Arrests of Islamic activists under Bourguiba and Ben Ali (1980-2000) [TUN34940.FE]

Un rapport de mission en Tunisie publié dans un numéro hors série de La Lettre de la FIDH en avril 1987 indique qu'un mouvement islamiste appelé Mouvement de la tendance islamique (MTI) existait depuis longtemps. En effet,

ce mouvement est né au début des années 1970 et s'est progressivement répandu dans les universités et dans les rangs de la jeunesse alors que dans le même temps les mouvements d'opposition d'extrême gauche faisaient l'objet d'une répression sévère.
En 1981, ce Mouvement décide de s'organiser en parti politique et le 6 juin 1981 au cours d'une conférence de presse, Monsieur Rashed Ghannouchi annonce la création du MTI et dépose les statuts. Le gouvernement refuse l'agrément prévu par la loi sur les associations.
Immédiatement après et en juillet 1981, la répression commence : une vague d'arrestations s'abat sur le MTI. Une soixantaine de condamnations allant jusqu'à 10 ans de prison sont prononcées, frappant dirigeants et militants. Un certain nombre ayant pris la fuite ont été condamnés par contumace.

Un communiqué de la Ligue tunisienne des droits de l'homme (LTDH) daté du 3 avril 1987 et publié dans le rapport de mission de la FIDH souligne que :

au cours des trois semaines écoulées, une vaste campagne d'interpellations a été lancée contre les dirigeants et les militants du Mouvement de la tendance islamique (MTI).
Ces arrestations, qui ont concerné des dizaines de personnes, ont été suivies d'une campagne de presse à laquelle ont été associés l'ensemble des médias officiels. Des accusations graves de « recours à la violence et collusion avec l'étranger en vue de porter atteinte au régime » ont ainsi été lancées contre les personnes interpellées.

Un rapport du Lawyers Committee for Human Rights (LCHR) daté d'octobre 1993 signale que :

[traduction]
Dans les mois qui ont précédé la destitution du président Habib Bourguiba [7 novembre 1987], plus de 3 000 partisans du groupe islamique interdit, le Mouvement de la tendance islamique (MTI) ont été détenus, nombre d'entre-eux pour avoir participé à des activités politiques non violentes. Des rapports crédibles indiquent que le recours à la torture contre ces détenus était largement répandu.
En août et septembre 1987, 90 militants de la direction du MTI ont été cités à comparaître devant la Cour de la sûreté de l'État sous les accusations d'avoir incité à la violence et d'avoir voulu changer le régime. Sauf 14 des accusés, tous ont été reconnus coupables. La majorité ont été condamnés à des peines allant de deux à vingt années d'emprisonnement; deux ont été condamnés à mort et exécutés; d'autres peines de mort ont été commuées en peines d'emprisonnement à vie avec travaux forcés.
[...]
Le président Bourguiba aurait été déçu du verdict. Il aurait souhaité davantage de condamnations à mort contre les dirigeants du MTI. Le Président a toutefois été démis de ses fonctions par son nouveau premier ministre, Zine El Abidine Ben Ali, avant qu'il ne puisse prendre des mesures encore plus sévères contre le MTI.

Le rapport du LCHR souligne que, à ses débuts, le nouveau gouvernement présidé par Ben Ali s'était donné l'objectif de créer une société « libre et démocratique au sein d'un état pluraliste soucieux du respect des droits de la personne » (ibid., 3). En juin 1989, le MTI, voulant se conformer aux dispositions d'une nouvelle loi qui interdit la formation de partis politiques fondés sur des principes confessionnels, ethniques ou raciaux, devient le Hizb An-Nahda (Parti de la renaissance) (ibid., 5). La demande de reconnaissance officielle de An-Nahda est toutefois rejetée par les autorités tunisiennes en juin 1989 (ibid., 5). En mai 1991, le gouvernement tunisien accuse An-Nahda de complot en vue de prendre le pouvoir par la force et procède à des arrestations (ibid. 10-11).

[traduction]
Au cours de l'enquête sur le complot, des centaines de présumés sympathisants de An-Nahda ont été mis en garde à vue. Des milliers d'autres on été arrêtés dans le cadre d'une campagne de répression générale contre les activités des islamistes. Au moins sept personnes sont décédées en détention, dans des circonstances qui laissent présumer fortement que ces personnes sont mortes sous la torture.

En juillet et août 1992, des centaines de membres de An-Nahda ont été cités à comparaître et ont été reconnus coupables d'avoir fomenté un complot en vue de s'accaparer du pouvoir (Encyclopedia of Human Rights 1996, 1468; LCHR oct. 1993, 34-35). Ces procès ont donné lieu à 46 peines d'emprisonnement à vie, 219 peines de deux à 24 années d'emprisonnement et 14 acquittements (LHRC 1993, 35).

Selon le World Report 2000 de Human Rights Watch (HRW), les présumés sympathisants de An-Nahda constitueraient la majorité des 1 000 à 2 000 prisonniers politiques détenus par les autorités tunisiennes et sont ceux qui sont traités le plus durement (1999). Le World Report 1999 de Human Rights Watch (HRW) indique que :

[traduction]
Au cours des procès de masse intentés en 1992 par les tribunaux militaires contre les présumés dirigeants et membres de An-Nahda, la presse tunisienne faisait état des allégations de torture infligées aux accusés durant leur interrogatoire. Les autorités tunisiennes avaient toujours recours à la torture en 1998, mais le sujet est devenu tabou dans les médias tunisiens.

