Russie : information sur la violence conjugale; l'aide et la protection offertes aux victimes de violence conjugale; les services de soutien et les refuges (2010-2013) [RUS104604.EF]

Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, Ottawa

1. Aperçu

Certaines sources signalent que la violence conjugale en Russie est [traduction] « généralisée » (RFE/RL 19 sept. 2010), est [traduction] « répandue » (AI févr. 2013a, 10), ou constitue un [traduction] « problème grave » (É.-U. 19 avr. 2013, 38; Russia Press Digest 4 juill. 2012). Selon Transitions Online, publication de Prague consacrée aux ex-pays communistes en Europe et dans l'ancienne Union soviétique, la [traduction] « violence est presque routinière » au sein des familles russes (12 mars 2012). Plusieurs sources soulignent que la société russe est patriarcale (Nations Unies 16 août 2010, paragr. 22; TO 12 mars 2012; RFE/RL 19 sept. 2010). La violence conjugale serait considérée comme une affaire privée (Nations Unies 16 août 2010, paragr. 22; Reuters 20 août 2013) ou comme un comportement [traduction] « normal » (TO 12 mars 2012; RFE/RL 19 sept. 2010).

Des sources font remarquer que de 10 000 (Reuters 20 août 2013; RFE/RL 28 janv. 2013; AI févr. 2013b, 7) à 14 000 femmes (ANNA juill. 2010, 6; BBC 28 févr. 2013; É.-U. 19 avr. 2013, 38) meurent chaque année en Russie à la suite d'incidents de violence conjugale. C'est le ministère de l'Intérieur [ou des Affaires internes] de la Russie qui aurait fait état du décès de 14 000 femmes en 2008 (ibid.; ANNA juill. 2010, 6). Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, la directrice de l'ONG ANNA - Centre national de prévention de la violence (ANNA - National Centre for the Prevention of Violence), dont le siège est à Moscou, a précisé que le ministère de l'Intérieur n'avait pas publié récemment de statistiques officielles sur son site Web, mais que la tendance pour les années 2010 à 2013 demeurait semblable à celle qui avait été observée au cours de la dernière période pertinente (23 oct. 2013).

On peut lire dans le Moscow Newsque, d'après les données communiquées par le Service des statistiques de l'État fédéral, 40 p. 100 des femmes en Russie sont victimes de violence verbale de la part de leur mari et 20 p. 100 sont agressées physiquement par leur époux; toutefois, aucun détail supplémentaire sur ces données n'est fourni (29 mai 2013). Deux sources signalent que, selon les statistiques sur l'application de la loi, 40 p. 100 de tous les crimes violents en Russie sont commis au sein de la famille (Reuters 20 août 2013; ANNA juill. 2010, 6). La BBC souligne que, [traduction] « d'après les estimations - qui sont fondées sur des études menées dans quelques régions données par le ministère de l'Intérieur de la Russie - », 600 000 femmes sont victimes chaque année en Russie de violence physique et verbale de la part de leur conjoint (28 févr. 2013).

Il est écrit dans un contre-rapport présenté au Comité des Nations Unies pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes (UN Committee on the Elimination of Discrimination against Women - CEDAW) et préparé par un groupe de spécialistes de la violence conjugale dirigé par ANNA que les statistiques sur les crimes de violence conjugale sont [traduction] « incomplètes, difficiles à obtenir ou tout simplement inexistantes » (ANNA juill. 2010, 6). Amnesty International (AI) souligne que les autorités ne conservent pas de statistiques ventilées et centralisées sur la violence conjugale, de sorte que la [traduction] « véritable ampleur de la violence conjugale contre les femmes en Russie demeure inconnue » (juin 2010, 12). Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, une professeure agrégée de sciences politiques et d'études féminines au Collège Brooklyn (Brooklyn College) de l'Université de la Ville de New York (City University of New York - CUNY), qui a effectué des travaux de recherche à long terme et qui a publié des ouvrages sur la violence faite aux femmes en Russie, a également précisé qu'il n'existait pas de statistiques crédibles sur les taux de violence conjugale pour la période allant de 2010 à 2013 et [traduction] « [qu'] il n'y avait aucun système en place pour recueillir des données crédibles sur le nombre de cas signalés à la police, de poursuites intentées en justice ou de déclarations de culpabilité » (professeure agrégée 22 oct. 2013).

