République démocratique du Congo : information sur la violence familiale et sexuelle, y compris le traitement réservé aux victimes; les lois; la protection offerte par l’État et les services de soutien (2019-mars 2021) [COD200507.EF]

Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada

1. Aperçu
1.1 Violence familiale

Selon un rapport rédigé par une coalition d’organisations de la société civile [1] dans le cadre de l’examen périodique universel (EPU) des droits de la personne en République démocratique du Congo (RDC), la violence familiale est « un phénomène largement répandu à travers le pays » (Coalition de la société civile [2018], 6). Dans son rapport périodique paru en août 2019 sur la RDC, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes se dit préoccupé par [version française des Nations Unies] « les taux élevés de violence familiale en raison des normes sociales acceptées » (Nations Unies 6 août 2019, paragr. 26c)).

1.2 Violence sexuelle

Dans un rapport paru en mars 2019 sur les droits de la personne en RDC, la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) signale que [version française de la FIDH] « [l]es violences à l’égard des femmes et des filles congolaises sont endémiques, notamment les violences sexuelles » (FIDH mars 2019, 13). D’après un mémoire sur les droits de la personne des femmes et des filles en RDC, présenté dans le cadre de l’EPU et coordonné par Solidarité féminine pour la paix et le développement intégral (SOFEPADI) [2] et MADRE [3], en collaboration avec 152 organisations et militants des droits des femmes en RDC, [version française de SOFEPADI et MADRE] « [l]es conflits armés qui ont endeuillé l’est de la RDC pendant ces décennies depuis les années 1990, ajoutées à la corruption endémique et à l’impunité du secteur judiciaire, n’ont fait qu’aggraver les violences sexuelles et sexistes au sein de la société congolaise » (SOFEPADI et MADRE 12 oct. 2018, 8). Dans un rapport conjoint sur la violence sexuelle présenté en octobre 2018 dans le cadre de l’EPU de la RDC et rédigé par le Mouvement des survivant.e.s de viols et violences sexuelles en RDC [4], la Fondation Dr Denis Mukwege (Dr. Denis Mukwege Foundation) [5], la Fondation Panzi (Panzi Foundation) [6] et la Fondation du Prix Right Livelihood (Right Livelihood Award Foundation) [7], il est signalé que les viols et violences sexuelles « continuent d’être commis en RDC de manière généralisée » (Mouvement des survivant.e.s et al. 4 oct. 2018, 3).

Le rapport du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes fait état de [version française des Nations Unies] « la forte prévalence de la violence fondée sur le genre, y compris la violence sexuelle et le viol collectif, notamment sur des mineures » (Nations Unies 6 août 2019, paragr. 26a)). Dans son rapport annuel de 2020 sur la RDC, Freedom House signale que [traduction] « les crimes sexuels touchent les femmes, les filles, les hommes et les garçons » (Freedom House 4 mars 2020, sect. G3). Toutefois, des sources font observer que les [jeunes (DYJEF 18 sept. 2018, 5)] femmes et les filles mineures sont les plus touchées par la violence sexuelle (DYJEF 18 sept. 2018, 5; Nations Unies 3 juin 2020, paragr. 14).

Dans un rapport publié en septembre 2018 par la Dynamique de la jeunesse féminine (DYJEF) [8], présenté dans le cadre de l’EPU de la RDC, on peut lire que « [l]es violences sexuelles se multiplient chaque jour » (DYJEF 18 sept. 2018, 5). D’après le rapport du Mouvement des survivant.e.s et al., à Bukavu, [la capitale de la province du Sud-Kivu], l’hôpital Panzi constate une augmentation du nombre de victimes de violences sexuelles depuis 2016 (Mouvement des survivant.e.s et al. 4 oct. 2018, 4). Dans un rapport du secrétaire général sur la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), publié en novembre 2020 et couvrant la période du 19 septembre au 1er décembre 2020, il est écrit que, entre juillet et octobre, 248 victimes de [version française des Nations Unies] « violences sexuelles liées au conflit », dont 152 femmes, 94 filles et 2 hommes, ont été recensées par la Mission; « [c]es chiffres sont inférieurs de près de 33 % à ceux du trimestre précédent » (Nations Unies 30 nov. 2020, paragr. 1, 53). La même source ajoute que cette baisse [version française des Nations Unies] « peut s’expliquer en partie par le fait qu’il est de plus en plus difficile de mettre en évidence ce type de violences dans de nombreuses provinces touchées par un conflit », mais que « [l’]action de démobilisation des groupes armés actuellement menée […] peut également avoir contribué à la baisse du nombre de cas recensés » (Nations Unies 30 nov. 2020, paragr. 53). Le rapport de la MONUSCO signale que, dans certaines régions du Nord-Kivu, les rescapé(e)s [version française des Nations Unies] « ont été empêché(e)s, parfois par les auteurs des crimes eux-mêmes, de recevoir des soins médicaux, ce qui a entravé le processus de signalement des cas en question » (Nations Unies 30 nov. 2020, paragr. 53).

