Pakistan : information sur la fréquence des faux documents et leur disponibilité, y compris les affidavits et les documents judiciaires (2017-janvier 2020) [PAK106394.EF]

Direction des recherches, Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada

1. Aperçu

Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un expert en matière de renseignements sur les pays d’origine qui mène des recherches sur le Pakistan pour le compte de la Cedoca, l’unité de recherche du Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRS) de la Belgique, s’exprimant à titre personnel et à la lumière de renseignements obtenus dans le cadre d’une mission d’enquête effectuée au Pakistan en 2017 et puisés dans des sources écrites, a déclaré que les documents judiciaires frauduleux ne sont pas plus répandus dans une région qu’une autre du Pakistan, et explique en outre que, dans les régions rurales, les fraudes peuvent être attribuables aux [traduction] « tribunaux et bureaux notariaux moins efficaces » et que, dans les villes, elles peuvent survenir « si vous avez de l’argent ou pouvez influencer des personnes qui travaillent dans les tribunaux ou les bureaux notariaux » (expert en matière de renseignements sur les pays d’origine 9 déc. 2019). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

Des médias signalent que Maryam Nawaz, la fille de l’ancien premier ministre Nawaz Sharif, a présenté des documents frauduleux au tribunal au sujet d’entreprises extraterritoriales en 2017 relativement à l’enquête sur la corruption de son père (BBC 12 juill. 2017; Gulf News 28 juill. 2017; The Globe and Mail 28 juill. 2017). Des sources font également observer que des questions avaient été soulevées quant à l’authenticité du certificat de non-opposition présenté par l’actuel premier ministre du Pakistan, Imran Kahn, relativement à une affaire de construction instruite par la Cour suprême du Pakistan en 2018 (The News International 1er mars 2018; The Express Tribune 28 févr. 2018; The Nation 1er mars 2018). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a trouvé aucun renseignement sur l’issue de ces affaires.

L’expert en matière de renseignements sur les pays d’origine a affirmé que les documents judiciaires et les affidavits, articles de journaux, pièces d’identité et, [traduction] « surtout », les attestations d’études peuvent être frauduleux (expert en matière de renseignements sur les pays d’origine 9 déc. 2019). De même, le ministère des Affaires étrangères et du Commerce (Department of Foreign Affairs and Trade - DFAT) de l’Australie précise ceci dans un rapport d’information sur le Pakistan :

[traduction]

Il n’est pas rare de voir des dossiers scolaires, actes de naissance, certificats de décès, dossiers médicaux, dossiers bancaires et d’autres documents contrefaits ou modifiés frauduleusement. Des sources locales font état de situations où des personnes influentes ont payé des organes d’information pour faire publier de fausses histoires (Australie 20 févr. 2019, paragr. 5.74).

2. Documents judiciaires et affidavits

Des sources signalent qu’il y a de la corruption au sein de l’appareil judiciaire au Pakistan (Freedom House 2019, sec. F1; É.-U. 13 mars 2019, 36). Dans son rapport sur le Pakistan, le DFAT de l’Australie écrit que [traduction] « la subornation est répandue parmi les responsables de l’application de la loi, des marchés publics et de la prestation des services publics » (Australie 20 févr. 2019, paragr. 2.19). Il ressort des Country Reports on Human Rights Practices for 2018 du Département d’État des États-Unis que [traduction] « [d]e nombreuses instances judiciaires inférieures demeurent corrompues, inefficaces et assujetties aux pressions exercées par des personnes riches et des personnalités religieuses et politiques influentes » (É.-U. 13 mars 2019, 14). L’expert en matière de renseignements sur les pays d’origine qui mène des recherches sur le Pakistan a apporté ces précisions :

[traduction]

la corruption est un problème répandu au Pakistan et il est facile et pratiquement « sans risque » de soudoyer des fonctionnaires à tous les échelons de l’administration publique pakistanaise, y compris pour ce qui est de la délivrance de documents (y compris les documents judiciaires).

Selon des sources consultées durant une mission d’enquête au Pakistan en avril 2017, il arrive de constater que des documents judiciaires ne sont pas authentiques. Les mêmes sources ont en outre expliqué qu’il n’est pas difficile de suborner un juge et, en particulier, les greffiers des tribunaux. Les documents judiciaires et, surtout, les ordonnances de la cour peuvent être frauduleux (expert en matière de renseignements sur les pays d’origine 9 déc. 2019).

