Pakistan : information sur la situation des musulmans chiites [shiites] et le traitement qui leur est réservé, y compris les Hazaras et les Turis, en particulier à Lahore, à Karachi, à Islamabad et à Hyderabad; réaction de l’État à la violence envers les chiites (2017-janvier 2020) [PAK106393.EF]

Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada

1. Musulmans chiites
1.1 Données démographiques

Selon des sources, on estime qu’entre 10 et 15 p. 100 de la population du Pakistan est chiite (Australie 20 févr. 2019, paragr. 3.72; Encyclopaedia Britannica 4 oct. 2019; É.-U. 18 déc. 2019), soit [traduction] « quelque 17 à 26 millions de personnes » (Encyclopaedia Britannica 4 oct. 2019).

L’information présentée dans le paragraphe qui suit provient d’un rapport national sur le Pakistan publié par le ministère des Affaires étrangères et du commerce (Department of Foreign Affairs and Trade - DFAT) de l’Australie :

[traduction]

[…] Les chiites pakistanais sont établis dans tout le pays, dans les centres urbains, notamment à Karachi, à Lahore, à Rawalpindi, à Islamabad, à Peshawar, à Multan, à Jhang et à Sargodha. Les chiites ne sont majoritaires dans aucune des quatre provinces du Pakistan, mais ils le sont dans la région autonome du Gilgit-Baltistan.

[…] Il y a des populations importantes de chiites à Peshawar, à Kohat, à Hangu et à Dera Ismail Khan, au Khyber Pakhtunkhwa; dans les districts de Kurram et d’Orakzai, dans les anciennes régions tribales administrées fédéralement [(Federally Administrated Tribal Areas - FATA)]; à Quetta et aux alentours, et le long de la côte du Makran, au Baloutchistan; dans des parties du sud et du centre du Pendjab; et dans tout le Sindh. Bien que certains chiites vivent dans des enclaves dans ces villes [les Hazaras et les Turis], les communautés chiites et sunnites sont généralement bien intégrées (Australie 20 févr. 2019, paragr. 3.90-3.91).

On trouve des concentrations de chiites à Karachi, [traduction] « en particulier » des Hazaras, dans Abbas Town, Hussain Hazara Goth, Mughal Hazara Goth, Rizvia, Ancholi, Defence Housing Authority (DHA) Gizri, Pak Colony et Manghopir (Australie 20 févr. 2019, paragr. 3.105). Il y a des chiites dans tout le Pendjab, y compris à Lahore, mais le rapport précise que, dans le sud du Pendjab, les communautés sunnites et chiites sont [traduction] « plus ségréguées », tandis que, dans les villes, ces communautés sont « beaucoup mieux intégrées » (Australie 20 févr. 2019, paragr. 3.106). [Traduction] « [L]a plupart » des chiites au Khyber Pakhtunkhwa vivent à Hangu, à Kohat, à Peshawar et à Dera Ismail Khan, et il est expliqué que « [l]a majorité des chiites à Peshawar sont des habitants de longue date de la vieille ville, tandis que de nombreux chiites qui vivent à Hangu, à Kohat et à Dera Ismail Khan sont des Turis ou des Bangash originaires des districts de Kurram et d’Orakzai » (Australie 20 févr. 2019, paragr. 3.108). Selon la même source,

[traduction]

[e]nviron deux millions de personnes vivent dans le Gilgit-Baltistan, une région autonome peu peuplée dans le nord du pays. Cette population est composée de chiites (environ 39 p. 100), de chiites ismaéliens (18 p. 100), de sunnites (27 p. 100) et de noorbakhshis (16 p. 100), qui adhèrent à une tradition soufie combinant des aspects des doctrines chiites et sunnites (Australie 20 févr. 2019, paragr. 3.112).

Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

1.2 Traits distinctifs

Selon le rapport du DFAT de l’Australie, [traduction] « [l]es activistes identifient les chiites par les noms chiites apparaissant sur les cartes d’identité nationales informatisées [(Computerized National Identity Cards – CNIC)], ou par les marques de flagellation attribuables aux cérémonies de l’Achoura », et « les chiites hazaras sont plus faciles à identifier en raison de leur apparence physique distincte » (Australie 20 févr. 2019, paragr. 3.102). La source fournit l’explication suivante :

[traduction]

[…] Généralement, il est impossible de distinguer les chiites pakistanais des sunnites pakistanais de par leurs traits physiques ou leur langue. L’Autorité nationale sur les bases de données et l’enregistrement [(National Database and Registration Authority – NADRA)] recueille des renseignements sur la religion pendant le processus de demande de pièces d’identité, mais la CNIC n’indique pas la religion de son détenteur, et le passeport ne précise pas si son détenteur est musulman sunnite ou chiite. Il est possible d’identifier certains chiites du fait qu’ils portent un nom chiite courant, par exemple Naqvi, Zaidi ou Jafri. De même, un nom ethnique ou tribal peut révéler l’origine ethnique ou l’affiliation tribale d’une personne : presque tous les Hazaras et les Turis sont chiites, et bon nombre de Bangash sont chiites.

[…] Les chiites au Pakistan se font davantage remarquer lors des événements religieux chiites et des pèlerinages en Iraq et en Iran. Les chiites commémorent le jour de l’Achoura par des reconstitutions du martyre et des processions, pendant lesquelles des hommes et des femmes chiites vêtus de noir défilent dans les rues en se frappant la poitrine et en psalmodiant. L’automutilation, par exemple la flagellation pratiquée pendant les processions de l’Achoura, peut laisser des marques permanentes. Il est facile de distinguer les mosquées chiites des mosquées sunnites.

