Ouganda : information sur le traitement réservé aux personnes dont l’orientation et les caractères sexuels ainsi que l’identité et l’expression de genre (OCSIEG) doivent être pris en considération, et sur le traitement réservé aux membres de leurs familles, par la société et les autorités, y compris le cadre juridique et la protection offerte par l’État (2022-juillet 2024) [UGA201941.EF]

Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada

1. Cadre juridique

Selon la constitution de l’Ouganda, [traduction] « [l]e mariage entre personnes de même sexe est interdit » (Ouganda 1995, paragr. 31(2a)). D’après l’Indice de transformation de la Fondation Bertelsmann (BTI) 2022 (Bertelsmann Stiftung's Transformation Index 2022 – BTI 2022), qui [traduction] « examine la transition vers la démocratie et l’économie de marché ainsi que la qualité de la gouvernance dans 137 pays », les minorités sexuelles subissent de la « discrimination » et les « actes homosexuels restent criminalisés par une loi datant de l’époque coloniale » (Bertelsmann Stiftung 2022, 2, 14).

1.1 La loi contre l’homosexualité de 2023 (Anti-Homosexuality Act, 2023)

La loi contre l’homosexualité vise à [traduction] « interdire toute forme de relations sexuelles entre personnes de même sexe, à interdire la promotion ou la reconnaissance des relations sexuelles entre personnes de même sexe et à traiter les questions connexes » (Ouganda 2023). La loi [1] renferme les dispositions suivantes :

[traduction]

1. Interprétation

[…]

« âge avancé », personne de soixante-quinze ans ou plus;

« enfant », personne de moins de dix-huit ans;

[…]

2. L’infraction d’homosexualité

(1) Quiconque accomplit un acte sexuel sur une personne de même sexe ou permet à une personne de même sexe d’accomplir un acte sexuel sur elle se rend coupable de l’infraction d’homosexualité.

(2) Quiconque commet l’infraction d’homosexualité est passible, sur déclaration de culpabilité, de l’emprisonnement à vie.

(3) Quiconque tente d’accomplir un acte sexuel dans les circonstances visées au paragraphe (1) commet une infraction et est passible, sur déclaration de culpabilité, d’un emprisonnement maximal de dix ans.

(4) Pour l’application du paragraphe (3), est réputé avoir tenté de commettre une infraction quiconque, ayant l’intention de commettre une infraction, commence à mettre son intention à exécution par des moyens aptes à la réaliser et montre son intention par un acte manifeste, même s’il n’accomplit pas son intention au point de commettre l’infraction.

[…]

3. Homosexualité aggravée

(1) Quiconque commet l’infraction d’homosexualité dans l’une ou l’autre des circonstances décrites au paragraphe (2) commet l’infraction d’homosexualité aggravée et est passible, sur déclaration de culpabilité, de la peine de mort.

(2) Les circonstances visées au paragraphe (1) sont les suivantes :

(a) la victime de l’infraction est un enfant;

(b) le contrevenant est un parent, tuteur ou membre de la famille de la victime de l’infraction;

[…]

(d) le contrevenant est un contrevenant en série;

(e) le contrevenant est une personne exerçant une autorité sur la victime de l’infraction;

(f) la victime de l’infraction est une personne handicapée ou se voit infliger un handicap à cause de l’acte sexuel;

(g) la victime de l’infraction est une personne atteinte d’une maladie mentale ou souffre d’une maladie mentale à cause de l’acte sexuel;

(h) la victime de l’infraction est d’un âge avancé;

(i) l’acte sexuel est commis contre une personne en recourant aux menaces, à la force, à l’engendrement d’une crainte de blessures corporelles, à la contrainte ou à l’influence indue, à l’intimidation de quelque nature que ce soit, ou à de fausses représentations sur la nature de l’acte;

(j) la victime de l’infraction était, au moment où l’infraction a été commise, inconsciente ou dans un état de conscience altéré en raison de la consommation de médicaments, de drogues, d’alcool ou de toute autre substance ayant affaibli son jugement.

(3) Quiconque tente d’accomplir un acte sexuel dans les circonstances visées au paragraphe (1) commet une infraction et est passible, sur déclaration de culpabilité, d’un emprisonnement maximal de quatorze ans.

[…]

4. Peine applicable aux jeunes contrevenants

Tout enfant qui est déclaré coupable d’une infraction visée à l’article 2 ou 3 de la présente loi est passible, au lieu de la peine prévue à l’article correspondant, d’un emprisonnement maximal de trois ans.

