to ethnic groups among which the practice is prevalent (2002-February 2005) [KEN43321.FE] (Anfragebeantwortung, Englisch)