Turquie : information sur la situation des Kurdes, y compris à Istanbul, à Ankara et à Izmir; la situation des partisans réels ou présumés du Parti démocratique populaire (Halkların Demokratik Partisi - HDP); la situation des Kurdes alévis (juillet 2018-décembre 2019) [TUR106385.EF]

Direction des recherches, Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada

1. Aperçu

Des sources estiment que les Kurdes représentent de 10 p. 100 à 23 p. 100 de la population de la Turquie (BBC 15 oct. 2019; É.-U. 6 nov. 2019; MRG juin 2018a). Les Kurdes en Turquie sont originaires de l’Est et du Sud-Est du pays et sont concentrés dans ces régions (BBC 15 oct. 2019; Institut kurde 12 janv. 2017; MRG juin 2018a).

Le ministère de l’Intérieur du Royaume-Uni a publié un rapport dans lequel est cité un représentant d’une confédération de syndicats de la Turquie, qui affirme que la situation dans les régions du Sud-Est et de l’Est de la Turquie, principalement peuplées de Kurdes, peut être [traduction] « "plus difficile" », les enjeux économiques et sociaux étant « "problématiques" » (R.-U. oct. 2019, 24). Le même représentant déclare en outre que les régions kurdes sont moins développées que l’Ouest de la Turquie et que les Kurdes dans ce secteur ont souffert [traduction] « de graves violations des droits de la personne » commises par le gouvernement de la Turquie, ce qui a engendré une migration des Kurdes vers l’Ouest (R.-U. oct. 2019, 95). De même, il est écrit dans un rapport du ministère des Affaires étrangères et du Commerce (Department of Foreign Affairs and Trade — DFAT) de l’Australie que l’Est et le Sud-Est de la Turquie sont moins développés et que les taux de pauvreté y sont plus élevés et les revenus moindres, tout comme les investissements de l’industrie et du gouvernement, faisant observer que [traduction] « environ la moitié de la population kurde de la Turquie a migré dans l’Ouest du pays pour échapper aux conflits […] et par espoir d’y trouver des perspectives économiques » (Australie 9 oct. 2018, paragr. 3.2). Les Country Reports on Human Rights Practices for 2018 du Département d’État des États-Unis énoncent, parmi les conditions dans le Sud-Est de la Turquie, les barrages routiers, les couvre-feux, les mariages précoces et forcés et les mauvais traitements infligés par la police et d’autres forces de sécurité du gouvernement, de même que par le Parti des travailleurs du Kurdistan (Partiya Karkerên Kurdistanê — PKK) (É.-U. 13 mars 2019, 20, 21, 37, 51). Des sources signalent de même que la région du Sud-Est de la Turquie est aux prises avec des problèmes de sécurité découlant des opérations menées contre le PKK ou des conflits entre le PKK et les forces de sécurité du gouvernement (UE 29 mai 2019, 5; Australie 9 oct. 2018, paragr. 2.49).

Selon des sources, la majorité des Kurdes sont des musulmans sunnites (BBC 15 oct. 2019; R.-U. sept. 2018, paragr. 3.4.2; Australie 9 oct. 2018, paragr. 3.3) qui adhèrent à l’école [jurisprudentielle (R.-U. sept. 2018, paragr. 3.4.2)] chaféite (Australie 9 oct. 2018, paragr. 3.3; R.-U. sept. 2018, paragr. 3.4.2), plutôt qu’à [traduction] « [l’]école hanafite, à laquelle adhèrent la plupart des Turcs de souche » (Australie 9 oct. 2018, paragr. 3.3). Un rapport sur les Kurdes du ministère fédéral de l’Intérieur de l’Autriche explique que les autres Kurdes sont chiites, alévis, yézidis, athées, agnostiques ou chrétiens, entre autres (Autriche nov. 2015, 22).

