Turquie : information sur la capacité des autorités turques à surveiller les présumés adeptes du mouvement Hizmet à l’étranger; le traitement réservé aux membres de la famille de présumés adeptes en Turquie; le traitement réservé aux personnes qui reviennent au pays, y compris information indiquant si des profils en particulier sont exposés à un risque accru à leur retour (2018-novembre 2020) [TUR200363.EF]

Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada

Pour obtenir des renseignements sur le mouvement Hizmet, y compris le traitement réservé aux adeptes ou aux présumés adeptes du mouvement, et sur la façon dont ses membres sont identifiés, veuillez consulter la réponse à la demande d’information TUR106389 publiée en janvier 2020.

1. Surveillance des présumés adeptes du mouvement Hizmet

Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, la directrice du Centre d’études du mouvement Hizmet (Centre for Hizmet Studies - CHS), une ONG sise à Londres qui [traduction] « fournit des renseignements, de la recherche, des analyses et des commentaires critiques sur le mouvement » (CHS s.d.), a fait observer que, [traduction] « depuis 2015, la surveillance et l’espionnage d’adeptes du Hizmet à l’étranger [sont] demeurés la priorité des missions diplomatiques turques » (CHS 3 nov. 2020). De même, dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, l’ancien directeur de l’Institut pour le dialogue interculturel de la région du Grand Toronto (Intercultural Dialogue Institute of the Greater Toronto Area - IDIGTA) [1], qui est maintenant bénévole au sein de l’organisation, a déclaré que [traduction] « [l]es tâches les plus importantes des agents de l’ambassade et du service de renseignement de la Turquie consistent à suivre et à repérer les adeptes du mouvement Hizmet à l’étranger et à les renvoyer au pays » (IDIGTA 13 nov. 2020).

Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un représentant de l’Alliance pour les valeurs partagées (Alliance for Shared Values - AfSV), [traduction] « une organisation-cadre sans but lucratif par laquelle peuvent se faire entendre les organisations civiques et organismes de services associés à l’initiative sociale güléniste aux États-Unis » (AfSV s.d.), a affirmé que [traduction] « [l]e gouvernement de la Turquie dispose de son propre réseau d’espions et de loyalistes du régime, déployé dans le monde entier » (AfSV 4 nov. 2020).

Au dire de l’ancien directeur de l’IDIGTA, [traduction] « [l’]État turc se sert de ses missions à l’étranger pour surveiller les expatriés turcs et, dans certains cas, les enlever des pays où ils se trouvent » (IDIGTA 13 nov. 2020). De même, dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, Abdullah Bozkurt, journaliste et président du Centre de Stockholm pour la liberté (Stockholm Center for Freedom - SCF), [traduction] « une organisation militante qui défend la primauté du droit, la démocratie et les libertés et droits fondamentaux en axant ses efforts sur la Turquie » (SCF s.d.), a signalé que [traduction] « les adeptes du mouvement Hizmet sont constamment surveillés par les autorités turques partout dans le monde. Des enlèvements et des expulsions extrajudiciaires se sont produits, et il existe des cas attestés d’espionnage par des missions diplomatiques turques à l’étranger » (Bozkurt 4 nov. 2020). Dans un article publié en juillet 2020, The World, une émission radiophonique publique quotidienne de Boston couvrant l’actualité internationale (The World s.d.), souligne que le gouvernement de la Turquie a extradé et enlevé des adeptes du mouvement Hizmet, et qu’il a [traduction] « usé d’autres moyens auprès de gouvernements étrangers pour qu’ils n’aient d’autre choix que de lui remettre » de telles personnes, incidents qui se sont produits dans divers pays dont le Kazakhstan, la Moldavie, le Kosovo et le Pakistan (The World 23 juill. 2020). De même, dans un rapport paru en décembre 2018 et préparé par une équipe de journalistes provenant de neuf organes de presse de huit pays différents et coordonnée par CORRECTIV (CORRECTIV 11 déc. 2018), une salle de rédaction de journalisme d’enquête sans but lucratif dont le siège se trouve en Allemagne (CORRECTIV s.d.), on peut lire que des ressortissants turcs ont été [traduction] « enlevés et rapatriés de force en Turquie » depuis divers pays dont le Gabon, le Soudan, la Moldavie, l’Azerbaïdjan, l’Ukraine, la Malaisie, la Suisse et la Mongolie (CORRECTIV 11 déc. 2018). D’après un article publié en juillet 2018 par l’Anadolu Agency (AA), une agence de presse turque gérée par l’État (BBC 8 oct. 2018), le ministre des Affaires étrangères de la Turquie a déclaré que [traduction] « plus de 100 personnes affiliées à la FETO [l’Organisation terroriste de Fethullah Gülen (Fethullah Terrorist Organization - FETO)] ont été rapatriées en Turquie » (AA 16 juill. 2018). Des sources soulignent que le gouvernement de la Turquie a désigné les gülénistes comme des terroristes (The New York Times 13 avr. 2017; The Guardian 31 mai 2016; Reuters 31 mai 2016).

Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, le président de la Fondation pour les journalistes et les écrivains (Journalists and Writers Foundation - JWF), une organisation de la société civile au rayonnement international qui est sise à New York et qui est [traduction] « vouée à la culture de la paix, des droits de la personne et du développement durable » (JWF s.d.a), et dont le président honoraire est Fethullah Gülen (JWF s.d.b), a fait observer que, [traduction] « en plus des organes de surveillance "traditionnels", ou organismes de l’État, il existe probablement des centaines d’organisations et autres entités financées par le gouvernement de la Turquie dont les "fonctions officieuses" comportent très souvent des activités de surveillance » (JWF 4 nov. 2020). Selon la même source, les organisations et entités impliquées dans ces activités de surveillance comprennent le ministère des Affaires étrangères (Ministry of Foreign Affairs), l’Organisation nationale du renseignement (National Intelligence Organization - MIT) et la Direction des affaires religieuses (Directorate of Religious Affairs -Diyanet) de la Turquie, de même que la Fondation Maarif (Maarif Foundation), la Direction des Turcs de l’étranger et des communautés connexes (Presidency for Turks Abroad and Related Communities - YTB) et l’Agence turque de coopération et de coordination (Turkish Cooperation and Coordination Agency - TİKA) (JWF 4 nov. 2020). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé d’autres renseignements allant dans le même sens.

Des sources soulignent que, en 2017, les autorités allemandes ont ouvert une enquête à propos d’allégations selon lesquelles des agents turcs espionnaient des adeptes du mouvement Hizmet en Allemagne (AFP 28 mars 2017; The Financial Times 28 mars 2017). Il est écrit dans un article publié en mai 2020 par l’Arab Weekly [2] que, dans une étude réalisée par le Centre européen d’études sur le renseignement et la lutte contre le terrorisme (European Centre for Counterterrorism and Intelligence Studies - ECCI) [3], [traduction] « Ankara est accusée d’utiliser des organisations islamiques et des institutions publiques pour espionner son opposition en Allemagne »; d’après la même étude, des personnes associées au mouvement Hizmet « sont parmi les cibles les plus en vue » (The Arab Weekly 30 mai 2020).

