Égypte : information sur le traitement réservé aux femmes qui ne se conforment pas aux pratiques et aux traditions musulmanes, y compris le port du voile, dans les régions rurales et urbaines; la protection offerte par l'État (2020–avril 2022) [EGY201003.EF]

Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada

1. Aperçu

D'après les Country Reports on Human Rights Practices for 2021 publiés par le Département d'État des États-Unis, les femmes en Égypte ne bénéficient pas des mêmes droits prévus par la loi que les hommes malgré les dispositions constitutionnelles en vigueur visant à garantir l'égalité des droits; de plus, [traduction] « la discrimination était très répandue » en raison de certains « [a]spects » des lois nationales et de « coutumes sociales traditionnelles » qui « défavorisent » les femmes de tous les milieux sociaux et économiques (É.-U. 12 avr. 2022, 54-55). Des sources signalent que des femmes ont été poursuivies en justice [en 2020 et 2021] pour [version française d'Amnesty International] « atteinte aux bonnes mœurs » en raison de leurs activités sur Internet (Amnesty International 7 avr. 2021, 146; HRW 13 janv. 2022) et de leur façon de s'habiller et de se comporter (Amnesty International 7 avr. 2021, 146).

Au cours d'un entretien avec l'Institut Tahrir pour la politique au Moyen-Orient (Tahrir Institute for Middle East Policy – TIMEP), une organisation à but non lucratif aux États-Unis qui appuie les intervenants locaux et encourage le dialogue sur des questions de politique telles que la primauté du droit et la justice dans la société au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (TIMEP s.d.), une représentante de l'Initiative égyptienne pour les droits personnels (Egyptian Initiative for Personal Rights – EIPR) [1] a déclaré qu'une des barrières à l'égalité et à l'égalité des droits pour les femmes en Égypte est la tendance [traduction] « croissante » aux « paniques morales répétées » depuis 2020, durant lesquelles l'État « cible les femmes » pour leur moralité, leurs préférences et leurs choix personnels présumés, ainsi que pour « la façon dont elles se présentent, le tout en lien avec la classe sociale dont elles sont issues » (TIMEP 25 mars 2022). Au cours d'un entretien avec la Direction des recherches, une professeure adjointe de science politique à l'Université Rutgers à Newark, dans le New Jersey, qui a publié un livre et des articles évalués en comité de lecture sur le rôle des femmes dans le militantisme, notamment en Égypte, a déclaré que les traditions et les normes musulmanes dans ce pays sont [traduction] « enracinées dans des pratiques et un discours de moralité sexués », ce qui comprend « la façon dont les Égyptiennes sont censées agir aux yeux du régime » (professeure adjointe 19 avr. 2022). Selon la professeure adjointe, les personnes qui refusent de [traduction] « se conformer aux normes et au discours de moralité sexués » s'exposent aux « sanctions » de la société et des autorités (professeure adjointe 19 avr. 2022). La même source a ajouté que, même s'il y a des différences quant aux traitements réservés aux personnes issues de milieux socioéconomiques différents, [traduction] « toutes » les femmes en Égypte font face à un certain degré de représailles pour des comportements jugés contraires aux normes et aux traditions acceptées (professeure adjointe 19 avr. 2022).

Les renseignements contenus dans le paragraphe suivant ont été fournis dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches par un représentant du Centre des femmes pour l'orientation et la sensibilisation juridique (Women's Center for Guidance and Legal Awareness – WCGLA) en Égypte, une ONG féministe qui surveille les questions liées à la protection et à la promotion des droits des femmes et offre des services juridiques aux survivantes de violence et de violations des droits de la personne (Coalition internationale des sites de conscience s.d.) :

Il est [traduction] « difficile » de fournir de l'information sur le traitement réservé par la société et les autorités aux femmes qui ne se conforment pas aux pratiques musulmanes courantes. Cette difficulté est attribuable au manque de données recueillies par le gouvernement et aux barrières sociales faisant obstacle à la collecte de telles données, ainsi qu'aux « contradictions » entre les normes « énoncées et établies par la loi » pour répondre aux mauvais traitements subis par les femmes et la réalité sur le terrain, à savoir « l'inaction et le défaut de mettre en application [ces] normes ». La distinction entre les pressions sociales et gouvernementales exercées sur les femmes pour qu'elles se conforment à un certain code vestimentaire, par exemple, est « souvent floue », et les femmes subissent de la pression des deux côtés (WCGLA 11 avr. 2022).

2. Traitement
2.1 Traitement réservé par les autorités

Selon la Commission des États-Unis sur la liberté religieuse internationale (US Commission on International Religious Freedom – USCIRF), les autorités en Égypte [traduction] « commettent ou tolèrent » des violations « systémiques et persistantes » des libertés religieuses, notamment dans le cadre des affaires de blasphème, qui touchent « de façon disproportionnée » les non-musulmans et les musulmans qui ne sont pas adeptes des formes de l'islam sunnite approuvées par l'État (É.-U. 21 avr. 2021, 66). Le représentant du WCGLA a signalé que, [traduction] « [l]a plupart du temps », les autorités ne cherchent pas « proactive[ment] » à faire respecter des pratiques et traditions musulmanes particulières, sauf dans les cas où sont exercées des pressions sociales visant à « intimider ou emprisonner des femmes » et particulièrement quand il y a un « tollé public important » (WCGLA 11 avr. 2022).

La professeure adjointe a aussi souligné que des femmes ont fait face au [traduction] « harcèlement » pour avoir présenté, alors qu'elles ne portaient pas le voile, des pièces d'identité avec photo où elles étaient voilées aux autorités, y compris des surveillants d'examen dans les universités et des agents des services frontaliers (professeure adjointe 19 avr. 2022). La professeure adjointe a ajouté que faire changer les photos sur les cartes d'identité pose [traduction] « une série de difficultés » pour les femmes en Égypte, car elles doivent obtenir le consentement de leur père (professeure adjointe 19 avr. 2022).

Des sources signalent que les autorités égyptiennes [version française d'Amnesty International] « [ont] réprim[é] » des influenceuses sur les réseaux sociaux (Amnesty International 13 août 2020) ou [traduction] « mené une campagne violente » (HRW 17 août 2020) contre ces dernières (Amnesty International 13 août 2020; HRW 17 août 2020). Selon des sources, les autorités ont porté contre ces femmes des accusations liées à la moralité, y compris pour [version française d'Amnesty International] « "atteinte aux bonnes mœurs" » (Amnesty International 13 août 2020; DW 21 janv. 2022), « [p]articulièrement » au cours des deux dernières années (DW 21 janv. 2022).