En ce qui concerne le traitement des prisonniers politiques qui ont été relachés, le World Report 1999 indique que :

[traduction]
Les prisonniers politiques remis en liberté étaient soumis à un harcèlement intense. Ils étaient tenus de se présenter une ou plusieurs fois par jour à des commissariats de police, parfois très éloignés de leur domicile, pour signer leur acte de présence. Toutefois, cette exigence a été mise en application de façon moins abusive en 1998. Les demandes de passeports ont presque toujours été refusées aux anciens prisonniers politiques. De plus, ils étaient exclus des postes de la fonction publique, et les employeurs du secteur privé étaient incités à ne pas les embaucher.
Les autorités ont harcelé, voire emprisonné les membres des familles de détenus dans le but d'intimider et de punir les critiques. Telle semblait être le cas de l'ancien prisonnier politique Mohamed Ali Bedoui, le frère de Moncef Marzouki, ardent défenseur des droits de la personne. Bedoui a écopé d'une sentence de six mois d'emprisonnement pour avoir omis de se présenter au commissariat de police local, et ce même si la police lui aurait dit antérieurement qu'il n'était plus tenu de se soumettre à cette formalité.
Les familles des militants ont été assujettis à la surveillance policière et à des perquisitions, et ce sans égard à l'heure, et leurs passeports étaient quelquefois confisqués sans autre raison que celle de leurs liens de parenté.

Un communiqué du 7 novembre 1999 de Hourriya/Liberté, une organisation établie à Paris qui a pour but de « favoriser les initiatives d'échanges et d'informations sur les atteintes aux liberté en France et dans les pays du Maghreb [et] de soutenir les actions en faveur des droits de l'Homme » rapporte la libération de 600 personnes dont la détention était liée à la répression du mouvement islamiste, et la levée du contrôle administratif pour 4 000 personnes. Les Country Reports 1999 du Département d'État des États-unis font état de l'annonce, le 15 novembre 1999, [traduction] « de l'amnistie, de la mise en liberté conditionnelle et de la réduction de sentences pour 4 000 prisonniers, parmi lesquels se trouveraient 600 prisonniers politiques, y compris des militants islamistes » (Févr. 2000, 2231).

Une dépêche de l'agence AP datée du 3 juillet 2000 cite la section tunisienne d'Amnesty International qui déclarait, à l'occasion d'une « conférence nationale des libertés » tenue en juillet 2000 à Tunis, qu'il restait encore 1 000 « prisonniers d'opinion » dans les prisons tunisiennes. Bien qu'Amnesty International juge insuffisantes les mesures d'ouverture prises par les autorités tunisiennes (assouplissement des règles d'obtention des passeports, promesses d'une plus grande liberté de presse et libération de prisonniers d'opinion), sa section locale à Tunis s'est félicitée de la remise en liberté de quelque 500 prisonniers d'opinion en 1999.

Une dépêche de RFI datée du 18 août 2000 signale que le militant islamiste Taoufiq Chayeb, qui a passé trois ans de sa vie en prison pour avoir fait partie du mouvement An-Nahda, interdit en Tunisie, et qui purgeait deux autres peines d'emprisonnement depuis mars 2000 pour la même raison, avait entamé son quarantième jour de grève de la faim. Amnesty International a demandé sa libération (RFI 17 août 2000)

Pour plus d'information sur le traitement des militants islamistes en Tunisie au cours des vingt dernières années, veuillez consulter les réponses aux demandes d'information TUN14793.F du 22 juillet 1993; TUN17488.E du 1er juin 1994; TUN26176.E du 12 février 1997; TUN27268.F du 4 juillet 1997; et TUN29114.E du 31 mars 1998.

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais prescrits. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile ou de statut de réfugié.

Références


Associated Press (AP). 3 juillet 2000. « Une conférence nationale des libertés ». http://fr.news.yahoo.com/000703/2hjx5.html [Date de consultation : 21 août 2000]

Encyclopedia of Human Rights (Second edition). 1996. Edward Lawson. « Tunisia ».Washington, DC : Taylor and Francis.

Communiqué de la ligue tunisienne des droits de l'Homme (LTDH). 3 avril 1987. Dans La Lettre de la FIDH [Paris] 23-28 avril 1987. (Numéro hors série) Rapport de Mission : Tunisie.

Country Reports on Human Rights Practices 1999. Février 2000. Département d'État des États-Unis. Washington, DC : United States Printers Office.

Hourriya/Liberté, Paris. 7 novembre 1999. Vague de libérations en Tunisie. http://www.maghreb-ddh.sgdg.org/liberte/liberations1.html [Date de consultation : 21 août 2000]

Human Rights Watch (HRW). 1999. World Report 2000. http://www.org/wr2k/Mena-10.htm [Date de consultation : 18 août 2000]

_____. 1998. World Report 1999. http://www.hrw.org/hrw/worldreport99/mideast/tunisia.html [Date de consultation : 18 août 2000]

Lawyers Committee for Human Rights (LCHR). Octobre 1993. Promise Unfulfilled: Human Rights in Tunisia Since 1987. Washington DC : Lawyers Committee for Human rights (LCHR).

La Lettre de la FIDH [Paris] 23-28 avril 1987. (Numéro hors série) Rapport de Mission : Tunisie.

Radio France International (RFI). 18 août 2000. « Tunisia: Jailed Fundamentalist Chayeb's Wife Visits Him, Comments ». (FBIS-NES-2000-0819 18 août 2000/WNC)

_____. « Tunisia: Islamist Activist Enters 39th day of Hunger strike; Rights Body Worried ». (FBIS-NES-2000-0818 17 août 2000/WNC)

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