Dans son rapport annuel de 2020 sur la RDC, Freedom House souligne que la violence sexuelle et sexiste est [traduction] « particulièrement » courante dans les « zones de conflit » (Freedom House 4 mars 2020, sect. G3). D’après le mémoire présenté dans le cadre de l’EPU et coordonné par SOFEPADI et MADRE, les conflits armés qui ont marqué la RDC [version française de SOFEPADI et MADRE] « pendant [d]es décennies » n’ont fait « qu’aggraver » les violences sexuelles et sexistes au sein de la société congolaise (SOFEPADI et MADRE 12 oct. 2018, 8). L’Entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes (ONU Femmes) signale que, en 2018, [version française des Nations Unies] « plus de 35 000 cas de violences sexuelles » ont été enregistrés, dont la majorité dans l’Est du pays (Nations Unies 1er sept. 2020). Des sources font observer que les violences sexuelles et sexistes étaient particulièrement répandues dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu (Nations Unies 24 sept. 2019; Mouvement des survivant.e.s et al. 4 oct. 2018, 3) ainsi qu’au Tanganyika, en Ituri et au Kasaï (Mouvement des survivant.e.s et al. 4 oct. 2018, 3).

Le rapport du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes fait état d’une augmentation [version française des Nations Unies] « du nombre de femmes et de filles, dans les zones touchées par le conflit, qui sont victimes de violence sexuelle, notamment de viol, de viol à grande échelle, de viol collectif et d’esclavage sexuel » perpétrés par les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), la police nationale, les groupes armés et les milices (Nations Unies 6 août 2019, paragr. 10a)). Dans une déclaration de 2019, la haut-commissaire adjointe aux droits de l’homme des Nations Unies affirme que [traduction] « des agents de l’État et des combattants des groupes armés continuent de commettre des violences sexuelles à grande échelle pendant les conflits » (Nations Unies 24 sept. 2019). Selon le rapport de la MONUSCO, [version française des Nations Unies] « les groupes armés » sont responsables de 55 p. 100 des cas de violences sexuelles perpétrées dans le cadre du conflit (Nations Unies 30 nov. 2020, paragr. 53). Le même rapport souligne que 30 filles de moins de 18 ans [version française des Nations Unies] « ont subi des violences sexuelles, notamment des viols » entre le 19 septembre et le 1er décembre 2020, dont 11 sont « attribuables à des agents de l’État » (Nations Unies 30 nov. 2020, paragr. 52). D’après la même source, du côté des acteurs étatiques, 30 p. 100 des cas de violence sexuelle liée au conflit étaient attribuables aux FARDC et 12 p. 100 étaient attribuables à la Police nationale congolaise (Nations Unies 30 nov. 2020, paragr. 53). Freedom House souligne que [traduction] « [l]es combattants rebelles et les soldats des forces gouvernementales sont souvent impliqués dans les cas de viol et d’agression sexuelle » (Freedom House 4 mars 2020, sect. G3).