Les renseignements contenus dans le paragraphe suivant ont été fournis dans un article du New York Times sur la violence sexuelle perpétrée par les autorités dans le système judiciaire égyptien, à partir de témoignages de 12 Égyptiennes :

Les femmes interviewées, dont les interactions avec le système judiciaire ont débuté après avoir signalé un crime, y compris des agressions sexuelles, ou après leur arrestation pour avoir [traduction] « parlé publiquement » ou manifesté, ont fait part de « violences sexuelles » commises par des représentants de l'État. Dans « certains » cas, les « atteintes » se sont produites durant des « fouilles courantes » par des policiers ou des gardiens de prison, alors que dans d'autres cas, des médecins « au service de l'État » ont effectué des examens médicaux « invasifs », y compris des « soi-disant tests de virginité », malgré une décision judiciaire de 2011 se prononçant contre l'utilisation de ces tests. D'après Mostafa Foda, un ancien directeur de l'Office de médecine légale (Forensic Medicine Authority) interviewé pour l'article, les tests de virginité s'effectuent encore en vue d'établir si la victime était sexuellement active avant l'agression sexuelle et, le cas échéant, le prévenu « ne sera sans doute pas traduit en justice » (The New York Times 5 juill. 2021).

2.1.1 Variations régionales

Les renseignements contenus dans le paragraphe suivant ont été fournis par la professeure adjointe :

D'après des recherches et des entrevues menées par la source auprès de femmes vivant dans des régions rurales de l'Égypte, les juges et le personnel judiciaire dans les régions rurales du pays préfèrent défendre les traditions et les normes sociales [traduction] « acceptées » des communautés qu'ils desservent « plutôt que faire respecter la loi ». Les policiers et les juges dans les régions rurales risquent d'entacher leurs propres réputations s'ils prennent des décisions qui remettent en question les « normes et le discours de moralité sexués » de leur communauté, et les autorités « feront pression » sur les femmes pour qu'elles ne dénoncent pas les infractions. Le fait de demander l'assistance de la police peut déboucher sur « du positif comme du négatif ». « Même » au Caire, les policiers ne sont pas toujours « serviables », leur attitude pouvant varier selon leurs attentes quant au comportement ou à la tenue vestimentaire des femmes (professeure adjointe 19 avr. 2022).

Selon des médias, la vidéo d'un incident survenu dans la ville de Zagazig [Al-Zaqāzīq], la capitale du gouvernorat d'al-Charkia [Charkia, Charqiya] dans le Nord de l'Égypte, au cours duquel une pharmacienne [musulmane (The New Arab 12 oct. 2021)] a été [traduction] « battue » et « traînée » à même le plancher par ses collègues parce qu'elle ne portait pas le voile, a circulé sur Internet en octobre 2021 (MEMO 9 mars 2022; The New Arab 12 oct. 2021). Les mêmes sources expliquent que cette femme a été mise en détention par les autorités après qu'elle eut déposé une plainte au sujet de cet incident et [traduction] elle a été « accusée » (MEMO 9 mars 2022) ou [traduction] « inculpée » (The New Arab 8 mars 2022) au motif qu'elle faisait partie d'un groupe terroriste, avait diffusé de fausses informations et avait [traduction] « "agité l'opinion publique" » (MEMO 9 mars 2022; The New Arab 8 mars 2022). D'après les mêmes sources, au début de mars 2022, cette pharmacienne a été remise en liberté après une période de détention préventive, dans l'attente de son procès (MEMO 9 mars 2022; The New Arab 8 mars 2022).

Des sources signalent que, en 2020, une danseuse du ventre égyptienne a été déclarée coupable [traduction] « [d']incitation à la débauche et à l'immoralité » (Egypt Today 27 juin 2020; É.-U. 30 mars 2021, 20). Selon Egypt Today, un magazine d'affaires sociales de langue anglaise en Égypte (Egypt Today s.d.), le Tribunal des délits économiques du Caire (Cairo Economic Misdemeanors Court) l'a condamnée à trois ans d'emprisonnement (Egypt Today 27 juin 2020). Dans les Country Reports 2020 publiés par les États-Unis, il est souligné que la cour d'appel a réduit la peine de trois à deux ans (É.-U. 30 mars 2021, 20). D'après Egypt Today, le procureur public avait accusé la danseuse, arrêtée pour avoir [traduction] « diffusé des vidéos à caractère érotique sur les médias sociaux », d'avoir « porté atteinte à la moralité publique égyptienne » (Egypt Today 27 juin 2020).

2.1.2 Loi sur la cybercriminalité

Des sources signalent que les lois égyptiennes sur la cybercriminalité [traduction] « restreignent » (HRW 17 août 2020) le contenu publié sur les médias sociaux et sur Internet (AFP 21 juin 2021; HRW 17 août 2020) ou en prévoient le contrôle [traduction] « strict » (AFP 21 juin 2021). La loi no 175 de 2018, une loi visant à lutter contre la cybercriminalité et les délits informatiques, dont une traduction anglaise non officielle a été produite par Mohamed Chawki [2], prévoit ce qui suit :

[traduction]

(Chapitre III)

Infractions d'atteinte à la vie privée et de contenu informationnel illégal

Article (25)

Quiconque enfreint un principe de la famille ou une valeur de la société égyptienne, porte atteinte à la vie privée, envoie de nombreux courriels à une personne particulière sans obtenir son consentement, fournit des données personnelles à un système électronique ou à un site Internet en vue de la promotion de biens ou de services sans obtenir l'autorisation connexe, ou publie, au moyen du réseau informatique ou de tout autre moyen informatique, de l'information, des nouvelles, des images ou d'autres éléments semblables d'une manière qui porte atteinte à la vie privée de toute personne contre son gré, que l'information publiée soit vraie ou fausse, sera passible d'une peine d'emprisonnement d'au moins six mois et d'une amende d'au moins cinquante mille livres égyptiennes et d'au plus cent mille livres égyptiennes [de 3 425 $CAN à 6 852 $CAN], ou de l'une ou l'autre de ces sanctions.

Article (26)

Quiconque utilise délibérément un programme ou une technologie informatique pour traiter les données personnelles d'une tierce partie en vue de relier les données à un contenu abusif ou de les diffuser d'une manière préjudiciable à la réputation de la tierce partie sera passible d'une peine d'emprisonnement d'au moins deux ans et d'une amende d'au moins cent mille livres égyptiennes et d'au plus trois cent mille livres égyptiennes, ou de l'une ou l'autre de ces sanctions.