Dans un article publié en juillet 2018 par le Daily Sabah, un journal turc progouvernemental (The New York Times 21 mars 2018), il est écrit que le ministère des Affaires étrangères de la Turquie a [traduction] « retrouvé 4 600 membres présumés du groupe [Hizmet] dispersés dans 110 pays, et […] plus de 80 fomenteurs du coup d’État ont été rapatriés de 18 pays différents » (Daily Sabah 14 juill. 2018). Dans un rapport publié en janvier 2019 par le Nordic Monitor, un site de nouvelles [4] administré par le Réseau nordique de surveillance et de recherche (Nordic Research and Monitoring Network) [5], et rédigé par Abdullah Bozkurt, qui est aussi le directeur général du Réseau, on cite un document du ministère des Affaires étrangères de la Turquie communiqué dans le cadre d’une affaire judiciaire selon lequel les agents consulaires et le personnel des ambassades de la Turquie s’étaient livrés à la surveillance et au suivi [traduction] « [des] institutions affiliées au mouvement güléniste » dans des pays des Amériques, de l’Afrique, de l’Europe, de l’Asie et de l’Océanie (Nordic Monitor 25 janv. 2019). Dans un autre rapport, cette fois de juillet 2020, qu’il a rédigé pour le Nordic Monitor, Abdullah Bozkurt cite un rapport secret de la MIT, présenté au Bureau du procureur général (Chief Public Prosecutor's Office) d’Ankara à la demande du procureur, selon lequel la MIT a espionné 15 personnes au Canada, qui étaient toutes [traduction] « accusées d’être impliquées dans le mouvement güléniste » (Nordic Monitor 19 juill. 2020). Selon un article paru en juillet 2020 dans le Globe and Mail, des documents déposés devant un tribunal de Turquie, qui contenaient des renseignements recueillis par la MIT à la demande du Bureau du procureur général d’Ankara et qu’Abdullah Bozkurt a transmis au Globe and Mail, démontrent que l’organe chargé du renseignement en Turquie a rassemblé des données personnelles à propos de 15 citoyens canadiens qui [traduction] « ont été désignés comme suspects dans une enquête pour "terrorisme" en Turquie » (The Globe and Mail 7 juill. 2020). La même source signale que, d’après une lettre de février 2019, le procureur général d’Ankara a demandé que l’agence nationale du renseignement [traduction] « prélève les empreintes digitales des suspects et recueille leurs renseignements bancaires » (The Globe and Mail 7 juill. 2020). On ajoute dans l’article du Globe and Mail que l’ambassadeur de la Turquie à Ottawa a déclaré qu’il ne pouvait pas confirmer l’authenticité des documents fournis par Abdullah Bozkurt (The Globe and Mail 7 juill. 2020).

Il est écrit dans le rapport publié en juillet 2019 par le Nordic Monitor que le rapport secret de la MIT [traduction] « montre que les conjoints, les parents, les frères et soeurs et les membres de la belle-famille des personnes placées sous surveillance en sol canadien ont également fait l’objet de profilage de la part du service du renseignement turc » (Nordic Monitor 19 juill. 2020). D’après l’article paru dans le Globe and Mail, les membres de la famille des suspects vivant au Canada et en Turquie ont aussi été nommés dans les dossiers d’enquête (The Globe and Mail 7 juill. 2020).

2. Traitement réservé aux membres de la famille d’adeptes présumés du mouvement Hizmet en Turquie

Dans son rapport paru en juin 2017 sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion, fondé sur sa mission en Turquie en novembre 2016, le Rapporteur spécial des Nations Unies déclare que [traduction] « [l]es décrets-lois pris depuis juillet 2016 ont élargi la portée de l’état d’urgence initial pour englober les personnes qui "appartiennent à l’Organisation terroriste de Fethullah Gülen, ou [qui] entretiennent des liens ou ont des contacts avec elle" (décret no 668) » et « les fonctionnaires qui "sont membres de l’organisation, ou [qui] y sont affiliés ou liés", de même que les conjoints et les enfants de ces personnes (décret no 670) » (Nations Unies 21 juin 2017, paragr. 26).

La directrice du CHS a affirmé que [traduction] « de nombreux membres de la famille de gülénistes présumés sont aussi de fervents partisans de l’AKP [le parti de la justice et du développement (Adalet ve Kalkınma Partisi), "le parti conservateur au pouvoir" (Australie 10 sept. 2020, 4)] » et évitent d’attirer l’attention du gouvernement pour les mauvaises raisons, et a ajouté que, « dans les faits, il est très fréquent qu’ils dénoncent leurs proches gülénistes aux autorités » (CHS 3 nov. 2020). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé d’autres renseignements allant dans le même sens.

