Türkiye : information sur le traitement réservé aux membres de la famille des personnes soupçonnées d’être des adeptes ou d’anciens adeptes du Hizmet [partisans du mouvement Gülen; gülénistes] en Türkiye; le traitement réservé aux personnes de retour au pays, y compris information indiquant si des profils particuliers d’adeptes ou d’anciens adeptes sont exposés à de plus grands risques à leur retour; la capacité des autorités turques de surveiller les personnes soupçonnées d’être des adeptes du Hizmet à l’étranger (2021–juin 2024) [TUR201739.EF]

Direction des recherches, Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada

1. Aperçu

Selon un rapport du ministère des Affaires étrangères (Ministry of Foreign Affairs) des Pays-Bas sur la Türkiye, les gülénistes sont des adeptes de Fethullah Gülen, un prédicateur islamique qui [vivait] en Pennsylvanie, et se qualifient d’adeptes du Hizmet Hareketi (Mouvement pour le service) (Pays-Bas 2023-08, 41). La même source souligne que le gouvernement turc a commencé à désigner le mouvement par l’appellation [traduction] « Fethullahçı Terör Örgütü (organisation terroriste des partisans de Fethullah - FETÖ) » (Pays-Bas 2023-08, 41). Des sources signalent que le gouvernement a imputé aux gülénistes (Aydıntaşbaş 2016-09) ou à Fethullah Gülen (The New York Times 2021-05-31) une tentative de coup d’État en 2016 (Aydıntaşbaş 2016-09; The New York Times 2021-05-31). Il est écrit dans un article publié en 2021 par le New York Times que, à la suite du coup d’État raté en 2016, le gouvernement turc avait détenu [traduction] « 100 000 personnes et congédi[é] 150 000 employés du secteur public » (2021-05-31). Des médias soulignent que Fethullah Gülen est mort aux États-Unis le 20 octobre 2024 (Turkish Minute 2024-10-21; AP 2024-10-21).

Citant deux [traduction] « sources confidentielles » ayant participé à un entretien en juin 2023, le rapport néerlandais, qui couvre la période de mars 2022 à février 2023, explique que [traduction] « [l]a vérification du statut des gülénistes (ou des prétendus gülénistes) en Türkiye était compliquée parce que le mouvement a été banni » dans le pays, et que les personnes « s’abstenaient de divulguer ouvertement leur affiliation au mouvement Gülen »; par conséquent, l’information « continuait de se faire rare, fragmentaire et de nature anecdotique » (2023-08, 7, 41). Par exemple, une source confidentielle interviewée en juin 2023 a affirmé dans le même rapport néerlandais que, en raison de son [traduction] « existence secrète », la taille du mouvement en Türkiye ne pouvait être confirmée (2023-08, 41). Selon des sources anonymes qui ont participé à un entretien en décembre 2021, dont il est fait état dans un rapport néerlandais publié en 2022 sur la Türkiye couvrant la période de mars 2021 à février 2022, les gens ne deviennent pas [traduction] « officiellement » membres du mouvement Gülen, puisqu’aucune carte de membre n’est délivrée aux nouveaux membres (Pays-Bas 2022-03, 7, 38). Au cours d’un entretien avec la Direction des recherches, un chercheur principal non résident au Programme d’études de la route de la soie (Silk Road Studies Program) [1] qui écrit au sujet d’enjeux politiques, religieux et liés à la sécurité en Türkiye, s’exprimant en son propre nom, a de même déclaré que le mouvement Hizmet ne tient aucune liste de membres et est doté d’une [traduction] « structure souple » (chercheur principal 2024-04-30). Enfin, le Manuel des sectes et mouvements islamiques (Handbook of Islamic Sects and Movements) publié en 2021, qui inclut un chapitre sur le mouvement Gülen rédigé par Caroline Tee [2], signale que, bien qu’il soit [traduction] « impossible de dire précisément combien de personnes sont ou ont été impliquées » dans le mouvement Hizmet, « une estimation extrêmement approximative pourrait situer le nombre d’affiliés de près au mouvement Gülen » en Türkiye « quelque part entre 500 000 et 2 millions de personnes à l’époque antérieure à 2016 » (Tee 2021, 97). La même source ajoute qu’une telle [traduction] « ambiguïté est en partie » due à l’absence d’exigences officielles pour l’adhésion, y compris « aucun rite d’initiation et aucun statut de membre manifeste », et « les personnes peuvent être impliquées à différents titres et avec des degrés d’engagement très variables » (Tee 2021, 97).

