Nigéria : information sur la fréquence des meurtres rituels et des sacrifices humains; protection offerte par l'État (2019–octobre 2021) [NGA200791.F]

Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada

1. Aperçu

Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un chercheur principal à l’Université du Nigéria, Nsukka, qui mène des recherches notamment sur les groupes ethniques et les groupes religieux, a tenu à établir une distinction entre les meurtres rituels et les sacrifices humains comme suit :

[traduction]

D’une part, le meurtre rituel est l’acte de tuer des êtres humains de façon extrajudiciaire dans le but d’atteindre des objectifs temporels dans la vie tels que gagner de l’argent [ou de réaliser] une croissance supplémentaire dans les affaires, les banques, les églises, le pouvoir politique ainsi que de la force spirituelle personnelle. D’autre part, le sacrifice humain est l’offrande d’êtres humains à des forces transcendantales, telles que des divinités, dans le but soit d’expier des péchés, soit de rechercher de la protection ou une faveur en rapport. Autrement dit, le sacrifice humain est ancré dans la tradition africaine et légalement pratiqué à l’époque et sur le territoire de la société africaine précoloniale, alors que le meurtre rituel semble être un phénomène contemporain ancrée dans la quête moderne de richesse et d’influence démesurées (chercheur principal 4 oct. 2021).

Selon la source, [traduction] « [d]ans les faits, aucun sacrifice humain n’a été signalé depuis l’avènement de l’ère moderne », bien qu’il ait eu des rumeurs sans preuves tangibles sur « l’utilisation d’êtres humains pour l’enterrement de certains rois éminents au Nigéria », tandis que les meurtres rituels de leur côté « sont restés récurrents dans la société nigériane » et le phénomène « s’est étendu ces derniers temps au prélèvement d’organes humains vitaux » (chercheur principal 4 oct. 2021).

Les sources mentionnent que les meurtres rituels sont commis au Nigéria afin de récupérer des parties du corps humain, à la demande des praticiens du vaudou, pour des potions, des charmes et d’autres besoins fétichistes (Peterside 10 mai 2021) ou [traduction] « pour la pratique des sacrifices rituels avec la conviction que ces sacrifices fournissent ou génèrent de l’argent pour les auteurs » (Ezemenaka 30 déc. 2018, 234). David Pratten, un professeur agrégé d’anthropologie sociale de l'Afrique et membre du St Antony’s College de l’Université d’Oxford, lors d'une réunion organisée par le Bureau européen d’appui en matière d’asile (European Asylum Support Office – EASO) de l'Union européenne en juin 2017, décrit le meurtre rituel comme étant une pratique consistant à se : [traduction] « procurer des parties de corps humains pour des rituels susceptibles d’accroître le pouvoir, la virilité, la richesse ou la protection d’une personne. [Les parties du corps] peuvent être utilisées pour produire des "médicaments" » et que « les motivations derrière ces formes de meurtre sont très contemporaines : devenir riche rapidement est probablement la principale » (Pratten août 2017, 75).

Dans un entretien avec la Direction des recherches, un professeur agrégé spécialisé en histoire africaine à Brock University au Canada, a affirmé que l'on retrouve parfois des corps dont ils manquent des parties, notamment la tête, les yeux, les mains et les poignets et les parties intimes, en plus de la poitrine chez une femme (professeur agrégé 4 oct. 2021). Selon la source, [traduction] « les gens croient que ces parties du corps procurent une forme de magie qui leur permet de réaliser leurs souhaits pendant les rituels d’argent », par exemple permettre à une personne démunie de devenir riche, un pasteur d'agrandir son église en gagnant beaucoup de fidèles et d’offrandes, un commerçant de réussir dans ses affaires et un politicien de gagner des élections (professeur agrégé 4 oct. 2021). D'après les Country Reports on Human Rights Practices for 2020 du Département d’État des États-Unis, les enlèvements et les meurtres rituels [au Nigéria] sont dus au fait que les personnes cherchant à pratiquer un rituel (ritualiste) [traduction] « croient que certaines parties du corps confèrent des pouvoirs mystiques » (É.-U. 30 mars 2021, 40).

