Document #1405647
IRB – Immigration and Refugee Board of Canada (Author)
Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, Ottawa
Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, une représentante de la Commission nationale des droits de l'homme (CNDH) du Mali, une « autorité administrative indépendant consultative, dont la mission est [de] contribu[er] à la promotion et [à la] protection des droits de l'homme » (RINADH s.d.), a déclaré que la pratique du lévirat « n'est pas très fréquente, et […] tend d'ailleurs à disparaître maintenant au Mali » (Mali 30 juin 2017).
Toutefois, un rapport sur le Mali publié en 2016 par le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes des Nations Unis signale que le lévirat est l'une des « pratiques néfastes […] [qui] demeurent répandues et impunies » au Mali (Nations Unies 25 juill. 2016, paragr. 19). De même, dans un rapport de 2016 sur le Mali publié pour l'agence des États-Unis pour le développement international (USAID), on peut lire que le lévirat fait partie des [traduction] « problèmes répandus et préoccupants parmi les femmes au Mali » (Mathys et al. févr. 2015, 11). Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, une représentante de Women in Law and Development in Africa/Mali (WILDAF/Mali), un réseau d'associations et de membres individuels « dont le but est la protection et la promotion des droits de la femme et de l’enfant », notamment par « [l]’assistance et l’appui juridique aux femmes et enfants victimes de violation » (Gouvernance en Afrique s.d.), a déclaré que « [l]e lévirat est une pratique traditionnelle courante au Mali » (WILDAF/Mali 5 juill. 2017).
La représentante de la CNDH a déclaré que « [l]e lévirat se pratique dans presque toutes les régions du Mali et par toutes les ethnies » et que cette pratique « varie d'une région à l'autre et d'une ethnie à l'autre » (Mali 30 juin 2017). Selon la même source,
[l]e lévirat n’est pas pratiqué dans toutes les coutumes au Mali. Par exemple, les Dogons et les Bobos ne le pratiquent pas.
Par contre, quatre grandes ethnies pratiquent le lévirat. Il s’agit des Bambaras, des Soninkés, des Peulhs et des Malinkés (Mali 3 juill. 2017).
Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.
Selon la représentante de WILDAF/Mali, « [a]u Mali, presque tous les groupes pratiquent le lévirat. Il est pratiqué plus en milieu rural qu'en milieu urbain car en milieu urbain les femmes accèdent souvent à de l’information sur le consentement au mariage » (WILDAF/Mali 5 juill. 2017). De même, un rapport en date de juin 2016 de la FIDH, préparé en collaboration avec des organisations de la société civile malienne, signale que « la pratique du lévirat perdure notamment dans les zones rurales » (FIDH et al. juin 2016, 14).
La représentante de la CNDH a déclaré que le lévirat « est une pratique coutumière » qui n'est pas prévue dans la loi (Mali 30 juin 2017). De même, la représentante de WILDAF/Mali a déclaré que « [l]e Code des personnes et de la famille ne fait pas référence au lévirat » et que ce sont plutôt les familles et les communautés qui, « pour consolider les liens de parenté [et] de solidarité, ont recours à cette pratique » (WILDAF/Mali 5 juill. 2017).
La même source a fait référence à l'article 283 du Code des personnes et de la famille, en ce qui concerne le consentement pour un mariage (WILDAF/Mali 5 juillet 2017). L'article 283 du Code des personnes et de la famille prévoit ce qui suit :
Article 283 : Il n’y a pas de mariage lorsqu’il n’y a point de consentement.
Le consentement n’est point valable s’il a été extorqué par violence ou s’il n’a été donné que par suite d’une erreur sur la personne.
Il doit être donné oralement et en personne devant l'officier de l'état civil par chacun des futurs époux. Il est constaté par la signature ou à défaut par l'apposition d'empreintes digitales au pied de l'acte.
Toutefois, en cas d'éloignement, si l'un des futurs époux résidant en dehors du lieu où le mariage doit être célébré ne peut se présenter en personne devant l'officier de l'état civil, la partie ainsi empêchée, peut donner son consentement par un acte dressé par l'officier de l’état civil de sa résidence.
