Document #1301668
IRB – Immigration and Refugee Board of Canada (Author)
Ce qui suit expose le contenu, en
traduction française, d'une entrevue avec un
représentant de l'Église baptiste du Sud à
Jérusalem. Cette entrevue s'est déroulée le 27
avril 1995, à Jérusalem.
Je représente la confession
chrétienne évangélique la plus importante en
Amérique, c'est-à-dire l'Église baptiste du
Sud. Nous comptons près de 38 000 communautés en
Amérique, et environ 18 000 000 de membres répartis
dans le monde entier. Nous avons 25 représentants en
Israël, dont 5 à Jérusalem.
Je vis et je travaille en Israël
depuis 1973. J'aime vivre en Israël et j'ai l'intention d'y
passer le reste de ma vie. Je veux être positif envers
Israël dans l'ensemble. De petits groupes de radicaux nous ont
bien fait quelques difficultés pendant un certain temps,
mais dans l'ensemble, vivre en Israël en tant que
chrétien a été une expérience positive.
Il ne fait aucun doute qu'il y a en Israël une plus grande
liberté de religion que dans n'importe quel autre pays du
Moyen-Orient. J'aimerais également signaler que cela
m'ennuie qu'Israël n'ait pas de constitution écrite
bien qu'il y ait, dans ce pays, des déclarations de droits
fondamentaux concernant la liberté de culte.
D'après mon expérience, le
gouvernement fait des efforts pour développer une
société pluraliste, et il essaie de respecter les
droits des chrétiens, des musulmans et des Juifs. Seulement
2,5 p. 100 des Israéliens se considèrent comme
chrétiens. Les communautés chrétiennes sont
donc très minoritaires.
D'après moi, Israël a
hérité des Britanniques et de l'Empire ottoman de
certains problèmes relatifs à ses relations avec les
Églises chrétiennes. Les Églises du
Moyen-Orient qui sont le plus reconnues (arméniennes,
grecques-orthodoxes, coptes, etc.) jouissent de ce qu'on appelle
« le statu quo », qui leur donne plus de droits que les
chrétiens. Notre Église, à l'instar de
nombreuses autres, a le statut juridique d'Amuta. Ce statut
confère aux Églises des droits particuliers à
titre d'organisme sans but lucratif. L'un de ces droits est le
droit à la protection par les forces policières. Les
chrétiens en Israël seraient plus avantagés si
l'État reconnaissait un statut juridique à
l'Église.
Le problème, c'est que les droits
religieux ne sont pas égaux et uniformes pour toutes les
Églises chrétiennes en Israël.
Lorsqu'Israël est devenu un État en 1948, les
chrétiens, m'a-t-on dit, jouissaient de beaucoup plus de
droits. La meilleure image pour décrire la lente
érosion des droits des Églises en Israël est
celle d'un pic à glace qui gruge un bloc de glace petit
à petit. Cette érosion a été si
graduelle que les communautés chrétiennes n'ont fait
aucune opposition. Cependant, si l'on examine ce qui s'est
passé au cours des 47 dernières années, on
constate que les communautés chrétiennes ont perdu
énormément de droits pendant cette période.
Par exemple, les communautés chrétiennes
reçoivent maintenant des comptes de taxes à
l'égard de leurs propriétés, alors qu'elles
n'en payaient pas auparavant. Bien que le ministère des
Affaires religieuses dise aux Églises de ne pas payer ces
comptes, c'est un autre ministère du gouvernement qui les
leur envoie. Les Églises ne les paient
généralement pas. Mais quand on sait comment le
gouvernement israélien traite les organismes qui ne paient
pas leurs comptes, on peut craindre que dans l'avenir, une instance
gouvernementale tente de confisquer des parties des
propriétés des Églises pour recouvrer les
comptes impayés.
D'après moi, les autorités
séculières comme le ministère des Affaires
extérieures et le ministère des Affaires religieuses
essaient d'aider les communautés chrétiennes en
Israël. Cependant, il y a un énorme fossé entre
le premier ministre Rabin et l'influence des organisations
religieuses orthodoxes. Au sein du ministère des Affaires
religieuses, le département des chrétiens est
très petit par comparaison avec les autres. Par
conséquent, les services aux communautés
chrétiennes tendent à être lents et
sous-financés. Par exemple, les communautés
chrétiennes sont censées obtenir des remboursements
de la taxe à la valeur ajoutée. Cependant, notre
Église attend un remboursement important depuis très
longtemps. Nous finirons probablement par le recevoir. À mon
avis, des pressions sont exercées sur les autorités,
et aussi par certaines autorités elles-mêmes, pour
créer des obstacles aux communautés
chrétiennes.
La communauté baptiste du Sud est
l'une des plus visibles et des mieux connues des Églises
chrétiennes dans cette partie de Jérusalem qui
comprend principalement des Juifs orthodoxes. Nous sommes dans ce
secteur depuis environ 70 ans. Nous avons eu de graves
problèmes pendant toute cette période. Les
fenêtres de la façade de l'église ont
été cassées plus de douze fois, nous avons
été victimes de vols environ six fois, nous avons par
deux fois été la cible d'attaques à la bombe,
des manifestations ont eu lieu contre nous et notre église a
fait l'objet d'un incendie criminel en 1982 au cours duquel on a
rassemblé nos livres et on les a brûlés avec
l'église. Malgré ces graves incidents, je dois
insister sur le fait que ces actions ont été
perpétrées par une petite minorité de Juifs
radicaux.
Dans le cas de l'incendie criminel,
personne n'a été arrêté ni traduit en
justice. Cependant, nous avons une très bonne idée du
groupe qui a commis ce crime et, autant que je sache, il s'agit
d'un groupe maintenant proscrit. Des actes semblables ont
été commis contre d'autres Églises
chrétiennes. Encore une fois, je rappelle qu'il existe dans
tous les pays des radicaux qui peuvent causer des incidents graves.
