Haïti : information sur la violence sexuelle et la violence fondée sur le genre, y compris les actes commis par les groupes criminels; le traitement réservé aux personnes survivantes par la société et les autorités gouvernementales; les services de soutien; la protection offerte par l’État (2022-janvier 2024) [HTI201783.EF]

Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada

1. Aperçu

D’après un rapport trimestriel soumis en 2023 par le Secrétaire général du Conseil de sécurité des Nations Unies dans le cadre du mandat confié au Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), les [version française des Nations Unies] « atteintes » aux droits de la personne, y compris « [des] tueries aveugles, [des] exécutions, [des] violences sexuelles, [des] enlèvements et [des] destructions matérielles », ont atteint « des niveaux alarmants » dans le département de l’Artibonite et la zone métropolitaine de Port-au-Prince [située dans le département de l’Ouest] (Nations Unies 2023-10-16, paragr. 27). De même, dans son bilan des actes de violence commis de janvier à octobre 2023, Nègès Mawon, une organisation féministe haïtienne ayant pour mission « la promotion, la défense et le renforcement » des droits des femmes sur les plans social, culturel, économique et politique (Nègès Mawon s.d.), écrit que la situation sécuritaire dans les départements de l’Ouest et de l’Artibonite est « particulièrement catastrophique » (Nègès Mawon 2023-11, paragr. 11).

Selon les Country Reports on Human Rights Practices for 2022 publiés par le Département d’État des États-Unis, les groupes criminels étaient [traduction] « responsables des conflits armés » qui ont entraîné, entre autres actes de violence, « des cas de violences sexuelles ciblées » (É.-U. 2023-03-20, 2). Dans un rapport soumis au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, rédigé par le Bureau des Avocats Internationaux (BAI), l’Institut pour la justice et la démocratie en Haïti (Institute for Justice and Democracy in Haiti - IJDH) et la Commission des femmes victimes pour les victimes (Komisyon Fanm Viktim pou Viktim - KOFAVIV) [1], on peut lire que la violence fondée sur le genre [version française du BAI, de l’IJDH et de la KOFAVIV] « reste endémique » en Haïti; de plus, les organisations ont signalé qu’elles n’avaient perçu « aucun changement positif en ce qui concerne la prévalence de la violence, du harcèlement et d’autres préjudices à l’encontre des femmes et des filles, y compris la discrimination historique et les normes de genre néfastes » (BAI, IJDH & KOFAVIV 2022-02, paragr. 3).

2. Profil des personnes ciblées par les groupes criminels

Une étude [2] publiée par l’Initiative mondiale contre la criminalité organisée transnationale (Global Initiative Against Transnational Organized Crime - GI-TOC), [traduction] « une organisation indépendante de la société civile dont le siège est à Genève » (GI-TOC s.d.), signale que, bien que [traduction] « tous les citoyens haïtiens ressentent les lourds effets » de la criminalité organisée dans leur vie quotidienne, « les femmes et les filles sont ciblées de manière disproportionnée par la violence sexuelle (y compris le viol) » perpétrée par les membres de groupes criminels (GI-TOC 2023-05, 6). Toutefois, d’après un article publié en 2022 par le New Humanitarian, un organe de presse à but non lucratif qui s’intéresse principalement aux crises humanitaires (The New Humanitarian s.d.), [traduction] « les femmes et les enfants ne sont pas seulement pris au piège » par les conflits armés entre les groupes criminels en Haïti, mais ils sont aussi « de plus en plus la cible de viols, d’actes de torture, d’enlèvements et de meurtres » commis par des groupes criminels (The New Humanitarian 2022-11-14). Dans son bilan de 2023, Nègès Mawon fait remarquer que les femmes, les filles et « les minorités sexuelles » sont « les plus touchées » par la situation sécuritaire en Haïti, ce qui a mené à une situation où les violences sexuelles et fondées sur le genre « se multiplient mais sont banalisées » (2023-11, paragr. 16).

D’après un rapport sur la violence sexuelle utilisée par les gangs criminels, préparé conjointement par le BINUH et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), bien que [version française des Nations Unies] « [d]es femmes, des filles, des garçons et des hommes » aient été « touchés » par la violence sexuelle commise par les groupes criminels, « [l]es personnes LGBTI+, traditionnellement marginalisées et rejetées au sein de la société haïtienne » ont aussi été « particulièrement visées en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre, réelle ou supposée » (Nations Unies 2022-10, paragr. 91). De même, on peut lire dans les Country Reports 2022 publiés par les États-Unis que, tout au long de l’année, des groupes criminels [traduction] « ont pris pour cible les personnes LGBTQI+ en raison de leur sexualité » (É.-U. 2023-03-20, 27). Enfin, le rapport conjoint du BINUH et du HCDH fait état de [version française des Nations Unies] « dizaines de cas d’hommes et de femmes LGBTI+ » qui ont été « agressés sexuellement par des membres de gangs » entre janvier et juin 2022, et précise que les « femmes LGBTI+ victimes » ont raconté qu’elles avaient été soumises à des « "viols correctifs" afin de "guérir" leur "homosexualité" » (Nations Unies 2022-10, paragr. 38). Un cas survenu en 2023 et recensé par Kouraj, une organisation de défense des personnes queer (Kouraj s.d.) qui exerce ses activités dans le département de l’Ouest, est relaté par Nègès Mawon dans son rapport : « trois (3) lesbiennes » et « deux (2) homosexuels » ont été « agressés par des bandits armés qui se sont introduits chez eux et ont exigé qu’ils abandonnent leur maison » (Nègès Mawon 2023-11, 26).