1.1 Visibilité des Kurdes

Le rapport du ministère de l’Intérieur du Royaume-Uni, dans lequel sont cités un avocat des droits de la personne et le directeur d’une organisation turque, précise que les Kurdes en Turquie peuvent être reconnus par leurs noms ou leurs accents (R.-U. oct. 2019, 23). Cependant, la même source cite un cofondateur de Peace in Kurdistan [1] comme affirmant que, bien que cela soit possible, il pourrait s’avérer difficile ou très difficile de distinguer un Turc d’un Kurde (R.-U. oct. 2019, 23). Citant la présidente de la Fédération des associations de femmes (Federation of Women’s Associations) de la Turquie, le rapport précise en outre qu’il n’est pas possible de distinguer une femme turque d’une femme kurde à Istanbul et que les femmes de chacune de ces origines ethniques s’habillent de façon semblable, alors que [traduction] « "les femmes kurdes sont plus visibles dans l’Est, car elles portent des vêtements traditionnels" » (R.-U. oct. 2019, 30). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens ni aucun renseignement additionnel.

1.2 Situation des Kurdes à Istanbul, à Ankara et à Izmir

Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches a trouvé peu de renseignements sur la situation des Kurdes à Istanbul, à Ankara et à Izmir. Il ressort du rapport du DFAT de l’Australie que, bien que de nombreux Kurdes soient [traduction] « très pauvres », une « classe moyenne kurde se fait de plus en plus présente dans les centres urbains, plus particulièrement dans l’Ouest de la Turquie » (Australie 9 oct. 2018, paragr. 3.2). La Fondation-Institut kurde de Paris (Institut kurde), un [version française de l’Institut kurde] « organisme culturel indépendant, non politique et laïc » dont le siège est à Paris (Institut kurde s.d.), fait observer qu’il y a de [version française de l’Institut kurde ] « fortes communautés kurdes » dans les grandes métropoles turques comme Istanbul, Ankara et Izmir (Institut kurde 12 janv. 2017). Selon des sources, trois ou quatre millions de Kurdes vivent à Istanbul (Institut kurde 12 janv. 2017; R.-U. oct. 2019, 61), ce qui dépasse la taille de la population kurde vivant à Ankara (R.-U. oct. 2019, 61) ou constitue la plus importante population kurde au monde (Institut kurde 12 janv. 2017). Le rapport du DFAT de l’Australie précise que [traduction] « [d]e nombreux Kurdes » dans l’Ouest de la Turquie « qui ne sont pas actifs dans la sphère politique, et ceux qui appuient le [Parti de la justice et du développement (Adalet ve Kalkınma Partisi — AKP) au actuellement au pouvoir], sont intégrés à la société turque […] et vivent leurs vies normalement » ; la source ajoute que « [l]es observateurs des droits de la personne signalent toutefois que certains Kurdes dans l’Ouest de la Turquie hésitent à divulguer leur identité kurde, notamment en parlant le kurde en public, par crainte de provoquer une réaction violente » (Australie 9 oct. 2018, paragr. 3.8).

Selon une organisation turque du Royaume-Uni interviewée en mai 2019 par le ministère de l’Intérieur du Royaume-Uni, les milices nationalistes turques, [traduction] « qui organisent de violentes attaques visant des groupes kurdes » sont présentes dans toutes les régions de la Turquie, « mais en particulier dans l’Ouest et dans les grandes villes comme Istanbul et Ankara » (R.-U. oct. 2019, 58). La même source souligne en outre que les Kurdes tendent à vivre dans des [traduction] « quartiers particuliers dans les villes » à l’extérieur du Sud-Est de la Turquie en réponse aux milices (R.-U. oct. 2019, 61). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

2. Traitement réservé aux Kurdes par les autorités et par la société

La Turquie a légalisé l’emploi de la langue kurde dans les milieux de la diffusion et de l’éducation en 2002 (Encyclopaedia Britannica 8 oct. 2019; The New York Times 21 nov. 2002). Toutefois, selon des sources, le gouvernement de la Turquie cible les médias kurdes en leur imposant des fermetures, et les journalistes kurdes courent le risque d’être détenus, poursuivis en justice et menacés (UE 29 mai 2019, 33, 34; Australie 9 oct. 2018, paragr. 3.64). Il est écrit dans les Country Reports 2018 des États-Unis que [traduction] « [p]resque tous les journaux, canaux de télévision et stations radiophoniques privés kurdes demeuraient fermés pour des motifs liés à la sécurité nationale » (É.-U. 13 mars 2019, 24). Le rapport du DFAT de l’Australie ajoute que [traduction] « [d]e nombreux journalistes kurdes, y compris ceux qui travaillent dans le Sud-Est, ont fait état de menaces, de violence physique et d’enquêtes criminelles menées par les autorités de l’État », et « [l]es journalistes dans le Sud-Est qui se sont exprimés contre le PKK ou en faveur du gouvernement ont fait l’objet d’intimidation et de menaces de la part du PKK » (Australie 9 oct. 2019, paragr. 3.64).