[…] Les mosquées et les lieux de culte chiites, ou imambargahs, sont ornés de divers symboles de l’islam, tels que l’épée chiite, des chevaux, des images d’Ali et d’Hussein et des croissants de lune. L’heure de la prière n’est pas la même dans les mosquées chiites et les mosquées sunnites, et les fidèles placent leurs mains dans des positions différentes pour prier. Il y a des mosquées chiites partout au Pakistan. Les chiites peuvent prier dans des mosquées sunnites, et vice versa; cependant, cela se produit rarement. Les deux sectes partagent plusieurs sites religieux réputés, dont les Sanctuaires soufis (Australie 20 févr. 2019, paragr. 3.92-3.94, italique dans l’original).

D’autres sources expliquent également que l’Achoura, dans le mois de mouharram, est une date importante pour les chiites, puisque c’est la commémoration de la mort d’Hussein ibn Ali, pendant laquelle l’autoflagellation est souvent pratiquée (Business Insider 4 oct. 2015; Field 1996, 14). D’autres sources font aussi état de variations dans les méthodes de prière, notamment dans la position des mains (NBC 4 janv. 2016; Rubin 2015, 329).

2. Situation des musulmans chiites et traitement qui leur est réservé

Selon une étude démographique de 2012 réalisée par le Pew Research Centre, un groupe de réflexion non partisan établi à Washington (Pew Research Center n.d.) qui affirme que, [traduction] « [d]ans certains pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord majoritairement peuplés de sunnites, comme l’Égypte et le Maroc, on considère généralement que les chiites n’appartiennent pas à la religion islamique », 53 p. 100 des répondants pakistanais [1] étaient d’accord pour dire que les chiites sont musulmans, tandis que 37 p. 100 ont affirmé qu’ils ne le sont pas (Pew Research Center 9 août 2012, 83, 88, italique dans l’original). Selon Minority Rights Group International (MRG),

[traduction]

les chiites pakistanais sont représentés dans tous les milieux, mais bon nombre d’entre eux se sont démarqués dans des rôles de premier plan sur la scène culturelle du Pakistan et ont accédé à des postes importants et influents. Bien que, en tant que musulmans, ils ne soient pas soumis à certaines restrictions comme le sont d’autres groupes religieux, les chiites sont néanmoins considérés comme des apostats par certains groupes et individus sunnites extrémistes (MRG juin 2018).

Selon la même source, les chiites font [traduction] « l’objet de diverses formes de discours haineux, surtout dans le cadre de campagnes dans les mosquées, les écoles, les lieux publics et, de plus en plus, dans les médias sociaux », et « la communauté se fait dénigrer pour ses croyances religieuses » (MRG juin 2018).

Selon le rapport du DFAT de l’Australie, le DFAT n’a constaté [traduction] « aucune preuve de discrimination systémique à l’endroit des chiites en matière d’accès à l’emploi dans la fonction publique, les forces policières et militaires et le secteur privé », et le rapport précise que les chiites sont « bien représentés au parlement et se portent régulièrement candidats aux élections pour les principaux partis politiques » (Australie 20 févr. 2019, paragr. 3.96, 3.98). Toutefois, le rapport explique [traduction] « [qu’]une discrimination modérée est effectivement exercée à l’endroit des chiites à l’échelle des communautés, et peut se manifester par des actes de violence ou des dommages matériels », et que des groupes chiites « se sont dits préoccupés du fait que les plans de cours des écoles publiques et les manuels obligatoires contiennent des représentations visuelles des rituels de prière sunnites et font abstraction des personnages chiites qui ont marqué l’histoire » (Australie 20 févr. 2019, paragr. 3.96, 3.97). Selon la même source,

[traduction]

[e]n raison du relief montagneux du Gilgit-Baltistan, de sa population clairsemée (et majoritairement chiite) et du fait que les communautés tendent à y vivre isolées les unes des autres, il y a moins d’incidents de violence dans cette région qu’ailleurs au Pakistan. […] Cependant, l’économie du Gilgit-Baltistan se porte moins bien, et il peut être difficile pour des gens de n’importe quelle religion, surtout pour les jeunes, d’y trouver un emploi (Australie 20 févr. 2019, paragr. 3.112).

Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a trouvé aucune information précise sur la situation des chiites dans les villes de Lahore, de Karachi, d’Islamabad et d’Hyderabad et le traitement qui leur est réservé.

2.1 Violence envers les musulmans chiites

Selon le rapport du DFAT de l’Australie, [traduction] « [l]a violence sectaire au Pakistan a toujours été dirigée vers des individus, des lieux de culte, des sanctuaires et des écoles religieuses, mais les chiites ont toujours représenté le plus grand pourcentage de victimes »; le rapport ajoute que les chiites sont menacés par des groupes d’activistes anti-chiites, dont le Lashkar-e-Jhangvi (LeJ), qui « cherche à faire déclarer les chiites "incroyants" ou apostats », ainsi que par le Sipah-e-Sahaba Pakistan (SSP), également connu sous le nom d’Ahl-e-Sunnat-Wal-Jamaat (ASWJ), le LeJ al-Alami et d’autres factions du Tehrik-e Taliban Pakistan (TTP) (Australie 20 févr. 2019, paragr. 3.99). Pour obtenir des renseignements au sujet du TTP, veuillez consulter la réponse à la demande d’information PAK106391 publiée en janvier 2020.

MRG signale aussi que le TTP et le SSP ou ASWJ sont impliqués dans des [traduction] « assassinats ciblés » de chiites, et explique que ceux-ci sont la cible de groupes d’activistes qui ont déclaré que les chiites « "méritent d’être tués" », et qu’il y a eu « plusieurs attaques » envers des pèlerins chiites qui se rendaient en Iran ou en revenaient; MRG précise que l’autoroute de 700 km qui traverse le Baloutchistan est « exposée aux attaques d’activistes » (MRG juin 2018). Selon l’International Religious Freedom Report for 2018 publié par le Département d’État des États-Unis,

[traduction]

[l]es groupes sectaires extrémistes violents ont continué [en 2018] à commettre des attaques visant des lieux de culte, des rassemblements religieux, des chefs religieux et d’autres individus chiites, ce qui a causé 41 décès en cours d’année. Le 23 novembre, l’explosion d’une bombe près d’un lieu de culte chiite dans le district d’Orakzai, au Khyber Pakhtunkhwa, a tué 33 personnes, dont des musulmans sunnites et chiites, ainsi que trois sikhs, et a fait 56 blessés. L’État islamique dans la province du Khorasan (EIPK) a revendiqué l’attaque.