2. COVID-19 et violence familiale et sexuelle

Selon ONU Femmes, durant l’épidémie de COVID-19, le nombre de cas de violence a augmenté de 99 p. 100 dans la province du Nord-Kivu (Nations Unies 1er sept. 2020). Dans un rapport paru en décembre 2020 sur les répercussions de la pandémie de COVID-19 sur les femmes et les filles en RDC, la Cellule d’analyse en sciences sociales (CASS) de l’UNICEF a signalé qu’il y avait eu une augmentation des cas de violence sexuelle et sexiste observés au niveau national et que cette augmentation était [version française des Nations Unies] « particulièrement grave » au Nord-Kivu et dans sa capitale, Goma (Nations Unies déc. 2020, 2). La même source fait état d’une augmentation des cas de violence sexuelle et sexiste reçus dans les centres de santé (Nations Unies déc. 2020, 3). D’après le rapport de la CASS, l’ONG Médecins du Monde [version française des Nations Unies] « a rapporté une multiplication par deux des cas de [violence sexuelle et sexiste] reçus dans ses centres de santé à Kinshasa entre avril et juin » (Nations Unies déc. 2020, 8). Dans un article publié par Reuters en juin 2020, on peut lire que le nombre d’appels au Forum des femmes citoyennes et engagées pour la gouvernance, la démocratie et le développement [à Kinshasa (Nations Unies déc. 2020, 8)], qui gère [traduction] « la première ligne d’assistance téléphonique pour les victimes de violence familiale au Congo », « a décuplé au cours des derniers mois » (Reuters 2 juin 2020). D’après le rapport de la CASS, cette même ligne d’assistance téléphonique [version française des Nations Unies] « a enregistré 20 fois plus d’appels de femmes que d’hommes » pendant la période de l’état d’urgence entre avril et juillet, et 78 p. 100 des appels reçus par la ligne d’assistance téléphonique pendant cette période concernaient des cas de violence physique et sexuelle contre des enfants de moins de 14 ans (Nations Unies déc. 2020, 8).

3. Lois

Selon des sources, il n’y a pas de loi interdisant la violence familiale (WILPF DRC oct. 2018, 5; OCDE 2019, 4). D’après un rapport publié en octobre 2018 par la section nationale congolaise de la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté (Women's International League for Peace and Freedom - WILPF) [9], soumis dans la cadre de l’EPU de 2019, la violence familiale ne constitue pas [traduction] « un crime en soi », mais tombe plutôt sous le coup des dispositions générales du code pénal visant les agressions, les voies de fait et le viol (WILPF DRC oct. 2018, 1, 5). Le rapport du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes fait état de l’absence de criminalisation de la violence familiale, y compris du viol conjugal, ainsi que de [version française des Nations Unies] « l’absence de progrès dans l’adoption du projet de loi sur la protection des personnes vulnérables, qui comporte un cadre pour l’assistance aux victimes de violences sexuelles » (Nations Unies 6 août 2019, paragr. 26).

Selon l’Indice des institutions sociales et de l’égalité homme-femme (Social Institutions and Gender Index - SIGI) de 2019 de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OECD), en 2009, la RDC a mis au point une Stratégie nationale de lutte contre les violences basées sur le genre (SNVBG) et a créé l’Agence nationale de lutte contre les violences faites à la femme, à la jeune et petite fille (AVIFEM) (OCDE 2019, 3). La même source signale que la SNVBG comporte les cinq initiatives suivantes :

  1. combattre [traduction] « l’impunité »;
  2. assurer « la protection et la prévention »;
  3. lancer « des réformes du secteur de la sécurité »;
  4. mettre en place « une assistance multisectorielle »;
  5. recueillir « les données et [effectuer] la mise en correspondance » (OCDE 2019, 3).

D’après ONU Femmes, en réponse à l’augmentation de la violence durant la pandémie de COVID-19, le gouvernement a adopté une SNVGB révisée en août 2020 (Nations Unies 1er sept. 2020). La même source souligne que, dans le cadre de la révision, on a élargi la définition de violence basée sur le genre pour y inclure la violence familiale (Nations Unies 1er sept. 2020). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a trouvé aucun renseignement additionnel sur la SNVBG.

La constitution de 2006 (modifiée en 2011) prévoit ce qui suit concernant la violence sexuelle :

Article 15

Les pouvoirs publics veillent à l’élimination des violences sexuelles.

Sans préjudice des traités et accords internationaux, toute violence sexuelle faite sur toute personne, dans l’intention de déstabiliser, de disloquer une famille et de faire disparaître tout un peuple est érigée en crime contre l’humanité puni par la loi (RDC 2006a).

En 2006, la RDC a adopté une loi sur la violence sexuelle portant modification du code pénal de 1940 (RDC 2006b). La modification de 2006 est ainsi rédigée :

Article 42 (bis)

La qualité officielle de l’auteur d’une infraction relative aux violences sexuelles ne peut en aucun cas l’exonérer de la responsabilité pénale ni constituer une cause de diminution de la peine.

Article 42 (ter)

L’ordre hiérarchique ou le commandement d’une Autorité légitime civile ou militaire n’exonère nullement l’auteur d’une infraction relative aux violences sexuelles de sa responsabilité.