[…]

6.Le consentement à l’acte sexuel n’est pas un moyen de défense

Le consentement d’une personne à accomplir un acte sexuel ne constitue pas un moyen de défense à une accusation au titre de la présente loi.

[…]

10.Interdiction du mariage entre personnes de même sexe

(1) Commet une infraction et est passible, sur déclaration de culpabilité, d’un emprisonnement maximal de dix ans quiconque :

(a) prétend contracter un mariage avec une personne de même sexe,

(b) préside, célèbre ou dirige une soi-disant cérémonie de mariage entre personnes de même sexe, ou agit comme témoin d’une telle cérémonie,

(c)assiste sciemment à un soi-disant mariage entre personnes de même sexe ou participe sciemment à la préparation d’un tel mariage.

(2) Pour l’application du présent article, « mariage » s’entend de l’union, formelle ou informelle, entre personnes du même sexe.

11. Promotion de l’homosexualité

(1) Quiconque fait la promotion de l’homosexualité commet une infraction et est passible, sur déclaration de culpabilité, d’un emprisonnement maximal de vingt ans.

(2) Fait la promotion de l’homosexualité quiconque :

(a) incite une autre personne à accomplir un acte sexuel ou à commettre tout autre acte qui constitue une infraction prévue par la présente loi ou la persuade d’accomplir un tel acte;

(b) annonce, publie, imprime, diffuse ou distribue sciemment, ou fait annoncer, publier, imprimer, diffuser ou distribuer, par quelque moyen que ce soit, y compris à l’aide d’un ordinateur, d’un système informatique ou de l’Internet, tout matériel faisant la promotion de l’homosexualité ou incitant à l’homosexualité ou à la perpétration d’une infraction prévue par la présente loi;

(c) apporte un soutien financier, en espèces ou en nature, en vue de faciliter des activités qui incitent à l’homosexualité ou à l’observance ou à la normalisation de comportements interdits au titre de la présente loi;

[…]

(e) gère une organisation qui fait la promotion de l’homosexualité ou qui incite à l’homosexualité ou à l’observance ou à la normalisation de comportements interdits au titre de la présente loi.

(3) Lorsqu’une infraction prévue au présent article est commise par une entité juridique, le tribunal peut :

(a) infliger une amende maximale de cinquante mille points de devise [369 000 $CAN] pour toute violation d’une disposition du présent article;

(b) suspendre le permis de l’entité pour une période de dix ans;

(c) annuler le permis accordé à l’entité.

[…]

16. Réadaptation des homosexuels

(1) Le tribunal peut, après avoir déclaré une personne coupable de l’infraction d’homosexualité, ordonner la prestation de services sociaux en vue de la réadaptation de la personne reconnue coupable.

(2) Les services visés au paragraphe (1) peuvent être fournis par le service correctionnel ou par un agent de probation et de protection sociale affecté au secteur où la personne reconnue coupable purge sa peine (Ouganda 2023, en gras dans l’original).

D’après un communiqué de presse publié sur le site Internet du Parlement de l’Ouganda, la loi contre l’homosexualité a pour but de [traduction] « protéger la famille traditionnelle en interdisant toute forme de relations sexuelles entre personnes de même sexe et la promotion de tels actes » et vise à « remédier aux lacunes » dans les lois nationales, y compris la loi sur le code pénal (Penal Code Act) (Ouganda 2023-03-22). D’après les Country Reports on Human Rights Practices for 2023 publiés par le Département d’État des États-Unis, les dispositions de la loi contre l’homosexualité [traduction] « sont discriminatoires » envers les membres de la communauté LGBTQI+, par exemple, en interdisant aux propriétaires et gestionnaires immobiliers de « louer sciemment à des personnes qui pourraient commettre des infractions » prévues par la loi et en exigeant que toute personne, y compris les membres du personnel médical, dénonce les personnes LGBTQI+ qui « pourraient commettre des infractions » prévues par la loi (É.-U. 2024-04-22, 44).

