Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada
1. Aperçu
Le Centre de documentation et de recherches (Cedoca) du Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA) de Belgique a publié en décembre 2020 un rapport couvrant la période 2019-2020 et portant sur le traitement réservé par les autorités algériennes aux rapatriés, dans lequel il affirme que « l'Algérie est confrontée au problème des harragas » qui date de « nombreuses » années (Belgique 2020-12-03, 3, 4). Selon des sources, harraga [haraga] (« "celui qui brûle" ») est un terme arabe pour désigner la personne qui quitte le pays pour l'Europe de façon « clandestin[e] ou irrégulièr[e] » (Belgique 2020-12-03, 4) ou sans passeport ou visa (Arab News 2021-10-06). L'Agence Anadolu (AA), l'agence de presse d'État de la Türkiye (AP 2019-03-28), rapporte également que, selon l'ambassadeur de l'Union européenne (UE) en Algérie, 14 000 personnes, parmi lesquelles les Algériens représentent le groupe le plus grand, ont rejoint clandestinement l'Espagne entre janvier et septembre 2021 (AA 2021-12-06). D'après la même source, du 27 septembre au 3 octobre 2021, la Garde civile espagnole a signalé l'arrivée en Espagne de « près de 1 900 migrants irréguliers, dont 72% sont des Algériens » (AA 2021-12-06). Par ailleurs, un article publié en mars 2016 par Farida Souiah, docteure en science politique, dans Après-Demain, une revue trimestrielle publiée par la Fondation Seligmann [1] sur des sujets d'actualité (Fondation Seligmann s.d.b), affirme que les harragas, bien que reconnus comme « victimes » [des réseaux de passage de clandestins] par le ministre de la Justice devant le Parlement [Assemblée populaire nationale – APN], sont pénalisés par le Code pénal algérien pour être sortis du territoire national de manière illégale (Souiah 2016, 20) [voir la section 2 de la présente réponse].
Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, une chercheuse et doctorante à l'Université Temple dont les recherches portent notamment sur la diaspora et l'immigration, y compris en Algérie, a signalé les catégories suivantes parmi les personnes rapatriées : les personnes « expulsées ou refoulées », les retraités et les personnes qui ont choisi de retourner à leur pays d'origine (doctorante 2023-05-26).
Selon Algérie Presse Service (APS), une agence d'information publique algérienne (APS s.d.), dans un article publié en octobre 2021, le président de l'Algérie, Abdelmadjid Tebboune, a appelé les « centres diplomatiques et consulaires » à améliorer leurs interactions avec la diaspora algérienne qu'il a invitée à participer davantage « "au projet de relance économique de la Nation" » (2021-10-16). Selon le président de la Commission des Affaires étrangères, de la Coopération et de la Communauté de l'APN, cité en mai 2022 par la même source, le président Tebboune a, entre autres, révisé les tarifs de billet et autorisé le renforcement par Air Algérie de leur flotte d'avions et de navires, pour permettre à la communauté algérienne vivant à l'étranger de venir « visiter le pays dans les meilleures conditions » et de « "participer à l'initiative de rassemblement initiée par le [p]résident Tebboune" » (APS 2022-05-24). Le ministère du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale a annoncé le lancement d'un portail électronique opérationnel à partir du 6 mars 2023 et qui permet l'adhésion au régime de retraite à tout citoyen établi à l'étranger qui veut s'y inscrire; le communiqué de presse souligne que cette mesure fait partie de l'engagement pris par le président envers la diaspora (Algérie 2023-03-02). Une demande d'adhésion peut être présentée en ligne sur le portail Télédéclaration de la Caisse nationale des assurances sociales des travailleurs salariés (CNAS) de l'Algérie (Algérie s.d.).
Les renseignements contenus dans les deux paragraphes suivants ont été fournis dans des articles publiés par Human Rights Watch (HRW) :
« [A]u moins » trois militants de la diaspora établis au Canada ont été interdits de quitter le territoire algérien lors de leur visite au pays entre janvier et avril 2022. Les autorités ont « interrog[é] » les individus « au sujet de leurs liens avec le Hirak [2] » et, selon les militants, ne leur ont donné « aucune justification juridique » pour l'interdiction de voyager, ce qui les laisse presque sans recours judiciaire pour contester cette mesure (HRW 2022-05-06).