(Chapitre IV)

Crimes commis de concert avec l'administrateur du site

Article (27)

Dans des cas autres que ceux énoncés dans la présente loi, quiconque crée, administre ou utilise un site Internet ou un compte privé du réseau informatique en vue de commettre ou de faciliter une infraction punissable sera passible d'une peine d'emprisonnement d'au moins deux ans et d'une amende d'au moins cent mille livres égyptiennes et d'au plus trois cent mille livres égyptiennes, ou de l'une ou l'autre de ces sanctions (Égypte 2018, en gras dans l'original).

Selon un rapport du Conseil national des femmes (National Council for Women – NCW) de l'Égypte [voir la section 3.1.1 de la présente réponse], la loi sur la cybercriminalité [traduction] « vise à protéger les gens, particulièrement les femmes », de certaines pratiques en ligne, y compris la publication de photos modifiées « dans le but d'en faire une mauvaise utilisation ou de faire du chantage, par des moyens immoraux ou déshonorables » (Égypte [2020], 48).

Dans une affaire dont font état des sources, les autorités ont arrêté une adolescente en mai 2020 relativement à des accusations de [traduction] « "débauche" » [pour avoir porté des vêtements « jugés immoraux » et fait une « mauvaise utilisation des médias sociaux » (The Washington Post 31 juill. 2020)] après que l'adolescente eut publié une vidéo dans laquelle elle déclarait avoir été violée (The Washington Post 31 juill. 2020; Vogue 8 juill. 2020); bien que les agresseurs aient été arrêtés par la suite, les accusations contre la victime n'ont pas été retirées (Vogue 8 juill. 2020).

D'après un article de Human Rights Watch (HRW) sur une [traduction] « [s]érie » de poursuites pour « "[a]tteinte aux bonnes mœurs" » engagées contre des femmes en 2020, en plus de l'affaire signalée ci-dessus, 11 utilisatrices des médias sociaux ont été arrêtées relativement à de « vagues » accusations d'atteinte à la moralité au titre de la loi de 2018 sur la cybercriminalité; 3 hommes ayant aussi été arrêtés ont été « accusés de complicité » avec deux des femmes » arrêtées et condamnés à deux ans d'emprisonnement (HRW 17 août 2020). Par ailleurs, Amnesty International fait état de l'arrestation de 10 utilisatrices de TikTok entre avril et août 2020 au titre de la loi sur la cybercriminalité ou d'autres [version française d'Amnesty International] « dispositions légales très vagues en lien avec les "bonnes mœurs" et "l'incitation à l'immoralité" » (Amnesty International 13 août 2020). Des sources font remarquer que la situation en août 2020 était la suivante : quatre de ces femmes s'étaient vu imposer des amendes et des peines d'emprisonnement allant de deux à trois ans (Amnesty International 13 août 2020; HRW 17 août 2020). Selon Amnesty International, il ressort des documents juridiques que les accusations portées contre ces femmes visaient à les [version française d'Amnesty International] « sanctionn[er] » pour leur façon de s'habiller, d'agir, de gagner de l'argent et d'exercer une influence sur le public en ligne (Amnesty International 13 août 2020). HRW souligne que [traduction] « [l]a plupart » des vidéos et photos diffusées en ligne qui « ont servi de justification » pour l'arrestation des femmes les montraient portant des « vêtements de tous les jours qui sont courants en Égypte » (HRW 17 août 2020). L'Agence France-Presse (AFP) signale que la [traduction] « répression » contre les influenceuses sur les réseaux sociaux n'est « pas inhabituelle » dans le pays, car « plusieurs » danseuses du ventre et chanteuses populaires ont été prises pour cible de façon similaire « au cours des dernières années » à cause d'un contenu Internet jugé « choquant ou suggestif » (AFP 21 juin 2021).

Dans des articles parus ultérieurement portant sur certains des mêmes cas mis en lumière par les articles de HRW et d'Amnesty International, on peut lire que deux influenceuses TikTok ont été respectivement condamnées à un emprisonnement de six et de dix ans [par la Cour pénale du Caire (AFP 21 juin 2021)] en juin 2021 pour [traduction] « traite de personnes » (AFP 21 juin 2021; Al Jazeera 23 juin 2021; BBC 22 juin 2021). Selon des médias, un verdict antérieur condamnant ces femmes à un emprisonnement de deux ans pour [[traduction] « "atteinte aux valeurs et principes de la famille" » (BBC 22 juin 2021)] ou [[traduction] « "outrage aux valeurs de la société" » (AFP 21 juin 2021; Al Jazeera 23 juin 2021)] en raison des vidéos qu'elles avaient publiées en ligne avait été infirmé en appel avant que les nouvelles accusations de traite de personnes soient portées (AFP 21 juin 2021; Al Jazeera 23 juin 2021; BBC 22 juin 2021). Des sources ajoutent que trois hommes, reconnus coupables d'avoir prêté assistance à ces femmes, se sont vu imposer des peines de six ans d'emprisonnement (Al Jazeera 23 juin 2021; BBC 22 juin 2021).

Dans l'article de HRW sur les poursuites pour atteinte aux bonnes mœurs, qui cite un article en arabe de Mada Masr (Mada), un organe de presse du Caire dont les reportages portent principalement sur l'Égypte (Mada 9 oct. 2019), il est signalé que [traduction] « [b]on nombre » des influenceuses arrêtées « sont issues des couches sociales et économiques défavorisées » (HRW 17 août 2020). Pour ce qui est des femmes actives sur les médias sociaux qui dénoncent les agressions sexuelles, le Washington Post écrit que, [traduction] « [a]u moment même où des femmes osent tenir tête à leurs agresseurs », surtout depuis 2020, « d'autres se font arrêter uniquement parce qu'elles se sont exprimées », et leur accès à la justice « dépend souvent de leur classe sociale et de leurs ressources financières » (The Washington Post 31 juill. 2020). La même source ajoute que [traduction] « [l]a position socioéconomique » était peut-être un facteur dans l'emprisonnement des influenceuses sur les réseaux sociaux, car « [t]outes les influenceuses TikTok provenaient de quartiers défavorisés » et leurs façons de danser et de s'habiller dans leurs vidéos « n'étaient pas différentes » de celles qu'adoptent les Égyptiennes des milieux plus fortunés quand elles se rendent dans les « boîtes de nuit à la mode » (The Washington Post 31 juill. 2020).