Un article publié en 2016 dans la revue scientifique à comité de lecture Africology: The Journal of Pan African Studies par Samuel Oyewole, un maître de conférences adjoint en sciences politiques à l’Université d’Ilorin au Nigéria (FUOYE s.d.), dresse une liste des motifs derrière les enlèvements et meurtres rituels où il est établi que les deux principales raisons de ces rituels sont la foi et le matérialisme, la foi se justifiant par la religion, les traditions et les superstitions, tandis que la matérialisme se justifie par la recherche de la gloire, des faveurs, de la protection, de la puissance, du succès et de la richesse (Oyewole nov. 2016, 40). Kingsley Ezemenaka, un chercheur doctorant à l’Université de Hradec Králové (République tchèque), souligne à travers un article publié dans une revue spécialisée que le matérialisme dans les enlèvements rituels touche aussi les « hommes de Dieu » qui ont recours aux sacrifices humains pour générer beaucoup d’argent et de recettes à travers les offrandes et dimes des membres attirés grâce à ces rituels ainsi que les jeunes qui se livrent aux meurtres rituels et aux enlèvements pour améliorer leurs chances en termes d’opportunités d’emploi (Ezemenaka 30 déc. 2018, 240). Dans un entretien téléphonique avec la Direction des recherches, un chercheur à l'Université du Toronto titulaire d'un doctorat et qui travaille dans le domaine de l’éducation de la justice sociale, et qui par le passé a mené des recherches de terrain dans l'État d'Edo sur les rites et rituels, parmi d'autres sujets, a affirmé que les meurtres rituels sont essentiellement motivés par la religion (chercheur 4 oct. 2021).

1.1 Étendu selon les variations géographiques et sociales

Quant à la répartition géographique des meurtres rituels, les sources ont affirmé qu'ils sont plus répandus dans les régions du sud qu’au nord du pays (chercheur principal 4 oct. 2021; professeur agrégé 4 oct. 2021; chercheur 4 oct. 2021), notamment grâce à la religion musulmane plus dominante au nord et qui punit plus sévèrement ces pratiques, selon le professeur agrégé (professeur agrégé 4 oct. 2021). Selon ces mêmes sources, la plupart des cas de meurtres rituels se produisent dans les grandes villes (chercheur principal 4 oct. 2021; professeur agrégé 4 oct. 2021; chercheur 4 oct. 2021) et selon le chercheur principal, lorsqu’ils se passent en milieu rural, les victimes sont généralement amenées là-bas en provenance des zones urbaines ou semi-urbaines (chercheur principal 4 oct. 2021). EASO cite encore David Pratten en signalant que « "[l]es données sur le Nigéria indiquent qu’il n’y a pas de réelle répartition ethnique ou locale, même si les incidents sont probablement moins fréquents dans les États du nord du pays" » (UE nov. 2018, 121).

Quant aux groupes ethniques impliqués, les sources orales ont également affirmé que cela varie et que dans le sud, la plupart des agresseurs sont Yorouba et Igbo [vu que ce sont les populations locales (professeur agrégé 4 oct. 2021)] (chercheur principal 4 oct. 2021; professeur agrégé canadien 4 oct. 2021), suivi par les Edos d'après le professeur agrégé (professeur agrégé 4 oct. 2021) et les « Efik/Ibibio » selon le chercheur principal (chercheur principal 4 oct. 2021). Cependant, le chercheur a affirmé que les meurtres rituels se produisent partout au Nigéria et qu’il n’y a pas de différence entre les groupes ethniques (chercheur 4 oct. 2021).

Quant aux couches sociales impliquées, le professeur agrégé a affirmé que les personnes plus riches sont plus impliquées dans les meurtres rituels puisqu'ils peuvent se permettre d’utiliser des intermédiaires et de corrompre les autorités policières et judiciaires pour échapper ainsi à la peine capitale (professeur agrégé 4 oct. 2021). Le chercheur a quant à lui affirmé que le niveau de richesse est [traduction] « le seul facteur qui explique toutes les variations des meurtres rituels au Nigeria » et explique que ces pratiques sont « cachées dans les régions du nord parce que tous les coupables sont presque [toujours] des personnes riches tandis que les victimes sont toujours des personnes démunies à la fois au nord et au sud du pays » (chercheur 4 oct. 2021). Le chercheur principal a pour sa part affirmé que [traduction] « le phénomène de meurtres rituels ne se différencie pas au niveau de la classe économique, surtout lorsqu’il est relié au gain d’argent » même s’il a aussi signalé que « la classe de loin la plus liée aux cas de meurtres rituels est celle des "nouveaux riches" » (chercheur principal 4 oct. 2021).

