L’évaluation par le Royaume-Uni de la situation des droits au Rwanda n’est pas factuelle

Des violations ont été occultées pour justifier une politique cruelle vis-à-vis de demandeurs d’asile

Lewis Mudge
Directeur, Afrique centrale
 

Cette semaine, le Royaume-Uni a publié son évaluation de la sécurité du Rwanda, destinée à légitimer un récent accord qui vise à envoyer vers ce pays d’Afrique centrale les demandeurs d’asile qui traversent la Manche ou empruntent d’autres itinéraires dits « irréguliers » ou dangereux. On s’attendait à ce que ce rapport minimise les violations des droits humains au Rwanda. En effet, le gouvernement peut difficilement envoyer avec un aller simple des personnes vulnérables en quête de protection vers un pays qu’il considère comme abusif. Mais le rapport va plus loin encore, sélectionnant les faits ou les ignorant purement et simplement pour étayer une conclusion toute faite.

En examinant le bilan du Rwanda en matière de droits, le rapport indique que, « nonobstant certaines restrictions à la liberté d’expression et/ou d’association », il n’y a « pas de motifs substantiels » de craindre que les réfugiés puissent être maltraités. Cette conclusion est difficile à concilier avec le traitement que le Rwanda a réservé aux réfugiés par le passé.

Entre février et mai 2018, les autorités rwandaises ont fait un usage excessif de la force et tué 12 réfugiés congolais lors d’une manifestation contre la réduction des rations alimentaires. La police a par ailleurs arrêté plus de 60 autres personnes, les accusant d’avoir pris part à des manifestations illégales, de violences contre les autorités publiques, de rébellion et de désobéissance aux forces de l’ordre. Certains ont également été accusés de « propagation de fausses informations dans le but de créer une opinion internationale hostile à l’État rwandais ». Human Rights Watch a confirmé qu’entre octobre 2018 et septembre 2019, au moins 35 réfugiés ont été condamnés à des peines allant de 3 mois à 15 ans de prison. Un réfugié a été accusé de nous avoir communiqué des informations, et ces communications ont été utilisées comme preuves contre lui lors de son procès. Il purge actuellement une peine de 15 ans de prison.

Si le ministère de l’Intérieur du Royaume-Uni reconnaît l’existence de « preuves de discrimination et d’intolérance à l’égard de personnes en raison de leur orientation sexuelle et de leur identité ou expression de genre », il maintient que ces abus ne sont pas aussi graves qu’il n’y paraît. Human Rights Watch a pourtant documenté la manière dont des personnes LGBTI ont été détenues, battues, insultées et harcelées en raison de leur identité sexuelle. Au vu de nos échanges avec des membres de la communauté LGBTI au Rwanda, il est difficile de déterminer ce que qui, pour le gouvernement britannique, pourrait être considéré comme suffisamment « grave ».

Le gouvernement britannique peut continuer à essayer d’édulcorer ses décisions politiques avec des évaluations sélectives comme celle-ci, mais cela ne changera rien à la réalité : en choisissant d’ignorer ses obligations internationales à l’égard des demandeurs d’asile et de les expulser vers un pays où les droits humains sont bafoués, il continue à approuver tacitement une politique empreinte de cruauté.

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