Haïti : information sur le certificat d'agrément délivré par la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH) et la Police nationale d'Haïti (PNH) à la suite du processus de « vetting », y compris sur les procédures liées à sa délivrance; information concernant l'apparence du certificat; information indiquant si les certificats frauduleux sont répandus (2012-décembre 2018) [HTI106226.F]

Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, Ottawa

1. Cadre de mise en œuvre du processus de « vetting »

Des sources signalent qu'un processus de « vetting » (ou de certification) a été lancé en 2006 conformément aux résolutions 1542 et 1608 du Conseil de sécurité des Nations Unies et dans le cadre du plan de réforme de la PNH (Nations Unies janv. 2013; Le Nouvelliste24 févr. 2014). La résolution 1542 (2004) du Conseil de sécurité des Nations Unies prévoit que la MINUSTAH a notamment pour mandat d'établir un climat sûr et stable, en aidant

le Gouvernement de transition à surveiller, restructurer et réformer la Police nationale haïtienne, conformément aux normes d’une police démocratique, notamment en vérifiant les antécédents de ses membres et en agréant son personnel, en donnant des conseils sur les questions de réorganisation et de formation, y compris la sensibilisation à la situation des femmes, et en pourvoyant à la surveillance et à l’encadrement des policiers

[…] (Nations Unies 30 avr. 2004, paragr. 7 (I.b)).

La résolution 1608 (2005) du Conseil de sécurité des Nations Unies établit ce qui suit :

Réaffirme que la MINUSTAH a le pouvoir de soumettre à des contrôles de sécurité et d’agréer les membres actuels de la Police nationale haïtienne et ceux qui sont sur le point d’être recrutés, et demande instamment au Gouvernement de transition de veiller à ce qu’aucun policier haïtien ne puisse exercer ses fonctions sans avoir été agréé et à ce que les autorités haïtiennes tiennent compte, à tous les échelons, et sans retard, des conseils et recommandations techniques formulés par la Mission

[…] (Nations Unies 22 juin 2005, paragr. 8, italiques dans l'original).

2. Processus de « vetting »

Selon un rapport publié en 2014 par la MINUSTAH et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, le « processus de vetting consiste à évaluer l'intégrité d'une personne, afin de déterminer son aptitude à un emploi au sein de l’institution visée, y compris son adhésion aux standards applicables en matière de droits de l'homme et de déontologie » (Nations Unies juin 2014, 20). Un bulletin mensuel de la MINUSTAH publié en 2013 signale ce qui suit au sujet de ce processus lancé auprès des membres de la PNH :

Lancé en 2006 mais interrompu lors du séisme du 12 janvier 2010, le processus de certification ou « vetting » consiste pour la [PNH] à examiner les dossiers de la totalité de ses recrues - policiers en activité, élèves-aspirants ou candidats au concours de recrutement - pour s'assurer qu'ils répondent aux critères de déontologie et de professionnalisme de l'institution.

Composée de 16 agents de la PNH avec le soutien de la police onusienne, une équipe mobile d'enquête examine chaque dossier à travers le pays afin d'établir si chaque policier a eu ou non des problèmes de comportement, [voire] des démêlés avec la police ou la justice dans le passé.

[…]

Sur la base des recommandations de l'équipe d'enquête, une commission de révision fournit ses conclusions au Directeur général de la PNH puis au Ministre de la Justice et de la [S]écurité publique qui statue en dernier lieu sur les cas litigieux (Nations Unies janv. 2013).

Un article de février 2014, publié par le Nouvelliste, signale ce qui suit :

[U]n accord a été signé entre le gouvernement haïtien et [les Nations Unies] pour la mise en place d’une unité de vetting dont les activités sont l’évaluation de la moralité et de l’intégrité de tout l[e] personne[l] policie[r] et administrati[f] de la PNH. […]

[…] Ces enquêtes, selon le directeur général [de la PNH], portent sur les antécédents judiciaires et disciplinaires, la situation de fortune du policier en vue de déterminer si ses ressources financières et ses biens sont en adéquation avec son revenu (Le Nouvelliste24 févr. 2014).

