République démocratique du Congo : information sur le traitement réservé aux opposants politiques, y compris ceux qui sont membres de l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) ou du Front commun pour le Congo (FCC), par les autorités (2020–mars 2022) [COD200964.F]

Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada

1. Aperçu

Des sources rapportent que les autorités ont réprimé la « liberté d'expression » en l'an 2020 (Amnesty International 7 avr. 2021, 385) ou les « voix dissidentes » en l'an 2021 (HRW 13 janv. 2022). Human Rights Watch (HRW) signale qu'au cours de 2021, des détracteurs des politiques gouvernementales ainsi que des journalistes, des militants et des lanceurs d'alerte ont été « intimidés et menacés, passés à tabac, arrêtés et dans certains cas poursuivis en justice par les autorités et les forces de sécurité » (HRW 13 janv. 2022). Dans le même ordre d'idées, d'après les Country Reports on Human Rights Practices for 2020 publiés par le Département d'État des États-Unis, des membres de partis politiques de l'opposition, ainsi que des militants de la société civile et des journalistes, ont fait l'objet d'arrestations arbitraires et de déni de procédure judiciaire par des agents de sécurité de l'État (É.-U. 30 mars 2021, 8).

Les renseignements contenus dans le paragraphe suivant ont été fournis par un professeur à l'Université de Mons en Belgique, dont les recherches portent sur le pouvoir et la résistance politique, les relations de pouvoir entre les paysans et les élites locaux et les questions d'accaparement des terres en Afrique des Grands Lacs, notamment en République démocratique du Congo (RDC), au cours d'un entretien téléphonique avec la Direction des recherches :

Bien que l'arrivée de Félix Tshisekedi [à la tête du parti politique de l'UDPS] à la présidence en 2019 ait signalé le départ d'un président, Joseph Kabila [le leader du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD) et de la coalition FCC] qui était au pouvoir pendant 18 ans, ce changement n'a « pas du tout » été « définitif ». De 2019 jusqu'au début de 2020, l'alliance entre l'ancien et l'actuel président et leur camps politiques respectifs pour la gouvernance du pays a fait en sorte qu'il n'y avait « point de changement » dans l'espace politique. Le changement du régime central [en 2019] n'a pas affecté le fonctionnement et la sécurisation des 26 provinces décentralisées de sorte que la justice et la police puissent prévenir les « tueries » qui persistent. L'ancien régime persiste au niveau du système de justice et de la corruption; l'intimidation et les atteintes aux droits de la personne continuent sous le nouveau régime (professeur 28 févr. 2022). Pour d'autres renseignements sur la situation politique en RDC, y compris l'existence de liens entre le gouvernement actuel et le précédent et entre les institutions de l’État et l'ancien gouvernement, veuillez consulter la réponse à la demande d'information COD200963 publiée en mars 2022.

2. Traitement réservé aux opposants politiques par les autorités

Le professeur a signalé que des « centaines de milliers » de Congolais ont dû fuir le pays après qu'ils ont dénoncé des cas de corruption ou de détournement de fonds, non seulement parce que les présumés auteurs sont puissants, mais également parce qu'il y a « tellement et assez de moyens » pour corrompre chaque partie prenante « jusqu'au sommet de l'État » pour assurer que la personne n'ait jamais gain de cause (professeur 28 févr. 2022). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

Selon Afrikarabia, un site Internet d'actualités consacré à la RDC et animé par le journaliste Christophe Rigaud, les manifestations d'opposition au gouvernement Tshisekedi sont « systématiquement interdites par les autorités » dans le cadre de la pandémie de la COVID-19, « sous un prétexte sanitaire », alors que des rencontres politiques menées par l'UDPS demeurent toutefois autorisés (Afrikarabia 15 sept. 2021). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

2.1 Membres de l'UDPS

Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches a trouvé peu d'information sur le traitement des partisans de l'UDPS au cours des deux dernières années.

