Document #1284322
IRB – Immigration and Refugee Board of Canada (Author)
Le 13 juin 2005, au cours d'entretiens téléphoniques, une journaliste du quotidien belge Le Soir, spécialiste de la région des Grands Lacs africains, et un représentant du Centre des droits de l'homme et du droit humanitaire (CDH), situé à Lubumbashi, ont tous deux fourni les renseignements présentés dans les deux paragraphes suivants.
Au début des années 1970, le président Mobutu a interdit l'usage des prénoms chrétiens. Tous les citoyens devaient remplacer leurs prénoms chrétiens par un ou plusieurs noms choisis parmi ceux de leurs ancêtres.
Cependant, au début des années 1990, cette directive a été abolie et les Zaïrois pouvaient de nouveau porter leurs prénoms chrétiens. Toutefois, ces derniers ne pouvaient pas servir d'identification officielle et, par conséquent, ils ne pouvaient figurer ni dans les registres ni sur les documents officiels. En d'autres mots, les prénoms chrétiens pouvaient être utilisés uniquement dans la vie courante. Toutefois, en 1997, avec l'arrivée au pouvoir de Laurent Désiré Kabila, les prénoms chrétiens pouvaient de nouveau être inscrits dans les registres et sur les documents officiels.
Le représentant du CDH a signalé toutefois que même aujourd'hui, certaines personnes préfèrent porter officiellement leurs post-noms au lieu de leurs prénoms chrétiens (voir la définition de « post-nom » dans l'extrait de l'article de la revue Politique africaine, présenté plus loin) (CDH 13 juin 2005).
S'agissant des documents scolaires (diplômes, bulletins et attestations scolaires), le représentant du CDH a expliqué qu'actuellement, sur ce genre de documents, on peut trouver soit le nom de famille de l'élève ou de l'étudiant et son prénom chrétien, soit son nom de famille, suivi de son post-nom ou de ses post-noms (ibid.). Avant 1997, tous les documents scolaires devaient « obligatoirement » indiquer le nom de famille de l'étudiant ou de l'élève, suivi de son post-nom ou de ses post-noms (ibid.).
Quant aux attestations d'études primaires, le représentant du CDH a expliqué que, sur celles qu'il a pu voir, la note globale obtenue par l'élève est indiquée sous forme de pourcentage (ibid.).
Décrivant les circonstances dans lesquelles l'usage des prénoms chrétiens avait été interdit et puis réadmis en RDC, Isidore Ndaywel è Nziem de l'Université de Kinshasa a signalé dans un article intitulé « De l'authenticité à la libération : se prénommer en République démocratique du Congo », publié en décembre 1998 dans la revue Politique Africaine, ce qui suit :
le 27 octobre 1971, sur décision du Bureau politique du parti unique, le Mouvement populaire de la révolution, le « Congo », nom du pays et du fleuve, se transforma, dans ses deux acceptions, en « Zaïre ». Il fut annoncé, à cette occasion, que les noms et les monuments de la période coloniale devaient disparaître avant le 1er janvier 1972 (102).
[...]
Le 15 février [1971], le Bureau politique décida que « toute Zaïroise et tout Zaïrois (à dater de ce jour-là), devait porter des noms typiquement zaïrois, et était tenu d'ajouter aux noms qu'il avait toujours portés, un ou plusieurs autres de ses ancêtres ». Cette adjonction fut appelée « post-nom », en raison de sa position par rapport au nom et de son opposition au « prénom » (Politique Africaine déc. 1998, 103).
[...]
L'ordonnance-loi du 30 août 1972 introduisit même un article dans le Code pénal menaçant de sanctions pénales le ministre du Culte qui conférerait un prénom étranger à un adepte zaïrois lors du baptême (ibid.).
[...]
Les excès de la politique de l'authenticité furent abolis par Mobutu lui-même, le 24 avril 1990, dans son discours de démocratisation que la Conférence Nationale Souveraine confirma; mais l'usage des « postnoms » ne fut pas pour autant abandonné. Le changement porta sur le fait que l'identité du citoyen, constituée de nom et postnom, pouvait désormais être précédée du prénom, comme on l'a déjà noté. En pratique, cette disposition a surtout eu pour effet d'officialiser les pratiques « souterraines » de l'ère de l'authenticité. Alors que l'identité « écrite » a continué à ignorer les prénoms, sur le terrain de l'oralité ceux-ci ont retrouvé plus que jamais leur droit de cité (ibid., 104).
Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais prescrits. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous la liste des autres sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.
Références
Centre des droits de l'homme et du droit
humanitaire (CDH), Lubumbashi. 13 juin 2005. Entretien
téléphonique avec un représentant.
Politique Africaine [Paris]. Décembre 1998. No 72.
Isidore Ndaywel è Nziem. «
De l'authenticité à la
libération : se prénommer et République
démocratique du Congo ». http://www.politique-africaine.com/numeros/pdf/072098.pdf
[Date de consultation : 13 juin 2005]