D’après des sources, comparativement aux conséquences de la tentative de coup d’État de 2016 (Pays-Bas 2023-08, 42; chercheur principal 2024-04-30), les mauvais traitements infligés aux gülénistes ont [traduction] « diminué d’intensité » (Pays-Bas 2023-08, 42) ou il y a [traduction] « moins de répression » (chercheur principal 2024-04-30). Toutefois, des sources signalent que les opérations menées par le gouvernement contre le mouvement de Gülen se poursuivent (Finlande 2024-06, 6; Pays-Bas 2023-08, 41) [traduction] « régulièreme[nt] » à petite ou à grande échelle (Pays-Bas 2023-08, 41) ou [traduction] « chaque semaine » avec une ou deux nouvelles opérations (Finlande 2024-06, 6). Selon un [traduction] « juriste turc » qui s’est entretenu en octobre 2023 avec le Service d’immigration finlandais (Finnish Immigration Service) pour les besoins de sa mission d’enquête en Türkiye, les autorités rendent publiquement compte de ces [traduction] « opérations » par l’entremise de leurs canaux officiels (Finlande 2024-06, 6).

Pour des renseignements additionnels sur le mouvement Hizmet, y compris la situation des adeptes ou des présumés adeptes et le traitement qui leur est réservé, et sur la façon dont les membres du mouvement Hizmet sont identifiés, y compris la façon dont des personnes ou des organisations pourraient être perçues comme membres du mouvement, veuillez consulter la Réponse à la demande d’information TUR106389 publiée en janvier 2020.

2. Traitement réservé aux membres de la famille de présumés adeptes ou anciens adeptes du Hizmet en Türkiye

D’après le chercheur principal, les membres de la famille des adeptes qui sont restés en Türkiye [traduction] « ont été pris pour cible » durant la « répression intense » qui a suivi le coup d’État manqué de 2016 (2024-04-30). Un représentant de Human Rights Watch qui s’est entretenu avec le Service d’immigration finlandais en octobre et en novembre 2023 a décrit la situation des membres de la famille de personnes liées au mouvement comme « une forme de "châtiment collectif" » (Finlande 2024-06, 18).

Au cours d’un entretien avec la Direction des recherches, un professeur agrégé dans une université du Royaume-Uni , dont les travaux de recherche sont axés sur la religion, la politique et l’histoire de la Türkiye, a affirmé que les associés d’une personne soupçonnée d’être güléniste sont placés dans le [traduction] « même panier » que la personne elle-même soupçonnée d’être güléniste, y compris « les membres de la famille, les amis, les sympathisants et les groupes sociaux » (professeur agrégé 2024-04-26). Il ressort du rapport sur la mission d’enquête du Service d’immigration finlandais que [traduction] « de nombreux » enfants de « "figures bien connues" » liées au mouvement Gülen ont fait l’objet d’enquêtes en raison de leurs « situations familiales » lorsqu’ils ont atteint l’âge adulte; cependant, les autorités ont donné d’autres raisons pour justifier leur intérêt envers ces personnes, comme avoir un compte à la Bank Asya ou utiliser l’application ByLock, ces deux choses étant vues par les autorités comme une preuve d’association au mouvement Gülen (Finlande 2024-06, 18, 26). Il est écrit dans un rapport publié par İnsan Hakları Derneği (IHD), une ONG turque de défense des droits de la personne, que les [traduction] « principales caractéristiques et conséquences des décrets-lois sur l’état d’urgence » qui ont été promulgués par le gouvernement turc à la suite du coup d’État manqué de 2016 comprenaient l’annulation des passeports des épouses et des enfants des fonctionnaires qui ont été congédiés de leurs emplois parce qu’ils étaient soupçonnés d’être des gülénistes (IHD 2021-12, 4). De même, dans un rapport d’information sur les pays publié en septembre 2020 par le ministère des Affaires étrangères et du Commerce (Department of Foreign Affairs and Trade - DFAT) de l’Australie, on peut lire que, après la tentative de coup d’État survenue en 2016, les autorités ont annulé le passeport des membres de la famille de [traduction] « personnes prétendument associées au mouvement güléniste » (Australie 2020-09-10, paragr. 5.26). Selon la même source, [traduction] « [c]ertains membres de la famille de personnes se trouvant à l’étranger et faisant l’objet d’accusations d’affiliation au cercle güléniste ont vu leur passeport annulé par le gouvernement ou se sont vu refuser la délivrance de ce document » (Australie 2020-09-10, paragr. 5.38).

Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches en 2024, un avocat et directeur de l’Initiative des avocats arrêtés (Arrested Lawyers Initiative - TALI) [3], s’exprimant en son propre nom, a partagé un document qu’il avait préparé en septembre 2023, selon lequel les autorités turques continuent de pourchasser les époux des personnes associées au mouvement [traduction] « de manière semblable » à celle qui avait cours dans la foulée du coup d’État manqué, « mais peut-être pas aussi activement » (avocat 2024-05-15). La même source a écrit que, le 18 octobre 2022, 704 personnes, y compris [traduction] « plus de » 250 femmes, dont la plupart étaient des « membres de la famille » de personnes incarcérées en Türkiye en raison de leurs liens avec le mouvement Hizmet, avaient été arrêtées pour avoir échangé entre elles de la nourriture ou de l’argent (avocat 2024-05-15). L’avocat a déclaré que ce cas [traduction] « n’est pas isolé » et que de telles opérations sont « régulièrement » menées par la police turque « sous prétexte de lutter contre le financement du terrorisme » (2024-05-15).

Des sources signalent que les membres de la famille de gülénistes, y compris de présumés gülénistes, peuvent avoir de la difficulté à trouver un emploi (Pays-Bas 2023-08, 46; Finlande 2024-06, 54), [traduction] « surtout les familles où l’un des époux est incarcéré » (Finlande 2024-06, 54). Selon un chercheur doctorant à l’Université d’Helsinki qui s’est entretenu en mai 2023 avec le Service d’immigration finlandais, ces familles sont [traduction] « exclues de la société » et « étiquetées comme des "terroristes" »; par conséquent, « des personnes dont le conjoint fait l’objet d’une enquête peuvent choisir de demander le divorce par crainte de perdre leur emploi » (Finlande 2024-06, 54). De même, le chercheur principal a fait observer que la forme de mauvais traitement [traduction] « la plus courante » infligée aux membres de la famille de présumés gülénistes est le congédiement; toutefois, d’autres « étaient socialement ostracisés » ou « ont vu leurs maisons faire l’objet de descentes policières » (2024-04-30). Parmi les exemples donnés par le chercheur principal, il y a celui d’une femme, dont l’époux avait fui la Türkiye, qui a eu [traduction] « de la difficulté à obtenir des médicaments pour son fils », puisque les médecins ne voulaient pas que leurs noms apparaissent sur une ordonnance pour son fils; dans un autre exemple, le frère d’une personne qui a fui aux États-Unis à la suite de la tentative de coup d’État a été détenu en Türkiye, et les autorités ont effectué une descente à la maison de leur mère et l’ont soumise à un interrogatoire (2024-04-30).

Le chercheur principal a affirmé que [traduction] « [l’]ostracisme social » auquel sont exposées les personnes associées au mouvement Gülen ou les gülénistes « était punitif », y compris dans le cas des avocats tenus par l’État de représenter les personnes soupçonnées d’être gülénistes et les époux de gülénistes, et qui ont par la suite été incapable d’accéder à un emploi (2024-04-30). De même, Amnesty International signale que des centaines d’avocats ont été [traduction] « pris pour cible dans le cadre d’enquêtes criminelles abusives et de poursuites injustes, accusés des crimes prétendument commis par leurs clients » (2021-01-23).