Les renseignements contenus dans le paragraphe suivant ont été fournis par le professeur :

Les partis politiques comptent plus de militants avant d'arriver en pouvoir, mais une fois arrivé il existe un nombre limité de places. Par conséquent, des membres « légitimes par leur ancrage » et leur militantisme pour le parti peuvent être écartés « violemment ». C'est pourquoi qu'aujourd'hui il y a « beaucoup » de membres de l'UDPS qui se disent être traités pires sous le régime de leur propre parti politique qu'à l'époque de Kabila. Plutôt que de se fier sur la question du régime au pouvoir pour comprendre comment des acteurs politiques, y compris ceux qui sont issus du parti au pouvoir, sont traités par les autorités, il faut « partir de questions matérielles », à savoir d'abord ce qui est en jeu, en termes du dossier que l'on négocie, ainsi que les responsables impliqués (professeur 28 févr. 2022).

Selon des sources, le 12 et 13 juillet 2020, trois cadavres ont été retrouvés dans la rivière Lubumbashi dans la province du Haut-Katanga [1] (AA 14 juill. 2020; HRW 12 août 2020) à la suite de manifestations ayant lieu le 9 juillet 2020, qui comprenaient des partisans de l'UDPS et du PPRD, en réponse à l'approbation par l'Assemblée nationale d'un nouveau chef de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) (HRW 12 août 2020). HRW rapporte que les trois corps récupérés de la rivière, ainsi qu'un quatrième corps, ont été identifiés comme étant ceux de manifestants appartenant à l'UDPS qui avaient disparu après les manifestations; selon des témoins, les cadavres présentaient des « traces de coupures et de mutilations, qui pourraient être le résultat d'actes de torture » (HRW 12 août 2020). HRW signale que, selon « plusieurs » sources, « au moins » 16 personnes ont été arrêté par les autorités militaires en lien avec les manifestations, et des proches d'un des victimes ont signalé à HRW qu'il avait été détenu sur des locaux militaires après les manifestations et qu'il portait les mêmes vêtements à la morgue (HRW 12 août 2020). Selon des sources, les autorités ont affirmé que des enquêtes judiciaires ont été lancées à l'égard de cette affaire (AA 14 juill. 2020; HRW 12 août 2020). La Direction des recherches n'a pas trouvé de renseignements sur la suite de ces enquêtes parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés.

2.2 Membres du FCC

Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches a trouvé peu d'information sur le traitement des membres du FCC et les partisans de l'ancien chef d'État Joseph Kabila au cours des dernières années.

Des sources rapportent qu'une chanteuse populaire et partisane du PPRD et de Kabila a été arrêtée par l'Agence nationale de renseignements (ANR) en novembre 2020 à la suite de la sortie de sa nouvelle chanson qui aurait visé Tshisekedi (HRW 28 janv. 2021; VOA Afrique 16 nov. 2020; AA 16 nov. 2020); la chanson a été interdite sur les ondes (HRW 28 janv. 2021; AA 16 nov. 2020).

Voice of America (VOA) Afrique, un diffuseur international américain financé par le Congrès des États-Unis (VOA s.d.), signale qu'en novembre 2020 des manifestations des partisans de Kabila ont été dispersées par la police « à coups de gaz lacrymogène » alors qu'une marche des partisans de l'UDPS a eu lieu le même jour sans intervention policière puisqu'elle aurait « reçu l'autorisation » requise (VOA Afrique 16 nov. 2020).

En mai 2020 à Kinshasa, des sources signalent que le vice-président de la Ligue des jeunes du PPRD a été arrêté pour « outrage » au président (HRW 28 janv. 2021; Politico.cd 16 mai 2020). Selon HRW, il a été condamné à deux ans de prison pour avoir remise en question la victoire électorale de 2018 de Tshisekedi au cours d'une entrevue médiatique (HRW 28 janv. 2021).

