New Wave of Killings

(Nairobi, le 26 novembre 2015) – Depuis le 25 septembre 2015, au moins 100 personnes ont trouvé la mort dans les violences sectaires brutales qui affectent l'enclave musulmane communément appelée « Kilomètre 5 » à Bangui, capitale de la République centrafricaine, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch, à l’approche de la visite officielle du Pape François dans la capitale les 29 et 30 novembre prochains.

Nombre de victimes s’avèrent être des civils, y compris des femmes et des personnes âgées, poignardés à mort, égorgés ou abattus à bout portant. Par le biais d’analyses d’images satellitaires, Human Rights Watch a pu identifier au moins 1075 structures détruites lors des violences dans les quartiers situés au nord-est et au sud-ouest de l'enclave musulmane, entre le 26 septembre et 13 novembre. Le nombre de personnes déplacées par ces violences a été estimé à 35.000.

« L'enclave musulmane «  Kilomètre 5 » représente aujourd’hui le clivage communautaire, alimenté par les violences sectaires, qui s’est emparé de Bangui», selon Lewis Mudge, chercheur auprès de la division Afrique de Human Rights Watch. « La visite du Pape François à Bangui arrive à un moment critique, et constitue une opportunité idéale pour une personnalité religieuse de cette envergure de condamner le recours à la violence par toutes les parties au conflit, d’inviter à la tolérance et de demander à ce que les responsables de ces violences soient traduits en justice ».

Le Pape François doit visiter Bangui dans le cadre de sa première visite officielle en Afrique. Il a prévu de se rendre à la mosquée centrale de Koudougou, dans l’enclave « Kilomètre 5 », et de visiter un camp de déplacés internes. Il envisage également d'organiser une veillée de prière à la cathédrale de Bangui ainsi qu’une messe dans le stade principal de la ville.

Dans une lettre datée du 16 novembre, Human Rights Watch exhorte le Pape François à exprimer sa solidarité avec les victimes de violations des droits de l'homme et à plaider en faveur de la justice tout en appelant à la fin de l’impunité pour les auteurs de graves crimes internationaux, quels que soient leur appartenance ethnique, leur affiliation religieuse et politique ou leur statut. L'impunité pour les crimes graves perpétrés en République centrafricaine alimente régulièrement des cycles de violence dans le pays depuis plus de deux décennies.
 

Avec une population d’environ 15.000 habitants, « Kilomètre 5 » constitue la dernière enclave musulmane de Bangui. Près de 122.000 musulmans vivaient dans la capitale avant le début du conflit en mars 2013, quand les rebelles majoritairement musulmans des forces Séléka renversèrent le gouvernement de l’ancien président François Bozizé. Le règne de la coalition Séléka a été marqué par des violations généralisées des droits de l'homme. Dans le courant de l’année 2013, la milice anti-Balaka à majorité chrétienne s’est organisée pour lutter contre l’avancée des forces Séléka, et a lancé de vastes représailles contre des civils musulmans à Bangui et dans l'ouest du pays. Des centaines de milliers de civils musulmans ont fui le pays ou ont cherché refuge dans des enclaves.

Nombre des massacres les plus récents à Bangui sont le fait de membres de groupes d'autodéfense musulmans qui attaquent des chrétiens et ou des individus d’autres confessions en représailles à la suite d’attaques sur des musulmans. Des groupes anti-Balaka ont également participé à la récente flambée de violence dans la capitale, bien que dans une moindre mesure. À l’extérieur de Bangui, les milices anti-Balaka

continuent

cependant d'attaquer des musulmans et tous ceux qui s’opposent à elles.

Les violences les plus récentes à Bangui ont éclaté le 25 septembre dernier, après le meurtre d’Amin Mahamat, un jeune musulman de 17 ans, qui travaillait comme chauffeur de mototaxi. En représailles, des groupes d'autodéfense musulmans de « Kilomètre 5 » ont attaqué des quartiers, entre autres chrétiens, situés au nord de l'enclave. Aidés pour certains par des soldats de l’armée nationale, des groupes anti-Balaka ont riposté et érigé des barricades pour empêcher les Casques bleus des Nations Unies d’accéder aux zones de conflit. Human Rights Watch a documenté l’attaque ciblée d’au moins 31 civils entre le 26 septembre et le 1er octobre. Soixante-dix-sept corps ont été recensés à la morgue, parmi lesquels la présence de combattants est possible.

