Algérie : information sur la présence de membres des forces policières et de la gendarmerie en Kabylie, y compris information indiquant si la présence policière est plus importante en Kabylie qu’ailleurs en Algérie; le recours aux contrôles routiers, tels que les barrages policiers (2019-janvier 2021) [DZA200470.EF]

Direction des recherches, Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada

1. Aperçu

Selon des sources, la Kabylie est une région de l’Algérie où la majorité de la population s’exprime en kabyle [taqbaylit; taqbailith] (directeur fondateur 19 janv. 2021) ou la région habitée par le peuple kabyle, un des groupes amazighs [berbères] autochtones de l’Afrique du Nord (UNPO juill. 2017, 1). Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, le directeur fondateur du Centre d’études maghrébines en Algérie (CEMA), un centre de recherche établi en Algérie relevant de l’Institut américain d’études maghrébines (American Institute for Maghrib Studies - AIMS) [1], a déclaré que Tizi Ouzou et Béjaïa, les wilayas [willaya] (gouvernorats [ou provinces]) ayant [traduction] « une majorité absolue » de kabylophones, sont considérées comme étant la « "vraie Kabylie" » (directeur fondateur 19 janv. 2021). La même source a ajouté que les wilayas avoisinantes de Bordj Bou Arreridj, Boumerdès, Bouira, Jijel et Sétif, comportant une population mixte de kabylophones et d’arabophones, sont également considérées comme faisant partie de la Kabylie (directeur fondateur 19 janv. 2021). De même, dans un rapport publié en 2003 par l’International Crisis Group, on décrit Tizi Ouzou et Béjaïa comme étant le [traduction] « cœur de la Kabylie », tout en ajoutant que certains districts à Bordj Bou Arreridj, Boumerdès, Bouira et Sétif sont aussi considérés comme faisant partie de la région (International Crisis Group 10 juin 2003, 1).

2. Présence de membres des forces policières et de la gendarmerie en Kabylie

Des sources signalent que la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) relevant du ministère de l’Intérieur est la force policière [responsable des régions urbaines (É.-U. 9 juin 2020)], tandis que la Gendarmerie nationale du ministère de la Défense nationale assure les services policiers dans les régions rurales (professeur 13 janv. 2021; É.-U. 9 juin 2020).

Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un représentant du Congrès mondial amazigh (CMA), une ONG internationale qui se voue à la protection des droits des peuples amazighs (CMA s.d.), a déclaré que les gendarmes sont « très présents » et « très agressifs » en Kabylie, en comparaison avec d’autres régions de l’Algérie (CMA 19 janv. 2021). Sans fournir de précisions additionnelles, le représentant du CMA a ajouté que les militaires et les gendarmes « surveillent étroitement » le peuple kabyle et patrouillent les villages, les routes, les champs et les forêts « nuit et jour » (CMA 19 janv. 2021). D’après le directeur fondateur du CEMA,

[traduction]

[e]n général, les policiers sont recrutés localement (bien qu’Alger compte des policiers en provenance de partout au pays, d’où l’existence d’une relation plus tendue), alors que la gendarmerie est une force nationale. Les relations des citoyens avec la police sont généralement meilleures que celles avec la gendarmerie, pour cette raison précisément (directeur fondateur 19 janv. 2021).

Sans donner d’autres explications, le site Internet de la Gendarmerie nationale signale que le taux de [version française de l’Algérie] « couverture sécuritaire » assuré par la Gendarmerie nationale a atteint 87,80 p. 100 du territoire national en 2019 (Algérie [2019]).

Selon des sources, lors d’un point de presse tenu par un inspecteur de police, on a signalé que « le taux de couverture sécuritaire » de la wilaya de Tizi Ouzou par le corps de la police était 96 p. 100 en 2018 (Le Courrier d’Algérie 17 mars 2018; Reporters 17 mars 2018), et qu’il y avait en moyenne un policier pour 323 habitants (Reporters 17 mars 2018) ou pour 300 habitants (Le Courrier d’Algérie 17 mars 2018). Les mêmes sources attirent l’attention sur le fait que, en 2018, seule la daïra [circonscription administrative] de Béni-Yenni ne disposait pas d’un poste de police (Le Courrier d’Algérie 17 mars 2018; Reporters 17 mars 2018), parmi les 21 daïras que compte la wilaya de Tizi Ouzou (Le Courrier d’Algérie 17 mars 2018). D’après Le Courrier d’Algérie, un quotidien algérien, lors d’une conférence de presse, des représentants de la Gendarmerie nationale ont déclaré que « la couverture sécuritaire » à l’extérieur des villes était de 46 p. 100 du territoire en 2019 (Le Courrier d’Algérie 19 févr. 2020).