Se fondant sur des entretiens menés en avril 2023 avec deux responsables internationaux des droits de la personne à Port-au-Prince, Human Rights Watch (HRW) signale que [version française de HRW] « [l]a violence sexuelle, notamment le viol collectif » est utilisée par les groupes criminels pour « terroriser, contrôler et "punir" les femmes et les filles » qui résident dans des zones sous le contrôle de groupes criminels rivaux; de plus, les femmes et les enfants sont victimes « d’abus et d’exploitation sexuelle » aux mains des organisations criminelles qui contrôlent les zones où ils vivent (2023-08-14, 19-20). Nègès Mawon signale que, depuis 2018, pendant les massacres et les attaques armées menés par les groupes criminels, notamment dans les départements de l’Ouest et de l’Artibonite, le corps des femmes et des filles « est utilisé comme terrain de guerre et le viol collectif, comme arme de guerre » (2023-11, paragr. 21). D’après le rapport du BINUH et du HCDH, [version française des Nations Unies] « les membres de gangs armés recourent à la violence sexuelle » suivant « au moins quatre modes opératoires », soit :

  • les « [v]iolences sexuelles lors d’attaques de gangs », « comme moyen d’étendre et de consolider leur contrôle sur certaines zones »;
  • les « [v]iolences sexuelles contre des femmes et des jeunes filles lors du franchissement des "lignes de front" », commises quand elles se déplacent dans des quartiers « contrôlés par des gangs rivaux pour mener leurs activités quotidiennes de subsistance »;
  • les « [v]iolences sexuelles commises lors d’enlèvements », pour « illustre[r] l’emprise et l’influence des membres des gangs sur les victimes »;
  • les « [v]iolences sexuelles pour consolider le contrôle sur une zone et soumettre la population locale », car les relations des membres des groupes criminels avec les résidents locaux « oscill[ent] entre "prédateurs" et "protecteurs" » (Nations Unies 2022-10, paragr. 30, 31, 32, 40, 44, 47).

Pour des renseignements sur les principaux groupes criminels d’Haïti et leur organisation, y compris l’alliance du G9, veuillez consulter la réponse à la demande d’information HTI201332 publiée en juin 2023.

3. Fréquence et répartition géographique des actes de violence sexuelle et fondée sur le genre commis par les groupes criminels

Des sources font observer que les données sur la violence fondée sur le genre [et les viols commis par des membres de groupes criminels en particulier (The New Humanitarian 2023-06-27)] sont [traduction] « très limitées » (The New Humanitarian 2023-06-27) ou [version française du BAI, de l’IJDH et de la KOFAVIV] « rares » (BAI, IJDH & KOFAVIV 2022-02, paragr. 6). Le BINUH et le HCDH signalent qu’il y a [version française des Nations Unies] « très peu de survivants et de survivantes » qui sont « disposés à signaler ces incidents et à demander de l’aide » en raison de facteurs tels que « la peur des représailles » et « la stigmatisation », ainsi que « le manque de services pour les soutenir » (Nations Unies 2022-10, paragr. 58). Dans un rapport sur le viol utilisé comme arme de guerre par les gangs en Haïti, le New Humanitarian souligne qu’une [spécialiste en prévention de l’exploitation et des abus sexuels pour l’UNICEF (Nations Unies 2022-03-18)] a déclaré ce qui suit : [traduction] « Si on parle de 10 cas, c’est qu’il y en a 1 000 qui n’ont pas été signalés; si on parle de 100 cas, c’est qu’il y en a 10 000 » (2022-11-14).

Après avoir recueilli des données auprès de 14 organisations [3] qui ont recensé les cas de violence sexuelle et fondée sur le genre dans l’ensemble du pays de janvier à novembre 2023, Nègès Mawon a signalé un total de 3 351 cas de violence envers les femmes et les filles, dont 1 169 cas de violence sexuelle, 679 de violence physique, 744 de violence psychologique et verbale, et 757 de violence économique (2023-11, 14). La même source ajoute que, bien que les viols recensés de janvier à octobre 2023 soient survenus « un peu partout dans le pays », les départements du Centre et de l’Ouest sont « les plus dangereux du pays pour les femmes et les filles », suivis des départements des Nippes et du Sud-Est (2023-11, paragr. 9, 10, 51). D’après l’étude de la GI-TOC réalisée [traduction] « à Cité Soleil et dans ses environs (dans les secteurs de Brooklyn, de Sarthe et du Village des Rapatriés) », il y avait « moins de cas » de violence fondée sur le genre dans les secteurs où il y avait « moins de conflits entre gangs rivaux »; toutefois, les taux de violence fondée sur le genre les plus élevés étaient dans le secteur de Brooklyn (une « zon[e] résidentiell[e] à l’intérieur de Cité Soleil »), où il y a eu « des affrontements intenses entre les coalitions de gangs G-Pèp et G-9 » tout au long de 2022 (2023-05, 3, 10). Nègès Mawon signale que, de novembre 2018 à octobre 2023, « au moins » 179 femmes et filles « ont été violées collectivement » dans 10 des « massacres » enregistrés à La Saline, Cité Soleil, La Plaine du Cul-de-Sac, Village Noailles et Source Matelas, Bel-Air et Carrefour-Feuilles, soit une moyenne de 18 survivantes d’agression sexuelle « par massacre » (2023-11, paragr. 22). Citant des entretiens réalisés en mai 2023 avec des [version française de HRW] « victimes » des communes de Cité Soleil, Port-au-Prince et Cabaret de Port-au-Prince, HRW fait remarquer que, à Cité Soleil,

certains groupes criminels, tels que ceux qui sont alliés à la coalition G9 [4], pratiquent le viol collectif sur les femmes et les filles vivant dans les quartiers contrôlés par la fédération G-Pèp, dans le but d’instaurer la peur et de prendre le contrôle de la zone. D’autres groupes utilisent la violence sexuelle comme une forme de contrôle pour démontrer qu’ils sont la nouvelle autorité dans des zones où ils n’étaient pas présents auparavant, et d’autres encore s’en servent pour punir les habitants qui s’opposent à leur présence dans les quartiers (2023-08-14, 20).

Dans un communiqué d’avril 2023, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) des Nations Unies en Haïti a écrit que [version française des Nations Unies] « près de » 80 p. 100 de la région métropolitaine de Port-au-Prince « est sous le contrôle ou l’influence des gangs » (Nations Unies 2023-04-13). Dans un autre communiqué, l’OCHA fait observer que les groupes criminels contrôlent aussi les [version française des Nations Unies] « voies d’accès stratégiques » et « ont étendu leurs activités » partout en Haïti (Nations Unies 2023-03-17, 4).