De nombreux cas d’assassinats ciblant des chiites ont été signalés à Dera Ismail Khan, au Khyber Pakhtunkhwa, bien que des observateurs aient affirmé qu’il était difficile de savoir si la religion en était le principal motif, ou si d’autres conflits pouvaient avoir joué un rôle. En février et en mai, des présumés activistes du LeJ ont tué plusieurs résidants chiites. Selon des médias, le 9 août, le même groupe a été soupçonné d’être l’auteur de l’assassinat de trois autres personnes dans le même quartier (É.-U. 21 juin 2019, 25).

Dans son rapport annuel de 2018, la Commission des droits de la personne du Pakistan (Human Rights Commission of Pakistan - HRCP), une [traduction] « organisation démocratique indépendante et non partisane » (HRCP n.d.), fait observer que

[traduction]

la communauté chiite n’a pas cessé d’être exposée à la menace d’assassinats ciblés. En février, trois personnes, dont un chef religieux, ont été tuées lors de tirs ciblés sur un imambargah à Dera Ismail Khan. Le 22 mars, un homme chiite a été abattu et deux ont été grièvement blessés dans une attaque sectaire à Karachi. Le 8 août, trois chiites ont été tués par balle à Dera Ismail Khan. Le Comité pour la libération des personnes chiites disparues [(Shia Missing Persons Release Committee)] signale qu’environ 140 musulmans chiites manquent à l’appel (HRCP mars 2019, 113).

L’Institut pakistanais d’études sur la paix (Pak Institute for Peace Studies - PIPS), un [traduction] « groupe de réflexion, de recherche et de revendication » composé d’universitaires, de chercheurs et de journalistes du Pakistan (PIPS n.d.), signale ce qui suit dans son rapport de 2018 sur la sécurité :

[traduction]

À l’exception d’une seule attaque majeure à Orakzai [Khyber Pakhtunkhwa] (revendiquée par l’État islamique), qui a fait 35 morts, la plupart des dix autres attaques sectaires étaient de faible intensité [et étaient] principalement des assassinats ciblés qui ont été signalés à Quetta (six attaques), à [Dera Ismail] Khan (trois attaques) et à Peshawar (une attaque). Un seul affrontement sectaire a eu lieu à Mansehra, à un sanctuaire, qui a fait un mort. Des membres de la communauté chiite, y compris des Hazaras[,] étaient la cible de la plupart de ces attaques (PIPS janv.-juin 2019, 22-23).

La source présume que les facteurs suivants expliquent pourquoi la violence est concentrée dans ces régions :

[traduction]

[l]a communauté hazara dans la vallée de Quetta, la population chiite dans le nord du Sindh et l’influence chiite sur les sunnites de cet endroit, la culture pluraliste des sanctuaires, les frontières provinciales mal administrées, et surtout, les routes vers l’Iran et l’Iraq empruntées par les pèlerins chiites, attirent une multitude de sectaires dans cette région (PIPS janv.-juin 2019, 76).

En outre, la même source précise que [traduction] « Karachi est depuis longtemps le plus important théâtre des violences sectaires entre les sunnites, les deobandis et les groupes chiites », ce qui a entraîné des « mesures de répression » de la part des forces de l’ordre, et elle ajoute que « Karachi a aussi observé une hausse du nombre de "disparitions forcées" de jeunes chiites en raison de leurs présumés liens avec des activistes au Moyen-Orient » (PIPS janv.-juin 2019, 127-128).

Le rapport du PIPS signale aussi que

[traduction]

[l]e nombre d’incidents de violence sectaire a diminué de 40 p. 100 par rapport à l’année précédente, 12 ayant été recensés en 2018, dont 11 attaques terroristes d’origine sectaire et un affrontement armé entre des groupes sectaires rivaux.

[…]

Le nombre de personnes tuées lors de tels incidents a également diminué d’environ 31 p. 100, passant de 74 en 2017 à 51 en 2018 (PIPS janv.-juin 2019, 53).

Le Portail sur le terrorisme en Asie du Sud (South Asia Terrorism Portal - SATP), qui [traduction] « évalue les mouvements terroristes et violents » en Asie du Sud et est un projet de l’Institut pour la gestion des conflits (Institute for Conflict Management), une ONG à but non lucratif établie à New Delhi (SATP n.d.), précise également au sujet de la violence envers les chiites que, jusqu’au 17 juin 2018, sept personnes ont été tuées et quatre ont été blessées lors de cinq incidents, comparativement à 114 morts et 308 blessés pour dix incidents en 2017 (SATP 17 juin 2018). Le SATP énumère les incidents suivants, survenus entre janvier et le 17 juin 2018 :

  • 22 mars : [traduction] « Un homme chiite a été abattu, et deux autres personnes - dont un bébé - ont été blessées dans une présumée attaque sectaire dans [le] quartier Sachal de la ville de Malir, à Karachi, la capitale provinciale du Sindh »;
  • 1er avril : [traduction] « Lors d’un présumé assassinat ciblé, un membre de la communauté chiite hazara a été tué et un autre a été blessé lorsque des malfaiteurs non identifiés ont ouvert le feu sur leur véhicule, dans [le] quartier du bazar de Kandahari à Quetta, la capitale provinciale du Baloutchistan »;
  • 18 avril : [traduction] « Un commerçant appartenant à la communauté chiite hazara, dont l’identité est Muhammad Asif (50 ans), […] a été tué par des coups de feu tirés d’un véhicule en mouvement devant un magasin de pièces d’automobiles sur la route Abdul Sattar à Quetta »;
  • 22 avril : [traduction] « Deux personnes de la communauté hazara, identifiées comme étant Muhammad Ali et Muhammad Zaman, ont été tuées, et une troisième personne a été blessée, lors d’une fusillade dans [le] quartier Western Bypass de Quetta »;
  • 29 avril : [traduction] « Deux commerçants appartenant à la communauté chiite hazara ont été tués par des coups de feu tirés d’une voiture en mouvement dans [le] quartier de la route Jamaluddin Afghani à Quetta » (SATP 17 juin 2018).