L’ancien directeur de l’IDIGTA a écrit que les membres de la famille d’adeptes du mouvement Hizmet vivent dans des [traduction] « conditions précaires, [subissant] notamment de l’exclusion sociale, de la pression de leurs pairs et de l’intimidation de la part des autorités turques » (IDIGTA 13 nov. 2020). Le président de la JWF a de même fait observer que [traduction] « les familles et les enfants de personnes prétendument affiliées au mouvement Hizmet sont exposés à de la discrimination directe et indirecte » (JWF 4 nov. 2020). Au dire de l’ancien directeur de l’IDIGTA, [traduction] « les adeptes du Hizmet au Canada ne peuvent pas exercer pleinement leurs droits et libertés parce qu’ils craignent que les membres de leur famille n’en subissent les conséquences » (IDIGTA 13 nov. 2020).

Le président du SCF a écrit que [traduction] « les membres de la famille d’adeptes présumés du mouvement Hizmet ont systématiquement été pris pour cible par les autorités » (Bozkurt 4 nov. 2020). Le président de la JWF a quant à lui souligné que, à la suite de la tentative de coup d’État du 15 juillet 2016, des membres de la famille d’adeptes du Hizmet ont subi [traduction] « une attaque en règle sans précédent » et ont été arrêtés et détenus en raison de leurs « prétendus » liens avec ce mouvement (JWF 4 nov. 2020). Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, une professeure de l’Université de Stockholm qui étudie la culture, la société, la religion et la politique turques a signalé que si quelqu’un est [traduction] « accusé » d’être un adepte du Hizmet, « un membre de sa famille peut également être accusé (sans preuve, par simple association), arrêté, voire emprisonné » (professeure 4 nov. 2020).

La directrice du CHS a écrit que, [traduction] « à de nombreuses occasions », des policiers ont procédé à l’arrestation du conjoint d’un adepte du Hizmet qu’ils recherchaient en vain (CHS 3 nov. 2020). Selon la même source, les conjoints d’adeptes du Hizmet s’étant fait arrêter sont emmenés au commissariat; par cette pratique, les policiers tentent de [traduction] « menacer et [de] forcer » les adeptes arrêtés à confesser (CHS 3 nov. 2020). De même, le représentant de l’AfSV a signalé que [traduction] « les membres de la famille sont souvent utilisés pour faire pression sur les adeptes du Hizmet à l’étranger » (AfSV 4 nov. 2020). D’après un article paru en juin 2020 dans le Guardian, le père d’un joueur turc de la NBA qui est proche de Fethullah Gülen a récemment été acquitté et mis en liberté, après avoir été condamné à un emprisonnement de 15 ans pour terrorisme en 2018 (The Guardian 19 juin 2020).

La professeure a déclaré que les membres de la famille de personnes [traduction] « accusées » d’êtres des adeptes du mouvement Hizmet « sont mis au ban de la famille et de la société », perdent leur emploi, sont incapables de se faire embaucher, et voient « souvent » annulés leurs avantages sociaux, assurances et pension (professeure 4 nov. 2020). La même source a ajouté que, [traduction] « dans certains cas », les biens de membres de la famille d’adeptes du Hizmet « faisant l’objet d’accusations » ont été confisqués (professeure 4 nov. 2020).

Selon le président de la JWF, le gouvernement de la Turquie a suspendu les avantages sociaux et les prestations d’invalidité des conjoints et des enfants de personnes détenues ou arrêtées en raison de leurs liens avec le mouvement Hizmet (JWF 4 nov. 2020). La même source a affirmé que les enfants de personnes soupçonnées d’être affiliées au mouvement Hizmet se sont vu refuser des soins dans des hôpitaux et des centres médicaux (JWF 4 nov. 2020). De même, la directrice du CHS a déclaré que les personnes ayant été congédiées en application des décrets pris pendant l’état d’urgence, de même que leurs conjoints et leurs enfants, ne peuvent toucher de prestations d’assurance maladie générale (General Health Insurance) [6], et les personnes handicapées dont les fournisseurs de soins primaires sont congédiés en vertu d’un tel décret se voient dans l’impossibilité de recevoir de l’aide sociale (CHS 3 nov. 2020).