Au cours d’un entretien avec le New Humanitarian, une chef d’équipe d’une clinique gérée par Médecins Sans Frontières (MSF) à Port-au-Prince, qui traite les victimes de violence fondée sur le genre, a déclaré que, [traduction] « avant que la violence des gangs ne s’enracine », la clinique « accueillait trois ou quatre personnes par jour qui disaient avoir subi ce genre de violence »; depuis, une moyenne de « 130 victimes de violence fondée sur le genre sont maintenant traitées chaque mois » et, de ce nombre, 100 sont « des victimes de viol » (2022-11-14). D’après l’étude de la GI-TOC, qui reposait sur un questionnaire soumis à un groupe cible de 591 femmes et filles dans la commune de Cité Soleil [traduction] « et ses environs » en décembre 2022, 80 p. 100 des répondantes étaient « victimes d’une ou de plusieurs formes de [violence fondée sur le genre] aux mains d’un ou de plusieurs agresseurs », et 43 p. 100 des survivantes avaient « sub[i] une ou plusieurs formes de violence sexuelle » (2023-05, 3). La même source fournit les pourcentages suivants pour chaque type d’agresseur désigné par les répondantes :

Agresseur Pourcentage
Conjoint ou ancien conjoint 44
Inconnu, y compris [traduction] « membre d’un gang, bandit, ravisseur et groupe armé » 33
Membre de la famille 17
Ami ou ami d’un membre de la famille 16
Voisin 4
Figure d’autorité, y compris [traduction] « patron, chef religieux, dirigeant local ou professeur » 1

(GI-TOC 2023-05, 9)

La source explique que les chiffres ci-dessus ne totalisent pas 100 p. 100 parce que certaines répondantes ont désigné plus d’un type d’agresseur (GI-TOC 2023-05, 9).

La même étude a également montré une [traduction] « concentration » de la violence fondée sur le genre, et de la violence sexuelle « en particulier », dans le secteur de Brooklyn, où habitaient 48 p. 100 des répondantes ayant subi de la violence fondée sur le genre (GI-TOC 2023-05, 11). De plus, parmi ces femmes et ces filles, [traduction] « [p]rès de » 62 p. 100 ont signalé que la violence était survenue en 2022 (GI-TOC 2023-05, 12). La même source ajoute que 69 des 89 cas de viol signalés par les répondantes avaient eu lieu dans le secteur de Brooklyn (GI-TOC 2023-05, 11). Selon HRW, [version française de HRW] « la plupart des abus les plus flagrants », survenus entre janvier et avril 2023 et relatés dans des entretiens que l’organisation a menés avec « des victimes ou des membres de leur famille et d’autres témoins », ont eu lieu dans quatre communes de la zone métropolitaine de Port-au-Prince, soit Cité Soleil, Cabaret, Port-au-Prince et Croix-des-Bouquets; parmi les abus ainsi relatés, il y avait « 23 cas de viols », dont 19 étaient des « cas de viols collectifs, où les victimes ont été agressées sexuellement par plusieurs auteurs » (2023-08-14, 25). La même source ajoute que 16 des survivantes [version française de HRW] « ne s’étaient pas rendues dans un centre de santé et n’avaient pas reçu de soins médicaux » avant que HRW ne prenne des dispositions pour qu’elles reçoivent des traitements; de plus, « [c]ertaines des survivantes » « n’[avaient] pas eu accès à ces traitements » (HRW 2023-08-14, 26). Dans un autre rapport conjoint des Nations Unies préparé par le BINUH et le HCDH, qui porte sur sur la violence des gangs à Cité Soleil au cours de la seconde moitié de 2022, on peut lire que [version française des Nations Unies] « [l]e quotidien des résidents de Brooklyn est à l’image de ce que vivent plusieurs centaines de milliers d’Haïtiens qui résident dans des zones sous le contrôle de gangs lourdement armés » et qui sont « victimes de tirs indiscriminés, d’exécutions ou de viols » (Nations Unies 2023-02, paragr. 92).

3.1 Exemples de cas recensés

Dans leur rapport conjoint publié en octobre 2022, le BINUH et le HCDH écrivent que, dans la commune de Cité Soleil, dans une zone connue sous le nom de [version française des Nations Unies] « "dèyè mi" » ("derrière mur", en créole) », « un espace ouvert qui sert de séparation entre les zones contrôlées par des gangs rivaux », les femmes « sont exposées à être violées par des éléments de gangs » lorsqu’elles tentent de traverser cette zone pour se rendre au travail ou pour accéder à des services se trouvant en dehors de leur quartier (Nations Unies 2022-10, paragr. 41). On peut lire dans le même rapport que des endroits [version française des Nations Unies] « similaires » à dèyè mi « ont également été identifiés à Martissant » (Nations Unies 2022-10, paragr. 41). Au cours d’un entretien avec HRW en mai 2023, une survivante et résidente de Brooklyn âgée de 34 ans, qui a été [version française de HRW] « agressée sexuellement par cinq hommes » à dèyè mi, a dit qu’il s’agit d’un endroit où « "les viols et les meurtres ont lieu tous les jours" » et a ajouté : « "il n’y a pas de police, ni personne pour nous aider" » (2023-08-14, 29). La survivante a relaté ainsi son agression :

[version française de HRW]

« Ils m’ont traînée par les cheveux jusqu’à une maison abandonnée, où cinq hommes m’ont violée, l’un après l’autre... Ils m’ont dit que cela m’arrivait parce que j’étais l’une des femmes de Gabriel [en référence au chef du G-Pèp]... Ma sœur de 29 ans a également été violée le même jour par trois membres du G9 » (HRW 2023-08-14, 29-30, omissions et crochets dans le texte original).

Lors d’une autre agression recensée par le BINUH, survenue pendant une [version française des Nations Unies] « vague d’attaques perpétrée en août » à Carrefour Feuilles (un quartier de Port-au-Prince) et à Savane Pistache (dans la commune de Tabarre, département de l’Ouest), quatre femmes ont été « victimes de viols en réunion » dans leur résidence, et l’une d’elles « a été tuée; son corps et sa maison ont été brûlés » (Nations Unies 2023-10-16, paragr. 31).