3. Surveillance des présumés adeptes du Hizmet à l’étranger

Il ressort d’un rapport publié en octobre 2021 par le Centre pour la liberté de Stockholm (Stockholm Center for Freedom - SCF), une organisation sans but lucratif qui documente et surveille les droits de la personne en Türkiye [4], que les autorités [traduction] « ont étendu leur portée à des dizaines de milliers de citoyens turcs à l’étranger » en ayant recours à « des missions diplomatiques et des organisations de la diaspora progouvernementales » qui ont effectué de la surveillance, refusé des services consulaires et commis des actes [traduction] « [d’]intimidation et des rapatriements illégaux » (2021-10, 5). Selon le professeur agrégé, les autorités turques se livrent à une [traduction] « répression transnationale », y compris « à des activités de contrôle et de surveillance et à la confiscation de passeports » depuis 2016, le tout visant des personnes dans des pays comme la Belgique, la France, l’Allemagne, le Kosovo, la Serbie et la Suède (2024-04-26). De même, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) souligne que la Türkiye a [version française du Conseil de l’Europe] « utilisé certains outils de répression transnationale, notamment après la tentative de coup d’État de juillet 2016 » et qu’elle a une « politique constante qui consiste à poursuivre entre autres toute personne prétendument liée au "mouvement Gülen" » (Conseil de l’Europe 2023-06-05, 3).

L’article publié en 2021 par le New York Times signale que les membres du corps enseignant et de l’administration de [traduction] « certaines » des écoles du Hizmet avaient été « extradés ou expulsés avec la collaboration de certains pays, y compris le Kosovo, la Bulgarie et la Malaisie » (2021-05-31). L’organisation Human Rights Watch souligne dans un rapport publié en 2024 sur la répression transnationale qu’il y a [traduction] « plusieurs cas » d’enlèvement où les autorités turques ont fait fi des lois et des décisions judiciaires étrangères (2024-02, 19). Par exemple, la même source signale que les autorités turques ont participé en mai 2021 à [traduction] « [l’]enlève[ment] » d’une personne au Kirghizistan « accusée d’avoir été liée au mouvement Gülen en 2019 »; une semaine après l’enlèvement, la personne « a refait surface sous garde policière à Ankara » (Human Rights Watch 2024-02, 19). Human Rights Watch ajoute que cette pratique des autorités turques, [traduction] « en collaboration avec les autorités des pays où la primauté du droit est faible », s’est poursuivie à la suite des élections de mai 2023 en Türkiye, avec l’enlèvement de deux personnes accusées d’être associées au mouvement Gülen en juillet et en septembre 2023 par les autorités tadjikes, qui ont transporté les personnes par avion en Türkiye, où elles ont été détenues en attendant leur procès (2024-02, 19). Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un représentant de l’Alliance pour les valeurs partagées (Alliance for Shared Values - AfSV), [traduction] « une organisation-cadre sans but lucratif par laquelle peuvent se faire entendre les organisations civiques et organismes de services associés à l’initiative sociale güléniste aux États-Unis » (AfSV s.d.), a déclaré que les autorités turques avaient [traduction] « enlev[é] et illégalement transfér[é] » des personnes en Türkiye en employant une « diversité de moyens illégaux », y compris « des extraditions pour de fausses accusations, des déportations, des expulsions et d’autres transferts illégaux » (AfSV 2024-04-29). Un document sur les disparitions forcées en Türkiye présenté en 2024 au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) par la Fondation pour les journalistes et les écrivains (Journalists and Writers Foundation - JWF), une organisation de la société civile qui est sise à New York et dont le président honoraire était Fethullah Gülen (JWF s.d.), signale que 144 personnes [traduction] « [d’]au moins » 33 pays avaient été « enlev[ées] et illégalement transfér[ées] » en Türkiye (JFW 2024-02-26, 3). D’après le New York Times, l’ancien vice-premier ministre de la Türkiye, Bekir Bozdağ, [traduction] « s’est vanté que des agents secrets turcs dans 18 pays avaient capturé 80 Turcs soupçonnés d’entretenir des liens avec le mouvement Gülen » en 2018 (2021-05-31).

