The role of the Kazi (Kadi, Qadi, Qazi; Islamic judge) in Muslim marriage [BGD34022.E]

La présente réponse à la demande d'information donne des renseignements sur le rôle du cadi ou qadi, le juge musulman, dans le mariage musulman au Bangladesh. La plupart de ces renseignements proviennent des spécialistes suivants :

Un chercheur de haut niveau de la Nouvelle-Orléans qui est membre de l'équipe éditoriale de News from Bangladesh, un bulletin quotidien publié sur Internet à partir de Dacca (18 mars 2000). Un de ses articles intitulé « Tying the Knot Without any Dowry and Without a Kazi » a été publié dans l'édition du 8 février 2000 du quotidien Daily Star de Dacca;

La coordonnatrice de l'organisation de défense des droits et de développement de la femme Naripokkho de Dacca (29 mars 2000). Pour plus d'information sur le Naripokkho, voir BGD23825.E du 6 mai 1996;

Une avocate de Dacca spécialisée en droit de la femme et de l'enfant (11 avr. 2000). Cette avocate, qui est membre du Naripokkho, supervise le projet de suivi et de coordination des interventions contre la violence faite aux femmes de cette organisation. Elle est aussi membre de plusieurs organisations et réseaux nationaux et régionaux de défense des droits de la personne;

Un professeur de la faculté de droit de l'Université catholique de Bruxelles (12 avr. 2000). Ce professeur a obtenu un diplôme de premier cycle au Bangladesh, où il a aussi travaillé comme avocat à la cour de Dacca. En Belgique, il a étudié le droit international et le droit comparatif, notamment le droit de l'Union européenne, et il donne un cours sur les cultures juridiques non européennes à des étudiants à la maîtrise en théorie juridique. Il écrit sur des questions relatives aux droits de la personne dans le Daily Star et le Holiday de Dacca et publie des articles dans des revues internationales.

1. Quels sont les pouvoirs du cadi, selon le droit matrimonial musulman et le droit familial civil?

Selon l'avocate de Dacca, il y a deux genres de mariage au Bangladesh, soit le mariage religieux, qui est régi par les lois de chaque communauté religieuse (hindoue, musulmane et chrétienne), et le mariage civil, qui est visé par la Loi sur le mariage civil de 1872. Le chercheur précise que le droit familial civil n'est pas du ressort des cadis et qu'il peut être interprété seulement par les tribunaux civils.

L'avocate affirme que les cadis ont le droit d'enregistrer les mariages et les divorces musulmans. Le professeur de droit est d'accord, mais il explique plus en détail les pouvoirs des cadis à cet égard :

[traduction]
le mot « kazi », soit le nom anglais du cadi, ne se trouve pas dans les lois du Bangladesh. On y parle plutôt du « Nikah Registrar » ou greffier des mariages, qui est nommé par le gouvernement en vertu de la Loi sur l'enregistrement des mariages et des divorces musulmans de 1974 et du règlement connexe de 1975. Chaque cadi est chargé d'enregistrer les mariages et les divorces musulmans dans une localité donnée. Selon une récente décision de la haute cour de justice, les « Nikah Registrars » sont des « fonctionnaires » (Kazi Obaidul Haque c. l'État, 55 DLR (1999) 25).
Même s'ils ont une base religieuse, les mariages au Bangladesh sont essentiellement des contrats régis par des lois, notamment la loi sur l'enregistrement des mariages et des divorces, qui ne sont pas un élément essentiel du droit islamique. Ainsi, en tant que fonctionnaires, les cadis se contentent d'enregistrer les mariages et les divorces.

2. Le cadi peut-il célébrer la cérémonie du mariage et, si oui, le mariage est-il reconnu comme légal par l'État?

Le professeur de droit explique de la façon suivante la cérémonie du mariage musulman et le rôle qu'y joue le cadi :

[traduction]
pour être légal, le mariage musulman ne nécessite pas de cérémonie. Il suffit que le mariage soit proposé et accepté au même moment et, idéalement, que le montant de la dot soit établi.
Le cadi ne célèbre pas cette partie du mariage. Il l'enregistre, cependant, et pour ce faire, il doit être convaincu que tous les éléments d'un mariage valide sont réunis.
Quant à la partie religieuse du mariage, elle relève habituellement de la famille, du mollah local ou même du cadi.