Dans son rapport trimestriel au Conseil de sécurité des Nations Unies, le BINUH a signalé que 515 personnes avaient été enlevées entre juillet et septembre 2023 dans l’Artibonite et dans la commune voisine de La-Croix-des-Bouquets, et que les femmes kidnappées, [version française des Nations Unies] « en particulier, ont été l’objet de violences sexuelles » (Nations Unies 2023-10-16, paragr. 30). Le BINUH et le HCDH écrivent que les personnes enlevées se font [version française des Nations Unies] « viol[er], parfois plusieurs fois » par leurs kidnappeurs armés et que, « [d]ans certaines circonstances », les kidnappeurs utilisent « les vidéos enregistrées des viols pour faire pression sur les parents ou d’autres membres de la famille afin qu’ils paient les rançons » (Nations Unies 2022-10, paragr. 44). En menant des entretiens avec des intervenants de la société civile et du domaine de la sécurité en avril 2023, HRW a recueilli des renseignements sur les événements survenus lorsque Krache Dife, un groupe criminel faisant partie de l’alliance G9, [version française de HRW] « a attaqué » le 28 février 2023 le secteur situé en haut du quartier Bel-Air, qui était contrôlé par un groupe criminel rival (2023-08-14, 38). Les affrontements se sont poursuivis jusqu’au 5 mars 2023 et ont entraîné la mort ou la disparition de 150 personnes, y compris des résidents, ainsi que trois cas de violence sexuelle signalés par HRW, [version française de HRW] « dont la majorité ont eu lieu dans la rue Tiremasse, qui est une artère clé du secteur situé dans le haut de ce quartier » (2023-08-14, 40).

4. Traitement réservé aux personnes survivantes
4.1 Traitement réservé par la société

Selon le BAI, l’IJDH et la KOFAVIV, les attitudes sociales à l’égard de la violence fondée sur le genre envers les femmes et les filles en Haïti sont [version française du BAI, de l’IJDH et de la KOFAVIV] « permissive[s] », en particulier « au sein des familles et des relations intimes » (2022-02, paragr. 8). La même source ajoute que non seulement les survivantes de violence fondée sur le genre [version française du BAI, de l’IJDH et de la KOFAVIV] « éprouvent souvent de la honte, se blâment elles-mêmes et subissent une pression interne les incitant à se réconcilier avec leur agresseur ou à le protéger », mais elles sont « également souvent blâmées et stigmatisées, ou poussées au silence » (BAI, IJDH & KOFAVIV 2022-02, paragr. 8). Dans le questionnaire de l’étude de la GI-TOC, une question portait sur la façon dont les participantes étaient [traduction] « perçues » par leur communauté après avoir subi de la violence fondée sur le genre; 33 p. 100 ont répondu qu’elles « avaient bénéficié d’un soutien » qui venait « en grande partie » de leurs familles et de leurs amis, alors que 65 p. 100 ont affirmé ne pas avoir bénéficié d’un soutien dans la communauté et avoir été « traitées durement, critiquées ou mal comprises » (2023-05, 16).

D’après les Country Reports 2022 publiés par les États-Unis, les cas de violence sexuelle envers les femmes entraînent [traduction] « rarement des poursuites judiciaires formelles », car ces affaires sont « souvent réglées à la suite de pressions exercées par des chefs religieux ou communautaires » (É.-U. 2023-03-20, 22). Selon les témoignages de [version française du BAI, de l’IJDH et de la KOFAVIV] « défenseurs locaux » recueillis par le BAI, l’IJDH et la KOFAVIV, lorsque les personnes survivantes de violence fondée sur le genre « connaissent leur agresseur », par exemple s’il s’agit de leur partenaire intime, le signalement de l’incident « devient moins probable », car elles « peuvent craindre ses représailles ou la perte de son soutien financier, ou ressentir une pression pour préserver la famille » (2022-02, paragr. 8). La même source ajoute que, [version française du BAI, de l’IJDH et de la KOFAVIV] « [e]n dehors des relations intimes », les personnes survivantes « subissent parfois des pressions de la part de la famille ou des relations sociales de leur agresseur » et que les agresseurs associés à des gangs criminels ou à la police « sont particulièrement doués pour intimider les survivantes et les contraindre au silence » (BAI, IJDH & KOFAVIV 2022-02, paragr. 8).

Par exemple, en septembre 2022, une survivante de violence sexuelle et ancienne résidente de Cité Soleil a raconté au New Humanitarian qu’une [traduction] « jeune fille » a été violée par « un membre de gang qui est entré dans le campement », un parc public où elle et d’autres avaient fui, près de l’aéroport international (2022-11-14). La même source a affirmé que l’agresseur avait été [traduction] « intercepté », mais que la famille de la jeune fille avait demandé sa libération, car elle avait « trop peur que lui ou d’autres membres du gang s’en prennent à la famille » (The New Humanitarian 2022-11-14).

D’après le rapport conjoint du BINUH et du HCDH, même lorsque [version française des Nations Unies] « certaines » survivantes de violence sexuelle qui disposent des « moyens financiers » nécessaires ou d’un « réseau social » arrivent à quitter leur quartier et à s’installer dans d’autres secteurs de Port-au-Prince ou du pays, une fois qu’elles ont déménagé, elles sont « souvent privées de leurs biens et de leurs ressources » (Nations Unies 2022-10, paragr. 39). Selon la même source, [version française des Nations Unies] « [c]ertaines » survivantes qui se sont installées ailleurs ont été « contraintes par leur famille d’accueil à se prostituer » pour payer leur loyer et leur nourriture (Nations Unies 2022-10, paragr. 39). Le BINUH et le HCDH font aussi remarquer que, dans le contexte de la violence sexuelle commise lors d’un enlèvement contre rançon,

[version française des Nations Unies]

[d]e nombreuses victimes se sont senties coupables, car la rançon versée pour leur libération a plongé leurs familles dans la misère économique et sociale. Dans plusieurs cas, les familles ont dû vendre ou hypothéquer leur maison et tous leurs biens de valeur. Ce sentiment de culpabilité, associé à la stigmatisation liée au viol en captivité, explique pourquoi une grande majorité des victimes ne veulent pas révéler qu’elles ont subi des violences sexuelles (Nations Unies 2022-10, paragr. 45).