D’après un rapport publié en juin 2017 par le SCF, une fillette de 9 ans a été séparée de sa famille d’accueil après que le père de cette famille eut fait l’objet d’une enquête en raison de ses liens présumés avec le mouvement Hizmet (SCF 2 juin 2017). La même source fait état du fait que, en novembre 2016, un représentant du ministère de la Famille et des Politiques sociales (Ministry of Family and Social Policy) de la Turquie a déclaré que [traduction] « les autorités peuvent retirer des enfants de leur foyer s’il est établi que leurs tuteurs soutiennent la tentative de coup d’État » (SCF 2 juin 2017).

Dans un rapport d’information sur les pays publié en septembre 2020 par le ministère des Affaires étrangères et du Commerce (Department of Foreign Affairs and Trade - DFAT) de l’Australie, on peut lire que, après la tentative de coup d’État survenue en 2016, les autorités ont annulé le passeport des membres de la famille de [traduction] « personnes prétendument associées au mouvement güléniste » (Australie 10 sept. 2020, paragr. 5.26). Selon la même source, [traduction] « [c]ertains membres de la famille de personnes se trouvant à l’étranger et faisant l’objet d’accusations d’affiliation au cercle güléniste ont vu leur passeport annulé par le gouvernement ou se sont vu refuser la délivrance de ce document » (Australie 10 sept. 2020, paragr. 5.38).

3. Traitement réservé aux personnes qui reviennent au pays

Des sources soulignent que les adeptes du mouvement Hizmet ne reviennent pas de leur plein gré de l’étranger (Bozkurt 4 nov. 2020; JWF 4 nov. 2020). De même, l’ancien directeur de l’IDIGTA a fait observer que, même en cas d’urgence familiale ou médicale, [traduction] « les membres du Hizmet évitent tout voyage en Turquie en raison de la persécution active qui y sévit toujours » (IDIGTA 13 nov. 2020). Le représentant de l’AfSV a écrit que [traduction] « les adeptes du Hizmet qui ont quitté ou fui la Turquie n’y retournent tout simplement pas. Le danger est trop grand » (AfSV 4 nov. 2020).

Le représentant de l’AfSV a ajouté que

[traduction]

tout adepte du Hizmet court un grave danger à son retour en Turquie. Son nom peut se trouver sur des listes dressées par le gouvernement pour identifier ces adeptes. Ainsi, il serait immédiatement arrêté à son arrivée à l’aéroport ou dans un autre point d’entrée. S’il parvenait à entrer au pays sans éveiller l’attention, il devrait dissimuler son affiliation et vivre dans la crainte constante que ses voisins, ses amis ou sa famille n’avisent les autorités de sa présence (AfSV 4 nov. 2020).

Il est écrit dans le rapport publié par le DFAT de l’Australie que [traduction] « les bases de données perfectionnées de la Turquie font en sorte que les demandeurs d’asile déboutés risquent fort probablement d’être remarqués par le gouvernement s’ils ont un casier judiciaire ou s’ils sont membres d’un groupe d’intérêt particulier, dont le mouvement güléniste » (Australie 10 sept. 2020, paragr. 5.27).

D’après le rapport sur la situation dans le monde en 2020 publié par Human Rights Watch (HRW), des adeptes du mouvement Hizmet ont été extradés vers la Turquie d’une manière qui [traduction] « a fait fi des procédures et des contrôles judiciaires », et ceux qui « ont été extradés illégalement ainsi ont été détenus et ont subi un procès à leur retour en Turquie » (HRW 14 janv. 2020, 578). Des sources soulignent que la Turquie rapatrie de force ses ressortissants (JWF 4 nov. 2020; Nations Unies 28 août 2020, paragr. 8). Dans un rapport publié en août 2020 par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies pour faire suite aux recommandations formulées par le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, on peut lire que [traduction] « [l]e groupe de travail est grandement préoccupé par ce qui semble être une pratique systématique d’enlèvements extraterritoriaux et de retours forcés commandités par l’État visant des ressortissants turcs se trouvant dans divers pays étrangers » (Nations Unies 28 août 2020, paragr. 8). La même source précise aussi [traduction] « [qu’]au moins » 100 personnes soupçonnées d’avoir des liens avec le mouvement Hizmet « auraient été victimes d’arrestation et de détention arbitraires, de disparation forcée et de torture dans le cadre d’opérations secrètes que le gouvernement de la Turquie aurait organisées ou favorisées en collaboration avec les autorités de plusieurs autres États » (Nations Unies 28 août 2020, paragr. 8).