Selon Algérie360, un site Internet algérien d’actualités (Algérie360 s.d.), au cours d’une conférence de presse, le chef de la Gendarmerie nationale à Béjaïa a signalé que la Gendarmerie nationale avait assuré « une couverture sécuritaire » de l’ordre de 53,84 p. 100 du territoire de Béjaïa avec 28 unités en 2018 (Algérie360 29 janv. 2019).

3. Recours aux contrôles routiers

Le directeur fondateur a déclaré que les contrôles routiers et les barrages sont [traduction] « omniprésents » à l’échelle de l’Algérie et pas uniquement en Kabylie (directeur fondateur 19 janv. 2021). La même source a ajouté que la DGSN est responsable des contrôles routiers érigés dans les villes, alors que la Gendarmerie nationale est responsable de ceux érigés en campagne et sur les autoroutes nationales (directeur fondateur 19 janv. 2021). De même, d’autres sources signalent qu’il y a des postes de contrôle [policiers et militaires (É.-U. 9 juin 2020, 3)] sur les principaux axes routiers des grandes villes (É.-U. 9 juin 2020, 3; Canada 7 janv. 2021) et un peu partout dans la campagne (É.-U. 9 juin 2020, 8). Le Conseil consultatif de sécurité outre-mer (Overseas Security Advisory Council - OSAC) du Département d’État des États-Unis signale que les agents d’application de la loi effectuent [traduction] « régulièrement » des contrôles de sécurité des véhicules et que le nombre de postes de contrôle et de policiers augmente « souvent » durant les périodes de « sécurité renforcée » (É.-U. 9 juin 2020, 3). Le ministère des Affaires étrangères, du Commerce extérieur et de la Coopération au développement de la Belgique souligne que, pour des raisons de sécurité, les autorités algériennes peuvent « à tout moment et sans préavis » limiter ou interdire les déplacements de véhicules (Belgique 10 nov. 2020).

Des sources signalent que, en réponse aux manifestations prévues [par les contestataires du (mouvement) hirak [2] (International Crisis Group 26 avr. 2019, 2)] en 2019, la Gendarmerie nationale a été affectée aux routes menant à Alger de manière à empêcher les manifestants provenant des wilayas voisines de se rendre à la capitale (International Crisis Group 26 avr. 2019, 2; El Watan 13 avr. 2019), notamment des wilayas de Tizi Ouzou, de Béjaïa et de Bouira (International Crisis Group 26 avr. 2019, 2). D’après des sources, les manifestations du mouvement hirak se tenaient tous les mardis et vendredis depuis février 2019 (Le Point Afrique 23 août 2019; International Crisis Group 27 juill. 2020, 2). Des sources de 2019 ajoutent que des postes de contrôle ont été érigés aux entrées d’Alger tous les vendredis (HRW 9 sept. 2019; Le Point Afrique 23 août 2019). Dans un article publié en décembre 2019 par El Watan, un journal algérien de langue française (AFP 29 nov. 2017), on peut lire que, dès les premiers mois du mouvement hirak [depuis février 2019], des barrages de contrôle ont été mis en place sur les axes routiers menant vers Alger et les occupants de véhicules immatriculés en dehors de la wilaya d’Alger ont subi un contrôle de leurs papiers et des fouilles de leur voiture (El Watan 28 déc. 2019). De même, selon un article de l’Agence France-Presse (AFP), rendant compte d’une entrevue avec un contestataire se rendant à Alger depuis Tizi Ouzou pour une manifestation du vendredi en septembre 2019, le contestataire a vu [traduction] « "des dizaines" » de véhicules se faire arrêter à un barrage de contrôle, alors que le véhicule du contestataire, qui était immatriculé à Alger, a pu poursuivre sa route vers la capitale (AFP 21 sept. 2019). D’après des sources, la pandémie de COVID-19 a entraîné la suspension des manifestations du mouvement hirak (Carnegie Endowment for International Peace 19 janv. 2021; Belgique 10 nov. 2020).