4.2 Traitement réservé par les autorités gouvernementales

D’après les Country Reports 2022 publiés par les États-Unis, l’un des [traduction] « problèmes majeurs en matière de droits de la personne » en Haïti est « l’absence d’enquêtes et de poursuites dans les cas de violence fondée sur le genre » (É.-U. 2023-03-20, 2). Dans son bilan de 2023, Nègès Mawon écrit que les autorités gouvernementales, y compris la police, « n’ont rien fait » pour protéger la vie et les biens des femmes, des filles et des minorités sexuelles (2023-11, paragr. 14). Le BINUH et le HCDH font état d’obstacles tels que le [version française des Nations Unies] « manque de confiance dans les capacités de la police » et la crainte des personnes survivantes quant aux « éventuelles fuites d’informations confidentielles et de témoignages vers les gangs » (Nations Unies 2022-10, 86). De même, parmi les survivantes du quartier de Brooklyn interrogées par HRW, [version française de HRW] « [a]ucune » n’a « dénoncé les abus publiquement, auprès de la police ou en déposant des plaintes auprès des autorités judiciaires », parce qu’elles craignaient des « représailles » et n’avaient pas « confiance dans les autorités judiciaires [ou la police], ou n’y [avaient] pas accès » (2023-08-14, 32). De plus, plusieurs intervenants de la société civile interrogés par HWR ont déclaré que le commissariat de Cité Soleil [version française de HRW] « n’est plus opérationnel depuis juin 2021 » (2023-08-14, 32). L’étude de la GI-TOC résume en quatre catégories les raisons pour lesquelles [traduction] « la plupart » des personnes survivantes de VGF commise par des inconnus (y compris des membres criminels) ne se sont pas adressées à la police :

  • « elles s’exposeraient à des dangers aux mains des gangs, y compris le risque de se faire tuer »;
  • « elles ne faisaient pas confiance aux autorités locales et craignaient des représailles »;
  • « elles ne savaient ni où ni comment faire un signalement »;
  • « elles pensaient que, de manière générale, il n’y avait aucune présence de l’État » (2023-05, 15).

D’après le New Humanitarian, les groupes criminels [traduction] « sont plus nombreux » que les forces policières dans « certains secteurs » de Port-au-Prince, et « de nombreux » commissariats ont été « incendiés et pillés pour leurs armes » (2022-11-14). Un [traduction] « directeur de programmes » au Réseau national de défense des droits humains (RNDDH), une ONG haïtienne engagée dans l’éducation aux droits de la personne et la surveillance des violations de ces droits (RNDDH s.d.), a déclaré au New Humanitarian que, en conséquence, les personnes survivantes de violence sexuelle [traduction] « "sont censées soumettre ces plaintes [de viol] au chef de gang du secteur" » (The New Humanitarian 2022-11-14, crochets dans l’original). Deux participantes à l’étude de la GI-TOC qui n’ont pas porté plainte à la police ont affirmé qu’elles avaient plutôt signalé l’incident à [traduction] « un chef de gang local », ce qui, selon l’auteur de l’étude, « donne une indication de qui, à leur avis, avait la capacité d’intervenir » (2023-05, 15).

5. Services de soutien

Dans son aperçu de la crise en Haïti publié en juin 2023, l’ACAPS, une organisation [traduction] « indépendante » qui se spécialise dans « les données et l’analyse liées aux situations humanitaires » (ACAPS s.d.), écrit que les services médicaux et de santé mentale destinés aux personnes survivantes de violence sexuelle sont [traduction] « insuffisants et inadéquats » (ACAPS 2023-06-02). De même, l’étude de la GI-TOC fait état du [traduction] « manque de services adéquats et d’interventions, notamment de voies de droit, de mesures en matière de santé et de soutien psychosocial », à la disposition des personnes survivantes (2023-05, 4). D’après les Country Reports 2022 publiés par les États-Unis, [traduction] « des obstacles majeurs entravent l’accès aux services de santé sexuelle et reproductive » en Haïti (2023-03-20, 2). Le BINUH et le HCDH écrivent que le [version française des Nations Unies] « manque de données » sur la violence sexuelle commise par les groupes criminels explique en partie pourquoi les professionnels offrant des services de soutien ne donnent pas la priorité « aux violences sexuelles liées aux gangs », mais se concentrent « plutôt sur les violences sexuelles perpétrées dans la sphère domestique » (Nations Unies 2022-10, paragr. 59).

Selon le rapport de HRW, les [version française de HRW] « organisations internationales » estiment que 75 p. 100 des établissements de santé en Haïti « manquent de médicaments ou d’équipements médicaux et ne disposent pas d’un personnel qualifié suffisant » (2023-08-14, 46). D’après le BINUH et le HCDH, c’est pour cette raison que les survivantes de violence sexuelle [version française des Nations Unies] « se sont principalement tournées vers les prestataires de services privés ou les ONG pour accéder aux soins médicaux » (Nations Unies 2022-10, paragr. 29).

Par exemple, le BAI, l’IJDH et la KOFAVIV font observer qu’il n’existe pas de refuges gouvernementaux pour les survivantes et que, [version française du BAI, de l’IJDH et de la KOFAVIV] « lorsque les survivantes s’adressent au gouvernement » pour obtenir des services de ce genre, notamment au ministère de la Condition féminine et des Droits de la femme, on les renvoie à des organismes d’aide aux femmes comme la KOFAVIV, car « quelques-uns » offrent des refuges (2022-02, paragr. 24). Dans l’étude la GI-TOC, on peut lire que 73 p. 100 des femmes et des filles questionnées ont affirmé qu’il y avait des fournisseurs de services médicaux dans leur communauté (25 p. 100 ont répondu qu’il n’y en avait aucun); à la question de savoir qui offrait ces services, 53 p. 100 ont répondu que des organismes privés les offraient, 26 p. 100 ont dit que c’était des ONG internationales, et 14 p. 100 ont dit que c’était des organismes gouvernementaux (2023-05, 16). Il leur a été demandé si elles [traduction] « pouvaient accéder à ces services », et 58 p. 100 ont répondu par l’affirmative, alors que 40 p. 100 ont répondu par la négative, « le manque de moyens financiers » étant la principale raison mentionnée (GI-TOC 2023-05, 16). Pour ce qui est des services psychologiques, l’étude de la GI-TOC a montré que 92 p. 100 des répondantes ne savaient pas [traduction] « où aller pour obtenir de l’aide psychosociale »; de plus, « près de » 80 p. 100 ont déclaré « [qu’]il n’y avait pas de services de soutien en santé mentale pour les femmes et les filles victimes de violence fondée sur le genre dans leur communauté » (2023-05, 17).