Des sources font observer que, le 3 avril 2024, la Cour constitutionnelle de l’Ouganda [traduction] « a réaffirmé la légitimité » de la loi contre l’homosexualité (HRAPF 2024-04-12, 3), ou [traduction] « "[a] confirm[é] la plupart des dispositions de la loi contre l’homosexualité, y compris la peine de mort dans certaines circonstances" » (Human Rights Watch 2024-04-04). Le Forum de sensibilisation et de promotion en matière de droits de la personne (Human Rights Awareness and Promotion Forum – HRAPF), une ONG ougandaise qui milite pour les droits des personnes marginalisées par [traduction] « un accroissement de l’accès à la justice, la recherche et la défense des droits, la sensibilisation aux droits reconnus par la loi et aux droits de la personne, le renforcement des capacités, et des partenariats stratégiques » (HRAPF s.d.), ajoute que la Cour [traduction] « a maintenu les infractions d’homosexualité, d’homosexualité aggravée, de manipulation psychologique d’un enfant, de mariage homosexuel et de promotion de l’homosexualité » (2024-04-12, 3). L’organisation Human Rights Watch signale que la Cour [traduction] « a invalidé les articles qui restreignaient l’accès aux soins de santé pour les personnes LGBT, criminalisaient la location de locaux à des personnes LGBT, et établissaient l’obligation de dénoncer tout acte homosexuel présumé » (2024-04-04).

2. Traitement réservé aux personnes en raison de leurs OCSIEG

D’après un rapport de l’Équipe de réponse stratégique (Strategic Response Team – SRT) [2] recensant les [traduction] « violations des droits de la personne commises » de janvier à août 2023 par des acteurs de l’État et des acteurs ne relevant pas de l’État, les auteurs de tels actes contre les personnes LGBTIQ+ comprennent « les forces de police ougandaises, les autorités de défense, les autorités des conseils locaux et des acteurs ne relevant pas de l’État, y compris des membres de la famille des personnes LGBTIQ+, des propriétaires, des médecins et des responsables de la santé publique » (2023-08, 8). L’organisation Freedom House fait remarquer que les personnes LGBT+ sont en butte à une [traduction] « hostilité manifeste » de la part des autorités et de la société (2024-02, sect. F4).

2.1 Traitement réservé par la société aux personnes en raison de leurs OCSIEG

Selon le rapport du BTI 2022, les personnes dont [traduction] « l’orientation sexuelle ne cadre pas avec les "valeurs morales" de la majorité de la population sont exposées à l’ostracisme, et parfois à des menaces et à des actes de violence » (Bertelsmann Stiftung 2022, 28). Dans les Country Reports 2023 publiés par les États-Unis, on peut lire que, d’après des militants LGBTQI+, les personnes LGBTQI+ subissent [traduction] « une pression sociale intense pour changer d’orientation sexuelle » (2024-04-22, 45).

D’après Human Rights Watch, [traduction] « même avant » l’adoption de la loi contre l’homosexualité, les Ougandais LGBT étaient « souvent » exposés « à la discrimination, au harcèlement et aux agressions physiques » (2024-04-04). Des sources soulignent que la [traduction] « discrimination généralisée » subie par les personnes LGBTIQ+ s’est « aggravée » après l’entrée en vigueur de la loi contre l’homosexualité en mai 2023 (Freedom House 2024-02, sect. B4) ou que les personnes LGBTIQ+ subissent [traduction] « une violence et une discrimination accrues » depuis le dépôt du projet de loi (SRT 2023-08, 7). Dans un article de la plateforme médiatique Global Press Journal [3], on peut lire les propos d’un homme transgenre selon lesquels, dans sa communauté, [traduction] « personne ne se souciait de sa sexualité » jusqu’à ce que la loi entre en vigueur (2023-08-01). La même source, citant un représentant du HRAPF, a fait observer que le discours [traduction] « "homophobe" » entendu « "au parlement, dans les rues, et de la part de chefs religieux" » contribue aux stéréotypes négatifs sur les personnes « queer » dans la société ougandaise (Global Press Journal 2023-08-01).

Le HRAPF signale que, de juin 2023 à mars 2024, soit durant les dix premiers mois suivant l’entrée en vigueur de la loi, le réseau d’assistance juridique du HRAPF a traité 903 dossiers mettant en cause des personnes LGBTIQ, dont 520 (57,6 p. 100) avaient trait à des personnes LGBTIQ ciblées en raison de leur orientation sexuelle (2024-04-12, 19). Selon la même source, il y a eu 249 cas d’éviction touchant 312 personnes LGBTIQ et 206 cas de [traduction] « violence » envers 255 personnes LGBTIQ; de plus, 88 personnes LGBTIQ ont été mises en état d’arrestation et 6 personnes LGBTIQ ont subi « d’autres formes de discrimination » (HRAPF 2024-04-12, 19).