Le chercheur principal a déclaré que, bien que [traduction] « l’agence de renseignement [de la Türkiye] ait enlevé des membres dans d’autres pays », il y a une « réticence à procéder à des enlèvements dans des pays "de première classe" » comme ceux de l’Amérique du Nord et de l’Europe; par conséquent, « la plupart des enlèvements se font en Asie centrale, dans les pays non membres de l’Union européenne, dans le monde arabe et en Afrique » (2024-04-30). Le rapport publié en 2021 par la SCF fait état de cas de [traduction] « retours forcés » de ressortissants turcs depuis 2016 en provenance de l’Albanie, de l’Azerbaïdjan, du Cambodge, du Gabon, du Kazakhstan, du Kenya, du Kosovo, du Kirghizistan, du Liban, de la Malaisie, de la Moldova, de la Mongolie, du Myanmar, du Pakistan, du Soudan, de la Thaïlande et de l’Ukraine (2021-10, 2). En outre, le chercheur principal a fait observer que les enlèvements [traduction] « ont vu leur nombre diminuer au cours des dernières années » (2024-04-30). Il est écrit dans un article publié par l’Agence Anadolu (AA), une agence de presse d’État turque (Reuters s.d.), que, en octobre 2023, les services de renseignement turcs ont [traduction] « amené un membre fugitif recherché » du Hizmet en Türkiye « après l’avoir capturé » au Tadjikistan (2023-10-05).

Selon des sources, INTERPOL a rejeté 839 (Nordic Research and Monitoring Network 2024-04-04) ou [traduction] « près de 800 » (The Guardian 2021-11-25) notices rouges soumises par la Türkiye en vue d’extrader des personnes se trouvant à l’étranger (Nordic Research and Monitoring Network 2024-04-04; The Guardian 2021-11-25) de 2016 à 2021 (Nordic Research and Monitoring Network 2024-04-04).

La BBC signale que, en juillet 2022, la Türkiye a exigé que la Suède et la Finlande lui remettent [traduction] « plus de 70 personnes » ayant des liens avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (Partiya Karkerên Kurdistanê - PKK) et avec Fethullah Gülen en échange de son appui à l’adhésion des deux pays à l’OTAN (2022-07-05). L’organisation Freedom House souligne que [traduction] « plusieurs journalistes » figurent parmi les « personnes recherchées » en Suède et en Finlande (2023-04, 3).

4. Traitement réservé aux personnes qui retournent dans le pays, y compris profils des personnes prises pour cible

Le professeur agrégé a affirmé que le mouvement Gülen n’est plus le [traduction] « sujet d’actualité » qu’il était en 2016 (2024-04-26). Le chercheur principal a déclaré que les autorités turques prendraient pour cible les personnes de retour au pays qui sont de présumés gülénistes, qui étaient membres des forces militaires ou de sécurité, qui travaillaient dans les médias ou qui dirigeaient une ONG (2024-04-30). La même source a ajouté que les membres de rang inférieur et les sympathisants du mouvement Gülen, ainsi que les personnes de retour en Türkiye en tant que demandeurs d’asile déboutés ou en raison de l’expiration de leurs visas étaient [traduction] « souvent persécutés » (chercheur principal 2024-04-30). Le professeur agrégé a dit que les personnes perçues comme appartenant au mouvement Gülen, y compris des sympathisants, des membres des corps enseignant et infirmier ainsi que des ingénieurs, pouvaient souffrir d’isolement et d’un manque de soutien social, ne pas avoir accès à l’emploi et risquaient l’incarcération pour « eux-mêmes ou des membres de leur famille » (2024-04-26). La même source a en outre déclaré que certaines entreprises, universités et écoles secondaires sont perçues comme étant liées au mouvement Hizmet; les personnes rattachées à ces entités, peu importe la véritable nature de leur association au Hizmet, se voient refuser de nouveaux emplois (professeur agrégé 2024-04-26). Cependant, d’après le rapport néerlandais publié en 2023, l’information sur le traitement réservé aux personnes de retour au pays dont il est fait état dans le document est [traduction] « anecdotique et fragmentaire », étant donné qu’il n’y a pas de personne, d’agence ou de système qui assure un suivi de la situation des personnes de retour au pays; il n’en demeure pas moins qu’une « source confidentielle » ayant participé à un entretien en juin 2023, qui « connaissait divers migrants irréguliers et demandeurs d’asile déboutés qui étaient retournés en Türkiye en 2022 », n’était pas au courant d’une situation où une de ces personnes avait subi une [traduction] « détention après son retour » (Pays-Bas 2023-08, 88). La même source confidentielle a fait observer que le [traduction] « risqu[e] » de détention survenait si la personne de retour au pays était visée par une affaire criminelle en instance (Pays-Bas 2023-08, 88).