Au dire du président de la JWF, [traduction] « peu importe » si les victimes sont retournées en Turquie volontairement ou involontairement, « elles semblent toutes avoir été soumises à la torture et à de mauvais traitements » (JWF 4 nov. 2020). L’ancien directeur de l’IDIGTA a déclaré que, dans de [traduction] « rares » cas où les adeptes du Hizmet sont retournés de leur plein gré en Turquie, ces personnes ont été « détenues et ont subi un procès » à leur retour (IDIGTA 13 nov. 2020). De même, la directrice du CHS a écrit que, dans les cas où le retour en Turquie était volontaire, les adeptes du Hizmet étaient [traduction] « souvent arrêtés aux points de contrôle des passeports en raison d’un avis d’arrestation enregistré dans la base de données des services frontaliers » (CHS 3 nov. 2020).

L’ancien directeur de l’IDIGTA a affirmé que toute personne susceptible d’avoir été liée au mouvement Hizmet par le passé court le risque de faire l’objet d’une enquête, puis d’être emprisonnée pendant six ans en raison de son [traduction] « appartenance au mouvement » (IDIGTA 13 nov. 2020). La directrice du CHS a de même souligné qu’aucun groupe d’adeptes du Hizmet [traduction] « n’est exposé à un risque faible »; « [n’]importe quel adepte de ce mouvement, toutes professions confondues, » voit soumises à « de grave[s] risque[s] ses libertés en Turquie » (CHS 3 nov. 2020).

L’ancien directeur de l’IDIGTA a écrit que certaines personnes et leur famille peuvent être plus à risque à cause de leur profession, de la perception que la société a d’elles ou [traduction] « de leur rang élevé au sein du mouvement » (IDIGTA 13 nov. 2020). Le président du SCF a fait observer que, s’il est vrai que toute personne considérée comme étant adepte du Hizmet est ciblée par le gouvernement de la Turquie, certains individus [traduction] « semblent être » exposés à un risque accru : ceux qui remplissaient des fonctions de direction au sein du mouvement; ceux qui travaillaient pour le gouvernement; ceux qui sont « accusés » d’être liés à la « tentative de coup d’État »; et ceux qui « sont bien en vue », comme les journalistes (Bozkurt 4 nov. 2020). Au dire du président de la JWF,

[traduction]

les autorités turques ne semblent pas faire de « discrimination » lorsqu’elles demandent l’extradition de membres présumés [du] mouvement Hizmet ou qu’elles procèdent à leur transfert illégalement. […] Toutefois, il semble y avoir une différence dans la peine qui leur est infligée. Les personnes ayant occupé des postes supérieurs, comme dans des écoles d’inspiration Hizmet ailleurs dans le monde, reçoivent des peines aggravées à leur retour en Turquie (JWF 4 nov. 2020).