[…]

Section II : Des infractions de violences sexuelles

Paragraphe 1er. De l’attentat à la pudeur

Article 167

Tout acte contraire aux mœurs exercé intentionnellement et directement sur une personne sans le consentement valable de celle-ci constitue un attentat à la pudeur.

Tout attentat à la pudeur commis sans violences, ruse, ou menaces sur la personne ou à l’aide de la personne d’un enfant âgé de moins de dix-huit ans sera puni d’une servitude pénale de six mois à cinq ans. L’âge de l’enfant pourra être déterminé par examen médical, à défaut d’état civil.

Article 168 :

L’attentat à la pudeur commis avec violences, ruse, ou menaces sur des personnes de l’un ou de l’autre sexe sera puni d’une servitude pénale de six mois à cinq ans.

L’attentat à la pudeur commis avec violences, ruse, ou menaces sur la personne ou à l’aide de la personne d’un enfant âgé de moins de 18 ans sera puni d’une servitude pénale de cinq à quinze ans. Si l’attentat a été commis sur les personnes ou à l’aide des personnes âgées de moins de dix ans, la peine sera de cinq à vingt ans.

Paragraphe 2 : Du viol

Article 170

Aura commis un viol, soit à l’aide de violences ou menaces graves ou par contrainte à l’encontre d’une personne, directement ou par l’intermédiaire d’un tiers, soit par surprise, par pression psychologique, soit à l’occasion d’un environnement coercitif, soit en abusant d’une personne qui, par le fait d’une maladie, par l’altération de ses facultés ou par toute autre cause accidentelle aurait perdu l’usage de ses sens ou en aurait été privé par quelques artifices :

  1. tout homme, quel que soit son âge, qui aura introduit son organe sexuel, même superficiellement dans celui d’une femme ou toute femme, quel que soit son âge, qui aura obligé un homme à introduire même superficiellement son organe sexuel dans le sien;
  2. tout homme qui aura pénétré, même superficiellement l’anus, la bouche ou tout autre orifice du corps d’une femme ou d’un homme par un organe sexuel, par toute autre partie du corps ou par un objet quelconque;
  3. toute personne qui aura introduit, même superficiellement, toute autre partie du corps ou un objet quelconque dans le vagin;
  4. toute personne qui aura obligé un homme ou une femme à pénétrer, même superficiellement son anus, sa bouche ou tout orifice de son corps par un organe sexuel, pour toute autre partie du corps ou par un objet quelconque.

Quiconque sera reconnu coupable de viol sera puni d’une peine de servitude pénale de cinq à vingt ans et d’une amende ne pouvant être inférieure à cent mille francs congolais constants [64 $CAN].

Est réputé viol à l’aide de violences, le seul fait du rapprochement charnel de sexes commis sur les personnes désignées à l’article 167, alinéa 2.

Article 171

Si le viol ou l’attentat à la pudeur a causé la mort de la personne sur laquelle il a été commis, le coupable sera puni de la servitude pénale à perpétuité (RDC 2006b).

D’après le rapport du Mouvement des survivant.e.s et al., l’application de ces lois contre la violence sexuelle « reste problématique et dénote un manque de volonté des autorités de lutter sérieusement contre ces violences »; de plus, les auteurs du rapport n’ont pas constaté de diminution des violences sexuelles depuis l’entrée en vigueur de ces lois (Mouvement des survivant.e.s et al. 4 oct. 2018, 3, 4). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé d’autres renseignements allant dans le même sens ni aucun renseignement additionnel.

4. Protection offerte par l’État

Selon le rapport de la DYJEF, bien qu’il existe une loi réprimant la violence sexuelle, la « majorité » des victimes sont incapables de saisir la justice pour plusieurs raisons, telles que « le manque de moyen financier, l’humiliation dans la société, la pesanteur socio culturel [sic], l’éloignement des instances judiciaires, la non protection [sic] des victimes, la corruption des agents de la justice (OPJ [officier de police judiciaire], magistrat etc.) par les violeurs » (DYJEF 18 sept. 2018, 5). De plus, d’après le rapport de la Coalition de la société civile, il est difficile pour les victimes d’accéder à la justice à cause de l’ignorance des procédures à suivre et de l’insuffisance des services d’aide juridique (Coalition de la société civile [2018], 6). Dans le rapport du Mouvement des survivant.e.s et al., on peut lire que porter plainte reste un défi pour les victimes de violences sexuelles parce que de nombreuses victimes ne connaissent pas leur bourreau et que le fardeau de la preuve incombe aux victimes, qui doivent répondre à des critères très complexes (Mouvement des survivant.e.s et al. 4 oct. 2018, 5). La même source ajoute que les coûts associés à la plainte constituent également un obstacle pour les victimes (Mouvement des survivant.e.s et al. 4 oct. 2018, 5). Comme il y a peu de juridictions « compétentes », les victimes doivent aussi payer leur transport, et doivent « souvent » rester éloignées de leur communauté tout le temps du procès, ce qui renforce les risques d’être stigmatisées au retour dans la communauté (Mouvement des survivant.e.s et al. 4 oct. 2018, 5). Le rapport du Mouvement des survivant.e.s et al. attire également l’attention sur le contexte de « dénigrement » et de stigmatisation que vivent toutes les victimes, qui sont « rendues responsables par la société » de ce qu’elles ont vécu (Mouvement des survivant.e.s et al. 4 oct. 2018, 5).