D’après le rapport de la SRT, de janvier à août 2023, des acteurs ne relevant pas de l’État ont été responsables de 124 [traduction] « violations » du « droit [des personnes LGBTIQ+] à l’égalité et à la non-discrimination » (2023-08, 9).

On peut lire dans le rapport de la SRT que, de janvier à août 2023, de [traduction] « vraies et de présumées [personnes] LGBTIQ+ » ont été « dénoncées, torturées, battues et arrêtées, ont vu leur orientation sexuelle dévoilée sans leur consentement, et ont subi des violences physiques, sexuelles et psychologiques, notamment par l’éviction et le bannissement, le chantage, le licenciement et la perturbation des services de santé » (2023-08, 8).

D’après les Country Reports 2023 publiés par les États-Unis, [traduction] « la presse locale et des militants LGBTQI+ » signalent que les enfants intersexes courent « un risque élevé d’infanticide » (2024-04-22, 40). La même source ajoute, sur le fondement d’informations provenant de militants, que [traduction] « certaines » familles « ont contraint » des enfants LGBTQI+ à « suivre des séances de thérapie par la conversation avec des chefs religieux » afin de « changer » leur orientation sexuelle, ont exercé des pressions sur les enfants LGBTQI+ pour qu’ils « "dénoncent" leur orientation sexuelle et leur identité de genre durant des rassemblements religieux », ou ont obligé leurs enfants LGBTQI+ à accepter « des mariages forcés pour tenter de changer leur orientation sexuelle » (É.-U. 2024-04-22, 45).

Selon le HRAPF, en mars 2024, 52 des 111 cas de l’organisation (46,8 p. 100) mettaient en cause des personnes subissant un [traduction] « traitement préjudiciable » en raison de leurs OCSIEG (2024-04-12, 3). Le HRAPF précise que, parmi ces 52 cas, 23 avaient trait à [traduction] « des évictions de logements locatifs », 20 avaient trait à « des violences et menaces de violence », et 9 avaient trait à « des arrestations pour des motifs de nature sexuelle » (2024-04-12, 3).

Selon le rapport de la SRT, de janvier à août 2023, le [traduction] « droit le plus fréquemment enfreint était le droit à un logement et à un abri », 180 cas « d’éviction, de déplacement et de bannissement » ayant été recensés (2023-08, 9). La même source ajoute que les propriétaires immobiliers et les dirigeants des conseils locaux demeurent les [traduction] « principaux auteurs des violations du droit au logement [des personnes LGBTIQ+] et des atteintes à ce droit » (SRT 2023-08, 9). Le HRAPF fait observer que, dans les 23 cas d’éviction de logements locatifs traités par l’organisation en mars 2024, les [traduction] « principaux » responsables des évictions étaient les « propriétaires immobiliers », suivis des « membres de la famille » et des « autorités des conseils locaux travaillant conjointement avec les propriétaires » (2024-04-12, 3). Le Global Press Journal, citant le coordonnateur d’une ONG locale qui fournit des logements aux personnes LGBTQ, signale que [traduction] « les demandes d’aide ont doublé à la suite des évictions et que l’organisation n’est pas en mesure d’héberger tous » les demandeurs (2023-08-01). D’après les Country Reports 2023 publiés par les États-Unis, des militants LGBTQI+ affirment que des familles [traduction] « ont renié » des personnes LGBTQI+ et les ont « chassées » de leurs maisons, laissant « bon nombre d’entre elles sans abri » et en poussant « d’autres à cacher leur orientation sexuelle » (2024-04-22, 44). L’agence Reuters, racontant l’histoire d’une lesbienne ougandaise, écrit que ses parents [traduction] « lui ont ordonné de quitter leur maison quand ils ont appris son orientation sexuelle en 2019 » (2023-12-21). Cette femme a aussi déclaré à l’agence Reuters qu’elle avait perdu son emploi dans un supermarché quelques jours après l’adoption de la loi en mai 2023 parce que, au dire de son gérant, il ne pouvait pas embaucher [traduction] « quelqu’un comme [elle] » de crainte que cela nuise à la réputation de l’entreprise (2023-12-21).

La SRT a recensé 102 cas où des personnes LGBTIQ+ ont développé des problèmes de santé mentale qui étaient [traduction] « directement liés » aux « violations des droits, [aux] mauvais traitements et [au] climat général de peur, causé par » la loi contre l’homosexualité, qu’ils ont vécus de janvier à août 2023 (2023-08, 8–9). La même source ajoute que [traduction] « [l]a plupart » de ces personnes ont souffert « d’anxiété et de crises de panique, d’idées suicidaires et de dépression » (SRT 2023-08, 9). Selon la SRT, durant la même période, il y a eu chez les personnes LGBTIQ+ [traduction] « une augmentation des problèmes de santé mentale, du décrochage scolaire et du nombre de personnes ayant choisi de fuir l’Ouganda pour demander l’asile ailleurs » (2023-08, 12).