Selon des sources, les personnes qui travaillaient dans des écoles, institutions ou organisations affiliées au mouvement Hizmet sont exposées à un risque accru (professeure 4 nov. 2020; JWF 4 nov. 2020; IDIGTA 13 nov. 2020). La professeure a signalé que le risque auquel sont exposés les adeptes du mouvement qui étaient employés par l’armée est aussi plus élevé (professeure 4 nov. 2020). D’autres sources ont fait état du fait que, parmi d’autres personnes très à risque, on compte [traduction] « les adeptes présumés du Hizmet ayant auparavant travaillé pour un organisme d’application de la loi, l’armée, la fonction publique [ou] le gouvernement » (JWF 4 nov. 2020) ou les employés d’institutions publiques ayant été congédiés en raison d’un décret-loi du gouvernement, surtout ceux dans les forces policières ou les forces armées (IDIGTA 13 nov. 2020). La directrice du CHS a écrit que les personnes comprises dans les catégories suivantes sont exposées à un risque plus élevé, car la peine qu’elles se verraient imposer [traduction] « pourrait être plus sévère » :

  • les anciens employés d’entités ayant été fermées en application des décrets pris pendant l’état d’urgence;
  • les anciens actionnaires d’entreprises ayant été fermées ou saisies en application des décrets pris pendant l’état d’urgence;
  • les anciens membres d’associations ou de syndicats ayant été fermés en application des décrets pris pendant l’état d’urgence;
  • les personnes ayant été impliquées par d’autres suspects ou défendeurs;
  • les personnes ayant été « dénoncées » par des partisans du gouvernement;
  • les personnes ayant été espionnées par le gouvernement;
  • les « présumés » utilisateurs de l’application ByLock;
  • les personnes ayant été congédiées en application des décrets pris pendant l’état d’urgence;
  • les personnes ayant un compte de dépôt à la Banque Asia;
  • les anciens abonnés de journaux ou de revues ayant été fermés en application des décrets pris pendant l’état d’urgence (CHS 3 nov. 2020).

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Notes

[1] L’Institut pour le dialogue interculturel de la région du Grand Toronto (Intercultural Dialogue Institute of the Greater Toronto Area - IDIGTA) est une section de l’Institut pour le dialogue interculturel (Intercultural Dialogue Institute - IDI), une organisation sans but lucratif qui milite pour [traduction] « la coopération, la tolérance et le dialogue interculturels et interconfessionnels » ainsi que « la diversité, le pluralisme et le multiculturalisme dans tout le Canada », laquelle a été « fondée par des Canadiens d’origine turque qui se sont inspirés des enseignements et de l’exemple de Fethullah Gülen » (IDIGTA s.d.).

[2] L’Arab Weekly est une publication en langue anglaise de la maison d’édition Al Arab de Londres dans laquelle sont analysés les tendances et faits nouveaux au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (The Arab Weekly s.d.).

[3] Le Centre européen d’études sur le renseignement et la lutte contre le terrorisme (European Centre for Counterterrorism and Intelligence Studies - ECCI) est une organisation oeuvrant à partir de l’Allemagne et des Pays-Bas pour qui les [traduction] « efforts en Europe de lutte contre les groupes islamistes fondamentalistes » sont au coeur de sa mission (ECCI s.d.).

[4] Le Nordic Monitor est un site de nouvelles et de suivi couvrant [traduction] « les groupes radicaux et les mouvements extrémistes fondés sur la religion, l’idéologie ou l’origine ethnique, tout particulièrement en Turquie » (Nordic Monitor s.d.).

[5] Le Réseau nordique de surveillance et de recherche (Nordic Research and Monitoring Network) est une organisation sans but lucratif qui travaille à [traduction] « la sensibilisation aux tendances extrémistes violentes et radicales en Europe et ailleurs » (Nordic Research and Monitoring Network s.d.).

[6] D’après la Base de données sur l’asile (Asylum Information Database - AIDA), gérée par le Conseil européen sur les réfugiés et les exilés (European Council on Refugees and Exiles - ECRE), [traduction] « le régime d’assurance maladie générale (Genel Sağlık Sigortası - GSS) de la Turquie oblige tous les résidents du pays à avoir une couverture médicale quelconque, publique ou privée. Les personnes dont le revenu est inférieur à un certain seuil, et qui sont donc incapables de payer la prime pour leur propre assurance médicale, ont droit dans le cadre du régime à une couverture pour les soins de santé offerte gratuitement » (ECRE s.d.).