L’expert en matière de renseignements sur les pays d’origine a en outre expliqué que le papier utilisé pour les documents judiciaires est distribué par l’entremise de papeteries et [traduction] « par l’entremise de personnes qui vendent ces documents au sein des tribunaux. C’est un risque du fait [que] les vendeurs peuvent facilement être influencés afin qu’ils distribuent le papier utilisé pour les documents judiciaires à des personnes qui ne font pas l’objet d’un procès et à des personnes qui vont fabriquer des affaires judiciaires » (expert en matière de renseignements sur les pays d’origine 9 déc. 2019). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

D’après l’expert en matière de renseignements sur les pays d’origine, les documents judiciaires peuvent être rédigés en ourdou ou en anglais, et [traduction] « [l]es fautes d’orthographe dans les timbres et les documents officiels ne sont pas forcément un indicateur de fraude » (expert en matière de renseignements sur les pays d’origine 9 déc. 2019). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

En outre, elle n’a trouvé aucun renseignement additionnel propre aux affidavits.

3. Premiers rapports d’information (First information reports - FIRs)

Selon l’expert en matière de renseignements sur les pays d’origine, même si le papier utilisé pour les FIR [documents utilisés pour signaler une infraction « “identifiable” » (É.-U. 13 mars 2019, 11)] est distribué directement à la police par les gouvernements provinciaux, il est possible de fabriquer des FIR ou d’en adapter le contenu (expert en matière de renseignements sur les pays d’origine 9 déc. 2019). Il est écrit dans les Country Reports 2018 que les FIR peuvent être déposés [traduction] « sans éléments de preuve à l’appui de manière à harceler ou à intimider des détenus » (É.-U. 13 mars 2019, 11). Dans son rapport d’information sur le Pakistan, le DFAT de l’Australie fait observer que les FIR [traduction] « sont rédigés au moyen de formulaires types, où les renseignements pertinents sont inscrits à la main, et ils sont relativement faciles à contrefaire. Des cas faisant état de pots-de-vin acceptés par la police pour vérifier des FIR frauduleux ont été signalés » (Australie 20 févr. 2019, paragr. 5.73).

Pour obtenir des renseignements au sujet des FIR, veuillez consulter la réponse à la demande d’information PAK106395 publiée en janvier 2020.

4. Pièces d’identité et documents de voyage

Il ressort du rapport du DFAT de l’Australie qu’il est relativement facile d’utiliser des [traduction] « documents sources frauduleux (altérés ou contrefaits) » pour obtenir des « documents authentiques, comme des CNIC [cartes d’identité nationales informatisées] et des passeports » et que ces documents authentiques obtenus frauduleusement sont « généralement préférés aux documents contrefaits » (Australie 20 févr. 2019, paragr. 5.71). Des médias signalent que le ministre de l’Intérieur du Pakistan a informé le Sénat que l’Autorité nationale sur les bases de données et l’enregistrement (National Database and Registration Authority - NADRA) avait décelé plus de 58 000 fausses cartes d’identité nationales dans sa base de données en 2018 (Dawn 27 janv. 2018; The Express Tribune 28 janv. 2018; Pakistan Today 27 janv. 2018). L’Express Tribune, un quotidien de langue anglaise de Karachi, précise que plus de 155 000 fausses CNIC, y compris 603 qui avaient illégalement été délivrées à des étrangers, avaient été identifiées et saisies au cours d’un processus de revérification (The Express Tribune 30 avr. 2019). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

Il est écrit dans le rapport du DFAT de l’Australie que les actes de naissance sont délivrés par la NADRA, les conseils d’union locaux ou les hôpitaux, et que des [traduction] « actes obtenus frauduleusement, altérés frauduleusement ou contrefaits » sont encore disponibles auprès d’hôpitaux (Australie 20 févr. 2019, paragr. 5.48, 5.72). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