Deutsche Welle (DW) signale [traduction] « une hausse de la discrimination à l’endroit des Kurdes » en Turquie et cite l’exemple, parmi d’autres incidents, d’un homme kurde qui a été victime d’une agression dans le Nord-Ouest de la Turquie en octobre 2019, [traduction] « semble-t-il pour avoir parlé le kurde », tout en faisant état d’un cas survenu en décembre 2018 dans la province de Sakarya où un homme kurde a été tué et son fils de 16 ans blessé par un assaillant qui aurait demandé s’ils étaient Kurdes avant de les attaquer (DW 22 oct. 2019). Un avocat turc cité par la même source a déclaré que [traduction] « [l’]hostilité envers les Kurdes se fait de plus en plus sentir » et que « "[l]e nombre d’attaques s’accroît forcément de pair avec la polarisation" » (DW 22 oct. 2019). La même source cite également un codirecteur de l’Association turque des droits de la personne (Turkish Human Rights Association — IHD), qui est également un avocat des droits de la personne, comme ayant affirmé que [traduction] « [l]es discours haineux et le racisme dans l’ensemble de la Turquie sont un terreau » pour ce genre d’attaques (DW 22 oct. 2019). Dans un rapport sur la non-discrimination en Turquie publié en 2019 mais traitant de données recueilles en 2017, la Commission européenne a de même fait observer, parmi les [version française de la Commission européenne] « [p]oints essentiels », que « [l]es discours et comportements discriminatoires et haineux envers les minorités », et plus particulièrement envers les Kurdes, entre autres, « sont omniprésents dans la vie courante, dans le débat politique et dans les médias » (UE 7 janv. 2019, 10-11).

3. Le HDP

Le HDP est un parti politique pro-Kurdes (Al Jazeera 19 août 2019; The Guardian 25 juin 2018; Reuters 27 mars 2019). Des sources signalent que le HDP a récolté 11,7 p. 100 des voix [ou plus de 5,8 millions de voix (IFES s.d.)] lors des élections du 24 juin 2018 (Kirişci 25 juin 2018; The Guardian 25 juin 2018; IFES s.d.) et obtenu 67 sièges au parlement de la Turquie (Kirişci 25 juin 2018; IFES s.d.). D’après de sources, le HDP a ainsi franchi le seuil des 10 p. 100 requis pour siéger au parlement (Kirişci 25 juin 2018; The Guardian 25 juin 2018). Citant le Conseil électoral suprême (Supreme Electoral Council) de la Turquie et l’agence Anadolu [exploitée par l’État (AFP s.d.)], la BBC signale que le parti a remporté la majorité des voix dans dix provinces du Sud-Est (BBC 25 juin 2018).

3.1 Traitement réservé aux partisans réels et présumés du HDP

Selon des sources, le gouvernement kurde soutient que le HDP a des liens avec le PKK, lequel est désigné comme un groupe [traduction] « "terroriste" » par l’Union européenne, entre autres (Al Jazeera 19 août 2019; Euronews 5 nov. 2019), y compris par la Turquie (Al Jazeera 19 août 2019). Ces sources font en outre observer que le HDP nie tout lien avec le PKK (Al Jazeera 19 août 2019; Euronews 5 nov. 2019; Reuters 27 mars 2019). Il ressort des Country Reports 2018 des États-Unis que les procureurs [traduction] « se sont servis d’une définition large du terrorisme et des menaces à la sécurité nationale » et que, selon des avocats de la défense et des groupes d’opposition, « dans certains cas » ont eu recours à « ce qui semblait être des éléments de preuve discutables sur le plan juridique pour porter des accusations criminelles contre un large éventail de personnes et les poursuivre », y compris des politiciens du HDP (É.-U. 13 mars 2019, 15-16). Dans son rapport annuel de 2018, Human Rights Watch a de même signalé ceci :

[traduction]

[d]e nombreux procès pour terrorisme en Turquie sont dénués d’éléments de preuve convaincants faisant foi d’activités criminelles ou d’agissements qui seraient raisonnablement considérés comme étant du terrorisme, et la pratique qui consiste à longuement détenir des personnes accusées d’infractions liées au terrorisme avant leur procès soulève des préoccupations [selon lesquelles] le recours à cette démarche est devenu une forme de peine sommaire (Human Rights Watch 17 janv. 2019, 2).