Quant à la différence entre les sexes, le chercheur a affirmé qu’il n’y a pas différence en fonction du sexe (chercheur 4 oct. 2021). Le professeur agrégé a cependant affirmé que les femmes sont plus tuées parce qu'elles sont moins capables de se défendre que les hommes (professeur agrégé 4 oct. 2021). Vanguard, un journal quotidien au Nigéria, signale de son côté que [traduction] « les parties du corps de la femme sont plus recherchées que celles du corps de l’homme », cela s’expliquant « par la puissance de certaines parties, comme les seins et les parties intimes, dans les rituels d’argent et autres pratiques des herboristes et groupes occultes » (Vanguard 2 sept. 2017).

Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce (Department of Foreign Affairs and Trade – DFAT) de l’Australie signale qu’il existe des établissements dits [traduction] « usines à bébé » partout dans le pays et qui ont été rapportés par les observateurs internationaux, sans fournir plus de précisions sur ces observateurs et leurs sources, lesdites usines fonctionnant souvent déguisés en orphelinats qui vendent des enfants notamment pour des « rituels sacrificiels » (Australie 3 déc. 2020, 41). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé de renseignements additionnels ni d'autres renseignements allant dans le même sens.

2. Fréquence des meurtres rituels et sacrifices humains

EASO a signalé en 2017 [traduction] « [qu'i]l est difficile de dire à quel point le phénomène des meurtres rituels est répandu dans le Nigeria de nos jours » (UE juin 2017, 59). Cependant, la même source a déclaré en 2019 que [traduction] « [l]a croyance en sorcellerie (ou juju) est très répandue au Nigéria » et que les meurtres rituels semblent être « un phénomène en augmentation » (UE févr. 2019, 55, 56). Selon un article du chroniqueur Dakuku Peterside publié en mai 2021 par Premium Times, un journal national en ligne fondé en 2011 et publié par Premium Times Limited, une organisation nigériane basée à Abuja ayant pour vision notamment [traduction] « [d']aider à renforcer la démocratie nigériane, faire progresser le bien-être socio-économique et les droits du peuple » (Premium Times s.d.), [traduction] « [l]es incidents de meurtres rituels ont pris un rythme alarmant au Nigeria » (Peterside 10 mai 2021). TheCable, un journal nigérian en ligne, signale [traduction] « [qu'a]u cours de ces derniers temps, les cas rapportés de meurtres rituels ont augmenté dans de nombreuses régions du pays » (TheCable 26 mai 2021). Selon la même source, cette augmentation se concentre davantage dans la région du sud-ouest (TheCable 26 mai 2021).

Selon EASO, il a été rapporté que [traduction] « dans les cinq premiers mois de 2018, il y a eu 72 décès relatifs aux meurtres rituels » et que « les morts dues à la sorcellerie et aux meurtres rituels comptent pour 1 p. 100 de toutes les morts violentes entre 2006 et 2014 » (UE févr. 2019, 56). La même source, en citant David Pratten, signale que « "globalement, le nombre d’attaques est faible" et que "le meurtre rituel n’est PAS une 'pratique systémique'" » (UE nov. 2018, 121, mise en évidence dans l'original).

EASO indique par ailleurs que les chercheurs ont des opinions divergentes quant à la réalité et l’ampleur des meurtres rituels (UE juin 2017, 59). Certaines sources ont cependant affirmé que le phénomène de meurtres rituels est [traduction] « en augmentation » (professeur agrégé 4 oct. 2021; chercheur 4 oct. 2021).

3. Incidents précis de cas connus
3.1 Cas de condamnations pour meurtres rituels

Concernant les cas de condamnation, Vanguard indique que la Haute cour de Port Harcourt dans l’état de Rivers a donné en mai 2020 une sentence de peine capitale par pendaison à deux hommes reconnus coupable du meurtre d’un petite fille de huit ans en août 2017 (Vanguard 13 mai 2020). Selon la source, l’un des ritualistes a reconnu les faits et a affirmé qu'on lui avait demandé de [traduction] « livrer les organes sensibles de la petite fille pour acquérir une indépendance financière » (Vanguard 13 mai 2020).