D’après des sources, la crainte de représailles empêche les victimes de dénoncer les actes de violence sexuelle (Coalition de la société civile [2018], 6; Nations Unies 6 août 2019, paragr. 10c); Mouvement des survivant.e.s et al. 4 oct. 2018, 5). Dans le rapport du Mouvement des survivant.e.s et al., il est signalé que de nombreuses victimes de violence sexuelle se taisent pour ne pas être rejetées par leur famille et leur entourage (Mouvement des survivant.e.s et al. 4 oct. 2018, 5).

Dans son rapport, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes explique que la SNVBG [version française des Nations Unies] « est en cours de révision afin de prendre en compte les réparations aux victimes et qu’un fonds a été créé pour aider les victimes de violence sexuelle » (Nations Unies 6 août 2019, paragr. 26). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé d’autres renseignements allant dans le même sens ni aucun renseignement additionnel.

4.1 Police et système judiciaire

Le rapport du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes fait état de l’adoption de plans d’action permettant à l’armée et à la police nationale de mettre un terme aux violences sexuelles et sexistes (Nations Unies 6 août 2019, paragr. 10). De plus, selon la même source, le ministère de la Justice a mis en place [version française des Nations Unies] « des unités spéciales » de lutte contre les violences sexuelles dans les bureaux des procureurs (Nations Unies 6 août 2019, paragr. 26). Toutefois, le Comité se dit préoccupé par [version française des Nations Unies] « le fait qu’aucune affaire de violence familiale, y compris de viol conjugal, ne soit portée devant les tribunaux », ce qui est en partie attribuable au « nombre limité de personnes sanctionnées » (Nations Unies 6 août 2019, paragr. 26c)). Dans le rapport du Mouvement des survivant.e.s et al., on peut lire que les victimes de violence sexuelle, lorsqu’elles témoignent dans le cadre de procédures judiciaires, courent le risque de subir un nouveau traumatisme de la part de la police et des juges, qui ne sont pas formés à la question des violences sexuelles (Mouvement des survivant.e.s et al. 4 oct. 2018, 5). La même source signale que les victimes ont peur de subir de nouvelles attaques de violence sexuelle si elles vont à la police (Mouvement des survivant.e.s et al. 4 oct. 2018, 6). D’après le rapport du secrétaire général de juin 2020 sur les violences sexuelles liées aux conflits, en 2019, la MONUSCO a recensé 62 incidents de violence sexuelle commis par la Police nationale congolaise (Nations Unies 3 juin 2020, paragr. 27).

Selon le rapport de Freedom House, les déclarations de culpabilité pour des infractions liées aux violences sexuelles et sexistes [traduction] « restent rares » (Freedom House 4 mars 2020, sect. G3). Dans le rapport du Mouvement des survivant.e.s et al., il est signalé que « [l’]impunité prévaut pour la majorité des cas de violences sexuelles, et est principalement liée au manque de volonté du gouvernement congolais d’éradiquer ces violences » (Mouvement des survivant.e.s et al. 4 oct. 2018, 4). La même source ajoute que, en raison de la corruption au sein du système judiciaire, certains contrevenants sont relâchés après avoir été déclarés coupables de crimes liés à la violence sexuelle (Mouvement des survivant.e.s et al. 4 oct. 2018, 5).