Dans un article publié en mars 2019, l’Associated Press (AP) signale que, d’après une déclaration du HDP, des membres du parti ont été détenus dans les jours précédant les élections municipales à la fin de mars 2019; selon la déclaration, [traduction] « 53 personnes ont été détenues jusqu’au lendemain à Istanbul. Parmi ces personnes figurent des candidats à des sièges du conseil municipal » (AP 30 mars 2019). La même source signale en outre que [traduction] « [l]e gouvernement accuse le HDP d’entretenir des liens avec des militants kurdes hors-la-loi, pendant que 10 législateurs, 40 maires et des milliers de militants demeurent incarcérés » et cite le président Erdoğan comme ayant qualifié le HDP « [d’]"amateurs de terreur" » (AP 30 mars 2019). Des sources soulignent que trois maires ont été démis de leurs fonctions et que 400 personnes ont été arrêtées ou détenues en août 2019 parce qu’ils étaient présumés entretenir des liens avec le PKK (Al Jazeera 19 août 2019; BBC 19 août 2019). Un article de la BBC explique ceci :

[traduction]

Les maires, qui ont été élus en mars, sont accusés de « propagande terroriste » et de « financer le terrorisme ».

[…]

Parmi les détenus figurent les maires des provinces de Diyarbakir, de Mardin et de Van - qui ont tous remporté d’importantes majorités lors des élections de mars.

Ils sont membres du [HDP], mais sont accusés d’entretenir des liens avec le PKK (BBC 19 août 2019).

Des sources font également état de descentes policières dans les bureaux du HDP et d’arrestations ciblant des grévistes de la faim qui appuyaient des membres incarcérés du HDP (Rudaw 9 mars 2019; VOA 11 déc. 2018). Il ressort d’un article publié en décembre 2018 par Voice of America (VOA) que la police turque [traduction]« a détenu des dizaines de personnes, pour la plupart des femmes, à l’issue de nombreuses descentes » effectuées dans les bureaux du HDP à Batman, à Diyarbakir et à Van, « ciblant des membres et des partisans du parti qui avaient entrepris une grève de la faim pour soutenir Leyla Guven, législatrice du HDP incarcérée » (VOA 11 déc. 2018). Bianet, une source d’information indépendante d’Istanbul (Bianet s.d.), signale que la police turque a bloqué une manifestation de [traduction] « veille démocratique » [nom donné à une série de manifestations contre le gouvernement dirigées par le HDP (IPA News 1er oct. 2019)] organisée par le HDP à Izmir (Bianet 26 sept. 2019). D’après la même source, la veille démocratique qui devait se dérouler à la place Esenyurt d’Istanbul a elle aussi été bloquée, et la police a annoncé que la manifestation et la marche avaient été interdites par le gouvernorat; la source ajoute que la police [traduction] « a attaqué le groupe avec des gaz lacrymogènes et des balles de plastique » et « placé plusieurs personnes en garde à vue » (Bianet 26 sept. 2019). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