Vanguard signale également le cas de deux hommes, un chauffeur et un herboriste, condamnés à mort en avril 2020 par la Haute cour de l’État d’Osun à Ikirun pour le meurtre rituel d’une étudiante de l’université de l’État d’Osun à la demande de l'herboriste en décembre 2016 en échange de 10 000 nairas (NGN) [30 $CAN] (Vanguard 3 avr. 2020).

3.2 Cas d’arrestations pour meurtres rituel

Des sources médiatiques signalent les cas suivants :

  • Un jeune homme de 19 ans a été arrêté à Akinyele dans l’État d’Oyo, accusé d’une série de meurtres commis dans la région et a confessé avoir obtenu de la part d’un herboriste de la nourriture et 500 NGN [1,50 $CAN] pour chacune des six personnes qu’il a assassinées (Vanguard 17 juill. 2020; TheCable 26 mai 2021).
  • Trois présumés ritualistes ont été arrêtés par les membres des forces de l'ordre dans la zone de Boluwaji à Ibadan en connexion avec la mort d’un homme de 73 ans et l'un d'eux a admis avoir tué la victime et être un commerçant de parties de corps humains (Vanguard 21 sept. 2021).
  • Un présumé ritualiste a raconté en juin 2021 après son arrestation à la suite d’une dénonciation de ses voisins, avoir aidé son ami à tuer sa petite amie, parce que ce dernier [traduction] « lui avait promis des parties du corps pour un rituel d’argent » (Vanguard 11 juin 2021).
  • Plusieurs personnes ont été arrêtées pour le meurtre d'une femme dans sa ferme située dans la communauté Oku Abak en région d’Abak Council en mars 2020, dont l’une d’entre elles a avoué avoir décapité la victime et avoir été payé 150 000 NGN [455 $CAN] par une prophétesse qui recherchait des têtes humaines pour des rituels (Vanguard 8 mars 2020).
  • Quatre personnes, dont une femme herboriste, qui étaient suspectées d’avoir enlevé une étudiante et de l’avoir tuée pour les fins rituelles le 23 février 2020 à Otuo, dans la région d’Owan East, ont été brulées par la foule devant le poste de la police communautaire (Vanguard 24 févr. 2020).
  • Un homme de 24 ans arrêté dans l’État de Kwara est suspecté d’avoir tué son frère de 14 ans en date du 13 septembre 2021 avec la complicité d’un autre homme et d’un herboriste avec le but d'utiliser son corps pour un rituel d'argent (Vanguard 25 sept. 2021).
  • TheCable de sa part énumère les cas suivants :
  • le cas survenu le 20 août 2018 où un homme a été arrêté par la police pour avoir tué sa mère pour des rituels d’argent;
  • le 27 novembre 2018 où deux frères auraient décapité un adolescent dans le quartier de Sapati, Ibeju-Lekki à Lagos;
  • en juin 2019, un homme a été arrêté dans la région d’Igboora pour le présumé meurtre d’une femme de 25 ans à des fins rituelles;
  • en décembre 2020, la police de l’État d'Osun a arrêté deux frères qui étaient en possession de plusieurs cadavres et corps mutilés en région d’Iwo dans l’État d’Osun;
  • le cas survenu en avril 2021 où une femme a été tuée et son corps mutilé à Ile-Ife dans l’État d’Osun (TheCable 26 mai 2021).

3.3 Cas de meurtres rituels suspectés sans arrestation

Les Country Reports 2020 signalent qu’en juin [2020], cinq corps correspondant à cinq personnes tuées dans l’État d’Oyo ont été découverts avec les organes vitaux manquants, [traduction] « et il a été suspecté que ces organes avaient été prélevés pour des usages ritualistes » (É.-U. 30 mars 2021, 40).

Vanguard raconte le cas d’une grand-mère de 70 ans qui aurait été tuée par les ritualistes en février 2020 dans sa maison à Ogbagi Akoko dans l’État d’Ondo, avec les parties sensibles du corps retirées, mais certaines laissées sur place par les tueurs inconnus (Vanguard 17 févr. 2020). Selon la source, les ritualistes ciblent de plus en plus les femmes âgées comme la victime dont la plupart vivent seules (Vanguard 17 févr. 2020). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

4. Protection offerte par l’État
4.1 Lois

La Loi sur le code pénal (Criminal Code Act) de 1990 précise ce qui suit:

[traduction]