Le Centre de recherche et d’études sur la sécurité (Center for Research and Security Studies - CRSS), un [traduction] « groupe de réflexion et centre de revendication » établi à Islamabad, qui « se voue à la cause de la recherche indépendante et de l’analyse non partisane, et à la revendication réfléchie » relativement au Pakistan (CRSS n.d.), signale que, dans tout le pays, la violence sectaire a fait 91 morts en 2018, comparativement à 324 en 2017 (CRSS 28 févr. 2019, 54). Selon la même source, en 2018, [traduction] « les FATA ont subi le plus grand nombre de pertes humaines liées à la violence sectaire (43), suivies par le Baloutchistan (18), le Pendjab (11), le Sindh (11), et le [Khyber Pakhtunkhwa] (8) » (CRSS 28 févr. 2019, 54). D’après des données provenant de la même source, l’État islamique [Daech, EIIL, EIIS] (38 incidents) et le TTP et ses groupuscules (11 incidents) ont revendiqué au total 54 p. 100 de ces homicides (CRSS 28 févr. 2019, 59).

Le CRSS précise également que, pendant le premier trimestre de 2019, deux décès causés par la violence sectaire envers les chiites ont été signalés, alors qu’il y en avait eu 33 pendant le quatrième trimestre de 2018 (CRSS 16 avr. 2019). Le CRSS signale qu’il y a eu 12 victimes chiites hazaras dans le deuxième trimestre de 2019 (CRSS 17 July 2019), et que deux chiites hazaras et un [autre] chiite ont été tués au cours du troisième trimestre de 2019 (CRSS 10 oct. 2019). Selon le Jinnah Institute [2], de janvier à septembre 2019, il y a eu cinq attaques contre des chiites, qui ont fait 12 morts, et trois incidents contre des Hazaras, qui ont fait 82 morts (Jinnah Institute 31 oct. 2019).

3. Hazaras
3.1 Données démographiques

Selon MRG, les Hazaras sont [traduction] « un groupe ethnique majoritairement établi en Afghanistan, mais qui compte aussi une importante population au Pakistan »; on estime que cette population compte de 650 000 à 900 000 personnes, dont la majorité sont des Pakistanais hazaras, et environ 500 000 vivent dans la ville de Quetta (MRG juin 2018). Dans un rapport sur les Hazaras publié par la Commission nationale pour les droits de la personne (National Commission for Human Rights - NCHR) du Pakistan, qui cite d’autres sources, on peut lire que les Hazaras vivent dans différentes régions du Pakistan, [traduction] « y compris à Parachanar, à Karachi, à Sanghar, à Nawabshah, à Hyderabad, dans diverses parties du Pendjab et dans le Gilgit Baltistan », ainsi qu’à Quetta, à Sanjawi, à Much, à Zhob, à Harnai, à Loralai et à Dukki, au Baloutchistan (Pakistan févr. 2018, 4). Selon la même source, qui cite le Conseil mondial des Hazaras (World Hazara Council), la population d’Hazaras se chiffre [traduction] « environ entre » 400 000 et 500 000 personnes au Baloutchistan (Pakistan févr. 2018, 4).

D’après MRG, les Hazaras ont des « traits facilement reconnaissables » (MRG juin 2018). On peut également lire dans le rapport de la NCHR sur les Hazaras que ces personnes ont [traduction] « une physionomie unique [qui] les distingue » (Pakistan févr. 2018, 3). Selon le rapport du DFAT de l’Australie,

[traduction]

[l]e groupe ethnique des Hazaras, originaire du Hazarajat, au centre de l’Afghanistan, est d’ascendance eurasienne, de sorte que les Hazaras se distinguent visiblement des autres groupes ethniques du Pakistan. On estime que la population hazara au Pakistan oscille entre 600 000 et près d’un million. La plupart des Hazaras sont des musulmans chiites, majoritairement duodécimains (athna asharia), mais quelques-uns sont sunnites.

[…] La plupart des Hazaras vivent dans des enclaves à Quetta […] [e]n dehors du Baloutchistan, des populations moins nombreuses, mais néanmoins importantes, résident dans les grands centres urbains tels que Karachi. Dans les centres urbains autres que Quetta, les Hazaras ne vivent généralement pas dans des enclaves, afin de réduire le risque de profilage ethnique, de discrimination et d’attaques (Australie 20 févr. 2019, paragr. 3.27-3.28, italique dans l’original).

Le rapport du DFAT explique aussi que la communauté hazara à Quetta [traduction] « vit principalement dans deux quartiers, soit le village hazara et Mariabad; Mariabad est situé dans l’est de Quetta, près de la base aérienne du Pakistan, et le village hazara est dans l’ouest, près du cantonnement et de l’hôpital Benazir » (Australie 20 févr. 2019, paragr. 3.30).

3.2 Situation des Hazaras et traitement qui leur est réservé

MRG précise que, [traduction] « [b]ien que certains Hazaras soient sunnites, la majorité s’identifient à la religion chiite » (MRG juin 2018). La même source ajoute que la liberté de mouvement de la communauté hazara est [traduction] « grandement limitée en raison de la menace d’attaques », que la communauté à Quetta est « clairement ghettoïsée » dans le village hazara et sur la route Alamdar, et que cette insécurité « se répercute sur d’autres aspects de leur vie quotidienne, notamment l’accès à l’éducation et à l’emploi » (MRG juin 2018).