Références

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The Guardian. 31 mai 2016. « Turkey Labels Former Erdoğan's Ally's Group as Terrorists ». [Date de consultation : 20 nov. 2020]

Human Rights Watch (HRW). 14 janvier 2020. World Report 2020: Events of 2019. [Date de consultation : 16 oct. 2020]

Intercultural Dialogue Institute (IDI), Greater Toronto Area (IDIGTA). 13 novembre 2020. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par l’ancien directeur.

Intercultural Dialogue Institute (IDI), Greater Toronto Area (IDIGTA). S.d. « About Us ». [Date de consultation : 17 nov. 2020]

Journalists and Writers Foundation (JWF). 4 novembre 2020. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par le président.

Journalists and Writers Foundation (JWF). S.d.a. « About JWF ». [Date de consultation : 16 nov. 2020]

Journalists and Writers Foundation (JWF). S.d.b. « Honorary President ». [Date de consultation : 16 nov. 2020]

Nations Unies. 28 août 2020. Conseil des droits de l’homme. Follow-Up to the Recommendations Made by the Working Group on Enforced or Involuntary Disappearances in its Report on its Visit to Turkey from 14 to 18 March 2016. (A/HRC/45/13/Add.4) [Date de consultation : 13 nov. 2020]

Nations Unies. 21 juin 2017. Conseil des droits de l’homme. Report of the Special Rapporteur on the Promotion and Protection of the Right to Freedom of Opinion and Expression on His Mission to Turkey. (A/HRC/35/22/Add.3) [Date de consultation : 13 nov. 2020]

The New York Times. 21 mars 2018. « Turkish Media Group Bought by Pro-Government Conglomerate ». [Date de consultation : 23 nov. 2020]

The New York Times. 13 avril 2017. Suzy Hansen. « Inside Turkey's Purge ». [Date de consultation : 20 nov. 2020]

Nordic Monitor. 19 juillet 2020. Abdullah Bozkurt. « Turkish Spy Agency MIT Surveilled Critics in Canada, a NATO Ally ». [Date de consultation : 12 nov. 2020]

Nordic Monitor. 25 janvier 2019. Abdullah Bozkurt. « Turkish Embassies Spied on Critics in 92 Countries, a New Document Reveals ». [Date de consultation : 16 oct. 2020]

Nordic Monitor. S.d. « About ». [Date de consultation : 23 nov. 2020]

Nordic Research and Monitoring Network. S.d. « Homepage ». [Date de consultation : 16 nov. 2020]

Professeure, Stockholm University. 4 novembre 2020. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

Reuters. 31 mai 2016. Daren Butler. « Turkey Officially Designates Gulen Religious Group as Terrorists ». [Date de consultation : 20 nov. 2020]

Stockholm Center for Freedom (SCF). 2 juin 2017. « Turkish Gov't Removes Child from Foster Family Over Alleged Gülen Links ». [Date de consultation : 12 nov. 2020]

Stockholm Center for Freedom (SCF). S.d. « About Us ». [Date de consultation : 16 nov. 2020]

The World. 23 juillet 2020. « Expulsion, Pushbacks and Extraditions: Turkey's War on Dissent Extends to Europe ». [Date de consultation : 20 nov. 2020]

The World. S.d. « About the World ». [Date de consultation : 20 nov. 2020]

Autres sources consultées

Sources orales : chargé d’enseignement en droit dans une université de Turquie; chargé d’enseignement en politique et relations internationales dans une université de Londres qui étudie la politique turque; Human Rights Foundation of Turkey.

Sites Internet, y compris : Al Jazeera; Amnesty International; Austrian Red Cross – Austrian Centre for Country of Origin and Asylum Research and Documentation; Balkan Insight; Bertelsmann Stiftung; Conseil de l’Europe; ecoi.net; États-Unis – Congressional Research Service, Library of Congress; Factiva; Freedom House; Hürriyet Daily News; Nations Unies – Refworld; Pays-Bas – Ministry of Foreign Affairs; Royaume-Uni – Home Office; The Washington Post.

Associated documents