Les autorités algériennes ont emprisonné des « centaines de militants du Hirak ». Par exemple, un ancien caporal de l'armée, qui, après avoir participé aux manifestations du Hirak, avait fui « par crainte de représailles » vers l'Espagne en 2019 mais a été expulsé en Algérie, a été « rapidement emprisonné » dès son retour au pays, jugé sous des accusations de diffusion de « "fausses informations" portant atteinte à "l'intégrité territoriale" ». « [A]près avoir purgé 18 mois d'une peine de prison [en Algérie] pour "insulte à l'islam" », un refugié reconnu par les Nations Unies avait fui en Tunisie où « des témoins ont déclaré avoir vu des hommes en civil l'enlever de son domicile à Tunis » en date du 25 août 2021, avant de réapparaître détenu à Alger quatre jours plus tard (2022-05-26).
2. Cadre législatif et réglementaire
L'article 175 bis 1 du Code pénal prévoit les peines réservées à tout citoyen algérien ayant quitté le territoire national « de façon illicite » en ces termes :
Section VIII (3)
Infractions commises contre les lois et règlements relatifs à la sortie du territoire national.
Art. 175 bis 1. – Sans préjudice des autres dispositions législatives en vigueur, est puni d'un emprisonnement de deux (2) mois à six (6) mois et d'une amende de 20.000 DA à 60.000 DA [197 à 592 $CAN] ou de l'une de ces deux peines seulement, tout algérien ou étranger résident qui quitte le territoire national d'une façon illicite, en utilisant lors de son passage à un poste frontalier terrestre, maritime ou aérien, des documents falsifiés ou en usurpant l'identité d'autrui ou tout autre moyen frauduleux, à l'effet de se soustraire à la présentation de documents officiels requis ou à l'accomplissement de la procédure exigée par les lois et règlements en vigueur.
La même peine est applicable à toute personne qui quitte le territoire national en empruntant des lieux de passage autres que les postes frontaliers (Algérie 1966, en gras dans l'original).
Au cours d'un entretien téléphonique avec la Direction des recherches, un avocat responsable d'un cabinet généraliste en Algérie dont l'immigration fait partie des domaines de spécialisation et qui s'occupe notamment des affaires concernant les rapatriés devant les tribunaux, a affirmé qu'à part cette disposition du Code pénal, il n'existe aucun autre dispositif législatif pouvant toucher « de près ou de loin » les personnes rapatriées en Algérie sauf si elles faisaient déjà objet d'enquêtes ou de poursuites avant de quitter le pays (avocat en Algérie 2023-05-08). Dans une communication écrite avec la Direction des recherches, une cheffe des programmes au sein de la division algérienne de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) des Nations Unies a abondé dans le même sens en affirmant qu'à part « le cas où la personne qui retourne a quitté le territoire de manière irrégulière » commettant ainsi un délit de « "sortie illégale" » sanctionné par l'article 175 Bis 01 du Code pénal tel qu'introduit par la Loi n° 09-01 du 25 février 2009, il n'y a pas de lois spécifiques concernant les personnes rapatriées en Algérie ayant quitté légalement le territoire national, qu'elles retournent au pays « de leur plein gré ou sous la contrainte » (Nations Unies 2023-05-24).
3. Situation des rapatriés et traitement qui leur est réservé
Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches a trouvé peu d'information sur la situation des personnes rapatriées et le traitement qui leur est réservé.
L'avocat en Algérie a affirmé que la situation des citoyens algériens rapatriés ainsi que le traitement qui leur est réservé sont « variables » d'un cas à l'autre et dépendent « généralement » du statut de la personne concernée avant son départ et/ou de la façon dont cette personne a quitté le territoire national (2023-05-08). Au cours d'un entretien avec la Direction des recherches, une avocate internationale et défenseure des droits de la personne travaillant souvent sur des dossiers d'Algériens rapatriés du Royaume-Uni a affirmé que le traitement des personnes rapatriées « varie d'un cas à un autre », mais a ajouté que celui-ci « s'est grandement amélioré » depuis 2019 à la suite du mouvement Hirak (avocate internationale 2023-05-19). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.