Le représentant de l’AfSV a affirmé que certaines personnes qui n’avaient aucun lien avec le mouvement Hizmet étaient néanmoins considérées comme [traduction] « coupables par association » (2024-04-29). Citant une [traduction] « source confidentielle » ayant participé à un entretien en juin 2023, le rapport néerlandais souligne qu’il n’était « pas toujours évident de savoir comment les autorités turques en venaient à décider quel güléniste prendre pour cible », puisque, dans le passé, le mouvement était « profondément enraciné dans tous les recoins de la société turque », y compris dans les écoles, les hôpitaux et les organisations caritatives affiliés (Pays-Bas 2023-08, 42). La même source souligne, comme elle l’a fait dans ses deux rapports précédents sur la Türkiye publiés en mars 2021 et mars 2022, que des personnes non affiliées au mouvement, y compris des opposants politiques, des défenseurs des droits de la personne et des [traduction] « membres de syndicats de gauche », ont également « été accusés » d’entretenir des liens avec le mouvement Gülen (Pays-Bas 2023-08, 43).

D’après le chercheur principal, des personnes [traduction] « très en vue » qui sont « actives au sein du mouvement » ont quitté la Türkiye avant la tentative de coup d’État de 2016; le chercheur principal n’était pas au courant du retour d’une quelconque « personne très en vue » en Türkiye (2024-04-30). Le juriste turc ayant participé à un entretien en octobre 2023 avec le Service d’immigration finlandais a déclaré que, étant donné qu’un [traduction] « nombre sans précédent de personnes avait déjà été arrêté », il y avait eu diminution du nombre d’adeptes du mouvement Gülen en Türkiye (Finlande 2024-06, 8).

L’avocat a affirmé qu’une personne peut être condamnée pour un nombre de facteurs, y compris posséder des billets de banque en dollars américains, [traduction] « télécharger l’application ByLock, avoir un compte à la Bank Asya, être membre de syndicats ou d’associations liés au mouvement Gülen, participer à des rassemblements religieux (sohbet) et travailler au sein d’institutions associées au mouvement » (2024-05-15). Des sources signalent que le fait d’avoir un compte bancaire à la Bank Asya ou de télécharger l’application ByLock (Pays-Bas 2023-08, 43; Finlande 2024-06, 26) sont [traduction] « "deux éléments" présents dans la plupart des déclarations de culpabilité » (Finlande 2024-06, 26) ou figurent parmi [traduction] « un éventail de critères » que les autorités turques utilisent pour « cible[r] » des personnes (Pays-Bas 2023-08, 43).

Le représentant d’AfSV a fait observer que les adeptes du Hizmet

[traduction]

qui ont travaillé dans des écoles, des établissements ou des organisations affiliés au Hizmet semblent être plus à risque. Les personnes présumées être des adeptes du Hizmet qui ont travaillé dans le passé dans le domaine de l’application de la loi, au sein des forces militaires ou au gouvernement sont également plus à risque, en particulier les détenus « de premier plan », comme d’anciens juges, procureurs, militaires, membres du personnel des autorités d’application de la loi et autres hauts fonctionnaires ayant été congédiés dans la foulée de la tentative de coup d’État du 15 juillet 2016 (AfSV 2024-04-29).

Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé d’autres renseignements allant dans le même sens.

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l’aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n’apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d’une demande d’asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d’information.

Notes

[1] Le Programme d’études de la route de la soie (Silk Road Studies Program) et l’Institut de l’Asie centrale et du Caucase (Central Asia-Caucasus Institute), ensemble, [traduction] « constituent un centre conjoint de recherche et de politique transatlantique » qui est « indépendant et financé par le secteur privé » et dont l’assise se trouve aux États-Unis et en Suède (Central Asia-Caucasus Institute and Silk Road Studies Program Joint Center s.d.).

[2] Caroline Tee est professeure d’anthropologie de l’islam à l’Université de Chester, au Royaume-Uni; elle produit des travaux de recherche axés sur la relation entre la religion et la politique démocratique, elle a travaillé sur le terrain en Türkiye et ses publications portent [traduction] « principalement » sur la minorité alévie et le mouvement Gülen en Türkiye (University of Chester s.d.).