Dans le rapport de la NCHR du Pakistan, on peut lire que les Hazaras travaillent et apportent une contribution dans divers domaines, [traduction] « dont la défense, l’administration, le commerce, la politique, l’éducation [et] les sports » (Pakistan févr. 2018, 4). La même source fait état de ce qui suit :

[traduction]

La situation actuelle de [la] communauté hazara est précaire, [car les Hazaras] ont énormément de difficulté à exercer leurs droits fondamentaux, tels que le droit à la vie, la liberté de mouvement, le droit d’accès aux études supérieures, et le droit de travailler pour subvenir à leurs besoins quotidiens et se procurer des biens essentiels. Leurs activités sociales sont également limitées en raison de leur crainte de subir de la violence. Pendant l’enquête [de la NCHR] sur le terrain, un étudiant hazara a affirmé : « Un Hazara ne peut pas visiter la ville entière de Quetta sans mettre sa vie en danger ». Ils se sentent menacés et pris pour cible lorsqu’ils se rendent en Iran pour des pèlerinages. Ils ont également peur d’aller dans des centres commerciaux et de gagner leur vie à Quetta, car leurs déplacements se limitent à quelques quartiers sûrs de Quetta (Pakistan févr. 2018, 5).

D’après des entrevues réalisées sur le terrain par la NCHR aux fins du même rapport,

[traduction]

[l]a plupart des membres de [la] communauté hazara étaient d’avis que la persécution à leur endroit n’est pas seulement d’origine sectaire. Ils ont expliqué que d’autres groupes chiites vivent en toute quiétude à Dera Murad Jamali et à Jafarabad, au Baloutchistan, ce qui appuie l’argument selon lequel ces homicides ne sont pas commis pour des motifs religieux contre les chiites, puisque seuls les Hazaras en sont la cible (Pakistan févr. 2018, 6).

La même source signale aussi que, pendant les entrevues, des Hazaras ont déclaré qu’il était difficile de poursuivre des études supérieures et d’avoir accès aux hôpitaux en raison des problèmes de sécurité et des moyens financiers (Pakistan févr. 2018, 9-10). La source ajoute que les Hazaras « essaient de cacher leur identité » lorsqu’ils sont à l’extérieur de leur communauté, que [traduction] « l’activité économique est désormais restreinte aux quartiers exclusivement peuplés d’Hazaras », et que cet isolement « nuit au bien-être psychologique des Hazaras » (Pakistan févr. 2018, 10, 12, 13).

Selon un rapport de la HRCP sur une mission d’enquête menée en août 2019 dans la province du Baloutchistan, au Pakistan,

[traduction]

[à] Quetta, la communauté chiite hazara réside principalement sur la route Alamdar et dans le village hazara. Les forces de sécurité, y compris la [police frontalière], supervise les déplacements des Hazaras à l’extérieur de ces quartiers. Leur accès à l’éducation et à l’emploi demeure limité, leurs commerces périclitent, et les conséquences sont graves sur de nombreux aspects de leur vie. L’accès à des hôpitaux fonctionnels et à des universités est insuffisant dans ces quartiers. Un campus de l’Université du Baloutchistan devait être établi sur la route Alamdar, mais aucun progrès n’a été réalisé à cet égard. Les dirigeants du Parti démocratique hazara [(Hazara Democratic Party – HDP)] étaient d’avis que c’était parce qu’il n’y avait aucun terrain disponible; ils ont affirmé qu’il fallait s’adresser aux autorités de la zone de cantonnement, qui est adjacente à la route Alamdar, et leur demander de fournir un terrain pour assurer la viabilité du projet de campus aussitôt que possible.

[…]

Les obstacles que rencontrent les chiites hazaras dans l’exécution de tâches qu’un citoyen pakistanais ordinaire pourrait tenir pour acquis - comme se procurer un passeport et des cartes d’identité nationales - demeurent pour eux un problème majeur. Les autorités gouvernementales leur demandent de prouver qu’ils sont véritablement « pakistanais » et qu’ils n’ont pas « émigré » d’Afghanistan. La communauté estime que c’est là un signe de discrimination systémique (HRCP 2019, 8-9).

Selon le rapport du DFAT de l’Australie, les Hazaras sont [traduction] « réticents » à sortir de leurs enclaves, ce qui les restreint « aux services offerts à l’intérieur des murs des enclaves » et, en raison du risque d’attaques, « bon nombre d’établissements scolaires et de cliniques médicales à Quetta […] refusent aux Hazaras l’accès au transport ou leur interdisent de fréquenter les lieux, afin de protéger les clients et les étudiants qui ne sont pas hazaras » (Australie 20 févr. 2019, paragr. 3.36, 3.38). On peut également lire ce qui suit dans le rapport du DFAT :

[traduction]

[…] [l]e gouvernement assure la sécurité dans une certaine mesure dans les enclaves des Hazaras. La police frontalière paramilitaire […] a des points de contrôle sur les routes menant au village hazara à Quetta, et elle fouille les personnes qui y entrent et qui en sortent. Des sources signalent qu’il est bien connu que la police frontalière fait régulièrement subir de la discrimination et du harcèlement aux Hazaras aux points de contrôle (Australie 20 févr. 2019, paragr. 3.30).

Selon le DFAT de l’Australie,

[traduction]

Les Hazaras signalent que les quelques enclaves hazaras à Karachi, comme Mungo Pir, ne sont pas sécuritaires et n’ont été établies que par nécessité, lorsque les Hazaras plus démunis ont dû mettre leurs ressources en commun.

[…] Bien que le fait de vivre dans un milieu multiethnique, par exemple, à Karachi, apporte une sécurité accrue, les Hazaras font néanmoins l’objet de discrimination sociétale et de menaces à leur sécurité. Certains Hazaras qui sont membres de l’armée prennent des mesures pour se faire plus discrets, par exemple en variant l’heure de leurs déplacements quotidiens et le trajet emprunté, en changeant de véhicule et en évitant d’utiliser des véhicules militaires (Australie 20 févr. 2019, paragr. 3.43-3.44).