2.1.1 Traitement réservé par la société aux membres de la famille des personnes dont les OCSIEG doivent être pris en considération

Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, la directrice générale de la Coalition africaine des droits de la personne (African Human Rights Coalition – AHRC), une organisation qui milite pour les droits des Africains LGBTQI+ [traduction] « déplacés de force, réfugiés et demandeurs d’asile », y compris aux États-Unis, et leur offre des services « humanitaires » (AHRC s.d.), a fourni les renseignements suivants, à la lumière de [traduction] « collecte directe de renseignements sur des cas » et du « processus d’accueil » de l’AHRC :

[traduction]

[L]e traitement réservé aux membres de la famille des personnes LGBTQI+ est souvent similaire à celui réservé aux personnes LGBTQI+ elles-mêmes.

Les membres de la famille sont eux aussi démonisés, mis à l’écart [et] persécutés […]

Les familles sont plus susceptibles de subir de tels traitements dans les situations où elles ne prennent pas elles-mêmes de mesures directes pour dénoncer la personne LGBTQI+ […].

Ainsi, une pression sociale s’exerce sur la famille pour qu’elle « se fasse justice elle-même » en punissant violemment, en bannissant ou en « guérissant » le membre de la famille LGBTQI+. Pour les lesbiennes, la guérison se fait notamment par le soi-disant « viol correctif », méthode qu’utilisent des membres de la famille pour apprendre à la lesbienne à devenir une « femme convenable » et à se conformer aux attentes de la société (AHRC 2024-06-08).

Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un représentant de Minorités sexuelles Ouganda (Sexual Minorities Uganda – SMUG), une ONG à but non lucratif qui milite pour les droits fondamentaux des personnes LGBTI en Ouganda (SMUG s.d.), a fait remarquer que le traitement réservé aux membres de la famille de personnes dont les OCSIEG doivent être pris en compte varie selon que les membres de la famille [traduction] « soutiennent [la personne] ou font preuve de discrimination à [son] endroit »; si un membre de la famille soutient la personne en question, il se peut que la communauté [traduction] « déteste et maltraite » la famille à cause de ce soutien (SMUG 2024-06-10).

2.2 Traitement réservé par les autorités aux personnes en raison de leurs OCSIEG

D’après Human Rights Watch, la police [traduction] « a procédé à des arrestations massives lors d’événements de la fierté LGBT, dans des bars fréquentés par des personnes LGBT et dans des refuges pour personnes sans-abri pour des motifs fallacieux » et « a obligé certaines des personnes détenues à se soumettre à des examens anaux » (2024-04-04). La SRT signale que, de janvier à août 2023, la police a effectué 18 [traduction] « examens anaux forcés » sur des personnes LGBTIQ+ mises en état d’arrestation (2023-08, 9). La SRT fait observer que, durant la même période, on a recensé 159 cas de [traduction] « violation du droit à l’égalité et à la non-discrimination et d’atteinte à ce droit », dont 25 cas « d’atteinte » commis par des acteurs étatiques (2023-08, 8-9). Selon la BBC, qui cite les propos d’un militant anonyme, [traduction] « "[d]ans certaines régions, même les agents d’application de la loi profitent du climat actuel pour extorquer de l’argent à des gens qu’ils accusent d’être homosexuels" » (2023-03-22).

Des médias signalent qu’en août 2023, un homme de 20 ans s’est vu accuser [traduction] « "[d’]homosexualité aggravée" » (Reuters 2023-08-28; VOA 2023-08-30; AFP 2023-08-29) parce que, au dire de son avocate, il [traduction] « aurait été vu en train de se livrer à un acte sexuel avec un [homme] handicapé dans un endroit public » dans la ville de Soroti (VOA 2023-08-30). Selon Voice of America (VOA), un radiodiffuseur international aux États-Unis financé par le Congrès des États-Unis (VOA s.d.), un autre homme dans le district de Jinja s’est lui aussi vu accuser au titre de la nouvelle loi contre l’homosexualité de l’Ouganda pour avoir [traduction] « accompli un acte sexuel avec un garçon de 12 ans » (2023-08-30). De même, le rapport de la SRT signale qu’en date d’août 2023, il y avait quatre personnes inculpées [traduction] « [d’]homosexualité aggravée », soit une personne à Soroti, une à Jinja, et deux « jeunes hommes » à Kampala (2023-08, 37).