[3] L’Initiative des avocats arrêtés (Arrested Lawyers Initiative - TALI) est une organisation de défense des droits de la personne dont le siège est à Bruxelles constituée d’avocats qui, depuis 2016, militent pour la protection des avocats et des défenseurs des droits de la personne contre [traduction] « la peur de l’intimidation, des représailles et du harcèlement judiciaire », en particulier en Türkiye (TALI s.d.).

[4] Selon l’Associated Press (AP), Abdullah Bozkurt, l’actuel directeur du Centre pour la liberté de Stockholm (Stockholm Center for Freedom - SCF) (SCF s.d), était l’ancien rédacteur en chef du [traduction] « journal Today's Zaman, lié au mouvement Gülen » (AP 2024-10-21).

Références

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Journalists and Writers Foundation (JWF). 2024-02-26. Elections and Enforced Disappearances in Turkiye. JWF's Input to Thematic Study by WGEID to HRC 57th Session. [Date de consultation : 2024-10-24]

Journalists and Writers Foundation (JWF). S.d. « Honorary President ». [Date de consultation : 2024-10-24]

The New York Times. 2021-05-31. Carlotta Gall & Abdi Latif Dahir. « Turkey Claims to Have 'Captured' Cleric's Relative in Kenya ». [Date de consultation : 2024-04-03]

Nordic Research and Monitoring Network. 2024-04-04. « Turkey's Abuse of Interpol Halts Partnership with CAR, an Organization that Traced ISIS Explosives to Turkish Firms ». [Date de consultation : 2024-10-04]

Pays-Bas. 2023-08. Ministry of Foreign Affairs. General Country of Origin Information Report on Türkiye. [Date de consultation : 2024-05-06]

Pays-Bas. 2022-03. Ministry of Foreign Affairs. General Country of Origin Information Report: Turkey. [Date de consultation : 2024-10-21]

Professeur agrégé, Royaume-Uni. 2024-04-26. Entretien avec la Direction des recherches.

Reuters. S.d. « News Partner: Anadolu ». [Date de consultation : 2024-11-19]

Stockholm Center for Freedom (SCF). 2021-10. Turkey's Transnational Repression: Abduction, Rendition and Forcible Return of Erdoğan Critics. [Date de consultation : 2024-05-30]

Stockholm Center for Freedom (SCF). S.d. « About Us ». [Date de consultation : 2024-10-24]

Tee, Caroline. 2021. « The Gülen Movement: Between Turkey and International Exile ». Handbook of Islamic Sects and Movements. Vol. 21. Sous la direction de Muhammad Afzal Upal & Carole M. Cusack. Leyde : Brill. [Date de consultation : 2024-10-21]

Turkish Minute. 2024-10-21. « Turkish-Islamic Scholar Gulen Dies at 83 ». [Date de consultation : 2024-10-21]

University of Chester. S.d. « Professor Caroline Tee ». [Date de consultation : 2024-10-21]

Autres sources consultées

Sources orales : Amnesty International – section de la Türkiye; Centre for Türkiye Studies; chargé d’enseignement au Royaume-Uni qui s’intéresse particulièrement à l’érosion démocratique, au militarisme et à la militarisation; Helsinki Citizens' Assembly; professeur au Royaume-Uni spécialiste de la politique et des relations internationales turques; professeur en Suède qui étudie la culture, la société, la religion et la politique turques; Turkey Human Rights Litigation Support Project.

Sites Internet, y compris : Al Jazeera; Austrian Red Cross – ecoi.net; Balkan Insight; Bertelsmann Stiftung; Cambridge Scholars Publishing; Carnegie Endowment for International Peace – Carnegie Europe; The Citizen Lab; Deutsche Welle; Encyclopedia Britannica; États-Unis – Department of State; Euronews; Financial Times; France24; Freedom of Expression Association; International Crisis Group; International Peace Institute; Minority Rights Group; Nations Unies – Groupe de travail sur la détention arbitraire; PoliTurco; PR Newswire; Radio Free Europe/Radio Liberty; Reuters; Royaume-Uni – Home Office; Union européenne – Commission européenne, European Union Agency for Asylum; Wilson Center.

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