En 2010, le CEDAW s'est dit préoccupé par le fait que la violence à l'égard des femmes [version française des Nations Unies] « dans toutes ses formes » a augmenté (Nations Unies 16 août 2010, paragr. 22). Cependant, selon le rapport national 2013 que la Russie a soumis au Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, le nombre de crimes violents commis contre des femmes a diminué depuis 2009 (Russie 6 févr. 2013, paragr. 166). Les autorités russes ont souligné que 222 543 cas de violence faite aux femmes ont été enregistrés en 2009, comparativement à 191 181 en 2010 et à 170 281 en 2011 (ibid.).

2. Lois

Certaines sources font remarquer que la Russie n'a adopté aucune loi pour lutter contre la violence conjugale (AI févr. 2013a, 10; ANNA juill. 2010, 9; RFE/RL 28 janv. 2013). Le code criminel ne traite pas précisément de la violence conjugale (The Moscow News 21 janv. 2013; ANNA juill. 2010, 9; É.-U. 19 avr. 2013, 38). La violence conjugale n'est pas définie non plus dans la loi (ibid., Nations Unies 11 déc. 2012).

Des sources signalent qu'un projet de loi a été élaboré afin de lutter contre la violence conjugale (ANNA 23 oct. 2013; The Moscow News 29 mai 2013; AI févr. 2013b, 7). Selon le Moscow News, le nouveau projet de loi a été présenté à la douma d'État en mai 2013 et prévoit des mesures judiciaires et non judiciaires pour protéger les victimes de violence conjugale, y compris de multiples sanctions contre les agresseurs, des poursuites pénales contre les contrevenants, la prévention du harcèlement à l'endroit des victimes et un budget consacré à l'aide offerte aux victimes (29 mai 2013). D'après la professeure agrégée, la chambre basse du Parlement compte un groupe de travail sur la violence familiale qui travaille à l'adoption de lois visant à lutter contre la violence conjugale (professeure agrégée 22 oct. 2013). Elle a dit que le projet de loi préconisait un soutien social accru pour les victimes, mais qu'il ne prévoyait pas d'ordonnances de protection (ibid.). La directrice d'ANNA a affirmé que le projet de loi était élaboré par le groupe de travail qui relève du ministère du Travail et du Développement social, mais qu'aucune audience n'avait encore été tenue au Parlement (23 oct. 2013). Des sources font remarquer que deux autres projets de loi visant à lutter contre la violence conjugale ont été présentés depuis 1991, mais qu'ils n'ont pas été adoptés (Reuters 20 août 2013; professeure agrégée 22 oct. 2013).

Des sources signalent qu'il n'existe aucun système en Russie permettant aux victimes de violence conjugale d'obtenir des ordonnances de protection ou de non-communication (RFE/RL 19 sept. 2010; ANNA juill. 2010, 13; professeure agrégée 22 oct. 2013).

Selon ANNA, le code criminel prévoit [traduction] « uniquement une protection partielle » pour les victimes de violence conjugale et « n'est pas efficace » en ce qui concerne la lutte contre ce type de violence (ANNA juill. 2010, 9, 14). La même source ajoute qu'il est [traduction] « extrêmement difficile » de prouver la violence conjugale, y compris la violence physique, au titre de la loi actuelle (ibid., 9). Radio Free Europe/Radio Liberty (RFE/RL), organisation de journalistes qui couvrent l'actualité [traduction] « dans 21 pays où la liberté de presse est interdite par le gouvernement ou n'est pas entièrement garantie » (s.d.), précise aussi que la loi actuelle prévoit [traduction] « peu de recours » pour les victimes de violence conjugale (28 janv. 2013). On peut lire dans le Moscow News que, comme aucune loi ne porte sur la violence conjugale, les contrevenants sont plutôt poursuivis aux termes d'autres articles du code criminel, de sorte que, souvent, des peines plus légères leur sont infligées ou ils ne sont pas jugés (29 mai 2013).

D'après les Country Reports on Human Rights Practices for 2012 du Département d'État des États-Unis, le viol est punissable d'un emprisonnement de trois à six ans lorsqu'il s'agit d'un seul violeur et d'un emprisonnement de quatre à dix ans dans le cas d'un viol en bande; des peines plus sévères sont imposées si la victime était mineure ou est décédée à la suite de l'agression (19 avr. 2013, 38).