3.1 Personnes qui retournent volontairement en Algérie
Des représentants de l'OIM à Bruxelles, interrogés par le Cedoca en juillet 2020, ont décrit la procédure suivie pour le retour volontaire d'un rapatrié en Algérie en expliquant que l'OIM réserve la place de la personne dans un avion commercial et qu'elle voyage comme tout autre passager ordinaire, mais lorsqu'elle a besoin d'un laissez-passer (un document de voyage remplaçant le passeport, valide pendant 48 heures), la personne elle-même présente la réservation de l'OIM à l'ambassade de l'Algérie en Belgique pour en obtenir un (Belgique 2020-12-03, 7, 9). La même source signale que les agents de l'OIM en Belgique préparent ensemble avec la personne concernée les modalités de retour et l'accompagnent jusqu'à ce qu'elle sorte de l'aéroport d'arrivée en Algérie, mais n'interviennent pas lors des contrôles de sécurité; à partir de ce moment, la personne a un mois pour contacter l'OIM en Algérie qui prendra le relais pour commencer à fournir de l'assistance dans le processus de réintégration dans le pays (Belgique 2020-12-03, 7). Selon la source,
[l]'OIM a précisé qu[e pour] un Algérien rentrant volontairement en Algérie avec le soutien de ses services voyage comme n'importe quel autre voyageur, aucune trace de rapatriement forcé n'apparai[t] dans son passeport. L'agence a indiqué également qu'elle ne partage jamais avec les ambassades des informations sur le fait qu'un de leur ressortissant a sollicité une protection internationale en Belgique (Belgique 2020-12-03, 7-8).
Les Country Reports on Human Rights Practices for 2022 publiés par le Département d'État des États-Unis signalent également que
[traduction]
[l]'OIM a mis en place un Programme d'aide au retour volontaire et à la réintégration pour accompagner les migrants qui rentrent en Algérie de leur plein gré avec un appui économique et social, y compris une formation professionnelle personnalisée et d'autres services d'aide socio-économique. Bien que le gouvernement [algérien] ne soit pas parmi les bailleurs de fonds, il a accepté de coopérer à cette initiative (É.-U. 2023-03-20, 25).
L'avocat en Algérie a pour sa part affirmé que les citoyens algériens qui retournent au pays sur une base volontaire en empruntant la voie officielle, munis de leur passeport encore en cours de validité, n'éprouvent « aucune difficulté » que ce soit au poste frontalier par lequel ils rentrent ou à l'endroit dans lequel ils décident de s'établir par la suite, dans la mesure où ils ne subissent pas de « contrôle poussé » et ne font pas l'objet « d'investigations approfondies » par les services de sécurité (2023-05-08).
Les renseignements contenus dans le paragraphe suivant ont été fournis par l'avocate internationale :
Tout Algérien qui retourne au pays doit subir un interrogatoire et faire l'objet d'investigations par la police des frontières et/ou par le bureau du procureur. Si leur visa est expiré, le rapatrié se fera arrêter à la rentrée en Algérie, quel que soit le statut de leur passeport. Les citoyens algériens qui quittent le pays sont « fichés » et doivent « obligatoirement s'expliquer » à la police des frontières à leur retour s'ils ont dépassé le délai officiel prévu pour leur séjour à l'étranger. Ces personnes qui rentrent volontairement par leurs propres moyens sont « plus exposées » au risque de maltraitance, notamment par la police des frontières, d'autant plus que le bureau du procureur ne peut pas se saisir automatiquement de leur cas (avocate internationale 2023-05-19).
