Mauritanie : information sur le groupe ethnique des Wolofs, y compris sur ses caractéristiques et sa répartition géographique; le traitement qui lui est réservé par la société et les autorités; la protection offerte par l’État (2016-novembre 2018) [MRT106195.EF]

Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, Ottawa

1. Aperçu

Selon des sources, la population de la Mauritanie se divise en trois grands groupes :

  • les Beidanes [Beydanes, Bîdhân, Bidanes] [ou Arabo-Berbères, Maures, Maures blancs (Leclerc 24 déc. 2015)];
  • les Haratines [ou Maures noirs (Leclerc 24 déc. 2015)];
  • les Négro-Mauritaniens [Afro-Mauritaniens (Human Rights Watch 12 févr. 2018, 2), Négro-Africains, Africains mauritaniens (Leclerc 24 déc. 2015)] (Human Rights Watch 12 févr. 2018, 2, Leclerc 24 déc. 2015).

Des sources précisent que les Wolofs font partie des Négro-Mauritaniens, des Négro-Africains ou des Subsahariens (MRG avr. 2018; Political Handbook of the World 2017, 968; Leclerc 24 déc. 2015). Jacques Leclerc, collaborateur de la Chaire pour le développement de la recherche sur la culture d’expression française en Amérique du Nord (CEFAN) et auteur de L’Aménagement linguistique dans le monde [1], affirme que les Wolofs comptent pour 0,4 p. 100 de la population de la Mauritanie (Leclerc 24 déc. 2015).

Selon Jacques Leclerc, les Beidanes et les Haratines, qui comptent pour 70 p. 100 de la population, parlent arabe, tandis que les Négro-Mauritaniens, qui regroupent divers groupes ethniques, parlent des langues africaines; entre autres, les Wolofs parle la langue wolof (Leclerc 24 déc. 2015). D’après des sources, la langue wolof est l’une des trois langues nationales reconnues par la constitution de la Mauritanie, les autres étant le peul (ou poular) et le soninké; l’arabe est la langue officielle du pays (Mauritanie 17 nov. 2017, paragr. 200; Political Handbook of the World 2017, 968; Leclerc 24 déc. 2015). Minority Rights Group International (MRG) signale que la langue wolof est parlée par 0,3 p. 100 de la population (MRG avr. 2018). Des sources affirment que certains Mauritaniens demandent que le peul, le soninké et le wolof accèdent au statut de langues officielles en Mauritanie, au même titre que l’arabe (Le Calame 14 juin 2018; Panapress 21 févr. 2017).

Selon des sources, le gouvernement a expulsé de la Mauritanie des milliers d’Afro-Mauritaniens ou de Subsahariens non arabes, y compris des Wolofs, pendant un conflit avec le Sénégal entre 1989 et 1991 (É.-U. 20 avr. 2018, 9; Human Rights Watch 12 févr. 2018, 5, 12). D’après MRG, ils ont été envoyés dans les pays voisins, le Mali et le Sénégal, et [traduction] « des milliers d’entre eux sont revenus au cours des années suivantes, et en 2008, le gouvernement de la Mauritanie a pris plusieurs mesures pour faciliter le processus » (MRG avr. 2018).

Selon le Political Handbook of the World, les Négro-Africains, y compris les Wolofs, vivent principalement [traduction] « sur les riches terres agricoles alluviales de la vallée du fleuve Sénégal » (Political Handbook of the World 2017, 968). De même, dans le rapport sur l’Indice de transformation de Bertelsmann Stiftung (Bertelsmann Stiftung Transformation Index - BTI) de 2018 pour la Mauritanie [2], on peut lire que les groupes ethniques qui ne parlent pas arabe, dont les Wolofs, ont toujours vécu le long de la frontière avec le Sénégal et le Mali, mais aussi [traduction] « dans de nombreuses autres régions » (BTI 2018, 6). Un rapport des Nations Unies daté de 2010 précise que la population africaine noire, ce qui comprend les Wolofs, habite dans le Sud et l’Est du pays (Nations Unies 16 août 2010, paragr. 5). Jacques Leclerc fait observer que, même si les Noirs sont plus nombreux dans le Sud et les Arabes majoritaires dans le Nord, « [d]ans les faits, il n’existe pas de régions habitées uniquement par des Noirs dans le Sud » (Leclerc 24 déc. 2015).