Cet acte est transmis par cette dernière autorité à l'officier de l’étal civil chargé de procéder à la célébration du mariage.
Le mariage doit être obligatoirement célébré dans ce cas devant un représentant dûment mandaté de l'époux empêché. Ce représentant est tenu de signer ou, à défaut, d'apposer ses empreintes digitales au pied de l'acte de mariage.
Le consentement des parents ou représentants légaux peut être donné dans les conditions prévues à l'alinéa 3 du présent article.
En cas d'empêchement pour cause de maladie, d’éloignement ou pour toute autre cause, le consentement des parents ou représentants légaux peut être donné par écrit dans un acte dressé par le maire ou le chef de circonscription administrative de la résidence de l'intéressé. Cet acte sera revêtu de la signature ou, à défaut, des empreintes digitales de l’intéressé. (Mali 2011)
La représentante de WILDAF/Mali a expliqué que « [s]ouvent, en matière de lévirat, c’est un mariage traditionnel qui est célébré et [il] n’a pas de valeur juridique » (WILDAF/Mali 5 juill. 2017). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements allant dans le même sens.
Selon la représentante de la CNDH, le lévirat « est une pratique coutumière qui n'est pas obligatoire. Les personnes concernées ne sont pas obligées de l'accepter […]. Les époux peuvent le refuser sans aucune conséquence » (Mali 30 juin 2017). La même source a aussi déclaré ce qui suit au sujet des personnes qui refusent le lévirat :
Généralement, il n’y aucun problème sauf pour certaines femmes qui ne disposent pas de ressources financières et qui ne peuvent pas se prendre en charge. Ces personnes deviennent vulnérables et acceptent souvent le lévirat dans le but de trouver une aide à la prise en charge de leurs enfants (Mali 30 juin 2017).
La même source a aussi déclaré que le rejet du lévirat peut causer des « tensions dans la famille » et surtout engendrer « des répercussions sur les droits des enfants », comme la « confiscation de leurs héritages et des biens de leur maman, le rejet [par] d'autres membres de la famille, la séparation avec leur maman et l'abandon de l’école » (Mali 3 juill. 2017). La même source a expliqué que « généralement, en cas de rejet, la femme est la plus exposée, la plus vulnérable. Elle peut être combattue par la famille, voire même chassée et dépouillée de ses biens et/ou des biens de son défunt mari » (Mali 3 juill. 2017). De même, la représentante de WILDAF/Mali a déclaré que « [l]a femme est souvent contrainte d’accepter [le lévirat] sinon elle perd toute considération au sein de la famille ou de la communauté et souvent on lui refuse l’accès à l’héritage » (WILDAF/Mali 5 juill. 2017). La même source a expliqué ce qui suit :
Le lévirat peut être rejeté par la femme ou par le frère du défunt, mais les conséquences ne sont pas les mêmes. Le frère du défunt peut refuser[;] la famille ou la communauté peut accepter [son refus], il ne fera pas l’objet de violences ou de rejet de la famille ou de la communauté. Mais si la femme refuse, elle peut être victime de violences, de rejet ou de refus [de lui donner accès à] l’héritage de son mari [ainsi que] du retrait de ses enfants s’ils sont en bas âges (WILDAF/Mali 5 juill. 2017).
Un rapport de recherche rédigé par deux consultants de l'Université du Sud de la Floride, portant sur l'autonomisation des femmes dans la région du Sahel, notamment au Mali, et qui a été soumis au Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations Unies, signale ce qui suit :
[traduction]
Les femmes n’ont pas vraiment d’autres choix que d'accepter leur nouveau mari, puisque le ménage plus grand assure la sécurité alimentaire et la stabilité pour leurs enfants. Refuser le lévirat peut créer des ruptures graves entre les familles et même les villages (si la mariée qui refuse vient d'ailleurs, le village récupérera sa perte en ramenant l'une de ses propres veuves de la communauté voisine), et par conséquent, le refus n'est presque pas documenté (Boyer et Deubel oct. 2016, 28).