3.2 Personnes rapatriées de force, dont les demandeurs d'asile déboutés
Les renseignements contenus dans la présente section ont été fournis par un conseiller à l'Office des étrangers (OE) de Belgique, l'agence gouvernementale qui a pour mission d'assurer « l'application de la politique gouvernementale belge relative à la gestion des flux migratoires » (Belgique s.d.), interrogé en février 2020 par le Cedoca :
Pour les retours forcés, l'OE utilise des vols commerciaux après avoir organisé les modalités de départ avec le Consulat général de l'Algérie, qui peut fournir un laissez-passer gratuit valable pour un jour. Le voyage est direct d'un aéroport belge à un aéroport algérien en cas de laissez-passer, tandis qu'il est possible de transiter par un aéroport d'un autre pays lorsqu'un passeport est utilisé. Pendant le processus de rapatriement, l'OE communique au Consulat général « [t]oute information utile à l'identification de la personne concernée », y compris des adresses connues en Algérie, des noms de membres de famille, des numéros de téléphone, une photo, des empreintes digitales et des documents d'identité ou de voyage si disponibles. Cependant, l'OE ne communique « jamais » aux ambassades des pays concernés l'information du fait que les personnes faisant l'objet de retour forcé ont demandé la protection internationale par l'intermédiaire de la tentative de demande d'asile en Belgique (Belgique 2020-12-03, 8, 9).
3.2.1 Traitement réservé aux personnes rapatriées de force par les autorités algériennes
Les renseignements contenus dans les deux paragraphes suivants ont été fournis par l'avocat en Algérie :
À moins que les autorités du pays de provenance leur partagent cette information, ce qui n'est jamais encore arrivé à la connaissance de l'avocat, les autorités algériennes ne sont « généralement » pas en mesure de savoir si un citoyen rapatrié avait tenté de demander l'asile à l'étranger. Néanmoins, les autorités algériennes « peuvent bien se douter » qu'il y a eu des tentatives de demande d'asile de la part du rapatrié dans la mesure où elles savent qu'il a fait l'objet de refoulement. Lorsque le demandeur d'asile débouté veut volontairement retourner au pays ou y est forcé mais ne possède pas de passeport algérien encore valide, les autorités du pays d'accueil lui délivrent un document de voyage lui permettant d'obtenir le laissez-passer auprès de l'ambassade d'Algérie dans le pays en question, lequel document mentionne généralement en termes clairs qu'il a été refoulé sans toutefois préciser le motif du refoulement. Même si les autorités algériennes peuvent savoir que le citoyen rapatrié a fait des tentatives de demande d'asile à l'étranger, la personne ne « risque rien » sur le plan judiciaire ou politique dans la mesure où lesdites autorités ne s'intéressent qu'aux rapatriés qui faisaient l'objet de poursuites avant de partir ou qui ont enfreint la loi en quittant le territoire national de façon irrégulière.
Lorsque le citoyen rapatrié rentre en Algérie dans le cadre d'une mesure de refoulement de la part de son pays d'accueil, il fait automatiquement l'objet d'investigations, notamment par des vérifications sur son nom dans son système et à travers des interrogatoires menés sur place, dès son entrée en contact avec les services de sécurité au premier poste frontalier quelle que soit la voie utilisée (terrestre, maritime ou aérienne), afin de vérifier si la personne n'avait pas fait l'objet d'enquêtes ou de poursuites pour crimes ou délits commis avant de quitter le pays ou si son départ n'avait pas été fait par voie clandestine. S'il est constaté que le rapatrié était déjà poursuivi ou s'il a enfreint l'article 175 bis 1 du Code pénal en quittant le territoire national par des moyens illégaux, il est « en général » laissé libre et reçoit une convocation pour se présenter plus tard devant le procureur du ressort du poste frontalier ou de son lieu de résidence, mais il peut « parfois » être détenu provisoirement dépendamment notamment de la nature des faits qui lui sont reprochés ou du parquet saisi. Dans ce cas, il reçoit une citation à comparaître dans les plus brefs délais devant un tribunal compétent pour statuer sur sa mise en liberté avant le procès sur le fond (avocat en Algérie 2023-05-08).
Le Cedoca signale également que le conseiller de l'OE leur a affirmé que le contrôle visant les personnes rapatriées est « possible » à l'aéroport pour les rapatriés munis d'un laissez-passer, mais que ce contrôle est purement administratif pour vérifier la nationalité du rapatrié (Belgique 2020-12-03, 9-10). Par contre, les représentants de l'OIM ont signalé au Cedoca que [traduction] « toute personne rapatriée en Algérie » est interrogée à l'aéroport d'arrivée et l'interrogatoire peut durer entre une heure et 12 heures en fonction de la situation particulière de chaque rapatrié (Belgique 2020-12-03, 10).