La SRT signale que, de janvier à août 2023, [traduction] « des politiciens, y compris le ministre de la Santé, et des chefs religieux ont propagé de la rhétorique discriminatoire et alimenté une escalade potentielle de la violence et de la discrimination, aggravant la vulnérabilité physique et économique » des membres de la communauté LGBTI (2023-08, 8). Dans les Country Reports 2023 publiés par les États-Unis, on peut lire que [traduction] « certains » représentants du gouvernement « encourag[ent] ouvertement » les tentatives de « changer l’orientation sexuelle » des personnes LGBTQI+ (2024-04-22, 45-46).

L’organisation Human Rights Watch fait remarquer que, même avant la loi de 2023, les autorités avaient restreint les organisations LGBT et [traduction] « accusaient certaines de "promouvoir l’homosexualité" et de leurrer des enfants vers l’homosexualité par le "recrutement forcé" » (2024-04-04). Dans le rapport de la SRT, on peut lire que, depuis le dépôt du projet de loi, [traduction] « [l]es autorités locales et les services de sécurité », y compris la police, ont « perquisition[né] » des refuges et organisations LGBTQI+ (2023-08, 7). D’après l’article du Global Press Journal, qui cite le coordonnateur d’un regroupement de refuges LGBT, il y avait [traduction] « déjà des descentes policières dans les refuges LGBTQ », mais la loi de 2023 a « aggravé la situation » (2023-08-01).

Dans les Country Reports 2023 publiés par les États-Unis, il est signalé que, d’après des militants LGBTQI+, [traduction] « certains responsables de la santé publique » ont refusé de fournir des soins de santé à des personnes LGBTQI+, et que « certains » membres du personnel de la santé publique ont tenté de « contraindre » des personnes LGBTQI+ à « changer d’orientation sexuelle ou d’identité ou d’expression de genre avant de leur dispenser des services de santé » (2024-04-22, 35, 45). Toutefois, d’après African Business, un magazine imprimé par IC Publications, qui fait paraître [traduction] « des magazines, des bulletins de nouvelles, des suppléments sur les pays, des rapports sectoriels et des informations commerciales sur l’Afrique » (African Business s.d.), le ministère de la Santé rappelle à tous les travailleurs de la santé et à tous les intervenants en matière de santé de [traduction] « [n]e pas exercer de discrimination ni manifester de réprobation sociale à l’endroit de toute personne » qui cherche à obtenir des soins de santé « pour quelque motif que ce soit », y compris « le genre, la religion, la tribu, la situation économique ou sociale, ou l’orientation sexuelle » (2023-08-08). La même source ajoute que la loi [traduction] « n’interdit à personne de recourir à des services médicaux dans un établissement de santé ou un hôpital » et que les services médicaux devraient être fournis « d’une manière qui garantit la sécurité, la confidentialité et le respect de la vie privée » de tous les clients (African Business 2023-08-08).

2.2.1 Traitement réservé par les autorités aux membres de la famille des personnes dont les OCSIEG doivent être pris en considération

La directrice générale de l’AHRC a fourni les renseignements suivants :

[traduction]

Nous avons entendu parler de cas [à Entebbe, à Kampala, à Jinja, à Gulu, à Kasisi et à Kireka (AHRC 2024-07-03)] où les autorités locales et les chefs traditionnels harcèlent les familles pour tenter de savoir où se trouve le membre LGBTQI+ de la famille qui s’est enfui, et bien souvent ces familles font l’objet de menaces constantes.

[…]

Nous avons aussi relevé des cas où la personne LGBTQI+ a fui le pays après avoir été arrêtée alors que la famille s’était portée garante de la caution pour sa libération, ce qui a entraîné des représailles contre la famille (2024-06-08).

Selon le représentant de SMUG, les autorités estiment que les membres de la famille des personnes dont les OCSIEG doivent être pris en compte tolèrent des actes illégaux, [traduction] « portent atteinte à la moralité publique » et sont « peu soucieux d’éthique »; par conséquent, les autorités les traitent avec « mépris » (2024-06-10). La même source a déclaré que les membres de la famille ne sont [traduction] « généralement » pas pris pour cible par les autorités, à moins qu’ils ne soient associés à une personne dont les OCSIEG doivent être pris en considération et qu’ils aient des « démêlés avec la justice » (SMUG 2024-06-10).