Je vis depuis 22 ans en Israël et je peux dire qu'en
général les Israéliens sont gentils,
tolérants, sincères et serviables, et qu'ils se sont
montrés de bons amis.
En ce qui concerne notre Église,
nous pensons jouir d'une assez grande liberté. Cependant, il
vaut mieux éviter certaines actions, comme de distribuer des
dépliants chrétiens devant le Mur du
côté Ouest ou dans un voisinage orthodoxe. Mais, si
des gens viennent à l'église et posent des questions,
je peux leur répondre comme je veux. Je vais certainement
faire connaître mes croyances comme je l'ai fait dans de
nombreuses parties de la ville. Je ne les imposerai à
personne, et surtout pas aux enfants. Par exemple, un enfant m'a
demandé de lui accordé une entrevue sur mes
croyances, ce que j'ai refusé à moins que son
père n'assiste à l'entrevue. Il est venu avec son
père, et nous avons eu un bel échange. Son
père m'a remercié d'avoir eu la délicatesse de
l'inviter. Ce sont là des règles non écrites.
En d'autres mots, si je fais savoir clairement à tout le
monde que je suis chrétien, je suis accepté par la
plupart des gens.
Quant aux immigrants chrétiens
soviétiques, contrairement à leurs homologues juifs,
ils feraient face à des problèmes en Israël.
Cela est principalement attribuable au fait qu'Israël n'a pas
encore pris de décision quant au sort de la
communauté chrétienne vivant sur son territoire. Les
immigrants soviétiques dont l'identité religieuse est
ambiguë auraient également de la difficulté en
Israël. Je pense que la principale question qui se pose, c'est
de savoir pour quelle raison ils ont quitté la Russie. S'ils
sont venus en Israël parce que c'était la seule
façon pour eux de quitter l'ancienne Union
soviétique, il est probable qu'ils n'aient jamais eu
l'intention de vivre dans ce pays. Ceux qui viennent en Israël
avec l'intention de s'en aller ailleurs ne donnent peut-être
pas sa chance à Israël. Si des gens viennent en
Israël en feignant d'être des Juifs, et que l'on
découvre ultérieurement qu'ils sont en fait
chrétiens, ils peuvent susciter la colère des
Israéliens. Par exemple, un chrétien russe m'a dit
avoir perdu son emploi quand on a découvert qu'il
était chrétien.
Tout comme leurs homologues juifs, les
chrétiens soviétiques vont avoir des problèmes
d'intégration. Ils peuvent avoir un choc culturel en
arrivant au pays. Ils ne connaissent ni la langue, ni la culture,
ni la société et ils ne sont certainement pas
prêts à vivre en tant que minorité religieuse.
De plus, ils n'ont pas appris à vivre dans une
société libre. Ils viennent d'une
société où tout leur était
donné, où l'État était le fournisseur
de tous les biens. Une fois en Israël, ils doivent travailler
fort pour obtenir des avantages matériels. L'un des
obstacles tient au fait que les Juifs israéliens, s'ils en
ont l'occasion, vont probablement engager un Juif de l'ancienne
Union soviétique avant d'engager un non-Juif. Pour ma part,
j'engagerais un chrétien pour accomplir certaines
tâches liées à l'Église
chrétienne. En d'autres mots, ils arrivent en Israël
avec des problèmes d'intégration. Cependant, cela ne
fait pas d'Israël un lieu invivable.
En résumé, ces
difficultés peuvent mener à la désillusion,
particulièrement pour ceux qui n'ont jamais eu l'intention
de s'installer dans ce pays pour de bon. Par ailleurs, je connais
des croyants juifs soviétiques qui sont venus en Israël
en vertu de la loi sur le retour et qui aiment le pays. Ils aiment
le pays et ils veulent y demeurer parce qu'ils sont croyants. Je ne
pense pas que les chrétiens qui viennent de l'ancienne Union
soviétique pour s'établir en Israël mettent leur
vie en danger. Je n'ai jamais été victime de voies de
fait. Je pense qu'on s'est attaqué à l'église
parce qu'elle est un symbole de la présence de Jésus
ici. En tant que chrétien, j'ai des droits en
Israël.
Je crois que l'un des futurs défis
de l'État d'Israël sera de rédiger un document
accordant un statut juridique clair aux Églises, qui
établirait clairement les droits légaux et le statut
des chrétiens et des Églises. Le problème,
c'est qu'il y a un grand nombre de règlements non
consignés par écrit. Il est très difficile
pour les Églises de protéger leurs droits lorsque peu
de ceux-ci sont consignés par écrit. Cette lacune
donne lieu à diverses interprétations de la
législation courante qui reposent sur des pratiques non
écrites. En effet, les interprétations risquent de
varier avec les différents dirigeants. Par
conséquent, ces droits devraient être
protégés par un document juridique écrit.
J'essaie de brosser un tableau positif
d'Israël, mais j'admets qu'il y a des problèmes dans ce
pays en ce qui concerne les chrétiens. Malgré les
difficultés auxquelles notre Église a fait face ici,
j'aime ce pays et ses habitants. Je pense également que les
Juifs laïcs résistent déjà aux pressions
que les communautés juives orthodoxes exercent sur eux.
J'espère seulement que les
chrétiens, les Églises et les
propriétés des Églises dans ce pays pourront
jouir de droits plus nombreux et uniformes et que ceux-ci seront
reconnus dans un texte de loi.
Information on the Southern Baptist Church in Jerusalem [ISR21637.E] (Response, English)