Par contre, selon l'avocate, le chercheur et la coordonnatrice du Naripokkho, les cadis célèbrent des mariages au Bangladesh. L'avocate affirme que les mariages célébrés par les cadis ne sont pas seulement légaux, ils constituent la norme au Bangladesh. Le chercheur affirme qu'ils sont [traduction] « universellement reconnus au Bangladesh ».

3. Le cadi peut-il célébrer un mariage dans une résidence privée ou peut-il le faire seulement dans son bureau? Y a-t-il des restrictions? Peut-il célébrer un mariage n'importe où?

Les spécialistes sont tous d'accord là-dessus : il n'existe aucune restriction concernant l'endroit où le mariage peut être célébré. Le cadi peut donc le célébrer dans son bureau, dans une maison privée et n'importe où ailleurs. Selon l'avocate, ce sont les futurs mariés qui choisissent généralement l'endroit où le mariage sera célébré, mais selon le chercheur, la plupart des mariages sont encore célébrés par un cadi à la résidence de la future mariée. Le chercheur précise que dans les régions urbaines, les parents de la mariée louent habituellement un endroit pour la cérémonie du mariage, mais dans les régions semi-urbaines ou rurales, le cadi se rend encore, dans la plupart des cas, à la résidence de la future mariée.

Le professeur de droit ajoute les précisions suivantes sur le rôle et les responsabilités du cadi :

[traduction]
le cadi peut célébrer un mariage n'importe où, y compris dans une maison privée, pourvu qu'il apporte son registre pour l'enregistrer. Si les parties lui demandent de présider la partie religieuse de la cérémonie, il peut le faire aussi.
Aucune restriction ne lui est donc imposée. Il n'est même pas nécessaire que l'enregistrement soit fait dans son bureau. Cependant, il est obligé d'avoir un bureau et d'y conserver le registre.

4. À quel moment du processus du mariage les futurs époux discutent-ils de la colonne 18 du contrat de mariage (nikahnama), qui traite de la délégation à l'épouse du pouvoir de divorcer?

Selon le professeur de droit, au Bangladesh, la grande majorité des mariages sont arrangés par les familles des futurs mariés. Même quand ce sont des mariages d'amour, c'est-à-dire lorsque les futurs mariés se fréquentaient auparavant, dans la plupart des cas, le mariage est organisé par les familles.

Les spécialistes sont tous d'accord pour dire qu'on discute généralement de la colonne 18 du contrat de mariage avant le mariage. En fait, selon le professeur de droit, toutes les modalités du contrat de mariage, et pas seulement la colonne 18, sont habituellement discutées avant le mariage par les membres les plus âgés des deux familles. Plus précisément, selon la coordonnatrice du Naripokkho, les familles parlent de la colonne 18 quand elles discutent du montant du mahr [biens ou argent confiés à la mariée pour ses besoins personnels, et en particulier pour assurer son bien-être financier immédiat en cas de divorce] et ils discutent de cette question avant de faire appel au cadi. Ensuite, selon les spécialistes, la question est discutée de nouveau juste avant la célébration du mariage, quand le cadi arrive à la colonne 18 du contrat de mariage. Alors, selon le chercheur, le cadi annonce deux fois à haute voix les modalités du contrat, la première fois en présence du marié et des invités, la deuxième fois dans les pièces réservées aux femmes où se trouve la mariée. Le professeur de droit ajoute que les modalités du nikahnama provoquent parfois de vives discussions entre les familles.

Selon un article publié dans le Daily Star du 9 avril 2000, autrefois, les femmes ne pouvaient divorcer à moins que le pouvoir leur en ait été accordé dans le contrat de mariage. Depuis 1985, cependant, lorsque ce pouvoir ne leur est pas donné, elles peuvent quand même poursuivre leur conjoint, en vertu de l'Ordonnance sur les tribunaux de la famille, pour obtenir la dissolution du mariage (ibid.). Selon l'article, la pratique actuelle consiste à reconnaître aux femmes le pouvoir de divorcer, qu'il soit expressément reconnu ou non dans le contrat de mariage (ibid.). La coordonnatrice du Naripokkho, qui vient de se marier, affirme qu'à moins que les familles ne s'y opposent, les cadis répondent par l'affirmative à la question de la colonne 18 : « le marié a-t-il délégué à la mariée le pouvoir de divorcer? ».