2.2.2 Traitement réservé par les autorités aux ONG LGBT

Dans les Country Reports 2023 publiés par les États-Unis, on peut lire que les organisations LGBTQI+ sont [traduction] « fréquemment harcelées par les responsables de la sécurité et les représentants du Bureau des ONG » (2024-04-22, 19). Le Centre international pour le droit à but non lucratif (International Center for Not-for-Profit Law – ICNL), une organisation qui se voue à améliorer l’environnement juridique pour la société civile partout dans le monde (ICNL s.d.), signale qu’en janvier 2023, le Bureau national des ONG de l’Ouganda a publié un rapport sur 26 ONG [traduction] « soupçonnées » de promouvoir « des activités LGBTQ+ » en Ouganda; l’enquête est terminée pour 4 de ces dossiers, car les ONG ne s’étaient pas enregistrées, et les 22 autres enquêtes sont toujours en cours (2024-03-02).

L’organisation Human Rights Watch fait remarquer qu’en mars 2024, un tribunal ougandais [traduction] « a rejeté une requête » de SMUG visant à « obliger le gouvernement à enregistrer » le nom du groupe après que ce nom a été jugé « contraire à "l’intérêt public" » (2024-03-21). La même source explique que SMUG avait été fermée en août 2022 pour [traduction] « défaut de s’enregistrer auprès du Bureau des ONG » et que l’organisation ne peut pas mener ses activités en toute légalité si elle n’est pas enregistrée (HRW 2024-03-21).

3. Protection offerte par l’État

Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches a trouvé peu d’information sur la protection offerte par l’État aux personnes dont les OCSIEG doivent être pris en considération.

Selon la SRT, un nombre [traduction] « considérable » de violations commises contre la communauté LGBTQI+ ne sont pas signalées, « principalement à cause de la crainte de représailles et de l’absence flagrante de mécanismes officiels sûrs pour demander réparation » (2023-08, 22). L’agence Reuters relate l’histoire d’un homosexuel ougandais qui a été [traduction] « drogué, violé et dévalisé » par un homme avec qui il avait eu un rendez-vous galant en mai 2023; toutefois, il n’a pas cherché à obtenir « d’aide médicale ni fait appel à la police » de crainte de se faire accuser lui-même d’un crime (2023-12-21).

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Notes

[1] Un communiqué de presse signale que la Cour constitutionnelle de l’Ouganda a invalidé l’alinéa 3(2)(c), l’article 9, l’alinéa 11(2)(d) et l’article 14 le 3 avril 2024 car ils entrent en [traduction] « contradiction » avec la constitution ougandaise (Ouganda 2024-04-03). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé de version à jour de la loi contre l’homosexualité de 2023 (Anti-Homosexuality Act, 2023).

[2] L’Équipe de réponse stratégique (Strategic Response Team – SRT) est un consortium de cinq organisations en Ouganda qui coordonne les interventions communautaires et les mécanismes d’aiguillage en vue de fournir [traduction] « des services de refuge, d’assistance juridique, de sécurité et de protection » aux personnes LGBTIQ+ (SRT 2023-08, 4). La SRT est un comité du Rassemblement pour l’égalité (Convening for Equality – CFE), une organisation ougandaise (2023-08, 4).

[3] Le Global Press Journal est la plateforme médiatique de la Global Press, une organisation dont le siège est aux États-Unis et qui vise à [traduction] « créer un monde plus équitable et mieux informé en formant et en embauchant des femmes journalistes locales pour qu’elles produisent des reportages fiables et respectueux de l’éthique dans les régions du monde les moins couvertes par les médias » (Global Press s.d.).

Références

African Business. 2023-08-08. « Uganda: Provision and Access to Health Services of All People Without Discrimination ». [Date de consultation : 2024-06-30]

African Business. S.d. « Our Group ». [Date de consultation : 2024-06-30]

African Human Rights Coalition (AHRC). 2024-07-03. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par la directrice générale.

African Human Rights Coalition (AHRC). 2024-06-08. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par la directrice générale.