2.2 Traitement réservé par la société

D'après les Country Reports 2021, les femmes sont victimes d'une discrimination [traduction] « généralisée » dans la société, qui prend notamment le forme de menaces à leur sécurité physique et de « préjugés » au travail (É.-U. 12 avr. 2022, 55). Selon un article publié dans le National, un quotidien de langue anglaise des Émirats arabes unis (The National s.d.), dans lequel sont cités les propos de [traduction] « groupes de défense de droits », l'Égypte a « une piètre réputation pour ce qui est du harcèlement sexuel des femmes en public » (The National 5 juill. 2020). La même source ajoute que les femmes ont [traduction] « endur[é] en silence le harcèlement sexuel » afin d'éviter le « risque » de « ce que de nombreuses familles perçoivent comme étant la honte de rendre publics les détails d'une agression ou d'un viol » (The National 5 juill. 2020). Dans l'Enquête internationale sur les hommes et l'égalité des sexes (IMAGES) – Moyen-Orient et Afrique du Nord [International Men and Gender Equality Survey (IMAGES) – Middle East and North Africa (MENA)] [3], il est signalé que le harcèlement sexuel dans la rue en Égypte [traduction] « est une pratique courante chez les hommes » qui vise « le plus souvent » des femmes et des filles dans les régions urbaines (ONU Femmes des Nations Unies et Promundo-US 2017, 84). En Égypte, l'IMAGES – Moyen-Orient et Afrique du Nord de 2017 a permis d'interroger 1 380 hommes et 1 402 femmes âgés de 18 à 59 ans dans cinq gouvernorats du pays, dont [traduction] « [u]n peu moins de la moitié » vivait en milieu urbain (ONU Femmes des Nations Unies et Promundo-US 2017, 43). L'enquête montre que [traduction] « près de deux tiers » des hommes ont reconnu avoir « déjà harcelé sexuellement une femme ou une fille », « même si », souligne-t-on dans le rapport, « les hommes avaient tendance à avouer avoir commis des actes moins intrusifs » (ONU Femmes des Nations Unies et Promundo-US 2017, 84). De plus, selon le rapport, [traduction] « près de » 90 p. 100 des hommes ayant reconnu avoir harcelé sexuellement une femme ou une fille « ont dit l'avoir fait pour le plaisir ou l'émotion », et 74 p. 100 des hommes interrogés estimaient que les femmes qui « s'habillent de façon provocante » « mérit[ent] » de se faire harceler (ONU Femmes des Nations Unies et Promundo-US 2017, 84, 86). D'après l'article du New York Times sur la violence sexuelle, qui cite les propos de Mostafa Foda, [traduction] « pour certaines personnes », si une femme a « des relations sexuelles avant le mariage, alors elle demande [à se faire violer] » et la « valeur entière d'une femme se résume à sa virginité » (The New York Times 5 juill. 2021). Dans le même article, on cite encore une fois les propos de Mostafa Foda selon lesquels la vie personnelle d'une victime de viol est soumise à un examen minutieux, notamment pour savoir si elle boit, fume, [traduction] « sort tard la nuit », porte le voile et prie (The New York Times 5 juill. 2021).

2.2.1 Variations régionales

Selon le représentant du WCGLA, [traduction] « [d]e manière générale », dans des villes comme le Caire et Alexandrie, la maltraitance des femmes qui ne se conforment pas est plus « modér[ée] » comparativement aux régions rurales, mais « n'est pas enrayée » (WCGLA 11 avr. 2022). La même source a précisé que les pressions sociales exercées sur les femmes qui ne se conforment pas sont [traduction] « plus grandes » dans les régions rurales et les petites villes, ainsi que dans le sud de l'Égypte, notamment « près » d'Assouan et de Sohag, où les femmes font l'objet d'une « répr[ession] » et de « restr[ictions] » « extrêm[es] » (WCGLA 11 avr. 2022). De même, dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un professeur agrégé d'études du Moyen-Orient à l'Université de l'Oklahoma a signalé que la position sociale et les différences régionales ont une incidence sur la façon dont les femmes sont traitées en Égypte et a fait observer, à titre d'exemple, que les femmes des [traduction] « couches les plus riches du Caire et d'Alexandrie […] ont plus de liberté sur le plan vestimentaire (et sur de nombreux autres plans) que les femmes des classes moyennes et défavorisées » (professeur agrégé 4 avr. 2022).

Sur la base de recherches et d'entrevues réalisées dans des régions rurales de l'Égypte auprès de femmes et d'organisations de défense des droits des femmes, la professeure adjointe a affirmé que [traduction] « certaines » femmes ayant décidé de délaisser le voile ont eu « des disputes et des débats très intenses » avec leurs familles et amis, et que « toutes » les femmes rurales « ont dû » déménager au Caire pour être en mesure de vivre sans le voile (professeure adjointe 19 avr. 2022). La professeure adjointe a donné l'exemple d'une des femmes interviewées qui, après avoir enlevé son voile, a subi une [traduction] « réaction hostile » de la part de ses frères [pour des motifs religieux] et de son père parce qu'il était « couvert de honte » par sa famille et son cercle social (professeure adjointe 19 avr. 2022). La même source a ajouté que, dans une société où le corps et la [traduction] « pureté » des femmes sont perçus comme des marqueurs de l'honneur de la famille entière, ne pas se conformer aux normes et aux traditions sociales « pose problème » (professeure adjointe 19 avr. 2022).

2.2.2 Hisba

Selon HRW, la notion de hisba en droit égyptien fait renvoi au mécanisme par lequel les membres du public peuvent soumettre des plaintes sur un [traduction] « grand éventail » de questions, telles que des articles de revue, des livres ou des « spectacle[s] de danse » jugés « préjudic[iables] » « à la décence, à la moralité publique ou à l'intérêt commun » de la société égyptienne; « pendant des années », les autorités, y compris le procureur général, ont « donné suite à de telles plaines » en traduisant en justice des membres de la société civile qui semblent défier le gouvernement ou les normes sociales du pays (HRW 17 août 2020). Dans un article universitaire publié dans l'International Journal of Middle East Studies, Ahmed Ezzat, un doctorant à la Faculté des études asiatiques et moyen-orientales (Faculty of Asian and Middle Eastern Studies) de l'Université de Cambridge (University of Cambridge s.d.), qualifie la hisba de mécanisme de [traduction] « réglementation morale » par les autorités à l'intérieur du système judiciaire égyptien, en soulignant que

les procureurs et les juges qui mettent en doute les croyances et les valeurs morales des accusés, en examinant dans quelle mesure ces croyances et valeurs cadrent avec les normes socialement acceptables, pratiquent une forme différente de ḥisba, une forme dont l'objectif est passé au 19e siècle de la surveillance de la moralité publique dans les marchés au maintien de la santé publique. Aux 20e et 21e siècles, la hisba a pour principale préoccupation la protection de l'ordre public (Ezzat 25 sept. 2020, en italique dans l'original).