De même, au cours d'un entretien téléphonique avec la Direction des recherches, un chargé de cours à l'école de criminologie de l'Université de Montréal, ayant travaillé comme membre de la Gendarmerie royale canadienne (GRC) au sein de la MINUSTAH, a expliqué que de 2006 à 2008, il a participé au « vetting » ou à des « enquêtes de réputation » de policiers de la PNH dans le cadre d'un plan de réforme de la PNH (chargé de cours 6 déc. 2018). Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, le chargé de cours a expliqué que ces enquêtes reposaient sur des rencontres au sein de l'entourage des policiers, sur les perceptions de leur collectivité, ainsi que sur le nombre d'actifs des policiers (chargé de cours 11 déc. 2018). Selon la même source, l'enquête visait aussi à confirmer que la personne n'était pas un criminel (chargé de cours 6 déc. 2018). Cependant, au sujet des « archives » d'enquêtes criminelles sur des actes commis par des policiers, le chargé de cours a signalé que les bâtiments où étaient conservées ces archives avaient été détruits « lors de diverses crises de l'État haïtien » (chargé de cours 11 déc. 2018). Le chargé de cours a expliqué que les renseignements liés aux enquêtes étaient par la suite transmis au directeur général de la PNH (chargé de cours 7 déc. 2018).

2.1 Dossiers traités

Le chargé de cours a signalé que de 2006 à 2008, des enquêtes de vetting ont été menées en région et à Port-au-Prince et qu'environ 4 000 à 5 000 policiers de la PNH ont fait l'objet d'une enquête (chargé de cours 6 déc. 2018). L'article du Nouvellisterapporte ce qui suit :

De janvier 2007 jusqu’au mois de décembre 2013, sur les 8 463 dossiers d’enquêtes ouverts, 758 fonctionnaires n’ont pas été recommandés parce qu’ils sont sous [enquête] [disciplinaire] ou [judiciaire] à l’Inspection générale tandis que 5 052 fonctionnaires actifs, policiers et [membre du personnel] ont été recommandés. Les fonctionnaires certifiés sont habilités à poursuivre leur carrière au sein de l’institution policière alors que ceu[x] qui n’ont pas été recommandés, d’après la résolution 1608, ne peuvent [pas] avoir [un] emploi au sein de la PNH ni dans aucun de ses services ou unités, et ne sont habilités à exercer aucune autre fonction de maintien de l’ordre en Haïti (Le Nouvelliste24 févr. 2014).

Le bulletin mensuel de 2013 de la MINUSTAH signale ce qui suit :

Sur les 7.167 dossiers traités avant le séisme - pour 9.000 policiers en activité en 2010 – 3.600 dossiers ont disparu lors du tremblement de terre. Après la récupération des dossiers d'archives qui n'avai[en]t pas été touché[s], le processus a pu être relancé, en [s]eptembre 2011. Ainsi, près de 6.000 dossiers sont actuellement en cours de traitement.

[…]

Aujourd'hui, le processus de vetting par la PNH est terminé dans les départements du Nord-[E]st et du Plateau central. Des enquêtes sont en cours dans les départements du Nord, du Nord-[O]uest, de l'Artibonite et des Nippes. En 2013[,] la priorité sera d'ouvrir des enquêtes dans les départements de la Grande Anse, [du] Sud, [du] Sud-[E]st et [de l']Ouest, où se situe le gros des effectifs de la police, soit 4.500 agents et officiers (Nations Unies janv. 2013).

Le rapport de 2014 des Nations Unies signale ce qui suit :

Relancé au premier semestre 2012, le processus de vetting s'est poursuivi au cours de l'année 2013. […]

Les dernières informations recueillies permettent de conclure que, depuis le tremblement de terre de 2010, les seules enquêtes de vetting qui ont [abouti] ont porté sur les candidats à la formation initiale de l’École de police. Avant 2010, 3 583 policiers avaient fait l’objet d’une enquête de certification, à l’issue de laquelle 79 policiers et 13 aspirants n’avaient pas été recommandés. Depuis 2010, 2 255 aspirants ont fait l’objet d’une enquête de certification, à l’issue de laquelle 81 aspirants n’ont pas été recommandés. Au 31 décembre 2013, 2 625 policiers en service faisaient l’objet d’une enquête de certification qui n’avait pas encore été conclue. En bref, on estime qu’un peu plus de la moitié du personnel en service a été ou est le sujet d’une enquête de certification (Nations Unies juin 2014, 20, italiques dans l'original).