African Human Rights Coalition (AHRC). S.d. « Services ». [Date de consultation : 2024-05-29]

Agence France-Presse (AFP). 2023-08-29. « Ugandan Charged Under Anti-Gay Law Faces Possible Death Penalty ». [Date de consultation : 2024-05-28]

Bertelsmann Stiftung. 2022. « Uganda Country Report ». Bertelsmann Stiftung's Transformation Index (BTI) 2022. [Date de consultation : 2024-05-10]

British Broadcasting Corporation (BBC). 2023-03-22. Patience Atuhaire. « Uganda Anti-Homosexuality Bill: Life in Prison for Saying You're Gay ». [Date de consultation : 2024-05-31]

États-Unis (É.-U.). 2024-04-22. Department of State. « Uganda ». Country Reports on Human Rights Practices for 2023. [Date de consultation : 2024-05-28]

Freedom House. 2024-02. « Uganda ». Freedom in the World 2024. [Date de consultation : 2024-05-28]

Global Press Journal. 2023-08-01. Nakisanze Segawa & Beatrice Lamwaka. « 'More Hunted than Before': LGBTQ Ugandans Live in Fear Under Anti-Homosexuality Law ». [Date de consultation : 2024-05-29]

Global Press Journal. S.d. « Mission ». [Date de consultation : 2024-06-27]

Human Rights Awareness and Promotion Forum (HRAPF). 2024-04-12. Report on Violence and Violations Based on Real or Presumed Sexual Orientation or Gender Identity During the Month of March 2024. [Date de consultation : 2024-05-16]

Human Rights Awareness and Promotion Forum (HRAPF). S.d. « About Us ». [Date de consultation : 2024-05-15]

Human Rights Watch. 2024-04-04. « Uganda: Court Upholds Anti-Homosexuality Act ». [Date de consultation : 2024-05-15]

Human Rights Watch (HRW). 2024-03-21. Larissa Kojoué. « Ugandan Appeals Court Shutters LGBT Rights Group ». [Date de consultation : 2024-05-31]

International Center for Not-for-Profit Law (ICNL). 2024-03-02. « Uganda ». [Date de consultation : 2024-05-10]

International Center for Not-for-Profit Law (ICNL). S.d. « About Us ». [Date de consultation : 2024-05-10]

Ouganda. 2024-04-03. The Judiciary. « Constitutional Court Pronounces Itself on the Anti-Homosexuality Act, 2023 of Uganda ». [Date de consultation : 2024-08-20]

Ouganda. 2023-03-22. Parliament of the Republic of Uganda. « Tough Penalties for Engaging in Acts of Homosexuality ». [Date de consultation : 2024-05-23]

Ouganda. 2023. The Anti-Homosexuality Act, 2023. [Date de consultation : 2024-05-13]

Ouganda. 1995 (modifiée en 2017). Uganda's Constitution of 1995 with Amendments through 2017. Telle que reproduite par le Comparative Constitutions Project. [Date de consultation : 2024-05-13]

Reuters. 2023-12-21. « Eviction, Threats and Suicidal Thoughts: Uganda's LGBT Community Endures Trying Year ». [Date de consultation : 2024-05-28]

Reuters. 2023-08-28. « Exclusive: First Ugandan Charged with 'Aggravated Homosexuality' Punishable by Death ». [Date de consultation : 2024-05-28]

Sexual Minorities Uganda (SMUG). 2024-06-10. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par un représentant.

Sexual Minorities Uganda (SMUG). S.d. « About Us ». [Date de consultation : 2024-06-11]

Strategic Response Team (SRT). 2023-08. « Eteeka Lyayita… Even the Government Does Not Like You Homosexuals ». [Date de consultation : 2024-05-21]

Voice of America (VOA). 2023-08-30. « Two Ugandan Males Face Death Penalty for Violating Anti-Gay Law ». [Date de consultation : 2024-05-28]

Voice of America (VOA). S.d. « VOA Mission ». [Date de consultation : 2024-06-17]

Autres sources consultées

Sources orales : Happy Family Youth Uganda; Human Rights Awareness and Promotion Forum; Rainbow World Fund; Sexual Minorities Uganda International.

Sites Internet, y compris : ABC News; Al Jazeera; Allemagne – Federal Foreign Office; Amnesty International; Asylum Research Centre; Austrian Red Cross – ecoi.net; Banque mondiale; CIVICUS; CNN; Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit; Erasing 76 Crimes; États-Unis – CIA; Foaster Foundation Uganda; Gay Community News; Gay Times; Health Policy Watch; Kuchu Times; Monitor; Nations Unies – Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR), ONU Info, Statistics Division; The New Humanitarian; openDemocracy; Philadelphia Gay News; Rainbow House of Hope Uganda; Rainbow World Fund; Washington Blade; The Williams Institute.

Associated documents