3. Protection offerte par l'État
3.1 Efforts du gouvernement

Selon ANNA, il n'y a aucune [traduction] « approche systémique » à l'échelle gouvernementale ni aucune politique publique fédérale pour lutter contre la violence conjugale (juill. 2010, 4, 15). De même, AI signale que l'État n'a mis en place aucun [traduction] « programme complet » visant à combattre la violence conjugale (juin 2010, 13). Les deux sources soulignent également qu'aucun plan d'action national n'a été mis en œuvre relativement à cette question (ANNA juill. 2010, 16; AI juin 2010, 13). ANNA a précisé en 2010 que la Commission sur les femmes dans la Fédération de Russie (sous la responsabilité du sous-ministre) et la Commission sur les femmes, la famille et la démographie (sous la responsabilité du président) ont toutes deux été suspendues au cours des années précédentes (juill. 2010, 15). La professeure agrégée a écrit qu'aucun nouveau programme gouvernemental visant à lutter contre la violence conjugale n'a été établi entre 2010 et 2013 (22 oct. 2013). ANNA a aussi fait observer que le gouvernement n'offrait aucun programme fédéral de prévention de la violence sexuelle (juill. 2010, 21).

3.2 Police

Plusieurs sources soulignent que la police hésite à intervenir en cas de violence conjugale ou refuse de le faire (Freedom House 2013; ANNA juill. 2010, 18; É.-U. 19 avr. 2013, 38). Un avocat cité par un média russe a expliqué que, comme le code criminel ne traite pas précisément de la violence conjugale, la police peut [traduction] « ne pas donner suite aux appels [de victimes] concernant une querelle de ménage » (Russia Press Digest 4 juill. 2012). Par ailleurs, on peut lire dans les Country Reports 2012 qu'il arrive parfois que la police ne réponde pas aux appels de violence conjugale tant que la vie de la victime n'est pas en danger (É.-U. 19 avr. 2013, 38).

Des sources font remarquer que de nombreux policiers considèrent la violence conjugale comme une affaire [traduction] « familiale » ou « privée » (Freedom House 2013; ANNA juill. 2010, 4), ou encore comme une affaire [traduction] « personnelle » (Russian Press Digest 4 juill. 2012; ibid.). Reuters signale que la police russe recommande souvent aux victimes de violence conjugale de retourner à la maison et de se réconcilier avec leur mari (20 août 2013). Il est écrit dans les Country Reports 2012 que les policiers refusent souvent d'enregistrer les plaintes de violence conjugale (É.-U. 19 avr. 2013, 38).

Selon ANNA, il est [traduction] « extrêmement difficile » pour les victimes de violence conjugale d'obtenir l'aide de la police et, en l'absence de procédures établies, certains policiers entretiennent des [traduction] « préjugés », tombent dans les « stéréotypes » et adoptent des « attitudes personnelles » relativement aux cas qui leur sont signalés (ANNA juill. 2010, 8, 18). Le Comité des Nations Unies contre la torture s'est dit préoccupé par le nombre peu élevé de plaintes et d'enquêtes touchant les cas de violence conjugale, ainsi que par le fait que des pressions sont souvent exercées sur les femmes cherchant à obtenir la tenue d'une enquête pénale sur leurs allégations de violence conjugale afin qu'elles participent à un processus de réconciliation (11 déc. 2012). D'après la professeure agrégée, les policiers ne sont [traduction] « pas efficaces » quand vient le moment d'aider les victimes et hésitent à donner suite aux cas de violence conjugale au moyen des lois existantes en matière d'agression (22 oct. 2013).

Les autorités de la Russie soulignent que des séminaires de formation sur la violence conjugale ont été offerts aux policiers et aux étudiants des écoles de police, mais elles ne fournissent pas de détails supplémentaires sur la formation (Russie 6 févr. 2013, paragr. 168). Amnesty International précise que des ONG, en collaboration avec des écoles de police dans certaines régions de la Russie, y compris la région de Saratov et la République de Mari El, ont donné des séances de formation sur la violence conjugale à des policiers (juin 2010, 13). De même, la professeure agrégée a écrit que les policiers de certaines régions avaient reçu de la formation par l'intermédiaire de projets financés par des organismes étrangers (22 oct. 2013).