Par la suite, la même source met en contexte la façon dont la hisba est appliquée dans la société égyptienne contemporaine :

[traduction]

Cet ordre public, qui met en jeu des notions liées à la sphère publique telles que l'intérêt public, la décence publique et l'unité nationale, façonne la vie sociale de l'Égypte dans son ensemble, sans égard aux clivages sur les plans religieux, sexuel ou politique : il y a certains traits caractéristiques auxquels tous doivent se conformer pour être admis dans la sphère publique. La conception ne fait pas qu'interdire aux individus de commettre certains actes, mais, fait plus important, elle construit une image précise du citoyen idéal, inculque certains principes de moralité et dicte au citoyen la façon dont il doit se comporter. Ces principes de moralité visent à unifier la société égyptienne sous la bannière d'un certain récit et exigent de la part de chaque citoyen de se percevoir non pas comme un homme ou une femme, musulman ou non-musulman, riche ou pauvre, conservateur ou progressiste, mais comme Égyptien avant tout. L'État n'impose pas ce paradigme unificateur en traitant les citoyens comme des personnes égales, sans égard aux différences, mais plutôt en restreignant la différence; l'État ne fait pas qu'appliquer une répression directe contre les individus, mais protège ces principes de moralité en éliminant la distinction entre l'État et la société et en permettant aux individus de participer à la protection de ce système moral. Cette indistinction entre l'État et la société dans la protection de l'ordre moral peut être considérée comme étant le but du projet laïc de l'Égypte (Ezzat 25 sept. 2020, en italique dans l'original).

D'après HRW, dans son verdict sur l'affaire des deux influenceuses sur les réseaux sociaux [dont il a été question à la section 2.1.2 de la présente réponse], le Tribunal des délits économiques du Caire a déclaré que les lois sur les activités en ligne [traduction] « ne restreignent pas la liberté d'expression, mais sont nécessaires pour combattre les "idées déviantes" et la "dégradation morale" » (HRW 17 août 2020). Selon les déclarations faites par la poursuite [en arabe] et citées par la même source, les instances criminelles engagées contre des influenceuses sur les réseaux sociaux en Égypte depuis avril 2020 reposaient sur la clause relative aux bonnes mœurs de la loi de 2018 sur la cybercriminalité et les enquêtes touchant les activités de ces femmes sur les médias sociaux ont été lancées, [traduction] « dans certains cas », en réponse à des plaintes publiées sur la page Facebook du procureur concernant les vidéos (HRW 17 août 2020).

Dans une autre affaire signalée par des sources, une influenceuse active sur les médias sociaux a été arrêtée parce qu'elle avait été accusée d'avoir [traduction] « "attisé les instincts" » (MEMO 19 avr. 2022) ou [traduction] « "miné les valeurs et les principes de la famille de la société égyptienne" » (HRW 17 août 2020). D'après HRW, l'arrestation de cette femme est survenue après qu'un avocat égyptien a déposé une plainte au titre de la hisba dénonçant [traduction] « "la diffusion de vidéos sexuellement provocantes sur TikTok" » (HRW 17 août 2020).

3. Protection offerte par l'État
3.1 Mesures politiques et législatives

Selon un rapport de 2018 du PNUD qui présente une analyse différenciée selon le genre du droit et de la justice en Égypte, il y a des décrets ministériels qui limitent le droit des femmes de travailler dans un certain nombre de professions, dont celles qui sont [traduction] « jugées moralement inappropriées » (Nations Unies 2018, 9). Toutefois, dans les Country Reports 2021, on peut lire que les restrictions professionnelles fondées sur le sexe ont été abolies le 19 avril 2021; ces restrictions avaient auparavant empêché les femmes de [traduction] « travailler en soirée » et d'exercer certains emplois, à savoir ceux ayant trait à « la fabrication d'alcools, de matériel pyrotechnique, d'engrais, de pesticides [ou] d'asphalte » ainsi qu'à la « peinture de métaux », à la manutention de « substances radioactives » ou au déplacement des machines (É.U. 12 avr. 2022, 69).

Des sources font état de l'adoption en 2020 d'une loi qui accorde le droit à l'anonymat aux victimes de crimes sexuels qui dénoncent ces crimes (Reuters 29 déc. 2020; BBC 9 juill. 2020). Des médias soulignent que la plus haute autorité religieuse musulmane au pays, [la Mosquée] al-Azhar, a encouragé les femmes à signaler les violations et a condamné la persécution ciblée des femmes en raison de leur tenue vestimentaire (The Washington Post 31 juill. 2020; BBC 9 juill. 2020).

Le représentant du WCGLA a signalé que les mesures mises en place pour protéger les droits des femmes en Égypte sont [traduction] « presque toutes des mesures de façade [dépourvues de] substance », sauf si elles sont accompagnées d'une « pression additionnelle » et du soutien d'ONG comme le WCGLA, d'organisations internationales ou de médias (WCGLA 11 avr. 2022). Dans un article publié par Solutions alternatives en matière de politiques (Alternative Policy Solutions) [4], l'auteure Nada Wahba, chercheuse à l'École des études orientales et africaines (School of Oriental and African Studies – SOAS) de l'Université de Londres, a souligné que, en 2020, le NCW de l'Égypte a encouragé les victimes et les témoins de [traduction] « l'affaire du viol collectif au Fairmont » [5] à venir témoigner sous le couvert de l'anonymat, garanti par une récente modification du code des procédures pénales (Wahba 7 mars 2021). Toutefois, la même source a fait remarquer que certains témoins qui avaient répondu à l'appel ont par la suite été arrêtés et placés en détention préventive, après quoi le NCW [traduction] « s'est muré dans le silence » (Wahba 7 mars 2021).

3.1.1 NCW

D'après une présentation sur son site Internet, le NCW, créé en 2000 par le décret présidentiel no 90, est un [traduction] « appareil [gouvernemental] indépendant », habilité à établir lui-même sa structure et ses mandats conformément à la loi no 30 de 2018 (Égypte [2021], 4). Selon la même source, les responsabilités du NCW sont les suivantes :

  • proposer et rédiger des plans nationaux;
  • coordonner et évaluer les politiques nationales;
  • proposer des politiques et des mesures législatives;
  • recevoir et évaluer les plaintes liées aux atteintes aux droits et libertés des femmes;
  • transmettre ces plaintes aux autorités concernées et contribuer à leur règlement;
  • apporter une assistance judiciaire (Égypte [2021], 5).