CHAPITRE 20

Épreuve judiciaire, sorcellerie, juju et amulettes criminelles

207. Jugement par épreuve judiciaire illégal : juju interdit

  1. Est illégal le jugement par l’épreuve judiciaire du tali, de la fève de Calabar, ou du poison, de l’huile bouillante, du feu, de l’immersion dans l’eau ou de l’exposition aux attaques de crocodiles ou d’autres animaux sauvages, ou par toute épreuve judiciaire susceptible d’entraîner la mort ou une blessure corporelle pour toute partie à la procédure.
  2. Le président ou, le cas échéant, le gouverneur d’un État peut, par décret, interdire la vénération ou l’incantation de tout juju qui lui semble être associé ou avoir tendance à la commission d’un crime ou d’une atteinte à l’ordre du public, ou à la propagation d’une maladie infectieuse ou contagieuse.

208. Diriger, etc., un jugement par épreuve judiciaire illégal

Quiconque dirige, contrôle ou préside un jugement par épreuve judiciaire illégal se rend coupable d’un crime et est passible, lorsque le jugement qu’il dirige, contrôle ou préside entraîne la mort d’une partie à la procédure, de la peine de mort et, dans tous les autres cas, d’une peine d’emprisonnement de dix ans.

209. Assister à un jugement par épreuve judiciaire illégal ou fabriquer du poison pour un tel jugement

Est coupable de délit mineur et est passible d’une peine d’emprisonnement d’un an quiconque, selon le cas :

  1. assiste ou participe à un jugement par épreuve judiciaire illégal;
  2. fabrique, vend, ou aide ou participe à la fabrication ou à la vente, ou a en sa possession, pour la vente ou l’utilisation, tout poison ou élément destiné à être utilisé dans le cadre d’un jugement par épreuve judiciaire illégal.

210. Infractions liées à la sorcellerie et au juju

Est coupable de délit mineur et est passible d’une peine d’emprisonnement de deux ans quiconque, selon le cas :

  1. par ses déclarations ou agissements, se représente comme étant un sorcier ou comme étant investi du pouvoir de sorcellerie;
  2. accuse ou menace d’accuser toute personne d’être un sorcier ou d’être investi du pouvoir de sorcellerie;
  3. fabrique, vend, utilise, possède ou se représente comme possédant un juju, une amulette ou un stupéfiant, ou aide ou participe à la fabrication, à la vente ou à l’utilisation d’un tel objet, destiné ou réputé destiné à empêcher une personne d’agir dans les limites permises par la loi ou à contraindre une personne à poser un geste qu’elle a légalement le droit de refuser de poser, ou réputé posséder le pouvoir de causer tout phénomène naturel ou toute maladie ou épidémie;
  4. dirige, contrôle ou préside la vénération ou l’incantation de tout juju interdit par décret du président ou du gouverneur d’un État, ou quiconque y assiste ou y participe;
  5. détient ou contrôle tout reste humain servant ou devant servir à la vénération ou à l’incantation d’un juju quelconque;
  6. fabrique, utilise ou possède quelque élément que ce soit dont la fabrication, l’utilisation ou la possession est interdite par décret du fait d’être associé ou réputé associé au sacrifice humain ou à toute autre pratique illicite, ou quiconque collabore à la fabrication ou à l’utilisation d’un tel élément.

[…]

319. Peine pour meurtre […]

  1. Sous réserve des dispositions du présent article du code, quiconque commet l’infraction de meurtre sera condamné à mort. … (Nigéria 1990).

4.2 Actions et mesures gouvernementales

Selon le professeur agrégé, [traduction] « même s’il reste des lacunes, les autorités policières et judiciaires font le nécessaire pour mettre en application le code pénal afin de punir les meurtres rituels et des pratiques connexes comme le sacrifice humain, l’ordalie, le juju et la sorcellerie » (professeur agrégé 4 oct. 2021). EASO signale que « [l]es informations diffusées par les médias sur les meurtres rituels reposent sur les arrestations policières et les interventions des autorités locales ou publiques afin de réduire ces homicides » (UE nov. 2018, 121).