Selon le directeur d’une organisation turque du Royaume-Uni cité par le ministère de l’Intérieur du Royaume-Uni, [traduction] « "[l]e fait d’être d’origine ethnique kurde et de s’exprimer politiquement" » « pourrait amener les autorités à soupçonner qu’un membre ou un partisan du HDP soutient le PKK », et les personnes « susceptibles d’attirer l’attention des autorités » sont notamment les suivantes : « "[r]eprésentants élus du HDP ou membres d’un conseil régional du HDP" »; « "[m]embres du comité de gestion" »; « "[o]rganisateurs électoraux" »; « "[d]émarcheurs (porte à porte, distribution de feuillets)" »; « "[ê]tre un [m]aire ou un [c]onseiller [municipal]" » (R.-U. oct. 2019, 18). La source explique également que [traduction] « les représentants locaux peuvent exercer une plus grande influence que les représentants élus et de nombreux [m]aires sont en prison. Le HDP est le troisième parti en importance et compte des milliers de militants, et voilà pourquoi les autorités le perçoivent comme une menace » (R.-U. oct. 2019, 18). Un avocat des droits de la personne cité dans le même rapport a affirmé que les partisans du HDP pouvaient aussi être arrêtés [traduction] « "pour la distribution de pamphlets" » et ciblés pour avoir publié du contenu dans les médias sociaux, participé à une manifestation, à un rassemblement ou à une réunion, être entrés dans un immeuble associé au HDP ou en être sortis (R.-U. oct. 2019, 19). Dans le même rapport, le directeur de l’organisation du Royaume-Uni fait également observer que les membres de la famille d’un membre du HDP pourraient être exposés à un risque [traduction] « "s’ils manifestent de l’intérêt pour le procès de leur parent ou s’ils font des déclarations politiques dans les médias sociaux ou participent à des rassemblements politiques" », et qu’ils peuvent faire l’objet de menaces, de rafles, de volées de coups ou d’incarcération (R.-U. oct. 2019, 20). À l’inverse, un représentant du Bureau de l’ombudsman de la Turquie a déclaré que les membres de la famille ne sont pas pris pour cible, soulignant que les membres de la famille ne seront pas arrêtés ni détenus (R.-U. oct. 2019, 20). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

En outre, elle n’a trouvé aucun renseignement additionnel, y compris au sujet du traitement réservé aux présumés partisans du HDP.

4. Situation des Kurdes alévis

D’après des sources, l’alévisme est une branche hétérodoxe de l’islam (Australie 9 oct. 2018, paragr. 3.21; MRG juin 2018b). Les alévis forment le plus important groupe minoritaire religieux en Turquie et adhèrent à une branche de l’islam chiite (MRG juin 2018b; Harvard s.d.). Le rapport du DFAT de l’Australie explique que, [traduction] « [b]ien que la plupart des alévis voient leur foi comme une religion distincte, certains s’identifient comme des chiites ou des sunnites ou considèrent leur identité alévie comme étant essentiellement culturelle plutôt que religieuse » (Australie 9 oct. 2018, paragr. 3.21). La même source souligne [traduction] « [l’]absence de données officielles » et précise que les estimations de la population alévie en Turquie oscillent entre 10 p. 100 et 31 p. 100, ou entre 8 et 30 millions de personnes (Australie 9 oct. 2018, paragr. 3.20). Minority Rights Group International (MRG) précise que différentes sources estiment que les alévis représentent de 10 p. 100 à 40 p. 100 de la population de la Turquie, ou que, selon des [traduction] « données récentes », il pourrait y avoir de 20 à 25 millions d’alévis en Turquie (MRG juin 2018b). En outre, d’après MRG, [traduction] « un nombre important » de Kurdes sont des alévis (MRG juin 2018a). Il ressort du rapport du DFAT de l’Australie que des sources universitaires estiment qu’il y a de 500 000 à plusieurs millions de Kurdes alévis en Turquie (Australie 9 oct. 2018, paragr. 3.20).

Bien que les alévis soient [traduction] « répartis un peu partout » en Turquie, ils sont « concentrés dans le centre et l’intérieur est de l’Anatolie, à Istanbul et dans d’autres grandes villes » (Australie 9 oct. 2018, paragr. 3.20). Selon Lima Charlie, un site Internet d’actualités qui présente des analyses [traduction] « de vétérans de l’armée, de professionnels du renseignement et de spécialistes des politiques étrangères » (Lima Charlie s.d.), les alévis qui ont quitté leurs maisons rurales pour s’installer dans de plus grosses villes ont exprimé du [traduction] « mécontentement » et ont dû composer avec « des mesures policières brutales visant à contenir les manifestations alévies », y compris à Istanbul et à Ankara (Lima Charlie 7 avr. 2019). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