Les renseignements contenus dans le paragraphe suivant ont été fournis par l'avocate internationale :
Les documents officiels utilisés par la personne expulsée du Royaume-Uni vers l'Algérie ne mentionnent pas le « motif précis justifiant son refoulement », mais pour planifier le voyage de la personne concernée, « plusieurs échanges […] informels » ont lieu entre les ministères de la Justice des deux pays dans lesquels ce sujet est « forcément abordé ». La personne qui essaie d'entrer au Royaume-Uni avec un document de voyage suspecté d'être falsifié est « directement refoulée avant de franchir la frontière »; le transporteur commercial qui l'a menée au Royaume-Uni doit la retourner en Algérie et dévoiler la cause du refoulement aux autorités algériennes et la personne concernée est « généralement poursuivie pour usage de faux ». Il « n'y avait aucun cadre légal » pour les interrogatoires menés par la police des frontières auprès des personnes rapatriées de force et les agents des services de sécurité « pouvaient les malmener ». Par exemple, qu'il existe « [a]ujourd'hui » des accords entre les ministères de la Justice respectifs du Royaume-Uni et de l'Algérie, afin que les personnes rapatriées de force ne soient plus accueillies à leur retour par les services de sécurité mais plutôt directement par le bureau du procureur du ressort compétent, ce qui a « amélioré » leur traitement tout en augmentant cependant les probabilités de poursuites judiciaires à leur égard. La police des frontières n'a plus recours à la « torture » depuis le mouvement du Hirak (avocate internationale 2023-05-19). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.
Les renseignements contenus dans les deux paragraphes suivants ont été fournis par la doctorante :
Les autorités algériennes recourent à diverses mesures en fonction du profil de la personne rapatriée. Pour le rapatrié qui rentre « par ses propres moyens », il se « peut » que les autorités algériennes ne l'interrogent pas. Pour une personne qui a été « expulsée » du pays d'accueil, les autorités procèdent à son interrogatoire dès son rapatriement pour en établir notamment les motifs clairs (qui peuvent être l'expiration du visa, une décision de justice ou autre chose). Lorsque l'individu fait l'objet de refoulement, ses documents d'identité sont « remis à l'équipage de l'avion ». Lorsque l'expulsion d'une personne ressort « d'un comportement criminel ou d'une suspicion liée à un acte terroriste », elle peut être « escortée et menottée lors de son voyage retour ». « [L]es procédures sont extrêmement strictes » lorsque le rapatrié algérien est identifié comme « un combattant à l'étranger dans un conflit armé ». Le contrôle de la date à laquelle la personne rapatriée a quitté le territoire national (si celle-ci est déclarée) importe beaucoup dans les investigations menées par les autorités et la personne qui a quitté de façon illicite est « passibl[e] » d'une peine de prison et d'une amende en vertu de l'article 175 bis 1 [du Code pénal].
Pour le cas des demandeurs d'asile déboutés, ceux qui peuvent s'offrir un billet d'avion peuvent rentrer en Algérie en prétextant d'autres motifs de retour, mais ceux qui n'ont pas les moyens peuvent rester clandestinement dans le pays d'accueil ou alors « sont expulsés et leurs conditions de rapatriement sont indiquées par les conventions bilatérales de rapatriement si applicable, ou directive de l'ambassade ou consulat ». Même si les autorités sont au courant des tentatives de demande d'asile, les agents peuvent s'avérer « compréhensifs » quant aux raisons ayant poussé la personne concernée à quitter l'Algérie. En général, « tant qu'il ne représente pas une menace sécuritaire », le demandeur d'asile débouté subit le même traitement par les autorités que celui réservé à tout autre Algérien rapatrié. Cela dit, « chaque demandeur d'asile a une situation personnelle différente » et certains peuvent subir « des représailles » à leur retour (doctorante 2023-05-26).