Selon le rapport de la MONUSCO, en octobre 2020, deux membres de la milice Raïa Mutomboki Hamakombo [aussi connue sous le nom de Raïa Mutomboki], [un groupe armé dans l’Est de la RDC (Reuters 19 nov. 2019),] ont été condamnés à 20 ans de prison pour [version française des Nations Unies] « crimes contre l’humanité », et notamment pour meurtre, viol et esclavage sexuel (Nations Unies 30 nov. 2020, paragr. 43). Un article de Reuters paru en novembre 2019 signale que, en novembre 2019, le chef de la milice Raïa Mutomboki et deux de ses alliés ont été déclarés coupables de violence sexuelle, d’esclavage et d’autres [traduction] « crimes contre l’humanité »; le chef a écopé d’une peine d’emprisonnement à vie (Reuters 19 nov. 2019). La même source ajoute que le tribunal a tenu l’État [traduction] « responsable d’avoir négligé de protéger les victimes » et lui a ordonné d’indemniser les victimes et de payer leurs frais médicaux (Reuters 19 nov. 2019). Toutefois, selon l’article, un conseiller juridique de TRIAL International, une ONG genevoise, a déclaré que [traduction] « "[l]es précédents démontrent" » que l’État est « "peu enclin" » à verser une indemnisation aux victimes, même quand les tribunaux le lui ordonnent (Reuters 19 nov. 2019). De même, d’autres sources signalent que les tribunaux congolais ont souvent accordé des réparations à des victimes de violences sexuelles et d’autres crimes graves, mais que ces indemnités ont [traduction] « rarement », [[version française de HRW] « voire jamais » (HRW 24 nov. 2020)], été versées (HRW 24 nov. 2020; Freedom House 4 mars 2020, sect. F2). Des sources signalent que, le 23 novembre 2020, le chef de la Nduma défense du Congo (NDC), une milice congolaise (HRW 24 nov. 2020), a été condamné à perpétuité pour [version française des Nations Unies] « crimes de guerre » [[version française de HRW] « commis par sa milice » (HRW 24 nov. 2020)], notamment des meurtres, viols et faits d’esclavage sexuel (Nations Unies 30 nov. 2020, paragr. 44; HRW 24 nov. 2020). De plus, on peut lire dans le rapport de la MONUSCO que le tribunal militaire de garnison à Kalemie a engagé la procédure de jugement dans 14 affaires de [version française des Nations Unies] « violences sexuelles » dont les auteurs seraient des membres des FARDC et de la Police nationale congolaise; en date du 10 novembre 2020, le Tribunal avait prononcé neuf condamnations contre des membres des FARDC et deux acquittements en ce qui concerne des membres de la Police nationale congolaise (Nations Unies 30 nov. 2020, paragr. 43).

5. Services de soutien

Des sources font état de l’absence de refuges et de services de conseil et de réadaptation pour les victimes de violences sexuelles et sexistes (Coalition de la société civile [2018], 6; Nations Unies 6 août 2019, paragr. 26f)). D’après le rapport du Mouvement des survivant.e.s et al., l’accès aux soins n’est pas « généralisé » en RDC en raison du manque de répartition géographique des centres médicaux, mais aussi des coûts des soins de santé (Mouvement des survivant.e.s et al. 4 oct. 2018, 8). Selon la même source, peu de femmes peuvent accéder à des services offrant à la fois un soutien médical et un soutien psychologique (Mouvement des survivant.e.s et al. 4 oct. 2018, 8). Le rapport du Mouvement des survivant.e.s et al. signale que la Fondation Panzi offre un soutien aux victimes de violence sexuelle en l’absence d’un « programme gouvernemental complet et financé » chargé d’assurer de tels services (Mouvement des survivant.e.s et al. 4 oct. 2018, 8). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé d’autres renseignements allant dans le même sens, ni aucun renseignement additionnel sur le soutien gouvernemental aux victimes de violence sexuelle.

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Notes

[1] Les organisations de la société civile qui suivent ont contribué à la rédaction de ce rapport : l’Association des femmes avocates de la RDC (AFEAC), l’Association des femmes juristes congolaises (AFEJUCO), Afia Mama, le Cadre permanent de concertation de la femme congolaise (CAFCO), le Forum pour les droits des jeunes et enfants au Congo (FODJEC), les Femmes des médias pour la justice au Congo (FMJC), le Centre africain de réhabilitation (Restoration African Center - RAC), la Ligne internationale des femmes pour la paix et la liberté (Women's International League for Peace and Freedom - WILPF) et la Shalupe Foundation (Coalition de la société civile [2018], 1).

