Document #1288746
HRW – Human Rights Watch (Author)
(Alger) – Les réfugiés du conflit au Sahara occidental qui vivent depuis quatre décennies dans des camps situés dans le désert algérien semblent être généralement en mesure de quitter ces camps s’ils le souhaitent, mais ils sont confrontés à des restrictions de certains de leurs droits, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui. Les camps sont gérés par le Front Polisario, qui réclame l’autodétermination pour le Sahara occidental, une ancienne colonie espagnole occupée par le Maroc depuis 1975.
Le rapport de 94 pages, intitulé « Off the Radar: Human Rights in the Tindouf Refugee Camps » (« Pas sur les écrans : Les droits humains dans les camps de réfugiés de Tindouf »), figure parmi les études les plus approfondies réalisées à ce sujet par une organisation internationale de défense des droits humains. Le rapport s’appuie sur des entretiens menés lors d’une visite de deux semaines dans les camps, ainsi que sur d’autres entretiens menés ailleurs. L’ONU mène une mission de maintien de la paix au Sahara occidental mais, contrairement à la plupart des missions similaires menées ailleurs dans le monde, n’y effectue aucun contrôle régulier de la situation des droits humains, ni dans le territoire faisant l’objet de contestation, ni dans les camps de réfugiés.
Bien que le Polisario tolère certains propos et manifestations critiques à l’égard de sa gouvernance, Human Rights Watch a recueilli des allégations crédibles selon lesquelles les autorités harcèleraient certains détracteurs pour s’être ouvertement exprimés. De plus, les droits de certains civils traduits devant des tribunaux militaires ont été restreints, et des pratiques de type esclavagiste continuent d’exister dans des cas isolés.
« Il existe des cas d’abus au Sahara occidental, mais il y a eu aussi des exagérations de la part de certaines parties », a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Une surveillance régulière par l’ONU de la situation des droits humains, ainsi que la publication d’informations à ce sujet contribueraient à établir la vérité et à protéger d’une part les Sahraouis vivant sous le régime marocain, et d’autre part ces réfugiés isolés. »
Des informations récentes, selon lesquelles une femme est séquestrée par sa famille dans un de ces camps et les autorités du Polisario ne sont toujours pas intervenues afin d’assurer le droit de cette femme à la liberté de déplacement, viennent à l'appui des arguments en faveur de la poursuite de la surveillance de la situation dans les camps, a déclaré Human Rights Watch.
L'ambassadeur du Polisario en Algérie, Brahim Ghali, a affirmé à Human Rights Watch que le Polisario tentait de négocier avec la famille pour la « persuader » de permettre à la jeune femme de quitter le camp; tout en affirmant que le but de cette démarche était de permettre à Mahdjouba Hamdidaf d'exercer son propre choix, l’ambassadeur a souligné que la « société patriarcale » sahraouie, avec ses « traditions », sa « culture » et ses « liens familiaux complexes », exigeait que les autorités du Polisario traitent cette affaire avec précaution.
Les autorités du Polisario devraient signifier clairement à toutes les parties concernées que la séquestration d'une personne est un crime grave, et s'assurer que la jeune femme soit en mesure d'exercer son droit à la liberté d'aller et venir en quittant le camp, si elle le souhaite, et de retourner en Europe. Bien que le Polisario gouverne les camps de réfugiés, c'est à l'Algérie qu'il incombe en fin de compte d'assurer la protection des droits de toutes les personnes vivant sur son territoire, a souligné Human Rights Watch.
Human Rights Watch a constaté que des formes d’esclavage persistent dans les camps dans quelques cas isolés, malgré l’appel lancé depuis longtemps par le Polisario en faveur de son éradication et d’une loi criminalisant cette pratique. Les victimes sont dans de nombreux cas des Sahraouis ayant la peau foncée et l’esclavage prend surtout la forme de travaux ménagers non volontaires, selon Liberté et Progrès, une association antiesclavagiste constituée par un groupe d’habitants des camps.
Human Rights Watch a documenté un cas dans lequel un frère et une sœur ont affirmé que les membres d’une autre famille, prétendant que la mère des deux enfants avait déjà été leur esclave, les a enlevés et contraints à travailler chez eux pendant près de 18 ans. Le Polisario a obtenu leur libération en 2013. L’association Liberté et Progrès a établi une liste de cas récents d’esclavage présumé, et fait pression sur les autorités du Front arabe sahraoui démocratique pour qu’il vienne en aide aux victimes.
Le rapport « Pas sur les écrans » étudie la situation actuelle des droits humains dans les camps de Tindouf. Il n’examine pas les années antérieures au cessez-le-feu de 1991, lorsque le Maroc et le Polisario ont commis des violations des droits humains généralement bien plus graves que celles qu’ils ont pu commettre depuis. Aucune des deux parties n’a pris de mesures sérieuses pour identifier les personnes responsables des exactions commises à l’époque et les traduire en justice.
Le Front Polisario devrait mettre un terme à la compétence des tribunaux militaires sur les civils, et redoubler d’efforts pour éradiquer tous les vestiges de l’esclavage, a insisté Human Rights Watch. Le Front devrait veiller à ce que les habitants des camps de réfugiés soient libres de remettre en question de façon pacifique ses politiques et sa direction, et de défendre d’autres options que l’indépendance du Sahara occidental.
L’Algérie devrait reconnaître publiquement sa responsabilité légale de veiller au respect des droits de toute personne se trouvant sur son territoire, y compris les résidents des camps de réfugiés administrés par le Polisario.
Le Conseil de sécurité de l’ONU devrait élargir le mandat de la MINURSO afin d’y inclure l’observation et la publication de rapports sur la situation des droits humains, tant au Sahara occidental que dans les camps gérés par le Polisario en Algérie, ou bien établir un mécanisme alternatif par lequel l’ONU puisse fournir une surveillance et une communication de l’information régulières, indépendantes à partir du terrain.
18 October 2014 | HRW – Human Rights Watch (Author)
Algeria, Western Sahara
Off the Radar; Human Rights in the Tindouf Refugee Camps (Appeal or News Release, English)
18 October 2014 | HRW – Human Rights Watch (Author)
Algeria, Western Sahara
Off the Radar; Human Rights in the Tindouf Refugee Camps (Special or Analytical Report, English)