Selon un article publié par El Watan en septembre 2019, le chef d’état-major de l’Armée nationale populaire (ANP) de l’Algérie a donné instruction à la Gendarmerie nationale d’installer des postes de contrôle sur l’autoroute Est-Ouest [3] pour contrôler l’accès à Alger et interdire le passage aux manifestants provenant de l’Est du pays [4] (El Watan 19 sept. 2019). Dans le même article, qui cite une « source sécuritaire », il est écrit que ces postes de contrôle seront permanents (El Watan 19 sept. 2019). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé d’autres renseignements allant dans le même sens.

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l’aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n’apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d’une demande d’asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d’information.

Notes

[1] Selon son site Internet, l’Institut américain d’études maghrébines (American Institute for Maghrib Studies - AIMS) est un organisme éducatif privé sans but lucratif qui favorise la mise en commun d’information et de recherches entre les universitaires des États-Unis et de la région du Maghreb (AIMS s.d.).

[2] D’après l’International Crisis Group, le mouvement de protestation hirak est un mouvement citoyen [traduction] « [e]n grande partie pacifique » formé en février 2019 qui milite pour « une vision de la citoyenneté visant à dépasser les divisions politiques, sociales et régionales » du passé et aspirant à « reprendre l’espace public » d’un régime qui a interdit les manifestations (International Crisis Group 27 juill. 2020, 2).

[3] Selon une évaluation de la capacité logistique menée par le personnel du Programme alimentaire mondial de concert avec d’autres partenaires en vue d’analyser la capacité logistique de l’Algérie à des fins humanitaires (Global Logistics Cluster s.d.), l’autoroute Est-Ouest du pays s’étend du Maroc à la Tunisie et relie [traduction] « les grandes villes côtières de l’Algérie »; en date de mars 2020, elle était « presque achevée », exception faite d’un tronçon de 150 kilomètres entre Constantine et Skikda (Global Logistics Cluster 30 mars 2020).

[4] La Kabylie se situe à l’est d’Alger.

Références

Agence France-Presse (AFP). 21 septembre 2019. « Thousands of Protesters in Algiers Despite Heavy Police Deployment ». [Date de consultation : 14 janv. 2021]

Agence France-Presse (AFP). 29 novembre 2017. « Algeria’s Independent Press Fears for Its Survival ». [Date de consultation : 13 janv. 2021]

Algérie. [2019]. Ministère de la Défense nationale, Gendarmerie nationale. « Judicial Police ». [Date de consultation : 12 janv. 2021]

Algérie360. 29 janvier 2019. Zoheir Siouane. « Bilan de la gendarmerie nationale de Béjaïa : la criminalité en baisse ». [Date de consultation : 11 janv. 2021]

Algérie360. S.d. « Nous contacter ». [Date de consultation : 11 janv. 2021]

The American Institute for Maghrib Studies (AIMS). S.d. « AIMS History ». [Date de consultation : 19 janv. 2021]

Belgique. 10 novembre 2020. Affaires étrangères, Commerce extérieur et Coopération au développement. « Algérie ». [Date de consultation : 27 janv. 2021]

Canada. 7 janvier 2021. « Algeria ». [Date de consultation : 14 janv. 2021]

Carnegie Endowment for International Peace. 19 janvier 2021. Ilhem Rachidi. « Algeria’s Hirak: Defenders of Freedom of Expression ». [Date de consultation : 27 janv. 2021]

Congrès mondial amazigh (CMA). 19 janvier 2021. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par un représentant.