2. Traitement réservé par la société et les autorités

Le Rapporteur spécial des Nations Unies sur l’extrême pauvreté et les droits de l’homme explique que les Afro-Mauritaniens sont [version française des Nations Unies] « exclus » de la vie politique, économique et sociale, « ce qui les condamn[e], de fait, à la pauvreté » (Nations Unies 8 mars 2017, 1). Des sources affirment que les groupes ethniques subsahariens, dont les Wolofs, sont sous-représentés dans les postes de direction au gouvernement, dans l’armée et dans le secteur industriel (É.-U. 20 avr. 2018, 21; Nations Unies 30 mai 2018, paragr. 11), y compris dans les forces policières, le secteur privé et les médias (Nations Unies 30 mai 2018, paragr. 11). Faisant observer que l’économie et les autorités administratives, législatives et judiciaires de la Mauritanie sont [traduction] « dominées » par les Beidanes, MRG signale également que les Mauritaniens noirs sont « exclus des postes intermédiaires et supérieurs dans l’armée, la police et les forces de sécurité » et sont sous-représentés dans « l’administration des institutions religieuses » (MRG avr. 2018). Le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée a affirmé en 2009 que la consolidation de l’arabe comme langue principale dans l’enseignement, dans le système judiciaire et dans les médias bloque l’accès des Négro-Mauritaniens à des services essentiels dans ces domaines (Nations Unies 16 mars 2009, paragr. 50). Dans les Country Reports on Human Rights Practices for 2017, publiés par le Département d’État des États-Unis, on explique aussi que les groupes ethniques subsahariens, y compris les Wolofs, occupaient moins de 10 p. 100 des postes de direction, alors qu’ils représentaient environ 25 p. 100 de la population mauritanienne (É.-U. 20 avr. 2018, 14). Le Rapporteur spécial sur l’extrême pauvreté et les droits de l’homme affirme également ce qui suit :

[version française des Nations Unies]

Les Haratines (Maures noirs) et les Afro-Mauritaniens sont systématiquement absents de la quasi-totalité des postes de responsabilité et constamment exclus de nombreux aspects de la vie économique et sociale. Ces groupes représentent plus des deux tiers de la population mauritanienne, mais différentes politiques servent à rendre leurs besoins et leurs droits invisibles (Nations Unies 8 mars 2017, paragr. 25).

Selon des sources, les Subsahariens ou Afro-Mauritaniens, y compris les Wolofs, ont de la difficulté à obtenir des pièces d’identité nationales (É.-U. 20 avr. 2018, 20; Nations Unies 8 mars 2017, paragr. 45; MRG avr. 2018), [version française des Nations Unies] « sans lesquelles on ne peut pas faire grand-chose en Mauritanie » (Nations Unies 8 mars 2017, paragr. 45), ce qui, [traduction] « dans les faits, les prive de la citoyenneté » (MRG avr. 2018).

Selon les Country Reports 2017 publiés par les États-Unis, [traduction] « la discrimination et les tensions raciales et culturelles étaient également attribuables aux barrières géographiques, linguistiques et culturelles entre les Maures (les Beidanes et les Haratines) […] et les minorités subsahariennes non arabes » (É.-U. 20 avr. 2018, 20). Dans les Country Reports 2017 publiés par les États-Unis, il est écrit que, selon des défenseurs des droits de la personne et des articles de presse, [traduction] « les autorités locales […] permettent aux Beidanes de s’approprier des territoires occupés par des Haratines et des Subsahariens, d’occuper des propriétés que d’anciens gouvernements ont enlevées illégalement à des Subsahariens, et de bloquer l’accès à l’eau et aux pâturages » (É.-U. 20 avr. 2018, 21). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

3. Protection offerte par l’État

Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a trouvé aucune information sur la protection offerte par l’État au groupe ethnique des Wolofs.

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Notes

[1] L’Aménagement linguistique dans le monde est un site Internet hébergé par la Chaire pour le développement de la recherche sur la culture d’expression française en Amérique du Nord (CEFAN) de l’Université Laval; il présente les situations et politiques linguistiques particulières de différents États et territoires du monde (Leclerc s.d.)