On peut lire dans les Country Reports 2012 que la police ne considère pas les viols commis par un époux ou par des connaissances comme une priorité et n'encourage pas les victimes à signaler de tels crimes (É.-U. 19 avr. 2013, 38). ANNA a fait observer que les policiers font preuve de préjugés, [traduction] « [d'] hostilité et [de] méfiance » à l'égard des victimes de violence sexuelle, les accusant parfois d'avoir provoqué la violence ou d'avoir inventé les accusations (juill. 2010, 26, 29). ANNA a également fait observer que les policiers n'ont pas bénéficié d'une formation spéciale sur le traitement des cas de violence sexuelle et que, souvent, ils omettent de faire en sorte que les victimes de violence sexuelle subissent un examen médico-légal (juill. 2010, 28-29).

3.3 Appareil judiciaire

Des sources précisent que la plupart des cas de violence conjugale donnent lieu à des poursuites [traduction] « privées » (BBC 28 févr. 2013; ANNA juill. 2010, 10). ANNA explique que la victime est alors tenue [traduction] « d'agir en tant que procureur, de présenter des éléments de preuve, de formuler les accusations et de demander que le fautif soit déclaré coupable », et que les citoyens ordinaires n'ont pas les connaissances juridiques nécessaires pour réussir à établir le bien-fondé de leur cas (ibid., 11). La même source s'est dite d'avis que, dans la plupart des cas de violence conjugale, les poursuites privées [traduction] « ne permettent pas [aux victimes] de bénéficier d'une protection de l'État adéquate », car elles n'ont pas les connaissances juridiques appropriées ou n'ont pas accès à l'aide juridique (ibid., 14). La professeure agrégée a souligné que les tribunaux [traduction] « ne sont pas efficaces » en ce qui concerne la lutte contre la violence conjugale et qu'en l'absence d'aide de la police et des tribunaux, certaines victimes font appel à des notaires publics, qu'elles doivent payer pour être représentées (22 oct. 2013).

Selon la BBC, des accusations criminelles peuvent être portées contre un agresseur uniquement en cas de blessures [traduction] « graves ou sérieuses » ou en cas de décès, et la majorité des cas ne peuvent pas donner lieu à des poursuites « criminelles » (28 févr. 2013). Le Russian Press Digest précise que [traduction] « le processus [consistant à intenter des poursuites criminelles contre les auteurs de violence conjugale] est long et complexe » (4 juill. 2012).

Des sources signalent que la majorité des affaires de violence conjugale sont rejetées pour des motifs techniques ou parce que les deux parties se sont réconciliées (ANNA juill. 2010, 11; É.-U. 19 avr. 2013, 38). On peut lire dans les Country Reports 2012 que les cas sont souvent déférés aux fins d'une procédure de réconciliation menée par un juge de paix, qui se préoccupe avant tout de préserver la famille plutôt que de poursuivre l'auteur de violence (ibid.). ANNA fait observer qu'il y a parfois des préjugés à l'égard des victimes de violence conjugale au sein de l'appareil judiciaire (juill. 2010, 19). Reuters souligne que les juges et les procureurs recommandent souvent aux victimes de violence conjugale de retourner à la maison et de se réconcilier avec leur mari, et que le tribunal impose une peine uniquement dans 3 p. 100 des affaires de violence conjugale (20 août 2013). Bien que la Direction des recherches n'ait trouvé aucune autre source faisant état de ce pourcentage, le Comité des Nations Unies contre la torture s'est dit préoccupé par le faible nombre de poursuites intentées pour actes de violence conjugale (11 déc. 2012, paragr. 14).

On peut lire dans les Country Reports 2012, qui citent des données de la Cour suprême, que 4 321 affaires de viol ont été portées devant les tribunaux en 2010 et que 3 642 l'ont été en 2011 (É.-U. 19 avr. 2013, 38). Parmi les sources qu'elle a consultées, la Direction des recherches n'a trouvé aucun renseignement sur le nombre de déclarations de culpabilité.

Des sources précisent que certains médecins refusent d'aider les victimes de violence sexuelle parce qu'ils ne veulent pas témoigner en cour (É.-U. 19 avr. 2013, 37; ANNA juill. 2010, 28) ou ne veulent pas avoir affaire au système judiciaire (ibid.).

4. Services de soutien

D'après RFE/RL, la Russie [traduction] « n'a pas l'infrastructure » nécessaire pour soutenir les victimes de violence conjugale et de nombreuses femmes n'ont aucun endroit où aller afin d'échapper à leur agresseur (28 janv. 2013). De même, le Moscow News souligne que les victimes [traduction] « manquent nettement de solutions de rechange à leur relation marquée par la violence » (29 mai 2013).

