Forced marriage in Turkey; outcome when a woman refuses to marry the designated man; outcome when a woman elopes with another man; attitude of state and availability of state protection [TUR37045.E]

En 1999, Pinar Ilkkaracan, directrice de l'organisme turc Femmes pour les droits des femmes (Women for Women's Human Rights -WWHR), a mené une étude sur la sexualité des femmes dans l'est de la Turquie et les résultats ont été publiés dans Women Living Under Muslim Laws (nov. 1999, 103). Elle a interviewé 599 femmes âgées entre 15 et 75 ans et qui provenaient de 19 collectivités différentes situées dans le sud-est et l'est du pays (Women Living Under Muslim Laws nov. 1999, 103). Pinar Ilkkaracan explique les écarts entre l'Est et l'Ouest comme suit :

[traduction]
La Turquie est l'un des pays les plus touchés par les problèmes découlant des différences régionales en termes de conditions socio-économiques, conditions qui empirent progressivement lorsqu'on se déplace d'ouest en est. Elles influent négativement sur le niveau de vie global, et leurs effets se sont ressentis davantage par les femmes que par les hommes. Alors que l'Ouest, très urbanisé, consomme la plupart des ressources des secteurs public et privé, l'Est compte une population qui vit en majorité en région rurale. [...] Bien que, depuis 1927, l'instruction au niveau primaire soit obligatoire en Turquie, en 1990, 50 p. 100 des femmes de l'Est du pays étaient illettrées par rapport à 21,6 p. 100 des hommes. Le taux d'analphabétisme est beaucoup plus faible dans l'Ouest du pays, où 19,7 p. 100 des femmes et 7,4 p. 100 des hommes sont analphabètes (ibid., 101-102).

Les extraits suivants sur les mariages forcés et arrangés ainsi que sur les relations extra-conjugales dans l'Est de la Turquie sont tirés de l'étude de Pinar Ilkkaracan :

[traduction]

Mariages forcés et arrangés

Même si, en vertu du code civil turc, le consentement des deux époux est préalable au mariage, les femmes n'ont souvent aucun mot à dire sur le choix de leur partenaire potentiel et se marient fréquemment contre leur gré. En fait, même lorsque la femme est consultée quant au choix de son époux, il existe un tel degré de contrôle social sur la sexualité des femmes par l'intermédiaire du tabou sur le sexe prénuptial, de certaines formes de pratiques religieuses et culturelles liées au mariage et de violence grave que tous ces éléments restreignent son droit de consentir pleinement.
La majorité des mariages (61,2 p. 100) sont arrangés par la famille; seul un mariage sur quatre est arrangé par le couple lui-même. Toutefois, même dans ce dernier cas, l'accord de la famille est très souvent une condition préalable au mariage. Un mariage sur 20 est un cas de berdel, tradition où une femme est offerte à titre de compensation à la famille de la femme de son père ou de son frère. Ces mariages sont fondés sur l'échange de mariées d'« égale valeur » , ce qui signifie que si un mariage échoue, l'autre doit aussi échouer. Par conséquent, dans ce type de mariage, la femme constitue plus ou moins une otage et il est peu probable que la famille permettra à la femme de se sauver ou de demander le divorce. Une femme a été offerte comme épouse à une famille en compensation d'un outrage commis contre cette famille par ses proches masculins, tandis qu'une autre a été contrainte de marier le cadet de son défunt mari. La coutume de fiancer les filles alors qu'elles sont encore bébés semble être en voie de disparaître, mais elle continue tout de même à être pratiquée (0,9 p. 100).
[...]

Relations extra-conjugales

À l'heure actuelle, il n'existe en Turquie aucune loi officielle restreignant le droit d'une femme à établir une relation avec un homme ou une femme de son choix, que ce soit avant, pendant ou après le mariage. Cependant, les relations extra-conjugales sont absolument taboues pour les femmes de la région; par contre, les relations extra-conjugales des hommes sont largement acceptées par l'entremise de l'institution de la polygynie. La peine habituelle infligée aux femmes soupçonnées d'avoir commis un tel crime dans la région est la mort, ou le meurtre soi-disant d'honneur. Le « meurtre d'honneur » est une expression utilisée pour désigner le meurtre d'une femme soupçonnée d'avoir transgressé les limites du comportement sexuel imposé par la tradition, en particulier d'avoir cultivé une relation prénuptiale avec un homme ou de s'être engagée dans une présumée aventure extra-conjugale.
Jusqu'en 1996, en vertu du code pénal de la Turquie, la fornication était une infraction criminelle et n'avait pas la même définition selon qu'il s'agissait d'un homme ou d'une femme. En décembre 1996, l'article qui définissait la fornication par l'homme et, en juin 1998, l'article qui définissait la fornication par la femme ont tous deux été abrogés par le tribunal constitutionnel de la Turquie au motif que ces différences enfreignaient l'article 10 de la constitution turque, lequel énonce que l'homme et la femme sont égaux devant la loi. Les articles abrogés énonçaient que pour une femme, un acte sexuel complet avec un homme autre que son mari suffisait pour la déclarer coupable de fornication. Un homme marié ne pouvait être déclaré coupable de fornication à moins que, preuves à l'appui, il ne demeure avec une femme autre que son épouse. Depuis l'abrogation de ces articles, la fornication n'est plus considérée comme un crime aux termes de la législation officielle.
[...]
La fornication ne figure plus parmi les infractions criminelles depuis peu et, bien qu'il n'existe aucune disposition faisant explicitement renvoi aux « crimes d'honneur » dans le code pénal turc, cette tradition est toujours bien vivante aux termes de la loi. Une aventure extra-conjugale d'un mari ou d'une épouse fait figure de « provocation » et la peine peut être réduite d'un huitième si l'on juge qu'une telle provocation a eu lieu (ibid., 106, 108-109).