Enfin, selon le rapport conjoint du BINUH et du HCDH, les ONG qui offrent des services de soutien ont [version française des Nations Unies] « récemment » dû faire face « à d’importants défis sécuritaires, opérationnels et financiers pour opérer dans les zones contrôlées par les gangs et au-delà, et pour fournir une assistance médicale adéquate ainsi qu’un soutien psychologique et de réinsertion aux victimes » (Nations Unies 2022-10, paragr. 29).

6. Protection offerte par l’État
6.1 Système judiciaire

Dans leur rapport au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, le BAI, l’IJDH et la KOFAVIV écrivent que, en dépit de l’adoption par Haïti de divers instruments relatifs aux droits de la personne, y compris la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la Convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et l’élimination de la violence à l’égard des femmes, et l’article 276 de la Constitution de la République d’Haïti, 1987 [5], [version française du BAI, de l’IJDH et de la KOFAVIV] « Haïti est loin d’assurer une protection et une égalité significatives à ses femmes et à ses filles » et « ne garant[it] pas l’accès à la justice pour les crimes de [violence basée sur le genre] » (2022-02, paragr. 2-3). Dans leur rapport conjoint, le BINUH et le HCDH font observer que, pour les personnes survivantes de violence sexuelle commise par les membres de groupes criminels, [version française des Nations Unies] « l’impunité pour les crimes de violence sexuelle reste la norme » et « [l]es institutions garantes de l’état de droit manquent non seulement de ressources et de personnels mais sont aussi touchées par un manque d’indépendance et la corruption »; de plus, les représentants de ces institutions « font également l’objet d’intimidations et de représailles de la part d’éléments de gangs » (Nations Unies 2022-10, paragr. 80).

Selon le BAI, l’IJDH et la KOFAVIV, non seulement le système judiciaire haïtien [version française du BAI, de l’IJDH et de la KOFAVIV] « ne soutient pas efficacement les survivantes », mais il comporte aussi « des éléments qui semblent destinés à exclure les survivantes, en particulier celles qui n’ont pas de moyens, de chercher ou d’obtenir justice » (2022-02, paragr. 22). Bien qu’il existe des dispositions légales concernant l’accès à la justice pour les personnes survivantes de violence sexuelle, une [version française des Nations Unies] « enquête » menée par le BINUH et le HCDH a montré que « certains responsables de l’application des lois » n’appliquaient pas ces dispositions correctement (Nations Unies 2022-10, paragr. 83-84). Par exemple, des sources signalent que, bien qu’il ne soit pas légalement obligatoire de présenter un certificat médical prouvant la violence sexuelle subie, les tribunaux exigent un tel certificat dans les affaires de violence sexuelle (BAI, IJDH & KOFAVIV 2022-02, paragr. 22; Nations Unies 2022-10, paragr. 84). Le BAI, l’IJDH et la KOFAVIV précisent que, dans la pratique,

[version française du BAI, de l’IJDH et de la KOFAVIV]

les survivantes qui n’ont pas de certificat médical ne peuvent pas poursuivre leur affaire et les certificats constituent donc un obstacle important à la responsabilisation en obligeant les femmes et les filles récemment traumatisées à entreprendre des démarches supplémentaires et à assumer les dépenses associées pour obtenir justice. Selon les défenseurs des droits humains, les femmes sont également confrontées à des difficultés pour obtenir les certificats médicaux, notamment parce que les médecins sont parfois absents et que les certificats doivent être obtenus dans les 72 heures. Les survivantes ont également du mal à obtenir un traitement pour les infections sexuellement transmissibles et les grossesses résultant des agressions (2022-02, paragr. 22).

De plus, en ce qui a trait aux témoignages des victimes de violence fondée sur le genre, la même source fait remarquer que les juges

[version française du BAI, de l’IJDH et de la KOFAVIV]

sont plus susceptibles de remettre en question le consentement des femmes que dans les cas impliquant des jeunes filles. En outre, contrairement aux jeunes filles, les femmes adultes sont plus susceptibles d’être soumises à la honte, aux suppositions de promiscuité et aux attentes de soumission aux pressions familiales. En effet, selon l’expérience de BAI, les femmes adultes sont beaucoup plus susceptibles d’avoir des difficultés avec la police pour déposer une plainte. Elles ont également moins de chances de réussir à obtenir un jugement (BAI, IJDH & KOFAVIV 2022-02, paragr. 22).

D’après un rapport du RNDDH sur le fonctionnement du système judiciaire haïtien au cours de l’année judiciaire allant d’octobre 2022 à septembre 2023, les tribunaux ont été saisis de 43 affaires de crime sexuel et, dans 60,46 p. 100 de ces affaires, les juges ont prononcé des peines « complaisantes » qui étaient « moindres que celles prévues par la Loi » (RNDDH 2023-10-11, paragr. 184, 206). De plus, on peut lire dans le même rapport qu’il y avait une « volonté manifeste de banaliser » les cas de viols de mineures, « même lorsqu’ils [étaient] suivis de grossesse » (RNDDH 2023-10-11, paragr. 185). Selon Nègès Mawon, 43 accusés ont été déclarés coupables de crimes sexuels au cours de l’année judiciaire 2022-2023, « ce qui ne représente que 3,70 % » des 1 169 cas de viol présentés devant les tribunaux de janvier à octobre 2023 (Nègès Mawon 2023-11, paragr. 67).