Des sources rapportent que lors de manifestations pacifiques organisées par des partisans du FCC ayant lieu en mi-janvier 2022 dans la province du Haut-Katanga revendiquant la libération de Daniel Ngoy Mulunda [ancien président de la CENI (Ouragan.cd 18 janv. 2022)], la marche a été « réprimé[e] » par la Police nationale congolaise (PNC) (Ouragan.cd 18 janv. 2022; Radio Okapi 25 janv. 2022). Selon Ourangan.cd, un journal en ligne couvrant l'actualité en RDC (Ouragan.cd s.d.), citant un ancien ministre de la Santé, la marche pourtant autorisée comprenait l'usage par la police de « balles réelles [et] baïonnettes » contre les manifestants par la police (Ouragan.cd 18 janv. 2022).

Des sources signalent que Josué Mufula, député du Nord-Kivu à l'Assemblée nationale [et loyaliste de Kabila; fidèle au FCC (Actualite.cd 8 févr. 2022)] a été arrêté et détenu pour avoir critiqué l'extension de l'état de siège déclaré le 4 février 2022 (Actualite.cd 8 févr. 2022; International Crisis Group févr. 2022) et libéré le lendemain (International Crisis Group févr. 2022). Pour des renseignements additionnels sur l'état de siège, veuillez consulter la section 3 de la présente réponse.

Selon des sources médiatiques, et sans que le gouvernement ne fournisse plus de détails à son égard, François Beya, Conseiller spécial en matière de sécurité du Président Tshisekedi, issu de l'ancien régime de Kabila, a été détenu aux bureaux de l'ANR à Kinshasa à partir du 5 février 2022 suite à des « "indices sérieux" » d'agissements contre la sécurité nationale (African Business 17 févr. 2022; RFI 10 févr. 2022) et des « allégations » d'une tentative de coup d'état (African Business 17 févr. 2022).

2.3 Leaders et membres d'autres partis politiques

Dans son rapport annuel portant sur l'état des libertés en RDC pour l'an 2020, Freedom House rapporte que les leaders de l'opposition et leurs partisans font [traduction] « souvent » l'objet d'intimidations et de restrictions à l'égard de leur liberté de mouvement et droits de mener des campagnes électorales et de tenir des activités politiques publiques (Freedom House 3 mars 2021, sect. B1). Selon Radio Okapi, une station de radio gérée par la Mission de l'Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) (Radio Okapi s.d.), diverses manifestations, certaines opposant et d'autres favorisant le gouverneur de la province de Tanganyika, Zoé Kabila [frère de l'ancien chef d'État Joseph Kabila], qui a fait face à un vote de destitution le 6 mai 2021, ont eu lieu à la ville de Kalemie le 10 mai 2021, et ont été réprimés par les forces de l'ordre utilisant le gaz lacrymogène (Radio Okapi 11 mai 2021).

Selon les Country Reports 2020 des États-Unis, Martin Fayulu, ancien candidat de la dernière présidentielle et leader de l'opposition politique, s'est vu interdire de tenir des réunions dans six villes le 7 janvier 2020, et des manifestations de son regroupement politique à Kinshasa et à Kindu ont été [traduction] « violemment dispersés » (É.-U. 30 mars 2021, 21, 26). Des sources médiatiques rapportent que le 15 septembre 2021 à Kinshasa, les forces de sécurité ont [« rapidement » (TV5MONDE et l'AFP 15 sept. 2021) ou « violemment » (Afrikarabia 15 sept. 2021)] « réprim[é] » une manifestation organisée par Fayulu (Afrikarabia 15 sept. 2021) ou par son regroupement politique, Lamuka (TV5MONDE et l'AFP 15 sept. 2021). La manifestation revendiquait la dépolitisation de la CENI et qui avait été « interdite » par les autorités (TV5MONDE et l'AFP 15 sept. 2021). Selon Afrikarabia, Fayulu rapporte avoir été « malmené » par la police lors de cette manifestation (Afrikarabia 15 sept. 2021). Dans un autre cas rapporté par Reuters, à Kinshasa le 16 octobre 2021 [traduction] « environ » 10,000 partisans de Fayulu ont manifesté contre la perçue ingérence politique dans la nomination de Denis Kadima [un « proche » de Tshisekedi (Jeune Afrique avec l'AFP 23 oct. 2021)] à la présidence de la CENI et des partisans de Tshisekedi ont lancé des bombes à essence visant les manifestants; la police a utilisé des gaz lacrymogènes pour disperser les affrontements (Reuters 17 oct. 2021).