4.1 Refuges dirigés par le gouvernement

Le rapport 2010 du CEDAW fait état de l'absence de dispositif national en Russie pour héberger les victimes de violence conjugale et de [version française des Nations Unies] « l'insuffisance grave » des moyens dont disposent les rares refuges pour aider les victimes (16 août 2010, paragr. 22). Amnesty International s'est également dite préoccupée par le [traduction] « manque alarmant de refuges » (févr. 2013b, 7). ANNA fait aussi remarquer que le nombre de refuges n'est pas [traduction] « suffisant » (juill. 2010, 16).

Dans le rapport qu'elles ont présenté au Comité des droits de l'enfant des Nations Unies (Committee on the Rights of the Child - CRC), les autorités de la Russie déclarent que le pays compte [version française des Nations Unies] « 23 centres d'accueil pour femmes et enfants mineurs qui fournissent une aide d'urgence - services sociaux, soins, aide juridique, services d'adaptation et de réinsertion sociale et soutien psychopédagogique » (Russie, 27 août 2012, paragr. 137). AI et ANNA affirment aussi que l'État dirige à ce jour 23 refuges pour les victimes de violence conjugale (févr. 2013b, 7; 23 oct. 2013). Pour sa part, RFE/RL fait état de 40 refuges dirigés par l'État (28 janv. 2013). Amnesty International et ANNA précisent que les 23 refuges font partie d'un ensemble de plus de 3 000 petits centres de services sociaux appuyés par l'État qui se trouvent partout en Russie (AI févr. 2013b, 7; ANNA juill. 2010, 8, 16). Selon Amnesty International, certains de ces autres petits centres de services sociaux peuvent offrir un soutien d'urgence aux victimes de violence conjugale, en leur permettant entre autres de s'installer dans un refuge temporaire (AI févr. 2013b, 7). La directrice d'ANNA a écrit que les femmes peuvent rester jusqu'à six mois dans l'un des 23 refuges pour victimes de violence conjugale, mais que ce ne sont pas tous les refuges qui acceptent les enfants âgés de plus de 14 ans (ANNA 23 oct. 2013). Elle a souligné que ces refuges sont financés par les municipalités et qu'ils sont réservés aux résidants locaux, et a ajouté que l'enregistrement de la résidence était une condition à satisfaire pour avoir accès aux refuges (ibid.). D'autres sources signalent aussi que les refuges dirigés par le gouvernement sont réservés aux résidants locaux qui sont officiellement enregistrés dans une région donnée (AI févr. 2013b, 7; professeure agrégée 22 oct. 2013). D'après la professeure agrégée, afin de bénéficier des services sociaux de l'État, une personne est tenue par la loi d'être enregistrée dans la région précise où les services sont offerts, même si le personnel des centres peut tenter de répondre aux besoins d'autres gens (ibid.).

La professeure agrégée a affirmé ce qui suit en ce qui concerne les refuges dirigés par le gouvernement :

[traduction]

Il y a des refuges dirigés par le gouvernement dans de nombreuses régions de la Russie - environ 140 selon le Comité de la santé (Health Committee) de la douma d'État - qui accueillent parfois les victimes de violence conjugale, mais à ma connaissance, peu d'entre eux ont du personnel formé pour traiter les cas de violence conjugale. Il y a généralement moins d'une douzaine de lits dans chaque refuge [...] Il s'agit de refuges à court terme, une personne pouvant y rester d'un mois à six mois (ibid.).

Au dire de la professeure agrégée, les refuges dirigés par le gouvernement sont réservés aux femmes qui [traduction] « vivent une période de crise » ou qui se trouvent « dans une situation difficile » (professeure agrégée 24 oct. 2013). Elle a expliqué que les [traduction] « femmes peuvent aller passer quelques jours ou quelques semaines dans ces refuges afin de fuir une relation marquée par la violence (ou leur condition de sans-abri), mais que les travailleurs sociaux ont généralement pour objectif de réunir la famille » (ibid.). Elle a ajouté qu'aucun des refuges dirigés par le gouvernement n'est précisément réservé aux victimes de violence conjugale, mais que certains d'entre eux reconnaissent clairement que la violence conjugale est une situation de [traduction] « crise », ce qui n'est pas le cas des autres (ibid.).