Congrès mondial amazigh (CMA). S.d. « Le Congrès mondial amazigh en bref ». [Date de consultation : 19 janv. 2021]

Le Courrier d’Algérie. 19 février 2020. « Saisis par les autorités durant la décennie noire à Tizi Ouzou : plus de 80 fusils de chasse non encore récupérés par les propriétaires ». [Date de consultation : 11 janv. 2021]

Le Courrier d’Algérie. 17 mars 2018. « Tizi Ouzou : La préoccupation du citoyen en matière de sécurité sera satisfaite ». [Date de consultation : 11 janv. 2021]

Directeur fondateur, Centre d’études maghrébines en Algérie (CEMA). 19 janvier 2021. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

El Watan. 28 décembre 2019. Mokrane Ait Ouarabi. « Dispositif sécuritaire et barrages filtrants à l’entrée de la capitale ». [Date de consultation : 13 janv. 2021]

El Watan. 19 septembre 2019. Amar Fedjkhi. « Un dispositif déjà en place sur l’autoroute est-ouest ». [Date de consultation : 13 janv. 2021]

El Watan. 13 avril 2019. Abdelghani Aichoun. « Plusieurs barrages installés aux entrées Est et Ouest d’Alger : l’accès à la capitale filtré ». [Date de consultation : 13 janv. 2021]

États-Unis (É.-U.). 9 juin 2020. Department of State, Overseas Security Advisory Council (OSAC). Algeria 2020 Crime & Safety Report. [Date de consultation : 13 janv. 2021]

Global Logistics Cluster. Mars 2020. Khir Eddine Medjani. « Algeria Road Network Assessment ». [Date de consultation : 25 janv. 2021]

Global Logistics Cluster. S.d. « Logistics Capacity Assessments (LCAs) ». [Date de consultation : 25 janv. 2021]

Human Rights Watch (HRW). 9 septembre 2019. « Algeria: Tightening the Screws on Protests ». [Date de consultation : 13 janv. 2021]

International Crisis Group. 27 juillet 2020. Algeria: Easing the Lockdown for the Hirak? Rapport Moyen-Orient et Afrique du Nord no 217. [Date de consultation : 13 janv. 2021]

International Crisis Group. 26 avril 2019. Post-Bouteflika Algeria: Growing Protests, Signs of Repression. Briefing Moyen-Orient et Afrique du Nord no 68. [Date de consultation : 13 janv. 2021]

International Crisis Group. 10 juin 2003. Algeria: Unrest and Impasse in Kabylia. Rapport Moyen-Orient/Afrique du Nord no15. [Date de consultation : 12 janv. 2020]

Le Point Afrique. 23 août 2019. Hadjer Guenanfa. « Algérie : le Hirak résiste encore ». [Date de consultation : 13 janv. 2021]

Professeur, Tufts University. 13 janvier 2021. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

Reporters [Algérie]. 17 mars 2018. « Tizi Ouzou : le taux de couverture sécuritaire de la police à 96% ». [Date de consultation : 11 janv. 2021]

Unrepresented Nations and Peoples Organization (UNPO). Juillet 2017. Member Profile: Kabylia. Movement for the Self-Determination of Kabylia - Anavad. [Date de consultation : 21 janv. 2021]

Autres sources consultées

Sources orales : Algeria Solidarity Campaign; Algérie – ambassade d’Algérie à Ottawa, consulat général d’Algérie à Montréal, Gendarmerie nationale; Centre d’études stratégiques de l’Afrique; doctorant d’une université américaine qui mène des recherches sur des questions de sécurité en Afrique du Nord et de l’Ouest; journaliste en Algérie; Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme; Maison des droits de l’homme et du citoyen Tizi Ouzou; Malcolm H. Kerr Carnegie Middle East Center.

Sites Internet, y compris : Algérie – ministère des Finances; Algérie presse service; Amnesty International; Belgique – Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides; Bertelsmann Stiftung; Council on Foreign Relations; La Dépêche de Kabylie; ecoi.net; El Djeich; L’Expression; Factiva; France – Office français de protection des réfugiés et apatrides; Kabyle.com; Liberté; Maison des droits de l’homme et du citoyen Tizi Ouzou; Middle East Eye; Le Monde; Nations Unies – Refworld; Observ’Algérie; Observatoire du Sahara pour la paix, la démocratie et les droits de l’homme; Royaume-Uni – Foreign, Commonwealth & Development Office, Home Office; Siwel; Le Soir d’Algérie; Swiss Refugee Council; TAMURT; Tizi-Ouzou – site Internet officiel; Voice of America.

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