Le chercheur Samuel Oyewole déclare ce qui suit à cet égard dans son article datant de 2016 :

[traduction]

Le gouvernement du Nigéria au niveau fédéral et dans certains États a répondu à cette menace [des enlèvements à des fins de rituels] par une criminalisation judiciaire et une surveillance policière généralisée. La police et les services de protection civile ont été à l’avant-garde de la guerre contre les ritualistes au Nigéria. Une série d’arrestations et de procès de ritualistes présumés, ainsi que d’organisations associées impliquées dans les enlèvements, a eu lieu. Cependant, la menace des enlèvements pour les rituels plane toujours au Nigéria. La police manque toujours de moyens pour faire face aux situations en temps réel alors que son rôle s’avère capital pour dissuader ou contrer la menace. Peu d’engagements ont été pris pour enquêter sur les incidents, identifier et sauver des victimes ou adopter des mesures de prévention policière, qui consistent à rechercher et à détruire les repaires des ritualistes et des organisations se livrant aux enlèvements rituels au Nigéria. Hélas, il existe une série d’allégations populaires selon lesquelles des suspects arrêtés sont libérés sans procès à cause de la corruption ou d’un ordre venant d’en haut. Même lorsque ces suspects sont traduits devant le tribunal, les affaires sont inutilement prolongées avec une série d’appels (Oyewole nov. 2016, 46).

News Agency of Nigeria (NAN), l'agence de presse créé par le gouvernement nigérian, signale que dans le but freiner notamment les enlèvements et les meurtres rituels, la police a inauguré en janvier 2018, l’escadron 63 équipée d'une douzaine de policiers dans la localité d’Ikorodu à Igbogbo Baiyeku dans l’État de Lagos (NAN 22 janv. 2018). Cependant, selon le président d'une entreprise de sécurité cité dans un article de Vanguard, les citoyens auraient perdu confiance en la capacité de la police à détecter et punir les meurtriers ritualistes, et que cela a pour conséquence une augmentation des lynchages des suspects pour que les citoyens rendent la justice eux-mêmes (Vanguard 2 sept. 2017). Le professeur agrégé a aussi affirmé que des cas de lynchages de suspects faisant suite à la méfiance de la population à l’égard des autorités policières et judiciaires corrompues se produisent, mais que cela n'arrive pas tous les jours (professeur agrégé 4 oct. 2021).

Le professeur agrégé a par ailleurs affirmé que les autorités ont créé un autre niveau de sécurité supplémentaire [le Western Nigeria Security Network [1] (professeur agrégé 20 oct. 2021)] plus proche de la population qui vient compléter le travail de la police dans les zones où sont survenus plusieurs cas de meurtres rituels pour assurer la surveillance des quartiers en collaboration avec les groupes d’autodéfenses mises en place par les communautés locales (professeur agrégé 4 oct. 2021). Le chercheur a affirmé que les groupes locaux d’auto-défenses essaient de sécuriser les quartiers sans aide gouvernementale et que la police vient généralement pour enquêter après le meurtre (chercheur 4 oct. 2021). Le chercheur principal a aussi affirmé ceci en ce qui concerne la protection offerte par l’État :

[traduction]

Malheureusement, il n’y a pas de protections spéciales ou de cadre juridique contre les meurtres rituels. L’acte est traité comme un meurtre comme tout autre affaire criminelle. Souvent, les auteurs du crime ont plus de chance de ne pas être poursuivis que les [autres] meurtriers en raison de la possible intervention de personnalités puissantes qui pourraient être impliquées si les procédures judiciaires sont engagées (chercheur principal 4 oct. 2021).

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais prescrits. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous la liste des autres sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Note

[1] Le Western Nigeria Security Network (WNSN), aussi appelé « Operation Amotekun », est une organisation de sécurité régionale créé le 9 janvier 2020 qui réunit les six États du sud-ouest du Nigéria et qui vient compléter le travail des [traduction] « principales agences de sécurité du pays » (NAN 9 janv. 2020).

Références

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Chercheur, University of Toronto. 4 octobre 2021. Entretien téléphonique avec la Direction des recherches.

Chercheur principal, University of Nigeria, Nsukka. 4 octobre 2021. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

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Oyewole, Samuel. Novembre 2016. « Kidnapping for Rituals: Article of Faith and Insecurity in Nigeria ». Africology: The Journal of Pan African Studies. Vol. 9, No. 9. [Date de consultation : 28 sept. 2021]

Peterside, Dakaku. 10 mai 2021. « The Scourge of Ritual Killings in Nigeria, by Dakuku Peterside ». [Date de consultation : 26 sept. 2021]

Pratten, David. Août 2017. « Ritual Killings, Cults and Chieftancy ». EASO COI Meeting Report. Nigeria: Practical Cooperation Meeting, 12-13 June 2017, Rome. Union européenne, European Asylum Support Office (EASO). [Date de consultation : 18 oct. 2021]

Premium Times. S.d. « About Us ». [Date de consultation : 20 oct. 2021]

Professeur agrégé, Brock University. 20 octobre 2021. Entretien téléphonique avec la Direction des recherches.