4.1.1 Refuges à Moscou

Des sources signalent qu'il y a un refuge public pour les victimes de violence conjugale à Moscou (BBC 28 févr. 2013; Reuters 20 août 2013; professeure agrégée 22 oct. 2013). Amnesty International précise que ce refuge peut accueillir environ 12 femmes (févr. 2013b, 7), alors que Reuters souligne qu'il compte 30 lits (Reuters 20 août 2013). D'après Reuters, le refuge de Moscou, qui est appelé « Nadezhda », a fourni des services à 500 personnes en 2012 et offre notamment des services de psychothérapie (ibid.). La BBC fait observer que les femmes peuvent rester jusqu'à deux mois au refuge de Moscou (28 févr. 2013). Des sources expliquent que seules les femmes dont la résidence est officiellement enregistrée à Moscou peuvent avoir accès au refuge (AI févr. 2013b, 7; The Moscow News 21 janv. 2013). Il y a également un refuge public à Khimki, ville en banlieue de Moscou (ANNA 28 oct. 2013; professeure agrégée 22 oct. 2013), qui accueille uniquement les victimes de violence conjugale enregistrées dans cette ville (ibid. 24 oct. 2013).

4.1.2 Refuges à Saint-Pétersbourg

Selon la professeure agrégée, Saint-Pétersbourg compte un refuge régional et six refuges d'arrondissements municipaux qui peuvent accueillir au total 85 personnes (professeure agrégée 22 oct. 2013). Elle a écrit que ces refuges reconnaissent que la violence conjugale constitue une [traduction] « situation de vie difficile », mais que certains membres du personnel privilégient la réconciliation (ibid.) ou rejettent la responsabilité des actes de violence sur la victime (ibid. 24 oct. 2013). Au dire de la directrice d'ANNA, il y a trois refuges pour les victimes de violence conjugale à Saint-Pétersbourg (28 oct. 2013). Parmi les sources qu'elle a consultées, la Direction des recherches n'a trouvé aucun autre renseignement sur les refuges à Saint-Pétersbourg.

4.1.3 Refuges dans d'autres villes

La professeure agrégée a souligné, en s'appuyant sur des données recueillies par des collègues au cours de l'été 2013, qu'il y avait des refuges municipaux ou des refuges de l'État pour les femmes en crise dans les régions suivantes du nord-ouest de la Russie : Mourmansk (7 lits); Petrozavodsk (7 lits); Syktyvkar, république des Komis (9 lits) et Sorgvala (5 lits) (professeure agrégée 24 oct. 2013). Elle a toutefois précisé qu'elle ignorait de quelle façon ces refuges traitaient les cas de violence conjugale (ibid.).

D'après la directrice d'ANNA, en plus des refuges à Moscou, Khimki et Saint-Pétersbourg, il y a aussi des refuges de l'État pour les victimes de violence conjugale à Ijevsk, Iekaterinbourg, Tomsk, Tioumen, Perm, Petrozavodsk, Mourmansk, Saratov, Toula, Krasnodar, Arkhangelsk, Vologda, Tcheliabinsk, Vladivostok, Khabarovsk, ainsi que deux refuges à Barnaoul (28 oct. 2013). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a trouvé aucun autre renseignement sur ces refuges de l'État.

4.2 Services offerts par des ONG

Au dire de la directrice d'ANNA, il n'y a aucun refuge dirigé par une ONG en Russie, mais il existe actuellement deux initiatives visant l'ouverture de refuges à Pskov et Moscou (ANNA 23 oct. 2013). Elle a écrit qu'ANNA travaillait en collaboration avec l'Église orthodoxe afin d'ouvrir un refuge à Moscou qui peut accueillir dix personnes (ibid.). On peut lire dans le Moscow News que l'Église orthodoxe russe prévoit ouvrir des refuges partout en Russie, mais aucun détail n'est donné à cet égard (29 mai 2013).

La professeure agrégée a affirmé qu'il pourrait y avoir un ou deux refuges dirigés par des ONG en Russie, mais que tous ceux qu'elle connaissait ont fermé leurs portes (professeure agrégée 22 oct. 2013). Elle a souligné qu'une ONG de Saint-Pétersbourg qui se porte à la défense des victimes de violence conjugale a soutenu pouvoir mettre à la disposition de ces dernières de trois à sept lits (ibid.). Elle a ajouté que des ONG dirigeaient [traduction] « quelques » autres centres de crise pour les victimes de violence conjugale, mais qu'ils étaient peu nombreux à offrir de multiples services en raison du manque de ressources (ibid.).