[2] Le BTI [traduction] « est le fruit d’une une collaboration internationale en matière d’analyse mettant à contribution près de 300 spécialistes d’établissements universitaires de haut niveau de partout dans le monde et des journalistes locaux dans la plupart des pays », qui « ont l’objectif commun de repérer les forces et les faiblesses en effectuant des comparaisons et de trouver de bons exemples de gouvernance politique éclairée » (BTI s.d.).

Références

Agence panafricaine de presse (Panapress). 21 février 2017. « Des associations plaident pour l’officilialisation des langues nationales en Mauritanie ». (Factiva) [Date de consultation : 24 oct. 2018]

Bertelsmann Stiftung Transformation Index (BTI). 2018. « Mauritania Country Report ». BTI 2018. [Date de consultation : 30 oct. 2018]

Bertelsmann Stiftung Transformation Index (BTI). S.d. « About Us ». [Date de consultation : 30 oct. 2018]

Le Calame. 14 juin 2018. « Questions à Bala Touré Secrétaire général du parti RAG (parti radical pour une action globale) : "En dix ans, personne de ceux qui nous critiquent aujourd’hui n’a remarqué que SAWAB n’était pas fréquentable" ». [Date de consultation : 30 oct. 2018]

États-Unis (É.-U.). 20 avril 2018. Department of State. « Mauritania ». Country Reports on Human Rights Practices for 2017. [Date de consultation : 24 oct. 2018]

Human Rights Watch. 12 février 2018. Ethnicity, Discrimination, and Other Red Lines: Repression of Human Right Defenders in Mauritania. [Date de consultation : 23 oct. 2018]

Leclerc, Jacques. 24 décembre 2015. « Mauritanie ». L’aménagement linguistique dans le monde. [Date de consultation : 23 oct. 2018]

Leclerc, Jacques. S.d. L’aménagement linguistique dans le monde. [Date de consultation : 2 nov. 2018]

Mauritanie. 17 novembre 2017. Combined Third to Fifth Periodic Reports Submitted by Mauritania Under Article 44 of the Convention, Due in 2013. (CRC/C/MRT/3-5) [Date de consultation : 30 oct. 2018].

Minority Rights Groups International (MRG). Avril 2018. « Mauritania ». World Directory of Minorities and Indigenous Peoples. [Date de consultation : 23 oct. 2018]

Nations Unies. 30 mai 2018. Comité pour l’élimination de la discrimination raciale. Concluding Observations on the Combined Eighth to Fourteenth Periodic Reports of Mauritania. (CERD/C/MRT/CO/8-14) [Date de consultation : 30 oct. 2018]

Nations Unies. 8 mars 2017. Conseil des droits de l’homme. Report of the Special Rapporteur on Extreme Poverty and Human Rights on His Mission to Mauritania. (A/HRC/35/26/add.1) [Date de consultation : 30 oct. 2018]

Nations Unies. 16 août 2010. Conseil des droits de l’homme. Report of the Special Rapporteur on Contemporary Forms of Slavery, Including Its Causes and Consequences. (A/HRC/15/20/Add.2) [Date de consultation : 30 oct. 2018]

Nations Unies. 16 mars 2009. Conseil des droits de l’homme. Racism, Racial Discrimination, Xenophobia and Related Intolerance - Follow-Up to and Implementation of the Durban Declaration and Programme of Action. Report by Mr. Doudou Diène, Special Rapporteur on Contemporary Forms of Racism, Racial Discrimination, Xenophobia and Related Intolerance. (A/HRC/11/36/Add. 2) [Date de consultation : 31 oct. 2018]

Political Handbook of the World 2016-2017. 2017. « Mauritania ». Sous la direction de Thomas Lansford. Washington, CQ Press. [Date de consultation : 30 oct. 2018]

Autres sources consultées

Sites Internet, y compris : ecoi.net; ethnologue; France – Office français de protection des réfugiés et apatrides; Freedom House; International Crisis Group; Mauritanie – Primature; Nations Unies – Refworld.

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