Professeur agrégé, Brock University. 4 octobre 2021. Entretien téléphonique avec la Direction des recherches.

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Vanguard. 24 février 2020. Ozioruva Aliu. « 4 Burnt to Death for Kidnapping SS III Student for Rituals in Edo ». [Date de consultation : 30 sept. 2021]

Vanguard. 17 février 2020. Dayo Johnson. « 70yr-old Grandma Killed by Ritualists in Ondo, Sensitive Body Parts Removed ». [Date de consultation : 28 sept. 2021]

Vanguard. 2 septembre 2017. Evelyn Usman. « Why Killings for Rituals Are on the Increase in Nigeria ». [Date de consultation : 30 sept. 2021]

Autres sources consultées

Sources orales : chef du département d’Études africaines et d'anthropologie dans une université américaine; chercheur avec doctorat en sociologie ayant mené une étude sur les sectes au Nigéria; chercheur et doctorant en études africaines dans une université tchèque; chercheur principal spécialisé en études africaines dans une université américaine; chercheur principal spécialisé en études stratégiques, gestion de crises, études des sectes et des meurtres rituels dans une université nigériane; chercheur principal spécialisé en études de conflits, groupes ethniques et religieux dans une université nigériane; maître de conférences spécialisé en chefferie et pratiques rituelles en régions parlant le yorouba dans une université nigériane; maître de conférences spécialisé en études yorouba et africaines dans une université américaine; maître de conférences spécialisé en pratiques culturelles et communautés traditionnelles dans une université nigériane; Nigéria – Nigeria Police Force, haut-commissariat à Ottawa; professeur agrégé spécialisé en croyances et religions africaines dans une université américaine; professeur agrégé spécialisé en pratiques des religions traditionnelles dans une université américaine; professeur agrégé spécialisé en pratiques religieuses, pratiques de serments et problèmes ethniques des Yoroubas dans une université américaine; professeure agrégée spécialisée sur le genre en religions africaines et pratiques religieuses yorouba incluant les rituels; professeur émérite d’une université américaine spécialisé en religions et régions de langue yorouba au Nigéria; professeur spécialisé en conflit ethno-régional et religieux au Nigéria dans une université au Royaume-Uni; professeur spécialisé en études de la diaspora yorouba dans une université américaine; professeur spécialisé en histoire et études africaines dans une université américaine; professeur spécialisé en interprétations culturelles et historiques en Afrique de l’Ouest dans une université américaine; professeur spécialisé en sociologie, criminologie et études sur la sécurité dans une université nigériane; vice-président exécutif d’une école de politiques publiques dans une université nigériane; Yoruba Traditional & Cultural Renaissance.

Sites Internet, y compris : Al Jazeera; Amnesty International; BBC; Bertelsmann Stiftung; Blueprint; Brookings Institution; BuzzNigeria.com; Child Rights International Network; The Daily Champion; Daily Nigerian; Daily Review Online; Daily Trust; États-Unis – Overseas Security Advisory Council; Every Nigeria; Factiva; Federal Radio Corporation of Nigeria; Fédération internationale pour les droits humains; France – Office français de protection des réfugiés et apatrides; Freedom House; The Guardian [Nigéria]; The Herald; Humanists International; Human Rights Watch; International Crisis Group; Institute for War & Peace Reporting; Leadership; Médecins sans frontières; Metro Daily Nigeria; Metro Times Nigeria; Minority Rights Group International; The Mirror Nigeria; Mondo Times; NaijaNews.com; The Nation; Nations Unies – Conseil des droits de l’homme, Refworld; The New Humanitarian; Nigéria – Federal Ministry of Justice, National Human Rights Commission, Nigeria Police Force; The Nigerian Observer; Nigerian Tribune; Nigeria Watch; Organisation suisse d’aide aux réfugiés; Pays-Bas – Ministry of Foreign Affairs; People's Daily; The Punch; Reporters sans frontières; Republican Nigeria; Royaume-Uni – Home Office; Voice of America; Voice of Nigeria; Wilson Center.

Associated documents