Selon des sources, le gouvernement de la Turquie ne reconnaît pas la religion alévie ni les lieux de culte des alévis, appelés cemevis (Lima Charlie 7 avr. 2019; Harvard s.d.; É.-U. 21 juin 2019). L’International Religious Freedom Report for 2018 du Département d’État des États-Unis ajoute que [traduction] « [e]n mai [2018], le président Erdogan a promis d’accorder un statut légal aux cemevis alévis au titre de sa plateforme électorale en vue de la présidentielle, mais il n’a pris aucune mesure pour ce faire après avoir été réélu le 24 juin [2018] » (É.-U. 21 juin 2019, 11). La même source ajoute que, à la fin de 2018, le gouvernement [traduction] « n’avait pas légalement reconnu les cemevis à titre de lieux de culte », bien que, en novembre [2018], la Cour suprême d’appel a statué qu’il s’agit bel et bien de « lieux de culte qui, par conséquent, doivent se voir accorder les mêmes avantages que les mosquées sunnites »; dans un « cas similaire » en 2015, la Cour suprême « a rendu le même jugement » (É.-U. 21 juin 2019, 11). Chaque cemevi peut être reconnue [au cas par cas] en vertu d’un jugement rendu en 2014 par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH (É.-U. 21 juin 2019, 11).

Selon le rapport du DFAT de l’Australie, [traduction] « [l]a CEDH a statué en avril 2015 que le gouvernement de la Turquie violait la Convention européenne en omettant de reconnaître les lieux de culte et les chefs religieux alévis » (Australie 9 oct. 2018, paragr. 3.22). La même source signale que la Turquie [traduction] « ne reconnaît pas l’alévisme en tant que religion distincte et considère les alévis comme des musulmans » (Australie 9 oct. 2018, paragr. 3.22). Des sources expliquent que les étudiants alévis doivent suivre des cours d’enseignement religieux obligatoires (Australie 9 oct. 2018, paragr. 3.22; MRG juin 2018b) qui mettent l’accent sur le sunnisme hanafite; les étudiants chrétiens et juifs sont exemptés de ces cours, mais pas les alévis (Australie 9 oct. 2018, paragr. 3.22).

Le rapport du DFAT de l’Australie explique que les cartes d’identité nationales, qui sont valides durant 10 ans,

[traduction]

sont obligatoires pour tous les citoyens de naissance, qui doivent les avoir sur eux en tout temps. Les cartes sont exigées pour un large éventail d’activités quotidiennes, dont le travail, l’accès aux soins de santé et aux services sociaux, l’inscription au vote, l’obtention d’un passeport ou d’un permis de conduire, l’inscription à l’école ou à l’université, l’enregistrement à titre de propriétaire d’une propriété ou d’un véhicule et l’obtention du téléphone, d’Internet et de services publics à domicile (Australie 9 oct. 2018, paragr. 5.33).

La source ajoute que la religion est inscrite au verso de la carte, même si ce champ [traduction] « peut demeurer vierge » (Australie 9 oct. 2018, paragr. 5.34). Selon l’International Religious Freedom Report for 2018 des États-Unis, les [traduction] « [n]ouvelles » cartes d’identité turques, distribuées depuis la fin de 2018, n’ont plus de champ pour la religion, tandis que les cartes plus anciennes, toujours en circulation, comportent un champ pour la religion et n’offraient pas la possibilité de choisir l’alévisme comme religion, même s’il était possible de ne rien inscrire dans ce champ (É.-U. 21 juin 2019, 6).

Pour obtenir des renseignements au sujet des Alévis et de la situation des Alévis et du traitement qui leur est réservé en Turquie, veuillez consulter la réponse à la demande d’information TUR106206 publiée en novembre 2018.

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l’aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n’apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d’une demande d’asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d’information.

Note

[1] Peace in Kurdistan est une [traduction] « organisation de campagne [du Royaume-Uni] qui œuvre à faire progresser les droits du peuple kurde et à parvenir à un règlement politique de la question kurde » (Peace in Kurdistan s.d.).

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Autres sources consultées

Sources orales : Kurdish Studies Network; Kurdish Human Rights Project; professeur adjoint dont les travaux de recherche s’intéressent aux Kurdes en Turquie; professeur agrégé qui étudie l’origine ethnique au Moyen-Orient.

Sites Internet, y compris : Amnesty International; ecoi.net; États-Unis – Congressional Research Service; The Globe and Mail; Heinrich Böll Stiftung; Middle East Eye.

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