Dans un article d'Egypt Today, le NCW fait remarquer que [traduction] « toutes » les plaintes sont reçues et que « l'assistance requise » est fournie par téléphone ou par le service de téléassistance (Egypt Today 4 janv. 2022). D'après les Country Reports 2021 publiés par les États-Unis, en septembre 2021, un décret du premier ministre de l'Égypte prévoyait la mise en place dans tout le pays d'unités à l'échelon des gouvernorats [traduction] « chargées de coordonner et d'améliorer les services intégrés aux femmes victimes de mauvais traitements » (É.-U. 12 avr. 2022, 51). Selon un article paru en septembre 2021 dans Egypt Today, l'initiative, dont la mise en œuvre attendait encore, viserait à rassembler [traduction] « en un seul endroit » les services fournis par tous les organismes gouvernementaux ayant des responsabilités liées à la violence contre les femmes; son administration centrale devait être établie au Caire, avec des divisions dans les gouvernorats (Egypt Today 2 sept. 2021). On peut lire dans le même article que l'unité serait [traduction] « affiliée au Cabinet » et inclurait le NCW et le Conseil national de l'enfance et de la maternité (National Council for Childhood and Motherhood – NCCM) ainsi que les ministères de la Justice, de l'Intérieur, de la Santé et de la Population et de la Solidarité sociale (Egypt Today 2 sept. 2021). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a trouvé aucun renseignement sur la mise en œuvre de l'initiative.

Au dire du représentant du WCGLA, le NCW offre [traduction] « très peu » de recours aux femmes qui subissent des mauvais traitements (WCGLA 11 avr. 2022). D'autres sources ont déclaré que le NCW est [traduction] « contrôlé » par l'État (professeur agrégé 4 avr. 2022) ou harmonise ses priorités avec celles de l'État, ce qui le rend [traduction] « inapte » à faire avancer et à protéger les droits des femmes (professeure adjointe 19 avr. 2022). En ce qui a trait à la réponse du NCW aux arrestations des influenceuses actives sur les médias sociaux survenues depuis avril 2020, HRW attire l'attention sur le fait que le NCW n'a pas publié de déclaration ou annoncé d'initiative à l'appui de ces femmes (HRW 17 août 2020). Nada Wahba fait observer que [traduction] « tant l'action que l'inaction » du NCW soulèvent des « questions valides » pour ce qui est de savoir si le Conseil est « seulement une autre branche de l'État » (Wahba 7 mars 2021). D'après la même source, en 2020, le NCW est [traduction] « resté muet » au sujet de la série d'arrestations au titre des lois sur la cybercriminalité d'utilisatrices TikTok « à moyen ou à faible revenu »; toutefois, une bonne partie du rapport de dépouillement des médias du NCW mettait l'accent sur « la représentation de femmes qui utilisent un langage grossier ou qui fument dans les émissions de Ramadan TV », et « célébrait » et « faisait la promotion » de l'article 25 de la loi sur la cybercriminalité sur ses plateformes de médias sociaux (Wahba 7 mars 2021). La même source ajoute que le NCW [traduction] « semble avoir adopté la position de l'État pour ce qui est de punir les citoyens, surtout les femmes, pour leur "immoralité" » (Wahba 7 mars 2021).

3.2 Système judiciaire

Au cours de son entretien avec le TIMEP, la représentante de l'EIPR a fait valoir que l'accès à la justice pour les victimes de violence sexuelle et de violence fondée sur le genre

[traduction]

dépend entièrement des circonstances dans lesquelles l'incident de violence s'est produit et du profil de la femme qui dépose la plainte (la classe sociale [dont elle est issue], le mode de vie qu'elle mène, son apparence) ainsi que de l'agent de la police ou du système judiciaire qui recueille la plainte. Essentiellement, l'affaire repose sur le profil de la femme, plutôt que sur le droit. Si l'agent estime que la victime est une « bonne » personne ou qu'elle « ne méritait pas ce qui lui est arrivé », alors il est possible qu'elle reçoive de l'aide. L'environnement n'est pas accueillant et la situation n'est pas agréable; la femme doit parler à beaucoup, beaucoup d'hommes, et expliquer encore et encore ce qui lui est arrivé. Habituellement, ces hommes n'ont pas suivi de formation de sensibilisation, si bien que leurs questions et leur façon d'agir envers les victimes sont épouvantables (TIMEP 25 mars 2022).

D'après la professeure adjointe, il n'y a pas de mécanisme [traduction] « particulier » permettant aux femmes qui subissent des mauvais traitements de la part des autorités du système judiciaire ou de la police de déposer une plainte, y compris dans les cas où elles font face à ces mauvais traitements en raison de leur façon de s'habiller (professeure adjointe 19 avr. 2022). En réponse à une question du TIMEP au sujet des obstacles qui entravent l'accès des femmes à l'égalité des droits en Égypte, la représentante de l'EIPR a décrit une [traduction] « pratique habituelle » en place depuis 2020 consistant à traduire en justice des influenceuses TikTok à la suite d'enquêtes « encourag[ées] » par l'État; de plus, il a fait remarquer que le procureur public a signalé « très clair[ement] » que son mandat n'englobe pas seulement l'application des lois, mais aussi la protection des valeurs familiales et la responsabilité de veiller à ce que « les Égyptiens respectent les bonnes mœurs » (TIMEP 25 mars 2022). La même source a ajouté que le procureur public s'est fixé [traduction] « un nouveau mandat » désigné sous le nom de « "sécurité nationale sociale" », une forme « institutionnal[isée] » « [d']intervention [de l'État] dans la vie personnelle » qui, au dire du représentant de l'EIPR, n'est codifié « dans aucune loi » (TIMEP 25 mars 2022).

3.3 Forces de police et de sécurité

Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches a trouvé peu de renseignements sur les mesures de protection offertes par l'État aux femmes qui ne se conforment pas aux pratiques et aux traditions musulmanes acceptées et qui subissent des mauvais traitements de la part des forces de police et de sécurité.