5. Le cadi donne-t-il une copie du contrat de mariage à la mariée comme il le fait pour le marié? Si oui, quand?

Selon le professeur, le chercheur et l'avocate, on peut obtenir une copie du contrat de mariage après son enregistrement par le cadi et le paiement de frais minimes d'enregistrement. Le chercheur ajoute qu'on va généralement chercher une copie du contrat de mariage au bureau du cadi une ou deux semaines après le mariage, et la coordonnatrice du Naripokkho signale que ce délai ne peut dépasser un mois. Selon l'avocate et la coordonnatrice, le cadi n'est obligé de remettre qu'une seule copie conforme du contrat de mariage. Par contre, selon le professeur de droit, les mariés peuvent en obtenir chacun une, s'ils le désirent, parce qu'il suffit de payer les frais pour y avoir droit.

6. Quand le mariage est-il enregistré, par qui et avec qui? Est-il enregistré à la mosquée, dans un organisme religieux ou au gouvernemental central? Qu'arrive-t-il à l'original du contrat de mariage?

Selon le rapport annuel de 1998 de l'organisation non gouvernementale bangladaise de défense des droits de la personne Ain-O-Salish Kendro (ASK), contrairement à la loi qui exige l'enregistrement des mariages et des divorces musulmans, environ 40 p. 100 de ces mariages ne sont pas enregistrés (1999, 142).

Les spécialistes s'entendent sur le fait qu'en tant que greffier des mariages (Nikah Registrar) nommé par le gouvernement, le cadi a le pouvoir d'enregistrer les mariages au Bangladesh. En outre, selon l'avocate et le professeur de droit, lui seul peut les enregistrer en vertu du droit matrimonial musulman au Bangladesh. Si une personne autre qu'un cadi, comme un religieux, célèbre le mariage, elle doit en informer le cadi local dans un délai donné.

Le professeur de droit affirme qu'un mariage doit être enregistré au moment de sa célébration, mais que parfois le cadi se contente, à cette occasion, de recueillir les renseignements nécessaires qu'il porte plus tard au registre. En outre, bien que la mariée et le marié doivent signer le registre, on omet souvent de faire signer la mariée. Or, selon le chercheur, l'enregistrement est la première preuve du mariage au Bangladesh et il est peu probable que quelqu'un puisse en contester la validité.

La coordonnatrice, le professeur et le chercheur soutiennent que l'original du contrat de mariage est conservé au bureau du cadi, parce que, selon la coordonnatrice, aucun organisme gouvernemental central n'assure la conservation des registres de mariages.

7. Un parent ou un ami peut-il obtenir une copie du contrat de mariage au nom de la mariée ou du marié pour la lui envoyer à l'étranger? Si oui, doit-il présenter des documents et lesquels?

Les spécialistes sont d'accord pour dire que les parents, les amis de la famille et d'autres personnes autorisées peuvent obtenir des copies officielles du contrat de mariage au bureau du cadi. Selon le chercheur, seul le bureau où le mariage a été enregistré peut fournir une copie conforme, mais il suffit d'indiquer la date et l'heure de la célébration du mariage pour l'obtenir. Selon le professeur de droit, le cadi doit aussi vérifier l'identité et la relation avec la mariée ou le marié de la personne qui demande la copie.

Selon l'avocate,

[traduction]
l'ami ou le parent qui veut obtenir une copie conforme du contrat n'a pas de document à produire, mais seulement des frais à payer. Cependant, il doit fournir une preuve de sa relation avec la mariée ou le marié. Le cadi en demande une habituellement, mais ça peut être n'importe quoi, pourvu que la personne puisse prouver qu'elle est vraiment un ami ou un parent.

8. Qui peut marier un couple? Une personne autre qu'un cadi, comme un imam, peut-elle célébrer un mariage religieux?

Selon les spécialistes, une figure religieuse musulmane, comme un imam, peut célébrer un mariage religieux. Selon l'avocate, tout homme bangladais d'âge adulte peut célébrer un mariage. Selon le chercheur, même si on préfère que le mariage soit célébré par un cadi, dans les régions rurales n'importe quel clerc musulman peut le célébrer. Il dit aussi que certains magistrats peuvent célébrer légalement des mariages. Ces mariages sont appelés [traduction] « mariages judiciaires ». Cependant, selon le chercheur, même si un imam peut célébrer un mariage, celui-ci doit être enregistré dans le registre du cadi du district où résident les parents de la mariée. Le professeur de droit ajoute que les imams célèbrent souvent des mariages religieux, que ces mariages ne sont pas illégaux au Bangladesh, mais que le non-enregistrement d'un mariage peut entraîner des conséquences juridiques.

Selon le Daily Star du 8 février 2000, les mariages multiples où des dizaines de couples se marient sans l'intervention d'un cadi deviennent de plus en plus populaires au Bangladesh.