[2] Solidarité féminine pour la paix et le développement intégral (SOFEPADI) est une ONG en République démocratique du Congo (RDC) dont les activités visent à prévenir la violence sexuelle et sexiste et à y répondre adéquatement en prodiguant [traduction] « des soins holistiques » aux victimes, en mobilisant les collectivités, en menant des activités de sensibilisation et en poursuivant son action revendicatrice aux niveaux local, national et international (SOFEPADI et MADRE 12 oct. 2018, 1).

[3] MADRE [traduction] « est une organisation internationale de défense des droits des femmes qui travaille de concert avec des organisations communautaires pour femmes partout dans le monde en vue de remédier aux problèmes touchant la santé et les droits en matière de procréation, le développement économique, l’éducation et d’autres droits de la personne » (SOFEPADI et MADRE 12 oct. 2018, 1).

[4] Le Mouvement des survivant.e.s de viols et violences sexuelles en RDC est un groupe qui réunit des survivantes congolaises de violences sexuelles liées au conflit en vue de lutter contre ces violences (Mouvement des survivant.e.s et al. 4 oct. 2018, 2).

[5] La Fondation Dr Denis Mukwege (Dr. Denis Mukwege Foundation) est une organisation internationale de droits de la personne ayant pour mandat d’éradiquer les violences sexuelles liées aux conflits et qui œuvre pour l’accès à des soins intégrés et de qualité ainsi que pour la reconnaissance des victimes de violences sexuelles (Mouvement des survivant.e.s et al. 4 oct. 2018, 2).

[6] La Fondation Panzi (Panzi Foundation) a été créée par le docteur Denis Mukwege dans le but de poursuivre le travail de l’hôpital de Panzi en contribuant à apporter un appui aux victimes de violences sexuelles (Mouvement des survivant.e.s et al. 4 oct. 2018, 2).

[7] La Fondation du Prix Right Livelihood (Right Livelihood Award Foundation) a pour but d’honorer et de soutenir les personnes et associations ayant « fait preuve de courage » en proposant « des solutions […] aux défis les plus urgents » (Mouvement des survivant.e.s et al. 4 oct. 2018, 3).

[8] La Dynamique de la jeunesse féminine (DYJEF) est un réseau qui milite pour l’avancement, la protection et la défense des droits des jeunes femmes en RDC (DYJEF s.d.).

[9] La Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté (Women's International League for Peace and Freedom - WILPF) est une organisation qui milite pour que les femmes jouent un rôle accru dans la prise de décisions parce que leur [traduction] « participation pleine et égale » est nécessaire pour atteindre « une paix durable » (WILPF s.d.).

Références

Coalition de la société civile. [2018]. Présentation dans le cadre du 3e cycle de l’Examen périodique universel (EPU). [Date de consultation : 10 févr. 2021]

Dynamique de la jeunesse féminine (DYJEF). 18 septembre 2018. Rapport alternatif EPU : situation des droits de la femme et de l'enfant en RDC. [Date de consultation : 10 févr. 2021]

Dynamique de la jeunesse féminine (DYJEF). S.d. Facebook. « About ». [Date de consultation : 26 févr. 2021]

Fédération internationale pour les droits humains (FIDH). Mars 2019. Democratic Republic of the Congo: Five Priorities for a State that Respects Human Rights. [Date de consultation : 26 févr. 2021]

Freedom House. 4 mars 2020. « Democratic Republic of the Congo ». Freedom in the World 2020. [Date de consultation : 22 févr. 2021]

Human Rights Watch (HRW). 24 novembre 2020. « DR Congo: Militia Leader Gets Life Term for Atrocities ». [Date de consultation : 22 févr. 2021]

Mouvement des survivant.e.s de viols et violences sexuelles en RDC et al. 4 octobre 2018. La voix des survivant.e.s de violences sexuelles en temps de conflit. [Date de consultation : 10 févr. 2021]

Nations Unies. Décembre 2020. Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), Cellule d’analyse en sciences sociales (CASS). The Impacts of the COVID-19 Outbreak Response on Women and Girls in the Democratic Republic of the Congo. [Date de consultation : 1er mars 2021]

Nations Unies. 30 novembre 2020. Conseil de sécurité. United Nations Organization Stabilization Mission in the Democratic Republic of the Congo: Report of the Secretary General. (S/2020/1150) [Date de consultation : 22 févr. 2021]

Nations Unies. 1er septembre 2020. Entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes (ONU Femmes). « DRC Takes a Step Towards Zero Tolerance Against Gender-Based Violence ». [Date de consultation : 23 févr. 2021]