Au cours de son entretien avec le TIMEP, la représentante de l'EIPR a décrit en ces termes les obstacles entravant le dépôt de plaintes de violence sexuelle et de violence fondée sur le genre à la police :

[traduction]

S'il s'agit d'un acte de harcèlement sexuel dans la rue, par exemple, vous devez, de quelque manière, emmener le harceleur au poste de police. Ensuite, vous déposez une plainte et il formule une contre-plainte. Ainsi, vous passez tous les deux la nuit au poste. Et cela demeure une des principales raisons pour lesquelles les femmes renoncent à leurs plaintes, car elles ne veulent pas passer la nuit au poste (TIMEP 25 mars 2022).

Le représentant du WCGLA a signalé que les autorités ne prendront que [traduction] « peu ou pas » de mesures pour protéger les femmes qui sont « harcelées » par la société « au motif qu'elles ne sont pas de "bonnes" musulmanes », et les femmes qui déposent des plaintes en lien avec de tels actes auprès de la police sont, « dans presque tous les cas », accueillies avec un « sourire en coin », sans que la plainte ne donne lieu à un suivi ou à une application de la loi (WCGLA 11 avr. 2022). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Notes

[1] L'Initiative égyptienne pour les droits personnels (Egyptian Initiative for Personal Rights – EIPR) est une organisation égyptienne de défense des droits de la personne qui fournit des services d'assistance juridique, mène des recherches et participe à des activités de promotion des droits; l'EIPR a été [traduction] « visée » par les autorités au moyen d'arrestations, de descentes et d'interrogatoires en lien avec divers incidents depuis 2015 (TIMEP 20 nov. 2020).

[2] Mohamed Chawki était le président de l'Association internationale de lutte contre la cybercriminalité (AILCC) en 2020; ses recherches portent principalement sur la sécurité nationale, la cybercriminalité et la protection de données (Chawki 2020, 4).

[3] L'Enquête internationale sur les hommes et l'égalité des sexes – Moyen-Orient et Afrique du Nord (International Men and Gender Equality Survey (IMAGES) – Middle East and North Africa) de 2017 a été menée en Égypte, au Liban, au Maroc et en Palestine (ONU Femmes des Nations Unies et PromundoUS 2017, ii). L'enquête était financée par l'Agence suédoise de coopération internationale pour le développement (Swedish International Development Cooperation Agency – Sida) et coordonnée par l'Entité des Nations Unies pour l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes (ONU Femmes) et le bureau américain de Promundo (ONU Femmes des Nations Unies et PromundoUS 2017, ii). Promundo est une organisation internationale fondée au Brésil ayant pour mission principale de promouvoir l'égalité des sexes et de prévenir la violence grâce à la recherche, à l'action revendicatrice, à des programmes et à d'autres initiatives (ONU Femmes des Nations Unies et Promundo-US 2017, ii).

[4] Solutions alternatives en matière de politiques (Alternative Policy Solutions) est un organisme de recherche en politiques publiques [traduction] « non partisan » à l'Université américaine du Caire qui prépare des projets de politique alternatifs en matière de développement économique, de gestion des ressources et de réforme institutionnelle (Alternative Policy Solutions s.d.).

[5] L'affaire du viol collectif au Fairmont fait renvoi à un incident en 2014 au cours duquel une femme a été sexuellement agressée par plusieurs hommes à l'hôtel Fairmont du Caire; selon HRW, les autorités égyptiennes [traduction] « n'ont pas mené d'enquête sérieuse » sur cet incident (HRW 8 févr. 2021).

Références

Agence France-Presse (AFP). 21 juin 2021. « Egypt Sentences Two Female TikTok Influencers over "Human Trafficking" ». [Date de consultation : 28 mars 2022]

Al Jazeera. 23 juin 2021. « Egypt Arrests TikTok Star After "Human Trafficking" Conviction ». [Date de consultation : 23 mars 2022]

Alternative Policy Solutions, American University of Cairo (AUC). S.d. « About Us ». [Date de consultation : 12 avr. 2022]

Amnesty International. 7 avril 2021. « Egypt ». Amnesty International Report 2020: The State of the World's Human Rights. [Date de consultation : 21 mars 2022]

Amnesty International. 13 août 2020. « Egypt: Survivors of Sexual Violence and Online Abuse Among Prosecuted Women TikTok Influencers ». [Date de consultation : 18 mai 2022]

British Broadcasting Corporation (BBC). 22 juin 2021. « Egypt Detains Female TikTok Star After Human Trafficking Conviction ». [Date de consultation : 28 mars 2022]

British Broadcasting Corporation (BBC). 9 juillet 2020. « Egypt Serial Sex Attacks Prompt Law Change ». [Date de consultation : 14 avr. 2022]

Chawki, Mohamed. 2020. Anti-Cyber and Information Technology Crimes Law: "EGYPT" Law No. 175 of 2018. « Unofficial Translation ». [Date de consultation : 28 mars 2022]

Deutsche Welle (DW). 21 janvier 2022. Jennifer Holleis. « Women in Egypt: Ongoing Crackdown Stokes Solidarity ». [Date de consultation : 28 mars 2022]

Égypte. [2021]. National Council for Women (NCW). Women Economic Empowerment in Egypt. [Date de consultation : 12 avr. 2022]

Égypte. [2020]. National Council for Women (NCW). Report on the National Strategy to Eliminate Violence Against Women 2015-2020. [Date de consultation : 12 avr. 2022]

Égypte. 2018. Law No. 175 of 2018. Traduit vers l'anglais par Mohammed Chawki, président de l'Association internationale de lutte contre la cybercriminalité (AILCC). [Date de consultation : 28 mars 2022]

Egypt Today. 4 janvier 2022. « Egypt's NCW Deeply Condemn "Fabricated Photos" Incident that Led to a Girl Suicide in Gharbia Governorate ». [Date de consultation : 12 avr. 2022]

Egypt Today. 2 septembre 2021. « NCW Praises PM Madbouly's Decision to Establish Egypt's 1st Assembled Unit Protecting Women Against Violence ». [Date de consultation : 17 mai 2022]

Egypt Today. 27 juin 2020. « Sama el Masry Sentenced to 3 Years in Prison on Immortality Charges ». [Date de consultation : 23 mars 2022]

Egypt Today. S.d. « About Us ». [Date de consultation : 12 avr. 2022]

Entité des Nations Unies pour l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes (ONU Femmes) des Nations Unies et Promundo-US. 2017. Understanding Masculinities: Results from the International Men and Gender Equality Survey (IMAGES) – Middle East and North Africa. Sous la direction de Shereen El Feki, de Gary Barker et de Brian Heilman. [Date de consultation : 12 avr. 2022]