La cheffe des programmes au sein de l'OIM en Algérie a quant à elle affirmé que selon l'expérience de l'organisation onusienne, « l'accueil de la part des autorités est correct » (Nations Unies 2023-05-24). La même source a décrit les trois cas de figure de traitement par les autorités algériennes en fonction du profil de la personne rapatriée, dont
- le rapatrié qui avait quitté « de manière régulière » et qui retourne seul ou accompagné par l'OIM après l'expiration de son visa où la personne est contrôlée et interrogée (notamment sur le motif du départ/retour, les chemins empruntés, les moyens de retours, les informations sur les passeurs, etc.) par la police judiciaire dès son arrivée après avoir présenté son laissez-passer devant la police des frontières et où une enquête est ouverte dans le but de vérifier si la personne ne fait pas l'objet d'un mandat d'arrêt civil ou militaire avant d'être relâchée si aucune procédure légale n'est engagée après la création d'un [procès-verbal] et une prise d'empreintes et de photo par la police scientifique;
- le rapatrié qui avait quitté irrégulièrement et qui retourne au pays accompagné par l'OIM à travers son programme de retour volontaire, où la procédure est identique que précédemment; et
- le rapatrié qui avait quitté irrégulièrement et qui retourne au pays sans être accompagné par l'OIM où la procédure reste identique aux cas précédents en dehors du fait que l'individu concerné est « informé [s]'il risque de recevoir […] une amende » dans les semaines à venir »; « certains » peuvent bénéficier de « circonstances atténuantes » (Nations Unies 2023-05-24).
3.2.2 Traitement réservé à l'entourage des personnes rapatriées de force par les autorités
Selon des sources, il n'existe pas de « traitement particulier » réservé aux membres de la famille des personnes rapatriées en Algérie (Nations Unies 2023-05-24; doctorante 2023-05-26) ou les proches « n'attirent pas l'attention des autorités en général » (avocate internationale 2023-05-19). Les sources ont cependant donné les exceptions suivantes :
- si la personne rapatriée a quitté le pays « illicitement pour fuir une affaire en cours » (doctorante 2023-05-26);
- si les proches de la personne l'ont aidée à se procurer un faux document de voyage, ils feront « également l'objet de poursuites par les autorités algériennes » (avocate internationale 2023-05-19);
- lorsque le rapatrié « fait l'objet d'une menace à la sécurité de l'État », ses proches font tout autant l'objet de « la collecte d'informations relatives aux faits qui sont reprochés à la personne rapatriée » de la part des « autorités pertinentes » (doctorante 2023-05-26).
La doctorante a affirmé que les membres de la famille proches du rapatrié « ne font pas l'objet d'un traitement ou d'une surveillance particulière » lorsque les faits qui lui sont reprochés « relèvent de l'émigration clandestine » (2023-05-26). Cependant, la même source a signalé que « dans le cas où la personne [aurait] quitté le territoire illicitement, les personnes l'ayant aidée peuvent être interrogées voire condamnées pour participation, assistance et complicité à la traite de personnes » (doctorante 2023-05-26).
3.2.3 Traitement réservé aux personnes rapatriées de force par la société algérienne
L'avocat en Algérie a affirmé que les personnes rapatriées ne rencontrent « aucun problème d'adaptation » lors de leur rétablissement au sein de la société et ne subissent pas de traitement particulier de la part de celle-ci par rapport aux autres personnes (2023-05-08). Selon la même source, ni l'entourage direct de la personne rapatriée ni la société de manière générale ne peuvent savoir si celle-ci a fait l'objet d'une mesure de refoulement lorsque c'est le cas, sauf si c'est la personne elle-même qui leur en fait part, et dans les contextes où cela se produit, les personnes informées n'en font aucun cas dans la « majorité » des situations (avocat en Algérie 2023-05-08). La même source a également affirmé que la même logique prévaut pour les membres de la famille de la personne rapatriée (avocat en Algérie 2023-05-08). La cheffe des programmes de l'OIM en Algérie a également souligné que la société algérienne reste « plutôt neutre » quant à son traitement à l'égard des personnes rapatriées (Nations Unies 2023-05-24).