Nations Unies. 3 juin 2020. Conseil de sécurité. Conflict-Related Sexual Violence: Report of the United Nations Secretary-General. (S/2020/487) [Date de consultation : 15 mars 2021]

Nations Unies. 24 septembre 2019. Conseil des droits de l’homme. « Enhanced Interactive Dialogue on the Situation of Human Rights in the Democratic Republic of the Congo: Statement by Ms. Kate Gilmore, Deputy High Commissioner for Human Rights. 42nd Human Rights Council Session ». [Date de consultation : 15 mars 2021]

Nations Unies. 6 août 2019. Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes. Concluding Observations on the Eighth Periodic Report of the Democratic Republic of the Congo. (CEDAW/C/COD/CO/8) [Date de consultation : 23 févr. 2021]

Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). 2019. « Democratic Republic of the Congo ». Social Institutions and Gender Index (SIGI). [Date de consultation : 19 févr. 2021]

République démocratique du Congo (RDC). 2006a. Présidence de la République. Loi n° 06/018 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais. [Date de consultation : 3 mars 2021]

République démocratique du Congo (RDC). 2006b (modifiée en 2011). Cabinet du Président de la République. Constitution de la République démocratique du Congo. [Date de consultation : 2 mars 2021]

Reuters. 2 juin 2020. Benoit Nyemba. « COVID-19: Calls to Abuse Hotline in Congo Spike During Lockdown ». [Date de consultation : 16 mars 2021]

Reuters. 19 novembre 2019. « Congo Court Hands Life Sentence to Warlord for Murder, Sexual Violence ». [Date de consultation : 19 févr. 2021]

Solidarité féminine pour la paix et le développement intégral (SOFEPADI) et MADRE. 12 octobre 2018. Human Rights Violations Against Women and Girls in the Democratic Republic of the Congo. [Date de consultation : 10 févr. 2021]

Women's International League for Peace and Freedom (WILPF). Octobre 2018. National Section in Democratic Republic of Congo (DRC). Women, Peace and Security in DRC: Individual Report Submitted to the 33rd Session of the Working Group on the Universal Periodic Review. [Date de consultation : 23 févr. 2021]

Women's International League of Peace and Freedom (WILPF). S.d. « History ». [Date de consultation : 2 mars 2021]

Autres sources consultées

Sources orales : Care International; Centre de développement pour la femme; City of Joy; Coalition des femmes pour la paix et le développement; Comité national femme et développement; Dr. Denis Mukwege Foundation; Dynamique de la jeunesse féminine; Dynamique des femmes juristes; Femme plus (RDC); Fonds pour les femmes congolaises; Kvinna till Kvinna Foundation; Ligue pour le droit de la femme congolaise; Mouvement des survivant.e.s de viols et violences sexuelles en RDC; Nations Unies – Fonds des Nations Unies pour la population en République démocratique du Congo; Oxfam – Oxfam GB, Oxfam-Québec; Panzi Foundation; Programme d’appui aux initiatives féminines; Réseau des femmes pour la défense des droits et la paix; Réseau national des ONG pour le développement de la femme; Solidarité féminine pour la paix et le développement intégral; Synergie des femmes pour les victimes des violences sexuelles.

Sites Internet, y compris : ACTED (Agence d’aide à la coopération technique et au développement); Actualité; Amnesty International; Australie – Department of Foreign Affairs and Trade; L'Avenir; Banque mondiale; BBC; Bertelsmann Stiftung; Borgen Project; Care International; Centre for International Law Research and Policy – Case Matrix Network; Comité international de la Croix-Rouge; Council on Foreign Relations; Deutsche Welle; Le Devoir; Digitalcongo.net; ecoi.net; Elle; Fondation genevoise pour la formation et la recherche médicales; Gender and COVID-19; International Crisis Group; International Rescue Committee; Kvinna till Kvinna Foundation; Médecins sans frontières; Nations Unies – Fonds des Nations Unies pour la population, Organisation mondiale de la santé, Refworld; New York University – Congo Research Group; Oxfam – Oxfam-Québec; Le Phare; Physicians for Human Rights; Radio Okapi; République démocratique du Congo – ministère du Genre, Famille et Enfant; Royaume-Uni – Home Office; Suisse – Secrétariat d’État aux migrations; The Telegraph; Union européenne – European Asylum Support Office; The Washington Post; 7sur7.cd.

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