D'après des sources, en [juillet (Politico.cd 22 août 2021)] 2021, le coordonnateur de la branche jeunesse du parti politique Ensemble pour la Rép0ublique a été arrêté et condamné à 22 mois de prison pour « désobéissance civile » (HRW 13 janv. 2022) ou à 24 mois de prison pour « incitation à la désobéissance civile » (Politico.cd 22 août 2021) à la suite de son opposition publique au projet de loi sur la « "congolité" » [2] (HRW 13 janv. 2022; Politico.cd 22 août 2021). Dans un autre cas rapporté par HRW, le leader du parti Rassemblement des leaders congolais a été arrêté le 28 novembre 2020 par des forces de l'ANR à la suite d'une émission télévisée au cours de laquelle il avait partagé ses critiques de Tshisekedi; ce même jour, il a été jugé et condamné à trois ans d'emprisonnement pour « "insulte au chef de l'État et menaces d'attentat" » et, selon HRW, « ses droits à une procédure régulière ont été violés » (HRW 28 janv. 2021).

2.4 Églises catholique et protestante

Des sources rapportent que l'entérinement à la présidence de la CENI de Kadima par l'Assemblée nationale a eu lieu le 16 octobre 2021, en dépit d'un manque de consensus entre les confessions religieuses [« reconnues » (Jeune Afrique avec l'AFP 23 oct. 2021)] (Actu7.cd 16 oct. 2021; Jeune Afrique avec l'AFP 23 oct. 2021). Les mêmes sources signalent que ces confessions religieuses sont chargées de choisir le président de la CENI [« par consensus » (Jeune Afrique avec l'AFP 23 oct. 2021)] et que la nomination de Kadima s'est produite en dépit de l'opposition de l'Église du Christ au Congo et l'Église catholique (Jeune Afrique avec l'AFP 23 oct. 2021) ou la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) (Actu7.cd 16 oct. 2021). HRW soulève que l'appel de l'Église catholique à la désignation d'un président de la CENI plus indépendant a engendré des attaques menées par des partisans de l'UDPS contre des prêtres et des établissements de l'Église catholique (HRW 13 janv. 2022). IWEB RDC, un magazine en ligne, signale dans la même veine que la maison de l'archevêque de Kinshasa a subi une attaque d'un groupe « se réclamant » de l'UDPS après que l'archevêque avait exprimé sa déception quant à l'entérinement de Kadima et appelé « le peuple congolais à se tenir en ordre de bataille » (IWEB RDC 1er déc. 2021).

2.5 Autres

Selon les Country Reports 2020 des États-Unis, en 2020 des représentants médiatiques ont subi des [traduction] « pressions » par des agents de gouvernements provinciaux pour assurer qu'elles ne couvrent ni des évènements, ni des nouvelles, qui sont en lien avec les leaders de partis politiques opposants (É.-U. 30 mars 2021, 19). HRW signale que des journalistes représentaient « [b]on nombre » des victimes d'arrestation arbitraire et de harcèlement en 2020; « au moins » 109 cas d'arrestation arbitraire et de harcèlement ont été recensés par l'organisme, dont « au moins » 16 qui impliquaient des agents de l'ANR (HRW 28 janv. 2021). Journaliste en danger (JED), « une organisation indépendante et non partisane de promotion et défense de la liberté de presse » situé en RDC (JED s.d.), rapporte qu'il y a eu 116 cas d'atteintes à la liberté de la presse recensées en 2020, dont 48 ont été commises par les « [a]utorités politiques et administratives », 35 par les forces de sécurité (police, armée et services de renseignement), et 19 par des militants de partis politiques (JED 2 nov. 2020, 27). En 2021, il y en a eu 110, dont 27 qui ont été perpétrés par des « [a]utocrat[e]s » politiques et administratifs, 44 par les services de sécurité, et 6 par les militants de partis politiques (JED 2 nov. 2021, 36). Des sources rapportent les exemples suivants:

  • Le 26 mai 2020 quatre stations de radio diffusant dans la province de Mongala ont été clôturés par le Gouverneur provincial, notamment « pour avoir diffusé des ''propos outrageants et dégradants à l'endroit de madame la Présidente de l'Assemblée nationale et du Gouverneur de province'' » (JED 2 nov. 2020, 57).
  • En juillet 2020 dans la province du Kongo Central, sept avocats, militants et journalistes ont fui leur résidence à la ville de Matadi vers Kinshasa à la suite de menaces, passages à tabac et tentatives d'enlèvement après avoir participé à des manifestations et appelé à la démission du gouverneur provincial en réponse à un « scandale sexuel » impliquant son vice-gouverneur (HRW 28 janv. 2021). Des mandats d'arrêt ont été émis contre « certains d'entre eux » pour « outrage à fonctionnaires et outrage au président » (HRW 28 janv. 2021).
  • Le 28 juillet 2020, HRW signale que dans la province de la Tshopo, la police a arrêté des militants des droits humains manifestant contre le gouvernement provincial dans la ville de Kisangani et les ont détenus pendant deux jours au bureau du procureur (HRW 28 janv. 2021).
  • Selon Reporters sans frontières (RSF), une journaliste qui couvrait une manifestation dans la ville d'Isangi au Tshopo le 20 janvier 2022, contre l'administrateur de la ville, a été arrêtée, battue, détenue à la station policière et s'est fait confisquée son équipement par la police locale avant d'être libérée quelques heures plus tard (RSF 24 janv. 2022).

3. Traitement réservé aux opposants politiques dans les provinces sous état de siège

Des sources rapportent qu'en mai 2021 dans les provinces du Nord-Kivu et de l'Ituri le gouvernement Tshisekedi a imposé un état de siège (HRW 13 janv. 2022; Nations Unies 21 juin 2021, parag. 6–7) [ou la [traduction] « loi martiale » (MRG 16 déc. 2021, 6)] pour répondre à « l'insécurité » dans ces régions (HRW 13 janv. 2022). Selon des sources, les mesures incluent le remplacement des cours civils par des cours militaires pour tout procès pénal (HRW 13 janv. 2022; Nations Unies 21 juin 2021, paragr. 7). Selon l'International Crisis Group, le président a prolongé l'état de siège à partir du 4 février 2022 (International Crisis Group févr. 2022). Pour des renseignements additionnels sur l'état de siège, veuillez consulter la réponse à la demande d'information COD200963 publiée en mars 2022.

Minority Rights Group International (MRG) rapporte que des [traduction] « détracteurs » du gouvernement ont constaté que

la loi martiale a été utilisée pour restreindre de manière drastique les libertés fondamentales d'expression et d'association, s'ajoutant aux mesures répressives plus larges que le président Félix Tshisekedi a prises pour consolider son pouvoir sur ses rivaux depuis 2020 (MRG 16 déc. 2021, 6).

Les Country Reports 2020 des États-Unis rapportent que le gouvernement a [traduction] « parfois » refusé des demandes d'autorisation pour des manifestations et des réunions publiques, notamment celles soumises par des partis politiques et des groupes de la société civile en opposition au gouvernement, et ce, surtout dans les provinces du Haut-Uélé, Nord-Kivu et Tanganyika (É.-U. 30 mars 2021, 20). Dans le même ordre d'idées, HRW signale qu'en l'an 2021, des manifestations ont été interdites par les autorités et les agents de sécurité ont employé une « force excessive » contre les manifestants (HRW 13 janv. 2022). Selon la même source, au cours de manifestations pacifiques à Goma, Butembo et Beni au Nord-Kivu en avril 2021, la police a tué cinq manifestants et en a blessé huit (HRW 13 janv. 2022). Dans un autre cas rapporté par HRW, après avoir critiqué la gestion du système sanitaire local, trois membres d'un mouvement citoyen nommé Jicho ya Raiya ont été arrêtés en février 2021 au Nord-Kivu et étaient toujours en détention provisoire à la prison centrale de Goma en date de janvier 2022 (HRW 13 janv. 2022).