La même source signale également

[traduction]

[qu']à l’entrée et à la sortie des enclaves, et lors des déplacements entre les enclaves, une vérification des papiers est effectuée, laquelle peut servir à interdire l’accès à des services. La plupart des Hazaras au Pakistan peuvent obtenir une pièce d’identité officielle comme la CNIC, mais les Hazaras affirment que les responsables de la [NADRA] retardent parfois le traitement des demandes de documents officiels présentées par des Hazaras. Des Hazaras ont été victimes d’attaques mortelles à l’extérieur du bureau de la NADRA à Quetta, qui se situe hors des enclaves, au moment où ils tentaient d’obtenir des passeports et des CNIC. En conséquence, de nombreux Hazaras ont peur de quitter l’enclave pour aller présenter une demande de documents (Australie 20 févr. 2019, paragr. 3.41).

De plus, selon le rapport du DFAT, des responsables de la NADRA auraient [traduction] « refusé de modifier des CNIC appartenant à des Hazaras qui cherchaient à s’installer ailleurs au Pakistan, les empêchant ainsi de présenter une demande de passeport, lequel doit être obtenu au lieu de résidence » (Australie 20 févr. 2019, paragr. 3.45). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

3.3 Violence envers les Hazaras

Selon le rapport du PIPS de 2018, [traduction] « le Baloutchistan a signalé six attaques d’origine sectaire en 2018, qui ont fait huit morts et trois blessés. Toutes ces attaques ont été commises pendant le premier trimestre de l’année contre la communauté chiite hazara » (PIPS janv.-juin 2019, 45). Citant des médias pakistanais, le rapport énumère les attaques en question :

[traduction]

  • 4 mars : Un membre de [la] communauté chiite hazara, Naiz Ali, a été abattu dans le quartier de la route Ali Bhai; la police a qualifié l’affaire d’assassinat ciblé.
  • 7 mars : Un policier a été tué et un autre a subi des blessures lorsque des activistes ont ouvert le feu sur eux pendant qu’ils protégeaient des marchands de légumes dans [le] quartier Hazar Ganji de Quetta.
  • 1er avril : Des activistes ont ouvert le feu sur un taxi qui roulait sur la route Alamdar en direction du village hazara. Un passager du taxi, Nazar Hussain, a été tué, et un autre, Gul Hassan, a été blessé. Le chauffeur et une passagère de la voiture sont sains et saufs.
  • 18 avril : Un homme chiite hazara[,] Muhammad Asif, qui tenait un commerce de pièces d’automobiles, a été tué par balles à son commerce sur la route très fréquentée Abdul Sattar, à Quetta. La victime a reçu cinq balles au haut du corps.
  • 22 avril : Deux membres de la communauté chiite hazara ont été abattus et un autre a été blessé lors d’une attaque dans [le] quartier Western Bypass de la ville. C’était le troisième incident du genre en trois semaines.
  • 28 avril : Des activistes armés qui roulaient à moto ont ouvert le feu sur deux hommes hazaras qui étaient assis dans une boutique de matériel électronique dans le quartier de la route Jamaluddin Afghani, au centre de la ville. Les deux sont décédés sur place, après avoir reçu des balles à la tête (PIPS janv.-juin 2019, 45-46).

Selon l’International Religious Freedom Report for 2018 publié par les États-Unis,

[traduction]

[e]n avril, six chiites hazaras ont été tués lors de quatre fusillades ciblées commises à partir de véhicules en marche à Quetta, au Baloutchistan. Les fusillades ont déclenché des manifestations continues au sein de la communauté ethnique hazara de Quetta, qui a affirmé qu’au moins 509 Hazaras ont été tués et 627 ont été blessés à Quetta de 2012 à 2017. Le chef Bajwa, chef d’état-major de l’armée, a rencontré les dirigeants de la manifestation en mai, et la police a par la suite renforcé la sécurité à Quetta afin de protéger les minorités religieuses des attaques. Bien que la violence se soit atténuée, certains membres de la communauté hazara de Quetta se sont plaints que les mesures de sécurité accrues avaient transformé leurs quartiers en ghettos isolés (É.-U. 21 juin 2019, 25).

Dans son 2019 Annual Report, la Commission des États-Unis sur la liberté religieuse dans le monde (US Commission on International Religious Freedom – USCIRF) ajoute ce qui suit :

[traduction]

En avril 2018, deux jeunes hommes hazaras ont été abattus, et il n’y a eu aucune arrestation. En réaction à l’inaction du gouvernement, des dirigeants de la communauté hazara ont convoqué une manifestation assise pour réclamer que le gouvernement prenne des mesures pour les protéger. Pendant une audience spéciale de l’affaire en mai 2018, le juge en chef du Pakistan a déclaré que les attaques envers les musulmans chiites hazaras dans la province du Baloutchistan équivalaient à décimer une génération entière, et que l’État doit « protéger la vie et les biens de la communauté hazara » (É.-U. 29 avr. 2019, 6).

De même, on peut lire ceci dans le rapport State of Human Rights in 2018 de la HRCP :

[traduction]

En avril, il y a eu quatre attaques ciblées contre des Hazaras à Quetta, qui ont fait neuf morts et deux blessés. Certains ont été tués dans leur propre commerce par des coups de feu tirés à partir d’un véhicule. Le défaut des autorités de protéger les Hazaras a déclenché des manifestations à Quetta, notamment une manifestation assise de cinq jours menée par Jalila Haider, qui a pris fin après que le chef de l’armée eut rencontré les manifestants. En mai, le juge en chef du Pakistan, de sa propre initiative, a pris acte de ces attaques et ordonné aux autorités provinciales et nationales de déposer des rapports dans un délai de dix jours (HRCP mars 2019, 109).