En revanche, l'avocate internationale a affirmé que les personnes rapatriées rencontrent « beaucoup de difficultés » et peuvent se retrouver « davantage maltraitées », à l'instar des femmes qui avaient quitté le pays pour fuir les violences exercées par les membres de leur propre famille et qui sont obligées de vivre au sein de la même famille à leur retour (2023-05-19). La même source a également évoqué le cas de dépressions avec tentatives de suicide à la suite de la « stigmatisation et l'ostracisation » par la société algérienne qui considère des rapatriés comme « des moins que rien » après l'échec de leur projet d'immigration (avocate internationale 2023-05-19). De même, la doctorante a affirmé « [qu']une personne rapatriée est mal perçue par la société algérienne car selon ses standards, être rejeté par un pays d'accueil et revenir au pays quitté intentionnellement est une double peine » (2023-05-26).
Selon la même source, cette perception sociétale crée un « mal-être » chez le rapatrié qui se traduit par « des périodes de dépression non traitées et une détresse psychologique constante » (doctorante 2023-05-26).
Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.
Notes
[1] La Fondation Seligmann est un organisme anti-raciste et anti-communautariste situé à Paris (Fondation Seligmann s.d.a).
[2] Selon l'International Crisis Group, le hirak est un « mouvement citoyen largement pacifique » caractérisé par des manifestations bihebdomadaires, né en février 2019 à la suite de l'annonce de la candidature du président Abdelaziz Bouteflika à un cinquième mandat et qui a notamment abouti à la démission de ce dernier en avril 2019 (2020-07-27, i, 1).
Références
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Souiah, Farida. 2016. « La pénalisation des "brûleurs" de frontières en Algérie ». Après-Demain. Vol. 39, no 3. [Date de consultation : 2023-05-08]
Autres sources consultées
Sources orales : Abu Nawas Algérie; Africa Center for Strategic Studies; Algeria Democracy; Algeria Solidarity Campaign; Algérie – ambassade d'Algérie à Ottawa, consulat général d'Algérie à Montréal; American Institute for Maghrib Studies – Centre d'études maghrébines en Algérie; Amnesty International Algérie; Association de solidarité avec les femmes algériennes démocrates; Association France-Algérie – Occitanie, Rhône Alpes; avocats spécialisés notamment dans le droit relatif à l'immigration en Algérie (4); Caritas International Belgique; Centre d'information et de documentation sur les droits de l'enfant et de la femme; Collectif pour une alternative démocratique et sociale en Algérie; correspondant de la BBC en Algérie; DZ United; Forum France-Algérie; Ligue algérienne des droits de l'homme; Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme; Observatoire des droits de l'homme Tizi-Ouzou; professeure dans une université anglaise dont les recherches portent sur les études arabes et moyen-orientales; Union des avocats franco-algériens.
Sites Internet, y compris : Africa Center for Strategic Studies; Algérie – ministère de la Justice, ministère des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l'étranger, ministère de l'Intérieur, des Collectivités locales et de l'Aménagement du territoire, ministère du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale; Algérie-Focus; Algérie Patriotique; Al Jazeera; AllAfrica; American Institute for Maghrib Studies – Centre d'études maghrébines en Algérie; Amnesty International; Austrian Red Cross – ecoi.net; L'Authentique; L'Avant-garde; BBC; Bertelsmann Stiftung; Le Citoyen; Le Courrier d'Algérie; La Dépêche; Deutsche Welle; El Watan; États-Unis – ambassade des États-Unis en Algérie, CIA, Library of Congress, Overseas Security Advisory Council; L'ExpressDZ; L'Expression; Fédération internationale pour les droits humains; Le Figaro; France – Office français de protection des réfugiés et apatrides; France 24; Freedom House; The Guardian; International Peace Bureau; Jeune Afrique; Journal de Montréal; Liberté; Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme; Midi Libre; Minority Rights Group International; Le Monde; Nations Unies – Haut-Commissariat pour les réfugiés, PNUD, Refworld, UNICEF; The New Humanitarian; The New Yorker; Pew Research Center; Quotidien d'Oran; Radio-Canada; Radio France internationale; Reuters; Slate.fr; Le Soir d'Algérie; Le Temps d'Algérie; Transparency International; La Tribune; Tout sur l'Algérie; TV5Monde; Union européenne – European Union Agency for Asylum; Voice of America; The Washington Post.