4. Protection offerte par l'État
4.1 Cadre législatif, système judiciaire et forces de sécurité

D'après Amnesty International, malgré de nouvelles nominations à l'appareil judiciaire de l'État au cours de l'an 2020, le fonctionnement de celui-ci « n'a pas été modifié en profondeur » et demeure donc « un obstacle considérable à la protection des droits humains » (Amnesty International 7 avr. 2021, 386). La même source ajoute que « [l']insuffisance des moyens financiers et l'absence d'indépendance du pouvoir judiciaire » continuent à empiéter la reddition de comptes pour les atteintes aux droits de la personne perpétrées par l'État et les groupes armés (Amnesty International 7 avr. 2021, 388). Selon les Country Reports 2020 des États-Unis, le pouvoir judiciaire est [traduction] « corrompu et sujet à des influences et des intimidations » (É.U. 30 mars 2021, 9). Freedom House précise que le système judiciaire [traduction] « fait souvent preuve de partialité » à l'encontre de l'opposition politique et de la société civile, alors que les alliés du gouvernement « jouissent généralement de l'impunité » (Freedom House 3 mars 2021, sect. F1).

Les Country Reports 2020 des États-Unis signalent que les autorités ont [traduction] « souvent » omis d'enquêter, de poursuivre, ou de punir les auteurs d'abus des droits humains, « surtout » en ce qui concerne les fonctionnaires à haut niveau (É.-U. 30 mars 2021, 2). HRW rapporte également que « [p]eu » des agents des forces de sécurité et des services de renseignements ayant commis des abus des droits humains sous le régime de Kabila ont été poursuivis en justice et « beaucoup » d'entre eux occupent actuellement des « postes à responsabilité » (HRW 28 janv. 2021). Le professeur a souligné qu'en RDC il existe des problèmes de sécurité et de corruption et que les appareils judiciaire et policier ne peuvent pas garantir la protection des individus qui dénoncent des forfaits (professeur 28 févr. 2022). Les Country Reports 2020 des États-Unis signalent que les tribunaux militaires sont responsables d'enquêter sur tout crime commis par un membre de forces de sécurité et de poursuivre les auteurs, mais que ces tribunaux sont [traduction] « particulièrement inefficaces » pour traiter des cas d'inconduites commis par des fonctionnaires militaires de moyen à haut rang, en raison de l'exigence selon lequel le juge doit être d'un rang supérieur à celui du défendeur (É.-U. 30 mars 2021, 10).

Les Country Reports 2020 des États-Unis signalent que la loi congolaise reconnaît and garantit des droits et obligations [traduction] « "sacrés" » des partis politique opposants, mais dans l'effet, au cours de l'an 2020 les autorités gouvernementaux et les forces de sécurité ont bloqué des réunions, des assemblées publiques et des manifestations pacifiques organisées par des partis politiques opposants, y compris avec de la force, et ont restreint la liberté de mouvement de leurs leaders (É.-U. 30 mars 2021, 26). Le professeur a noté qu'à présent, l'alternance du régime au pouvoir n'a pas permis d'instaurer un état de droit réel au pays, de sorte qu'une personne puisse dénoncer un forfait commis à la police et devant un juge, indépendamment des auteurs et des dossiers ponctuels en jeu, et s'attendre à des réparations judiciaires (professeur 28 févr. 2022).

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Notes

[1] Human Rights Watch (HRW) signale que le Haut-Katanga, au sud de la RDC, est connu comme le « fief historique » du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), le parti politique de Joseph Kabila, et que son gouverneur provincial est membre de ce même parti (HRW 12 août 2020).

[2] Selon Politico.cd, un site Internet d'actualités basé en RDC (Politico.cd s.d.), la loi sur la congolité, aussi appelé la loi Tshiani, est un projet de loi qui interdirait l'accès au poste de président et aux « hautes fonctions » gouvernementales à tout congolais né d'un parent d'origine étrangère (Politico.cd 22 août 2021).