2.2 Certificats délivrés

Le chargé de cours a signalé que, pour la période allant de 2006 à 2008, aucun document n'a été délivré par la MINUSTAH (chargé de cours 7 déc. 2018). Le rapport de 2014 des Nations Unies signale que selon l'inspecteur en chef de l'Inspection générale de la Police nationale d'Haïti (IGPNH), à la fin de l'année 2013, « plus de 5 000 policiers allaient recevoir leur certificat de vetting en partenariat avec la MINUSTAH » (Nations Unies juin 2014). Le Nouvellistesignale qu'une cérémonie de remise de « certificat[s] d'agrément » a été organisée le 21 février 2014 au Pavillon de l'Académie de la PNH, au cours de laquelle « un échantillon de 83 personnes représentatives de tous les corps [de police] » ont reçu leur « premier certificat » (Le Nouvelliste24 févr. 2014). Selon la même source, au cours de cette cérémonie, « les premiers certifiés » ont reçu leur « certificat d'agrément »; il s'agissait, selon le commissaire de police de la MINUSTAH alors présent, des « "premiers résultats officiellement transmis aux autorités haïtiennes" » (Le Nouvelliste24 févr. 2014). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.

Des copies de documents délivrés par la PNH et la MINUSTAH, dans le cadre du processus de vetting , y compris une copie d'une lettre de 2009 attestant qu'une enquête a été menée au sujet d'un policier (document annexé 1), une copie d'une lettre de renvoi datant de 2012 (document annexé 2) et une copie d'un certificat d'agrément datant de 2016 (document annexé 3), envoyées à la Direction des recherches par une représentante du bureau du commissaire de police de la Mission des Nations Unies pour l'appui à la justice en Haïti (MINUJUSTH), sont annexées à la présente réponse.

Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé de renseignements indiquant si les certificats d'agrément frauduleux sont répandus.

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Références

Chargé de cours, Université de Montréal. 11 décembre 2018. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

Chargé de cours, Université de Montréal. 7 décembre 2018. Entretien téléphonique avec la Direction des recherches.

Chargé de cours, Université de Montréal. 6 décembre 2018. Entretien téléphonique avec la Direction des recherches.

Nations Unies. Juin 2014. Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH) et Haut-Commissariat aux droits de l'homme. Rapport semestriel sur les droits de l'homme en Haïti : juillet-décembre 2013 . [Date de consultation : 6 déc. 2018]

Nations Unies. Janvier 2013. Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH).« Développement de la Police nationale d'Haïti : Cap sur 2016 ». Les dossiers du mois, no 006. [Date de consultation : 6 déc. 2018]

Nations Unies. 22 juin 2005. Conseil de sécurité. Résolution 1608 (2005) . (S/RES/1608 (2005)) [Date de consultation : 5 déc. 2018]

Nations Unies. 30 avril 2004. Conseil de sécurité. Résolution 1542 (2004) . (S/RES/1542 (2004)) [Date de consultation : 5 déc. 2018]

Le Nouvelliste. 24 février 2014. Hansy Mars. « 83 policiers reçoivent leur certificat de bonne conduite ». [Date de consultation : 5 déc. 2018]

Autres sources consultées

Sources orales :Haïti – ambassade à Ottawa, consulat à Montréal, Police nationale d'Haïti; Nations Unies – Haut-Commissariat pour les réfugiés; professeur agrégé, Université d'Ottawa; Réseau national de défense des droits humains.

Sites Internet, y compris :Centre pour l'innovation dans la gouvernance internationale; Fédération internationale des ligues des droits de l'homme; Haiti Press Network ; Nations Unies – ONU Info.

Documents annexés

  1. Haïti et Nations Unies. 25 septembre 2009. Police nationale d'Haïti (PNH), Inspection générale et Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH). Lettre. Envoyée à la Direction des recherches par une représentante au bureau du commissaire de police de la Mission des Nations Unies pour l'appui à la justice en Haïti (MINUJUSTH), 10 décembre 2018.
  2. Haïti. 28 juin 2012. Police nationale d'Haïti (PNH), Direction générale. « Renvoi - Recommandations des enquêteurs du processus de certification (vetting ) émanant des travaux réalisés entre décembre 2007 et le 12 janvier 2010 (dossier vetting #5206) ». Envoyé à la Direction des recherches par une représentante du bureau du commissaire de police de la Mission des Nations Unies pour l'appui à la justice en Haïti (MINUJUSTH), 10 décembre 2018.
  3. Haïti et Nations Unies. 2 février 2016. Police nationale d'Haïti (PNH) et Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH). « Certificat d'agrément ». Envoyé à la Direction des recherches par une représentante du bureau du commissaire de police de la Mission des Nations Unies pour l'appui à la justice en Haïti (MINUJUSTH), 10 décembre 2018.

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