5. Documents immobiliers

Le Bureau européen d’appui en matière d’asile (European Asylum Support Office - EASO) de l’Union européenne (UE) a publié un rapport à l’issue d’une réunion d’information sur le Pakistan dont il a été l’hôte en octobre 2017, dans lequel Shehryar Fazli, analyste principal et éditeur régional à l’International Crisis Group, estime à plus d’un million le nombre d’affaires civiles en instance liées à des litiges fonciers en cours au Pakistan, ce qui représente de 60 p. 100 à 80 p. 100 de toutes les affaires civiles (UE févr. 2018, 37). Dans son rapport de 2019, Freedom House fait observer que [traduction] « le crime organisé, la corruption, un faible environnement de réglementation et la subdivision du système juridique rendent souvent les droits à la propriété précaires » (Freedom House 2019, sec. G2). Des médias signalent que des propriétés de Pakistanais vivant à l’étranger en sont venues à être possédées par d’autres personnes en vertu de documents contrefaits (Dawn 13 avr. 2017; The News International 10 avr. 2018), les [traduction] « usurpateurs » des terres ou des propriétés sachant que l’action en justice qui en résultera sera très longue (The News International 10 avr. 2018). Dans le rapport sur la réunion de l’EASO, Shehryar Fazli explique certains des enjeux liés aux documents fonciers tels qu’administrés par les fonctionnaires locaux responsables du revenu (patwari) au Pakistan :

[traduction]

L’influence des patwari repose du côté des dossiers papier. L’informatisation des documents fonciers est une pratique très récente qui à laquelle adhèrent actuellement deux provinces seulement. Certains documents sont dignes de mention. L’un de ces documents s’appelle jamabandi; il s’agit du document qui établit le droit à la propriété. L’autre, qui s’appelle intaqalaat, est l’enregistrement de la terre en question. Il s’agit de deux processus très tendus visant à établir le droit à une parcelle de terre donnée. Comme je l’ai dit, l’absence de numérisation et d’actes notariés, les documents fonciers inexacts ou frauduleux, les descriptions erronées des limites qui créent des chevauchements de propriétés et les enregistrements multiples d’une même parcelle de terre par différentes parties. Parce que le patwari est l’arbitre décisif de ces questions à l’échelle locale - il est possible de s’adresser aux tribunaux mais il faudra 25 ans pour régler l’affaire - étant donné le rôle qui revient au patwari dans le règlement de ces affaires, le pouvoir de ce fonctionnaire est disproportionné et nous avons même vu un patwari, qui, je le rappelle, est un fonctionnaire de très bas échelon, devenir sénateur parce qu’il avait les moyens d’acheter son siège ou encore parce qu’un nombre suffisant de politiciens lui étaient redevables, ce qui lui a permis d’obtenir un laissez-passer du parti.

Le document le plus évasif en ce qui concerne les terres s’appelle le fard. Il s’agit du certificat de possession, qui sert toute une série d’objectifs : garantie servant de cautionnement dans les affaires judiciaires; preuve de résidence permanente aux fins de l’obtention d’un certificat de domicile et d’emprunts auprès d’institutions financières; attestation de changement de propriété par héritage; enregistrement de la propriété foncière par voie de vente, d’achat, d’hypothèque, de cession à bail ou de don. Les patwari sont les seules personnes investies du pouvoir de délivrer ce document. Il n’est pas étonnant que les personnes cherchant à obtenir un fard sont vulnérables à l’extorsion. Les personnes qui omettent d’obtenir ce document auront beaucoup de difficulté à maintenir une saine vie économique, même si elles déménagent dans une autre partie du pays. Les pots-de-vin versés aux patwari varient selon les moyens financiers de la personne et du type de documents requis (UE févr. 2018, 38).

Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

6. Réponse de l’État

Le chapitre XI du code pénal du Pakistan (Pakistan Penal Code) régit les faux éléments de preuve et les infractions portant atteinte à la justice publique, le chapitre XVII régit les infractions portant atteinte à la propriété et le chapitre XVIII régit les infractions portant atteinte aux documents et aux marques de commerce et de propriété (Pakistan 1860). Une copie de ces chapitres du code pénal du Pakistan est annexée à la présente réponse.

Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a trouvé aucun renseignement additionnel sur la réponse de l’État, y compris la mise en œuvre des lois applicables.

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l’aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n’apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d’une demande d’asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d’information.