Par exemple, le RNDDH fait état du cas d’une fille de 12 ans qui, en 2021, « a été violée à plusieurs reprises et mise enceinte » par un homme de 72 ans; l’accusé a été arrêté en 2022, puis libéré le 25 mars 2022, puis arrêté de nouveau et emprisonné, puis a comparu devant un tribunal le 7 juillet 2023, après quoi « [l’]audience a été renvoyée en queue de session, mais n’a jamais repris » (2023-10-11, paragr. 185).

6.2 Police

De l’avis du BINUH, les capacités de la Police nationale d’Haïti [version française des Nations Unies] « restent insuffisantes » pour lui permettre « d’endiguer la violence en bande organisée » (Nations Unies 2023-10-16, paragr. 17). Bien qu’il existe des unités spécialisées dans la lutte contre la violence sexuelle dans [version française des Nations Unies] « certains » commissariats à Port-au-Prince, une « enquête » réalisée par le BINUH et le HCDH a montré que « la coordination et la coopération entre ces différentes unités de police étaient déficientes » (Nations Unies 2022-10, paragr. 82, 83).

Dans son aperçu de la crise en Haïti publié en juin 2023, l’ACAPS signale qu’il y a eu une baisse de 40 p. 100 [traduction] « du nombre de policiers entre 2020 et 2023 » (2023-06-02, 1). Le BINUH signale que les taux de départ du personnel policier [version française des Nations Unies] « ont continué » de grimper entre janvier et septembre 2023, « 1 045 policiers, dont 102 femmes » ayant démissionné; de plus, 40 policiers ont été tués (Nations Unies 2023-10-16, paragr. 17). La même source ajoute que

[version française des Nations Unies]

[l’]absence de stratégie nationale efficace, sur le plan opérationnel et des réformes, l’absence d’unités antigang spécialisées, équipées et bien formées, la réduction croissante de la capacité opérationnelle, la perte ou la dégradation des moyens opérationnels à la suite d’attaques ciblées de bandes, et une gestion lacunaire des ressources sont autant de défis monumentaux à relever. Au moment de la rédaction du présent rapport, 45 structures sur les 412 locaux de la police, y compris des établissements pénitentiaires, ne sont pas en état de servir, sont directement aux mains de bandes armées ou font l’objet d’attaques répétées (Nations Unies 2023-10-16, paragr. 17)

D’après les entretiens menés par HRW avec un [version française de HRW] « large éventail de personnes », notamment « des représentants de la société civile haïtienne et des responsables du gouvernement », « certains » membres de la Police nationale haïtienne étaient « liés à des groupes criminels et leur permettaient d’opérer » (2023-08-14, 59). La même source ajoute que [version française de HRW] « certains » membres de groupes criminels, y compris « [l’]un des principaux chefs criminels », « seraient également d’anciens policiers » (HRW 2023-08-14, 59). Se fondant sur ces mêmes entretiens, HRW ajoute que les policiers permettent aux groupes criminels de mener leurs activités en ne cherchant pas à les [version française de HRW] « combattre » ou à les « appréhender », et en leur fournissant « des informations utiles à leurs activités criminelles », « en participant conjointement à ces activités », ou « en les soutenant avec du matériel, des armes ou des véhicules pour mener à bien leurs opérations » (2023-08-14, 59). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé d’autres renseignements allant dans le même sens.

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Notes

[1] Fondé en 1995, le Bureau des Avocats Internationaux (BAI) est un [traduction] « cabinet juridique spécialisé en droit constitutionnel et en droits de la personne dont le siège est en Haïti et qui appuie la lutte du peuple haïtien pour la justice et la démocratie » (BAI, IJDH & KOFAVIV 2022-02, 2). Fondé en 2004 et ayant son siège aux États-Unis, l’Institut pour la justice et la démocratie en Haïti (Institute for Justice and Democracy in Haiti - IJDH) est un [traduction] « organisme sans but lucratif de défense des droits de la personne qui fait avancer la reconnaissance des droits de la personne et la responsabilisation pour les violations de ces droits en Haïti, en collaboration avec » le BAI (BAI, IJDH & KOFAVIV 2022-02, 2). Enfin, lancée en 2004, la Commission des femmes victimes pour les victimes (Komisyon Fanm Viktim pou Viktim - KOFAVIV) est un [traduction] « groupe de femmes haïtiennes survivantes de viols politiques qui viennent en aide aux nouvelles victimes des quartiers démunis de Port-au-Prince » (BAI, IJDH & KOFAVIV 2022-02, 2).

[2] L’étude reposait sur des recherches menées en décembre 2022 par un [traduction] « organisme de soutien social » qui offre des « services, notamment de l’aide psychosociale, aux femmes et aux filles des communautés les plus vulnérables de Port-au-Prince » et qui « souhaite conserver l’anonymat pour des raisons de sécurité » (GI-TOC 2023-05, page des droits d’auteur, 4). Les recherches effectuées dans le cadre de l’étude ont bénéficié du soutien d’ONU Femmes et du Fonds de consolidation de la paix des Nations Unies, et sa publication a été possible grâce au soutien du Danemark et de la Norvège (GI-TOC 2023-05, page des droits d’auteur).

[3] Parmi les organisations qui ont contribué à ce recensement, 13 étaient des organisations « féministes et des droits humains », à savoir : l’Association des Femmes Actives de Saint Louis du Sud (AFASL); Asosyasyon Fanm Madlin Nò (AFMN); Fanm Deside; Fanm an Action (FAC/SUD); l’Initiative Départementale contre la Traite et le Trafic des Enfants (IDETTE); Justice et Paix (JILAP); Mobilizasyon Fanm Kouraj (MOFKAD); NÈGÈS MAWON; l’Organisation des Femmes pour le Développement de Thomassique (OFDT); Oganizasyon Fanm Devwe Aken (OFDA); Rezo Fanm Nip (REFANIP); le Regroupement des Organisations de Femmes de Gressier et de Léogane (ROFGL); le Réseau national de défense des droits humains (RNDDH) (Nègès Mawon 2023-11, 14). La « structure déconcentrée » du Nord-Est du ministère à la Condition féminine et aux Droits des femmes (MCFDF) a également fourni des données pour le rapport (Nègès Mawon 2023-11, 4).