États-Unis (É.-U.). 12 avril 2022. Department of State. « Egypt ». Country Reports on Human Rights Practices for 2021. [Date de consultation : 21 mars 2022]

États-Unis (É.-U.). 21 avril 2021. US Commission on International Religious Freedom (USCIRF). « Egypt (Recommended for Special Watch List) ». Annual Report 2021. [Date de consultation : 22 mars 2022]

États-Unis (É.-U.). 30 mars 2021. Department of State. « Egypt ». Country Reports on Human Rights Practices for 2020. [Date de consultation : 21 mars 2022]

Ezzat, Ahmed. 25 septembre 2020. « Law and Moral Regulation in Modern Egypt: Hisba from Tradition to Modernity ». International Journal of Middle East Studies. Vol. 52, no 4. [Date de consultation : 28 mars 2022]

Freedom House. 28 février 2022. « Egypt ». Freedom in the World 2022. [Date de consultation : 21 mars 2022]

Human Rights Watch (HRW). 13 janvier 2022. « Egypt ». World Report 2022: Events of 2021. [Date de consultation : 21 mars 2022]

Human Rights Watch (HRW). 8 février 2021. Rasha Younes. « Justice Stalled in Egypt's "Fairmont" Rape Case ». [Date de consultation : 17 mai 2022]

Human Rights Watch (HRW). 17 août 2020. « Egypt: Spate of "Morality" Prosecutions of Women ». [Date de consultation : 21 mars 2022]

International Coalition of Sites of Conscience. S.d. « Women's Center for Guidance and Legal Awareness (Egypt) ». [Date de consultation : 28 mars 2022]

Mada Masr (Mada). 9 octobre 2019. « Who We Are ». [Date de consultation : 5 mai 2022]

Middle East Monitor (MEMO). 19 avril 2022. « Egypt Sentences TikTok Star to 3 Years for "Human Trafficking" ». [Date de consultation : 19 avr. 2022]

Middle East Monitor (MEMO). 9 mars 2022. « Egypt: Pharmacist Beaten Up by Colleagues for Not Wearing Hijab Freed from Jail ». [Date de consultation : 23 mars 2022]

The National. 5 juillet 2020. Hamza Hendawi. « Egypt: Women's Clothing "Delusional Excuse" for Sexual Harassment, Say Religious Authorities ». [Date de consultation : 19 avr. 2022]

The National. S.d. « About Us ». [Date de consultation : 24 mai 2022]

Nations Unies. 2018. Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). « Egypt ». Gender Justice & the Law. [Date de consultation : 12 avr. 2022]

Nations Unies. S.d. Programme alimentaire mondial (PAM), Egyptian COVID-19 Response Hub. « National Council for Women (NCW) ». [Date de consultation : 31 mai 2022]

The New Arab. 8 mars 2022. Thaer Mansour. « Egypt Releases Woman Accused of Terror Charges, Hit at Work for Being Unveiled ». [Date de consultation : 23 mars 2022]

The New Arab. 12 octobre 2021. Thaer Mansour. « Video of Egyptian Woman Beaten Up at Work "For Being Unveiled" Sparks Outrage ». [Date de consultation : 23 mars 2022]

The New York Times. 5 juillet 2021. Mona El-Naggar, Yousur Al-Hlou et Aliza Aufrichtig. « Stripped, Groped and Violated: Egyptian Women Describe Abuse by the State ». [Date de consultation : 14 avr. 2022]

Professeur agrégé, University of Oklahoma. 4 avril 2022. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

Professeure adjointe, Rutgers University, Newark, New Jersey. 19 avril 2022. Entretien avec la Direction des recherches.

Reuters. 29 décembre 2020. Menna A. Farouk. « Egypt Student Jailed for 3 Yrs for Online Sexual Harassment ». [Date de consultation : 14 avr. 2022]

The Tahrir Institute for Middle East Policy (TIMEP). 25 mars 2022. « Q&A with Lobna Darwish: Women in Egypt ». [Date de consultation : 30 mars 2022]

The Tahrir Institute for Middle East Policy (TIMEP). 20 novembre 2020. « Egypt's Unprecedented Crackdown on EIPR ». [Date de consultation : 30 mars 2022]

The Tahrir Institute for Middle East Policy (TIMEP). S.d. « About Us ». [Date de consultation : 30 mars 2022]

University of Cambridge. S.d. « Current PhD Students ». [Date de consultation : 31 mai 2022]

Vogue. 8 juillet 2020. Jade Bremner. « Vogue.me Investigates: Why Does Egypt Have a Problem with Rape? ». [Date de consultation : 14 avr. 2022]

Wahba, Nada. 7 mars 2021. « The National Council for Women: A Critique and Proposed Way Forward ». Alternative Policy Solutions, American University in Cairo. [Date de consultation : 12 avr. 2022]

The Washington Post. 31 juillet 2020. Sudarsan Raghavan. « Egypt's Women Are Rising Up Against Sexual Violence. Others Are Still Being Jailed for TikToks ». [Date de consultation : 14 avr. 2022]

Women's Center for Guidance and Legal Awareness (WCGLA). 11 avril 2022. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par un représentant.

Autres sources consultées

Sources orales : avocate affilié à un cabinet en Égypte et à un groupe de réflexion aux États-Unis dont les recherches portent principalement sur le genre et la justice au Moyen-Orient et en Afrique du Nord; Egyptian Center for Women's Rights; Human Rights Watch; Nazra for Feminist Studies; New Woman Foundation; professeure adjointe dans une université aux États-Unis qui s'intéresse à la relation entre les régimes politiques et les institutions religieuses, aux questions de genre et au développement des identités religieuses dans les espaces politiques, notamment en Égypte; professeure adjointe dans une université en Égypte dont les recherches portent sur l'économie du travail et des soins, la protection sociale et les questions liées aux structures familiales au Moyen-Orient; professeure dans une université aux États-Unis dont les recherches portent sur les mouvements islamistes et les questions de genre dans les pays arabophones du Moyen-Orient, notamment en Égypte.

Sites Internet, y compris : Ahram Online; The Arab Weekly; Arabic Network for Human Rights Information; Australie – Department of Foreign Affairs and Trade; Brookings Institution; Cairo Institute for Human Rights Studies; CBC; Égypte – National Council for Human Rights; Egyptian Center for Women's Rights; Egypt Independent; Fédération internationale pour les droits humains; France – Office français de protection des réfugiés et apatrides; Nations Unies – Refworld, ReliefWeb; Nazra for Feminist Studies; Royaume-Uni – Home Office; Wilson Center.

Associated documents