Références

Australie. 20 février 2019. Department of Foreign Affairs and Trade (DFAT). DFAT Country Information Report: Pakistan. [Date de consultation : 5 déc. 2019]

British Broadcasting Corporation (BBC). 12 juillet 2017. Secunder Kermani. « Pakistani Corruption Case Hinges on a Font ». [Date de consultation : 6 déc. 2019]

Expert en matière de renseignements sur les pays d’origine (Pakistan), Cedoca, Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRS), Belgique. 9 décembre 2019. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

Dawn. 27 janvier 2018. Nadir Guramani. « 58,301 Fake NICs in Nadra Database, Interior Ministry Tells Senate ». [Date de consultation : 16 déc. 2019]

Dawn. 13 avril 2017. Asif Chaudhry. « Many Overseas Pakistanis in Throes of Property Row ». [Date de consultation : 17 déc. 2019]

États-Unis (É.-U.). 13 mars 2019. Department of State. « Pakistan ». Country Reports on Human Rights Practices for 2018. [Date de consultation : 5 déc. 2019]

The Express Tribune. 30 avril 2019. Waqas Ahmed. « 155,000 Fake CNICs Seized in NADRA Crackdown ». [Date de consultation : 18 déc. 2019]

The Express Tribune. 28 février 2018. Hasnaat Mailk. « No NOC Issued to Imran for Construction of Bani Gala Mansion, SC Told ». [Date de consultation : 10 déc. 2019]

The Express Tribune. 28 janvier 2018. Danish Hussain. « Over 58,000 Fake CNICs Detected by NADRA ». [Date de consultation : 18 déc. 2019]

Freedom House. 2019. « Pakistan ». Freedom in the World 2019. [Date de consultation : 5 déc. 2019]

The Globe and Mail. 28 juillet 2017. Tu Thanh Ha. « How a Microsoft Font Brought Down Pakistani Prime Minister Nawaz Sharif ». [Date de consultation : 5 déc. 2019]

Gulf News. 28 juillet 2017. Sana Jamal. « How Calibri Font Brought Down the Nawaz Sharif Government ». [Date de consultation : 6 déc. 2019]

The Nation. 1er mars 2018. « NOC Filed by Imran is ‘Fake’, SC Told ». [Date de consultation : 10 déc. 2019]

The News International. 10 avril 2018. Shakeel Anjum. « ’House Grabbers’ – A New Mafia Targeting Expats ». [Date de consultation : 17 déc. 2019]

The News International. 1er mars 2018. Waseem Abbasi. « SC Issues Strong Warning for Submitting Fake Documents ». [Date de consultation : 10 déc. 2019]

Pakistan. 1860 (version modifiée en 2012). Pakistan Penal Code (Act XLV of 1860). [Date de consultation : 10 déc. 2019]

Pakistan Today. 27 janvier 2018. « 58,301 Fraudsters, Including Foreigners, Using Fake NICs in NADRA Database: Report ». [Date de consultation : 16 déc. 2019]

Union européenne (UE). Février 2018. European Asylum Support Office (EASO). EASO COI Meeting Report: Pakistan, 16-17 October 2017, Rome. [Date de consultation : 10 déc. 2019]

Autres sources consultées

Sources orales : avocat auprès de la Lahore Bar Association; avocat dont le domaine de spécialisation est le droit pakistanais; avocat du Pakistan dont les domaines de spécialisation sont le droit de la famille et les documents connexes; avocats de la Pakistan High Court; Centre for Peace and Development Initiatives; Nations Unies – conseiller juridique au HCR; Pakistan – consulat général à Toronto; professeur de droit ayant des antécédents en matière de droits de la personne au Pakistan.

Sites Internet, y compris : Banque mondiale; Commission internationale de juristes; Cornell Law School; Danemark – Danish National ID Centre; ecoi.net; États-Unis – Law Library of Congress; Factiva; GlobaLex; INTERPOL; Pakistan – Federal Investigation Agency; Research Society of International Law; Transparency International.

Document annexé

Pakistan. 1860 (version modifiée en 2012). Chapters XI, XVII and XVIII. Pakistan Penal Code (Act XLV of 1860). [Date de consultation : 10 déc. 2019]

Associated documents