Les Country Reports 2000 indiquent ce qui suit concernant les [traduction] « meurtres d'honneur » :

[traduction]
Le « meurtre d'honneur » - meurtre d'une femme soupçonnée d'avoir été impure par les membres de sa famille immédiate - continue de se produire dans les régions rurales et parmi les personnes récemment immigrées dans les villes; selon des nouvelles, il y a peut-être des dizaines de meurtres de ce type chaque année. Aux termes de la loi, les meurtres qui ont été « provoqués » (comme les meurtres d'honneur) peuvent être punis moins sévèrement que les autres types de meurtres. Les observateurs ont fait remarquer qu'en raison des réductions accrues de sentences accordées aux délinquants juvéniles, les jeunes hommes de la parenté sont souvent désignés pour commettre ces meurtres. Les autorités gouvernementales ont tenté, en vain, de communiquer clairement que cette pratique était intolérable en poursuivant les responsables de ces meurtres. Le problème revêt une autre dimension, celle des suicides parmi les jeunes filles forcées de se marier. Le Sud-Est du pays compte le plus grand nombre de suicides, ayant enregistré une hausse de plus de 50 p. 100 depuis 1993; 80 p. 100 de ces suicides sont commis par des femmes. Le « test de virginité » traditionnel se fait toujours, malgré qu'il soit interdit conformément aux règlements du gouvernement sauf si l'intéressée le demande (2001).

En novembre 2000, le Washington Post a signalé que dans le Sud-Est de la Turquie, [traduction] « région la plus traditionnelle du pays » , le taux de suicide chez les jeunes femmes augmente (9 nov. 2000). Cette région de la Turquie [traduction] « est aussi un endroit où les traditions tribales sont bien ancrées et où l'analphabétisme est généralisé. Des jeunes filles d'à peine 13 ans sont parfois mariées contre leur gré à des sexagénaires » (ibid.).

Un quotidien turc a signalé, en juin 2001, que trois frères avaient reçu des peines réduites pour le meurtre, en juin 2000 à Istanbul, de leur sœur qui aurait été forcée de se marier (Turkish Daily News 13 juin 2001). Tout d'abord, les trois frères avaient reçu des peines d'emprisonnement à vie, mais le tribunal d'Istanbul a réduit ces peines [traduction] « au motif qu'il y avait eu "provocation grave" puisque la victime se serait enfuie du domicile de son époux à cinq reprises et qu'elle "se serait livrée à la prostitution" » (ibid.). Un des frères a reçu une peine de douze ans, un autre des frères, une peine de huit ans et le troisième, qui avait aurait reçu une peine de quatre ans, a été remis en liberté [traduction] « en raison des particularités du système judiciaire turc » (ibid.).

Selon un article publié dans le Los Angeles Times, en ce qui concerne les [traduction] « meurtres d'honneur » , qui se déroulent principalement dans le Sud-Est de la Turquie, [traduction] [...] « le gouvernement est en voie de préparer une loi qui abolirait la pratique courante qui consiste à réduire les peines visant les meurtres d'honneur » (10 sept. 2000). Toutefois, le même article traite des attitudes sociales et de leur incidence sur les décideurs :

[traduction]
« Nos juges subissent des pressions sociales énormes les incitant à alléger les peines » , déclare Sabri Cepik, président de l'association des avocats de Sanliurfa. « Aux yeux de la population, le meurtrier a tout simplement rempli son devoir. Il est aussi victime, car il n'a d'autre choix que d'obéir. »
[...]
Senay Eser, cadre supérieur de la fonction publique participant à l'élaboration du projet [de loi], reconnaît que les lois resteront quasi impuissantes à empêcher les meurtres d'honneur dans la région pauvre du Sud-Est « tant que les tribus continueront d'exercer leur pouvoir » .
Pour l'instant, rien ne porte à croire que les politiciens de la Turquie souhaitent remettre en question la structure tribale existante dans la région kurde. On peut s'acquérir les votes de toute une tribu en entretenant de bonnes relations avec son chef. Bon nombre de législateurs élus qui proviennent des provinces kurdes sont eux-mêmes des chefs de tribus.
« Pour ces personnes, critiquer les crimes d'honneur équivaudrait à commettre un suicide politique » , de dire Hashim Hashimi, législateur kurde de la province de Diyarbakir, dans le Sud-Est (ibid.).

Aucune information précise concernant les mariages secrets n'a pu être trouvée parmi les sources consultées.

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais prescrits. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile ou de statut de réfugié.

Références


Country Reports on Human Rights Practices for 2000. 2001. Département d'État des États-Unis. Washington, DC. http://www.state.gov/www/global/human_rights/2000/eur/index.cfm?docid=844 [Date de consultation : 11 juin 2001]

The Los Angeles Times. 10 septembre 2000. « In Modern Turkey, Women Continue to Pay the Price for Honor » . http://www.latimes.com/news/nation/updates/lat_honor00910.htm [Date de consultation : 18 juin 2001]

Turkish Daily News [Ankara]. « Turkish Press Scanner: Hurriyet » . http://turkishdailynews.com/FrScannr/latest/scn_head.htm [Date de consultation : 13 juin 2001]

The Washington Post. 9 novembre 2000. « Suicides of Women Rising in Traditional Southeast Turkey » . www.washingtonpost.com [Date de consultation : 13 juin 2001]

Women Living Under Muslim Laws [Grabels, France]. Novembre 1999. Dossier 22. Pinar Ilkkaracan. « Exploring the Context of Women's Sexuality in Eastern Turkey » .

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