Des sources signalent que, en avril 2019, [traduction] « [a]u moins » 20 personnes ont été tuées par une bombe apparemment dirigée contre des Hazaras à Quetta (Al Jazeera 13 avr. 2019; CNN 12 avr. 2019; Thomson Reuters et AP 12 avr. 2019); des sources précisent que l’attaque a été revendiquée par l’État islamique (Al Jazeera 13 avr. 2019) ou le LeJ (CNN 12 avr. 2019).

Selon le rapport du DFAT de l’Australie,

[traduction]

[d]es sources locales considèrent que la route reliant l’aéroport de Quetta à la ville et à la route Double est dangereuse pour tous les voyageurs, quelle que soit leur origine ethnique. Des sources locales, dont certaines de la communauté hazara, estiment que la route Giant est dangereuse tant pour les Hazaras que pour la police frontalière. Des activistes prennent pour cible des pèlerins chiites sur la route qui traverse le Baloutchistan pendant le pèlerinage en Iran et en Iraq, et les chiites hazaras sont des cibles faciles en raison de leur apparence distinctive. Des sources locales affirment que les mesures du gouvernement pour assurer la sécurité des chiites qui entreprennent un pèlerinage religieux […] sont davantage accessibles aux chiites non hazaras, et que le gouvernement fournit des escortes aux Hazaras seulement tous les deux mois (Australie 20 févr. 2019, paragr. 3.35).

4. Turis
4.1 Données démographiques

Selon le rapport du DFAT de l’Australie,

[traduction]

[l]a tribu des Turis est une tribu chiite pachtoune à laquelle appartiennent environ 500 000 personnes. Généralement, il est impossible de distinguer les Turis des autres Pachtounes de par leur apparence, mais on peut les identifier d’après leurs noms tribaux, leurs accents et leur lieu de résidence dans les quartiers turis connus. Les Turis vivent majoritairement à Parachinar, dans le Haut-Kurram et le Bas-Kurram, dans l’Orakzai, à [Dera Ismail] Khan, à Kohat et à Hangu. Les Turis sont concentrés dans des zones restreintes, particulièrement à Parachinar et dans le district de Kurram et aux alentours, de sorte que les communautés turis sont vulnérables aux attaques (Australie 20 févr. 2019, paragr. 3.13).

Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

4.2 Situation des Turis et traitement qui leur est réservé

Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches a trouvé peu d’information sur les Turis au Pakistan.

Selon le rapport du DFAT de l’Australie,

[traduction]

Les Turis qui quittent Parachinar et le district de Kurram pour s’installer ailleurs dans le but d’avoir accès à des services adéquats ont de la difficulté à trouver du travail à l’extérieur de Parachinar en raison du profilage ethnique et religieux, et ils sont généralement victimes de discrimination dans les processus d’embauche […]

[D]es réseaux mondiaux de chiites turis et des systèmes de dons peuvent aider les Turis à déménager dans d’autres villes au Pakistan. Pour obtenir cette aide, il faut souvent recourir à un avocat turi de sexe masculin, ce qui en limite l’accès pour les plus démunis de la communauté, particulièrement les femmes et les enfants. Les Turis qui quittent le district de Kurram tendent à aller s’établir dans d’autres quartiers chiites connus, indépendamment de la barrière linguistique, notamment à Wah Kant, à Islamabad, à Rawalpindi, à Lahore et à Karachi (Australie 20 févr. 2019, paragr. 3.20-3.21).

Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a trouvé aucun renseignement additionnel ni d'autres renseignements allant dans le même sens.

4.3 Violence envers les Turis

Selon le rapport du DFAT de l’Australie,

[traduction]

[d]ans le premier trimestre de 2018, la communauté turi a signalé deux attaques, dont une au moyen d’un engin explosif improvisé qui était dirigée contre des femmes et des enfants. En comparaison, la communauté estime que 200 Turis ont été tués et que 1000 ont été blessés en 2017 (Australie 20 févr. 2019, paragr. 3.16).

Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a trouvé aucun renseignement additionnel ni d'autres renseignements allant dans le même sens.

5. Intervention de l’État
5.1 Opérations antiterroristes

Dans une section sur la violence envers les chiites, le rapport du DFAT de l’Australie explique que Karachi [traduction] « affiche depuis longtemps des taux de violence très élevés en raison de conflits ethniques, sectaires, politiques, commerciaux et criminels », mais que le Plan d’action national (National Action Plan - NAP) sur les droits fondamentaux, lancé en février 2016, et la « présence très visible des paramilitaires » ont « entraîné une diminution considérable de la violence, y compris la violence sectaire » (Australie 20 févr. 2019, paragr. 2.57, 3.105). Selon la même source, malgré une [traduction] « diminution relative », les incidents de violence demeurent « courants » dans les anciennes FATA, et « les attaques sectaires peuvent être mortelles » (Australie 20 févr. 2019, paragr. 3.110). Pour obtenir de l’information sur les opérations antiterroristes contre le TTP et les groupes affiliés, veuillez consulter la réponse à la demande d’information PAK106391 publiée en janvier 2020.