La représentante de la CNDH a déclaré que « plusieurs organisations de défense des droits de la femme et des droits de l'homme au Mali » peuvent être saisies par les personnes qui refusent le lévirat (Mali 30 juin 2017). La même source a expliqué que « plusieurs associations et ONG » offrent des « services d'assistance juridique et judiciaire » au moyen de « cliniques juridiques » (Mali 3 juill. 2017). Selon la représentante de la CNDH, la CNDH « intervient dans la défense des droits de tous les citoyens lésés » (Mali 3 juill. 2017). Sans donner plus de détails, la même source a affirmé que les autorités religieuses et coutumières offrent « plusieurs recours » et que les juridictions peuvent être saisies ou intervenir (Mali 3 juill. 2017).
Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a trouvé aucune statistique sur l’utilisation de ces recours ni aucun renseignement sur leur effectivité.
La représentante de WILDAF/Mali a affirmé ce qui suit :
Les autorités peuvent intervenir si la femme a le courage de s’adresser à elles. Il faut souligner que beaucoup de femmes n’ont pas ce courage de peur d’être stigmatisées ou parce qu’elles ne savent pas où aller après s’être adressées aux autorités. Les ONG comme ma structure informent et sensibilisent les femmes sur le mariage et les procédures pour saisir les autorités. Nous accompagnons les femmes qui d’adressent à nous. Nous n’avons pas d’abri pour les victimes et les procédures sont souvent longues. La famille ou la communauté met la pression et les femmes renoncent à leurs droits pour se résigner (WILDAF/Mali 5 juill. 2017).
Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.
Boyer, Micah et Tara Deubel. Octobre 2016. Gender, Markets and Women's Empowerment: Sahel Region Case Studies in Mali, Niger and Chad. [Date de consultation : 6 juill. 2017]
Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH) et al. Juin 2016. L’application de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes : Rapport alternatif aux 6ème et 7ème rapports periodiques du gouvernement du Mali. [Date de consultation : 6 juill. 2017]
Gouvernance en Afrique. S.d. « WILDAF - FeDDAF = Women in Law and Development in Africa - Femmes droit et développement en Afrique ». [Date de consultation : 12 juill. 2017]
Mali. 3 juillet 2017. Commission nationale des droits de l'homme (CNDH). Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par une représentante.
Mali. 30 juin 2017. Commission nationale des droits de l'homme (CNDH). Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par une représentante.
Mali. 2011. Code des personnes et de la famille. Loi n°2011 - 087 du 30 décembre 2011. [Date de consultation : 6 juill. 2017]
Mathys, Ellen, Emmet Murphy and Monica Woldt. Février 2015. USAID Office of Food for Peace Food Security Desk Review for Mali, FY2015-FY2019. [Date de consultation : 6 juill. 2017]
Nations Unies. 25 juillet 2016. Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes. Observations finales concernant les sixième et septième rapports périodiques (présentés en un seul document) du Mali. (CEDAW/C/M/LI/CO/6-7) [Date de consultation : 6 juill. 2017]
Réseau des institutions nationales africaines des droits de l'homme (RINADH). S.d. « Commission nationale des droits de l'homme du Mali ». [Date de consultation : 30 juin 2017]
Women in Law and Development in Africa/Mali (WILDAF/Mali). 5 juillet 2017. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par une représentante.
Sources orales: Association espoir jeunes femmes; Association malienne des droits de l'homme; Association malienne pour le suivi et l'orientation des pratiques traditionnelles; Association pour le progrès et la défense des droits et des femmes du Mali; Coordination des associations et ONG féminines du Mali; Nations Unies – ONU Femmes Mali; professeure de sociologie, Université du Québec à Montréal.
Sites Internet, y compris : AllAfrica; Amnesty International; Care France; Courants de Femmes; Les Échos; ecoi.net; L'Essor; Factiva; Fédération international des ligues des droits de l'homme; France – Cour nationale du droit d'asile; Freedom House; Genre en action; Gouvernance en Afrique; Human Rights Watch; Jeune Afrique; Journal du Mali; MaliActu.net; Maliweb.net; Nations Unies – Refwold; PanaPress; Radio France internationale.