ANNA assure le fonctionnement d'une ligne d'urgence partout au pays pour les victimes de violence conjugale (ANNA 23 oct. 2013; professeure agrégée 22 oct. 2013). Selon la directrice d'ANNA, cette ligne d'urgence est en service 12 heures par jour (23 oct. 2013).

En 2010, Amnesty International a signalé que les autorités locales de l'Altaï aidaient des ONG à mettre en place des refuges et des lignes d'urgence pour les victimes de violence conjugale (juin 2010, 13). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a trouvé aucun autre renseignement sur la situation au regard de ces services.

Il ressort du contre-rapport 2010 qu'ANNA a présenté au CEDAW que certaines ONG mettent divers services à la disposition des victimes de violence sexuelle, comme des lignes d'urgence et des centres de crise, mais que la prévention de la violence sexuelle et l'aide offerte aux victimes sont [traduction] « presque inexistantes » en Russie (juill. 2010, 22).

4.2.1 Incidence de la loi sur les ONG

Des sources soulignent que la loi adoptée en 2012 oblige toutes les ONG qui prennent part à des [traduction] « "activités politiques" » et qui reçoivent du financement étranger de s'enregistrer en tant « [qu'] agents étrangers » auprès du ministère de la Justice, et prévoit des amendes élevées et des peines d'emprisonnement pour tout défaut de se conformer (Freedom House 2013; HRHF 23 mai 2013, 2; AI févr. 2013b, 5). D'après Amnesty International, la nouvelle loi [traduction] « soulève d'importantes difficultés administratives pour les ONG, mine leur viabilité financière et donne aux autorités de nouvelles occasions de faire subir du harcèlement et de la pression aux organisations indépendantes de la société civile » (ibid.). Dans un rapport soumis au Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, la Human Rights House Foundation (HRHF), ONG possédant un statut consultatif spécial aux Nations Unies, a écrit qu'en mars 2013, les autorités de l'État avaient lancé une vaste campagne de vérification qui visait les ONG et qui a été menée [traduction] « de manière invasive, pernicieuse et intimidante » (HRHF 23 mai 2013, 3). Selon la HRHF, les ONG qui offrent un refuge aux victimes de violence conjugale comptent parmi les ONG visées en tant [traduction] « [qu'] "agents étrangers" », car bon nombre d'entre elles reçoivent du financement étranger (ibid., 4). De l'avis de la professeure agrégée, il est peu probable que les ONG sollicitent et que les donateurs versent les fonds nécessaires aux refuges en raison de cette loi (22 oct. 2013). La HRHF s'est dite préoccupée par le fait que la société civile en Russie [traduction] « se retrouve dans une situation où il sera impossible de fournir des services aux personnes dans le besoin » en raison de la mise en œuvre de cette loi (HRHF 23 mai 2013, 4).

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Références

Amnesty International (AI). Février 2013a. Amnesty International Assessment of States' Implementation of Recommendations from the Previous UPR [Universal Periodic Review]. (IOR 41/002/2013) <http://www.amnesty.org/en/library/asset/IOR41/002/2013/en/4c523376-66fa-43b4-a43b-bbce6ee211ba/ior410022013en.pdf> [Date de consultation : 17 oct. 2013]

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Autres sources consultées

Sources orales : Les tentatives faites pour joindre des représentants des organismes suivants ont été infructueuses : Association of Russia's Crisis Centres; City Center of Social Help for Women; « Syostri » Sexual Assault Recovery Center.

Sites Internet, y compris : Centre d'information du Forum des femmes indépendantes; Commission européenne; ecoi.net; Factiva; Fédération internationale des ligues des droits de l'homme; Hot Peaches Pages — International Directory of Domestic Violence Agencies; Human Rights Watch; legislationline.org; Nations Unies – Haut-Commissariat aux droits de l'homme, ONU Femmes, Refworld; Psychological Crisis Center for Women; Russie – Ministry of Interior; Russia Information Network; stopvaw.org; Syostri Center; Union européenne – European Institute for Gender Equality, Lobby européen des femmes.

Associated documents