Le 26 octobre, quatre représentants politiques de l'Union pour la Paix en Centrafrique (UPC), un ancien groupe Séléka, ont été pris en embuscade dans un taxi par des miliciens anti-Balaka dans le quartier des Combattants. Des sources sûres ont indiqué à Human Rights Watch que bien que deux des membres de l'UPC aient réussi à s’échapper, deux autres, Hamat Nejad et Abouba Yussafa, ont été trainés de force hors du véhicule et exécutés.

Après avoir été informés de l’embuscade, les combattants musulmans de « Kilomètre 5 » ont lancé des représailles sur des non-musulmans présents dans l'enclave. Trois employés d'Aqua Bangui venus livrer de l'eau potable dans l’enclave – Guy Blaise Nganoussoua, Simon-Pierre Bombele et Jonathan Dongobe – ont été contraints de quitter leur camion sous la menace des armes avant d’être exécutés.

Le 28 octobre, dans une tentative d’apaisement, le leader de la Coordination des Organisations Musulmanes de République centrafricaine, Ali Ousman, a présenté des excuses au nom des habitants de « Kilomètre 5 » pour ces meurtres, les qualifiant d’injustes, et a promis d'aider à identifier les coupables.

Le 29 octobre, dans un climat de plus en plus tendu, deux jeunes musulmans originaires de « Kilomètre 5 », Bachirou Mega et un homme de Boda connu sous le nom d’Amat, ont été tués par des miliciens présumés anti-Balaka à Fatima, juste au sud de l'enclave, où ils s’étaient rendus à moto. Leur mort déclencha une nouvelle vague de violences. En représailles, des membres des groupes d'autodéfense musulmans ont attaqué les quartiers de Kina, Kattin, Fatima, Béa-Rex et Kpéténé, au sud-ouest de l'enclave. Au moins 15 personnes, et peut-être davantage, ont trouvé la mort dans ces attaques.

Interrogé par Human Rights Watch à la suite des violences, un directeur d’hôpital a déclaré : « Beaucoup de corps sont simplement enterrés là où les victimes ont été tuées. Les gens ne voient plus l'intérêt de porter les corps à la morgue. Il devient difficile de savoir combien de personnes sont mortes ».

Parmi les victimes figurait Gabriel Ndetongo, un homme de 76 ans originaire de Béa-Rex, qui cultivait son champ, le matin du 29 octobre. Il a été retrouvé égorgé sur la route située entre les quartiers de Kina et de Fatima. Yvette Toutoumaka, une mère de 45 ans originaire du quartier de Kina, a été abattue d’une balle dans la tête alors qu’elle évacuait ses enfants de sa maison, selon des témoins interrogés par Human Rights Watch.
 

Marie Doloko, une résidente aveugle de 95 ans dans le quartier de Kina, était seule à son domicile le 29 octobre, lorsque deux hommes sont entrés chez elle et lui ont demandé de l'argent. Quand elle leur a répondu qu'elle n’en avait pas, ils ont incendié sa maison. « Je commençais à sentir la chaleur, alors je me suis plaquée contre un mur », a-t-elle expliqué à Human Rights Watch. « Il devenait difficile de respirer et je pensais que j’allais mourir. Heureusement, j’ai été sauvée par ma petite-fille ». Des voisins de Marie Doloko, qui s’étaient cachés, ont déclaré à Human Rights Watch que les deux hommes ayant mis le feu à sa maison étaient des jeunes musulmans de « Kilomètre 5 ».

Au fur et à mesure des jours suivants, les meurtres isolés se sont poursuivi autour « Kilomètre 5 ». Le 9 novembre, un musulman, Aliou Sissoko, s’est fait enlever alors qu'il se rendait à la banque en dehors de l'enclave. Son corps mutilé a été retrouvé décapité.

Un représentant de la Mission Multidimensionnelle Intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA) a déclaré à Human Rights Watch que parmi les nouvelles mesures adoptées par les Casques bleus figuraient des patrouilles supplémentaires aux alentours de « Kilomètre 5 » en vue d’améliorer la protection des civils et de rétablir leur liberté de mouvement. Le 30 septembre, des membres de la MINUSCA ont établi un groupe de travail mixte, confiant à son contingent militaire la responsabilité des forces de police des Nations Unies à Bangui.

« Les habitants de « Kilomètre 5 » et ceux qui vivent à proximité ont désespérément besoin que les gendarmes nationaux et les Casques bleus de l’ONU leur offrent une meilleure protection », a déclaré Mudge. « Il est urgent que la justice soit assurée et que la fin de l’impunité soit garantie afin de mettre fin aux cycles récurrents de violences».

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