9. Quel rôle le cadi joue-t-il, s'il y a lieu, dans le divorce?

La coordonnatrice du Naripokkho et le chercheur ne connaissent pas trop le rôle du cadi dans le divorce. Selon la coordonnatrice, son rôle consisterait essentiellement à confirmer le montant du mahr et le fait que le mariage a été célébré, lorsqu'il n'y a pas de contrat de mariage valide.

Cependant, le professeur et l'avocate soutiennent que le cadi est chargé d'enregistrer les divorces et de tenir les dossiers pertinents. Le professeur précise que le cadi ne peut enregistrer un divorce [traduction] « qu'après l'épuisement des procédures prévues par la loi. Son rôle se limite à vérifier, avant l'enregistrement, si ces procédures ont été observées ».

Selon l'avocate, le cadi doit aussi fournir une copie de l'enregistrement du divorce, au besoin, comme en cas de remariage.

10. Les dispositions précédentes varient-elles entre les régions rurales et urbaines?

Selon les spécialistes, les lois sur l'enregistrement du mariage et du divorce s'appliquent aux villes et aux villages. Cependant, selon trois d'entre eux, il peut y avoir d'importantes différences, en pratique, entre les régions urbaines et rurales. Selon le professeur, [traduction] « dans les villages et même dans les villes pauvres, il arrive que des mariages ne soient pas enregistrés et que d'autres procédures soient omises ». Le chercheur précise que [traduction] « dans les régions urbaines, la plupart des mariages sont enregistrés dans le registre du cadi, mais dans les régions rurales éloignées, personne ne se donne probablement la peine de se rendre au bureau du cadi ». Selon la coordonnatrice du Naripokkho, dans les régions rurales, [traduction] « il y a beaucoup moins de cadis [...] c'est pourquoi les chances d'être marié par un cadi [...] n'y sont pas aussi grandes qu'en ville. Les cadis vont dans les résidences urbaines pour célébrer les mariages, mais sont moins portés à le faire dans les régions rurales. Il arrive aussi qu'ils ne répondent pas "oui" à la colonne 18 [du contrat de mariage] ».

Pour plus d'information sur le mariage au Bangladesh et sur le rôle du cadi dans les procédures de divorce, voir BGD28420.EFX du 29 janvier 1998 et BGD33257.EF du 25 novembre 1999.

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais prescrits. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile ou de statut de réfugié. Veuillez trouver ci-dessous la liste des autres sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Références


Ain-O-Salish Kendro (ASK). 1999. Human Rights in Bangladesh 1998. Dacca : The University Press.

Avocate spécialisée en droits de la personne, Dacca. 11 avril 2000. Correspondance.

Chercheur de haut niveau, Nouvelle-Orléans. 18 mars 2000. Correspondance.

Coordonnatrice, Naripokkho. 29 mars 2000. Correspondance.

The Daily Star [Dacca]. 9 avril 2000. Amina Rahman Chowdhury. « Women Initiating Talaq: Tearing Away the Uneasy Bond ». http://www.dailystarnews.com/ 200004/09/n0040909.htm#BODY1 [Date de consultation : 10 avr. 2000]

_____. 8 février 2000. A.H. Jaffor Ullah. « Tying the Knot Without Any Dowry and Without a Kazi ». http://www.dailystarnews.com/200002/08/n0020802.htm [Date de consultation : 10 avr. 2000]

Professeur, faculté de droit, Université catholique de Bruxelles. 12 avril 2000. Correspondance.

Autres sources consultées


Bases de données de la CISR.

Encyclopaedia of Islam. 1990.

Encyclopedia of Religion. 1987.

Fatwas Against Women in Bangladesh. 1996.

Femmes sous lois musulmanes.

The Laws of Marriage in Islam. 1995.

LEXIS-NEXIS.

The Marriage Contract in Islamic Law. 1992.

Marriage on Trial: A Study of Islamic Family Law. 1993.

Muslim Family Law.

Talaq-i-Tafwid: The Muslim Woman's Contractual Access to Divorce. 1996.

Women in Muslim Family Law. 1982.

Sites Internet, y compris :

Coordinating Council for Human Rights in Bangladesh (CCHRB).

Derechos Human Rights.

Holiday [Dacca].

The Independent [Dacca].

The Islam Page.

The Nation [Dacca].

The New Nation [Dacca].

News from Bangladesh [Dacca]

South Asian Women's Network (SAWNET).

Associated documents