5.2 Protection des processions de l’Achoura

Dans le rapport du DFAT de l’Australie, on peut lire que les chiites sont [traduction] « plus vulnérables lors des grands rassemblements, comme les processions de l’Achoura », et que « [l]es mesures de protection renforcées que prend l’État pendant ces événements dissipent en partie les dangers associés à cette plus grande visibilité » (Australie 20 févr. 2019, paragr. 3.101). La même source signale que, de plus, l’armée pakistanaise [traduction] « fournit des services d’escorte aux pèlerins chiites », mais que ces escortes peuvent être « rares » (Australie 20 févr. 2019, paragr. 3.103). Selon l’International Religious Freedom Report for 2018 publié par les États-Unis,

[traduction]

[e]n septembre, le neuvième et le dixième jour du mois de mouharram (les 20 et 21 septembre) et dans les jours précédents, le gouvernement a condamné le sectarisme et a vivement encouragé tous les musulmans à respecter les processions chiites entourant la célébration de l’Achoura. Le premier ministre Khan a prononcé un discours national, dans lequel il a cité le martyre d’Hussein à Karbala à titre d’exemple de sacrifice pour le bien de tous, et le président Arif Alvi a invité les musulmans de toutes les sectes à résister à l’oppression. Les forces de l’ordre ont déployé des mesures de sécurité additionnelles autour des processions chiites dans les grandes villes du Pendjab et dans les provinces du Khyber Pakhtunkhwa et du Baloutchistan, y compris pour les communautés chiites hazaras de Quetta. Selon des personnes-ressources de la société civile, les autorités ont également limité les déplacements et les sermons publics des ecclésiastiques sunnites et chiites auxquels on reprochait de provoquer la violence sectaire. Le gouvernement a inscrit certains ecclésiastiques sur l’annexe 4, une liste d’individus mis au ban parce qu’ils sont raisonnablement soupçonnés de terrorisme ou de violence sectaire, et il en a envoyé d’autres en détention temporaire en vertu de la loi sur le maintien de l’ordre public (É.-U. 21 juin 2019, 22).

Des sources signalent que, pour la célébration de l’Achoura en 2019, les services de téléphonie cellulaire ont été interrompus dans des quartiers particuliers des villes du Pakistan par mesure de sécurité (Dawn 10 sept. 2019; Pakistan Today 9 sept. 2019), et que des milliers de gardes de sécurité ont été déployés à Karachi, à Lahore et à Quetta, en plus des mesures de sécurité ailleurs, afin de protéger le cortège de commémoration de l’Achoura (Dawn 10 sept. 2019).

5.3 Traitement réservé par les autorités

Dans un article du journal pakistanais Express Tribune, on peut lire que le président du comité du mois de mouharram au Khyber Pakhtunkhwa s’est dit préoccupé par le fait que des premiers rapports d’information (PRI) étaient déposés [traduction] « contre des aînés chiites pendant le mois de mouharram parce qu’ils avaient organisé des processions funèbres sans l’autorisation de la police » (The Express Tribune 1er sept. 2018). De même, un article publié dans le journal Pakistan Today cite des dirigeants de la Fédération des chiites de tous les partis (All Parties chiite Federation), qui ont déclaré lors d’une manifestation que, [traduction] « "[p]endant le mois saint de mouharram, la police a arrêté sans aucune raison des centaines de personnes appartenant à la communauté chiite. Au moins 52 PRI ont été déposés contre des administrateurs de différentes congrégations parce qu’ils n’avaient pas respecté les limites de temps imposées" » (Pakistan Today 23 oct. 2018).

Un article de la BBC signale que, selon des militants de la communauté, 140 chiites pakistanais ont [traduction] « "disparu" » depuis 2016; on croit qu’ils auraient été placés sous la garde des services du renseignement en raison de présumés « liens avec une milice secrète en Syrie, la brigade Zainabiyoun, qui serait apparemment formée d’un millier de chiites pakistanais combattant pour le compte du régime du président Bashar al-Assad » (BBC 31 mai 2018). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Notes

[1] Dans l’étude démographique du Pew Research Centre, 1 450 personnes ont été interrogées au Pakistan, et la marge d’erreur calculée est de 5,6 points (Pew Research Center 9 août 2012, 120).

[2] Le Jinnah Institute est [traduction] « un groupe de réflexion indépendant voué à la recherche en matière de politique et à la défense des intérêts publics au Pakistan », qui cherche à « élaborer des stratégies de sécurité nationale indépendantes pour le Pakistan » (Jinnah Institute n.d.). Les données sur le nombre d’attaques ont été recueillies [traduction] « à partir de reportages dans les principaux médias concernant les attaques terroristes, les conflits ethniques, la persécution des minorités religieuses, les conflits interconfessionnels et la violence sexuelle et fondée sur le sexe » (Jinnah Institute 31 oct. 2019).

Références

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Rubin, Barry. 2015. The Middle East: A Guide to Politics, Economics, Society and Culture. Londres et New York, Routledge.

South Asia Terrorism Portal (SATP), Institute for Conflict Management. 17 juin 2018. « Shias Killed in Pakistan Since 2001 ». [Date de consultation : 6 janv. 2020]

South Asia Terrorism Portal (SATP), Institute for Conflict Management. S.d. « Support Us ». [Date de consultation : 6 janv. 2020]

Thomson Reuters et Associated Press (AP). 12 avril 2019. « Bombing at Open-Air Market in Southwest Pakistan Kills 20 ». [Date de consultation : 6 janv. 2020]

Autres sources consultées

Sources orales : Academics studying religion in Pakistan; Centre for Academic Shi'a Studies; Centre for Islamic Shi'a Studies; Human Rights Commission of Pakistan; Jinnah Institute.

Sites Internet, y compris : Agence France-Presse; Amnesty International; The Asia Foundation; Asian Human Rights Commission; Asia Times; Centre for Academic Shi'a Studies; Centre for Islamic Shi'a Studies; Council on Foreign Relations; The Daily Times; Deutsche Welle; The Diplomat; ecoi.net; The Economist; Factiva; France – Office français de protection des réfugiés et apatrides; Freedom House; Global Voices; The Guardian; Human Rights Watch; India Today; Nanyang Technological University – S. Rajaratnam School of International Studies; The Nation; The News International; The New York Times; Pakistan – Bureau of Statistics, Ministry of Human Rights; Nations Unies – Refworld; Pakistan Forward; Pakistan Institute for Conflict and Security Studies; Royaume-Uni – Home Office; ThePrint; Shia Rights Watch; Tony Blair Institute for Global Change; TRT World; Union européenne – European Asylum Support Office; The Washington Post.

Associated documents