Références

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Politico.cd. 22 août 2021. « RDC : la ligue des jeunes d’Ensemble pour la République projette des actions pacifiques pour obtenir la libération de Jacky Ndala, son coordonnateur ». [Date de consultation : 24 mars 2022]

Politico.cd. 16 mai 2020. « RDC: Henri Magie, vice-président de la Jeunesse du parti de Kabila, arrêté et détenu à l'IPKIN ». [Date de consultation : 24 mars 2022]

Politico.cd. S.d. « Mentons légales ». [Date de consultation : 6 avr. 2022]

Professeur, Université de Mons, Belgique. 28 février 2022. Entretien avec la Direction des recherches.

Radio France internationale (RFI). 10 février 2022. Patient Ligodi. « RDC : d’autres arrestations prévues dans l'affaire Beya, la présidence nomme son remplaçant ». [Date de consultation : 9 mars 2022]

Radio Okapi. 25 janvier 2022. « RDC : multiplication des cas de répressions policières contre les manifestations pacifiques ». [Date de consultation : 9 mars 2022]

Radio Okapi. 11 mai 2021. « Kalemie : La Police a réprimé les manifestations pro et anti Zoé Kabila ». [Date de consultation : 9 mars 2022]

Radio Okapi. S.d. « À propos ». [Date de consultation : 6 avr. 2022]

Reporters sans frontières (RSF). 24 janvier 2022. « Woman Reporter Beaten by Police While Covering Protest in DRC ». [Date de consultation : 9 mars 2022]

Reuters. 17 octobre 2021. Justin Makangara, et al. « Congo Protests Turn Violent as Lawmakers Select Electoral Commission Chief ». [Date de consultation : 9 févr. 2022]

TV5MONDE et Agence France-Presse (AFP). 15 septembre 2021 (mis à jour 24 décembre 2021). « RDC : une manifestation de l'opposition réprimée, un correspondant de RFI violemment interpellé ». [Date de consultation : 9 mars 2022]

Voice of America (VOA) Afrique. 16 novembre 2020. Eddy Isango. « L'arrestation de Tshala Muana suscite un tollé à Kinshasa ». [Date de consultation : 24 mars 2022]

Voice of America (VOA). S.d. « Mission and Values ». [Date de consultation : 31 mars 2022]

Autres sources consultées

Sources orales : Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT) République démocratique du Congo; Association africaine de défense des droits de l'homme; Center for Strategic and International Studies; chercheuse postdoctorale dans une université belge qui se spécialise dans les questions d'économie politique dans la fonction publique en RDC; professeure adjointe dans une université américaine dont les recherches portent sur les réponses locales et internationales aux états fragiles et post-conflits dans l'Afrique centrale, notamment en RDC; professeure adjointe dans une université américaine dont les recherches portent sur la transition de période de guerre vers la paix, le développement, et la gouvernance internationale qui a fait des études sur le terrain en RDC; professeure adjointe dans une université américaine qui étudie notamment les partis politiques, la démocratisation, l'état de droit et la stabilité politique et qui a travaillé en RDC; professeure associée dans une université canadienne dont les recherches portent sur les relations état-société et la gouvernance dans les contextes de crises et conflits politiques dans la région des Grands Lacs de l'Afrique, y compris la RDC; professeure dans une université américaine qui a publié plusieurs livres sur le conflit et la consolidation de la paix en RDC; professeure dans une université au Royaume-Uni dont les recherches portent notamment sur le gouvernance et le partage de pouvoir post-conflit, y compris en RDC.

Sites Internet, y compris : Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT) République démocratique du Congo; Agence congolaise de presse; Al Jazeera; Allemagne – Federal Office for Migration and Refugees; Associated Press; ecoi.net; France 24; France – Office français pour la protection des réfugiés et des apatrides; Groupe d'étude sur le Congo; Leganet.cd; Le Monde; Nations Unies – Refworld; The New Humanitarian; Political Handbook of the World 2018-2019; Radio-Canada; Royaume-Uni – Home Office; Union européenne – Agence de l'Union européenne pour l'asile.

Associated documents