[4] L’alliance du G9 est une coalition [version française des Nations Unies] « [d’]alliances entre gangs » créée au début de 2020 dans les « zones périphériques à Cité Soleil (notamment Bas Delmas et La Saline) » qui mène des attaques dans les quartiers contrôlés par des groupes criminels rivaux, « à la fois pour renforcer les bases électorales de ses potentiels sponsors », qui comprennent les éventuels candidats aux élections présidentielles, législatives et communales, et pour « accroître ses revenus illégaux » (Nations Unies 2023-02, paragr. 21-22).

[5] La Constitution d’Haïti de 1987 comporte les dispositions suivantes :

[version originale en français du gouvernement d’Haïti]

Article 276. L’Assemblée Nationale ne peut ratifier aucun Traité, Convention ou Accord Internationaux comportant des clauses contraires à la présente Constitution.

Article 276-1. La ratification des Traités, des Conventions et des Accords Internationaux est donnée sous forme de Décret.

Article 276-2. Les Traités ou Accord Internationaux, une fois sanctionnés et ratifiés dans les formes prévues par la Constitution, font partie de la Législation du Pays et abrogent toutes les Lois qui leur sont contraires (Haïti 1987).

Références

ACAPS. 2023-06-02. « Haiti: Humanitarian Impact of Gang Violence ». Briefing Note. [Date de consultation : 2024-01-09]

ACAPS. S.d. « Who We Are ». [Date de consultation : 2024-01-10]

Bureau des Avocats Internationaux (BAI), Institute for Justice and Democracy in Haiti (IJDH), & Commission of Women Victims for Victims (Komisyon Fanm Viktim pou Viktim, KOFAVIV). 2022-02. UPR Report: Gender-Based Violence in Haiti. [Date de consultation : 2023-12-11]

États-Unis (É.-U.). 2023-03-20. Department of State. « Haiti ». Country Reports on Human Rights Practices for 2022. [Date de consultation : 2024-01-05]

Global Initiative Against Transnational Organized Crime (GI-TOC). 2023-05. Gang Control and Security Vacuums. Assessing Gender-Based Violence in Cité Soleil, Haiti. [Date de consultation : 2023-11-27]

Global Initiative Against Transnational Organized Crime (GI-TOC). S.d. « Our Story ». [Date de consultation : 2023-11-27]

Haïti. 1987 (modifiée en 2012). The Constitution of the Republic of Haiti 1987. Traduite vers l’anglais par William S. Hein & Co. Version reproduite par le Comparative Constitutions Project. [Date de consultation : 2024-02-05]

Human Rights Watch (HRW). 2023-08-14. "Living a Nightmare". Haiti Needs an Urgent Rights-Based Response to Escalating Crisis. [Date de consultation : 2023-11-27]

Kouraj. S.d. « Who We Are ». [Date de consultation : 2024-01-19]

Nations Unies. 2023-10-16. Conseil de sécurité, Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH). Report of the Secretary-General. S/2023/768. [Date de consultation : 2023-12-11]

Nations Unies. 2023-04-13. Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA). « United Nations and Partners to Issue Call for US$720 Million to Address Surging Humanitarian Needs in Haiti ». [Date de consultation : 2024-01-23]

Nations Unies. 2023-03-17. Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA). « Haiti ». Humanitarian Needs Overview 2023. [Date de consultation : 2024-01-09]

Nations Unies. 2023-02. Service des droits de l’homme du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) & Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH). The Population of Cité Soleil in the Grip of Gang Violence. Investigative Report on Human Rights Abuses Committed by Gangs in the Zone of Brooklyn from July to December 2022. [Date de consultation : 2024-01-08]

Nations Unies. 2022-10. Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) et Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH). Sexual Violence in Port-au-Prince: A Weapon Used by Gangs to Instill Fear. [Date de consultation : 2023-12-11]

Nations Unies. 2022-03-18. UNICEF Haïti. « Lara Chlela, spécialiste PSEA de l’UNICEF, parle de la protection contre l’exploitation et les abus sexuels et des efforts déployés pour sensibiliser les travailleurs humanitaires et les communautés ». X [anciennement Twitter]. [Date de consultation : 2024-01-19]

Nègès Mawon. 2023-11. Droit des femmes, des filles et des minorités sexuelles en Haïti : rapport sur les violences enregistrées de janvier à octobre 2023. [Date de consultation : 2024-01-09]

Nègès Mawon. S.d. « Qui sommes-nous? ». [Date de consultation : 2024-01-09]

The New Humanitarian. 2023-06-27. André Paultre & Daniela Mohor. « 'We Can't Find Support': Three Women's Stories of Repeated Rape by Haitian Gangs ». [Date de consultation : 2023-11-27]

The New Humanitarian. 2022-11-14. Jess DiPierro Obert. « EXCLUSIVE: Surge in Use of Rape Against Women and Rivals by Haiti Gangs ». [Date de consultation : 2024-01-08]

The New Humanitarian. S.d. « About Us ». [Date de consultation : 2023-11-27]

Réseau national de défense des droits humains (RNDDH). 2023-10-11. Fonctionnement de l’appareil judiciaire haïtien au cours de l’année 2022-2023. [Date de consultation : 2024-01-08]

Réseau national de défense des droits humains (RNDDH). S.d. « Vision & Mission ». [Date de consultation : 2024-01-08]

Autres sources consultées

Sites Internet, y compris : Amnesty International; Armed Conflict Location & Event Data Project; Austrian Red Cross – ecoi.net; AyiboPost; États-Unis – Congressional Research Service; The Guardian; HaïtiLibre; InSight Crime; Institut interuniversitaire de recherche et de développement; International Crisis Group; Nations Unies – HCR, Refworld, UNICEF; The New York Times; Le Nouvelliste; Radio France internationale; Reuters; Solidarite Fanm Ayisyèn; Walden University – Walden Dissertations and Doctoral Studies.


 
 
 
 
 
 

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