Syria: Treatment of returnees upon arrival at Damascus International Airport and international land border crossing points, including failed refugee claimants, people who exited the country illegally, and people who have not completed military service; factors affecting treatment, including age, ethnicity and religion (2014-December 2015) [SYR105361.E]

Syrie : information sur le traitement réservé aux personnes qui retournent au pays à leur arrivée à l’aéroport international de Damas et aux postes frontaliers terrestres internationaux, y compris les demandeurs d’asile déboutés, les personnes sorties du pays illégalement et les personnes n’ayant pas terminé leur service militaire; les facteurs influant sur le traitement, y compris l’âge, l’origine ethnique et la religion (2014-décembre 2015)

Direction des recherches, Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, Ottawa

1. Aperçu

Dans son document intitulé International Protection Considerations with Regard to People Fleeing the Syrian Arab Republic Update IV publié en novembre 2015, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) [traduction] « demande que les civils fuyant la Syrie soient protégés contre le refoulement et reçoivent une protection internationale » (Nations Unies nov. 2015, paragr. 34). En outre, le HCR est d’avis que [traduction] « la plupart des Syriens cherchant à obtenir une protection internationale répondent probablement aux exigences de la définition de réfugié […] figurant dans la Convention de 1951 » (ibid., paragr. 36). De même, Amnesty International (AI) déclare que le retour forcé de réfugiés et de demandeurs d’asile syriens [version française d’AI] « expose ces personnes au risque de subir de graves violations des droits humains […] [et constitue] une infraction au principe de non-refoulement » (AI avr. 2013, 12). On peut lire dans un article de l’Australian Broadcasting Corporation (ABC), au sujet des retours en Syrie, que les Nations Unies et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) [traduction] « ne facilitent pas le rapatriement des Syriens dans la zone de guerre » (ABC 1er oct. 2015).

Cependant, des sources signalent qu’il y a eu des cas de rapatriements forcés de personnes vers la Syrie, et ce, depuis la Turquie (AI avr. 2013, 12; CIVIC 11 déc. 2015), la Jordanie (ibid.; Human Rights Watch janv. 2015) et le Liban (CIVIC 11 déc. 2015; Human Rights Watch 7 nov. 2014).

Des sources déclarent aussi que certaines personnes sont retournées volontairement en Syrie à partir de pays voisins (Nations Unies 10 juin 2013; NRC et IRC août 2013, 12). Selon un rapport publié conjointement par le Conseil norvégien des réfugiés (Norwegian Refugee Council - NRC) et le Comité de secours international (International Rescue Committee - IRC), [traduction] « [l]e manque d’options économiques et de protection juridique hors de la Syrie a amené un nombre considérable de réfugiés à décider de rentrer au pays, souvent temporairement, en dépit de la violence et des privations continues » (NRC et IRC août 2013, 12). La même source signale que, selon les estimations faites par les Nations Unies et les gouvernements des pays qui accueillent des réfugiés, [traduction] « des centaines de milliers de réfugiés vont en Syrie tous les ans, le plus souvent pour vérifier l’état de biens, prendre ou renouveler des documents ou prodiguer un soutien vital à des membres de la famille ou à des amis avant de retourner dans des pays voisins » (ibid.). Selon un article publié par les Réseaux d’information régionaux intégrés (IRIN) des Nations Unies, le HCR aurait cité, au nombre des raisons pour lesquelles des personnes retournent en Syrie, [traduction] « l’amélioration de la sécurité dans certains villages frontaliers, la protection de biens ou la surveillance de fermes, la réunion avec des membres de la famille en Syrie, ou le déplacement pour aller chercher et ramener des membres de la famille vulnérables » (Nations Unies 10 juin 2013). D’après la même source, l’organisation soupçonne que la plupart des Syriens qui retournent en Syrie reviennent par la suite en Jordanie, tandis que d’autres rentrent au pays parce qu’ils ne peuvent se permettre les loyers dans les pays voisins et ne peuvent s’adapter à [traduction] « la dureté de la vie dans les camps désertiques » (ibid.).

2. Méthodes de contrôle de sécurité et traitement par les autorités frontalières

Des sources affirment qu’il y a une procédure de sécurité standard à l’aéroport international de Damas et aux postes frontaliers terrestres pour ceux qui reviennent en Syrie, procédure selon laquelle on examine les documents de la personne et consulte les bases de données informatiques afin de déterminer si cette personne est recherchée par les autorités (CIVIC 11 déc. 2015; directeur général 14 déc. 2015; professeure émérite 11 déc. 2015). Au cours d’un entretien téléphonique avec la Direction des recherches, le directeur général du Centre pour la justice et la responsabilisation en Syrie (Syria Justice and Accountability Center - SJAC) [1], fournissant des renseignements fondés sur ses opinions et son expérience personnelles, a expliqué que, dans le cadre des contrôles de sécurité, les agents vérifient auprès des autorités chargées de l’application de la loi si la personne est recherchée pour avoir commis un crime, et qu’elles vérifient aussi auprès des services du renseignement si la personne est recherchée pour avoir participé à des activités de l’opposition, pour journalisme ou pour participation aux activités d’une ONG (directeur général 14 déc. 2015).

Au cours d’un entretien téléphonique avec la Direction des recherches, une professeure émérite d’anthropologie et de migration forcée de l’Université d’Oxford, qui est aussi l’ancienne directrice du Centre d’étude sur les réfugiés (Refugee Studies Centre) de l’Université d’Oxford et une spécialiste des questions de migration forcée au Moyen-Orient, a expliqué comme suit la procédure suivie aux points d’entrée syriens :

[traduction]

Au poste frontalier entre le Liban et la Syrie, la personne doit sortir de sa voiture et se présenter au Bureau de l’immigration où un agent examine ses documents et procède à une vérification dans l’ordinateur. La démarche prend environ 10 à 15 minutes. À l’aéroport, les agents effectuent une vérification très poussée et, souvent, des personnes se voient refuser l’entrée, surtout des étrangers (professeure émérite 11 déc. 2015).

Au cours d’un entretien téléphonique avec la Direction des recherches, une agente de programme du Centre pour les civils touchés par un conflit (Center for Civilians in Conflict - CIVIC) [2], qui se spécialise dans les questions humanitaires et le sujet des réfugiés en Syrie et en Iraq, a déclaré que la procédure de contrôle suivie par les agents frontaliers peut englober un examen des téléphones et autres effets personnels visant à déceler tout [traduction] « signe de dissidence » chez la personne, mais qu’il n’y a « aucune règle stricte » sur la façon dont les agents traitent les personnes revenant au pays (11 déc. 2015). De même, un agrégé supérieur de recherche invité au King’s College à Londres, dont la Syrie est la spécialité et qui a témoigné en tant qu’expert dans des causes concernant l’asile de Syriens au Royaume-Uni, a déclaré qu’à l’aéroport et aux autres points d’entrée, les agents de sécurité [traduction] « ont toute la latitude de faire ce qu’ils veulent s’ils ont des raisons de soupçonner quelqu’un », et a précisé que « tout peut arriver et qu’il n’y a aucune mesure de protection » (agrégé supérieur de recherche invité 15 déc. 2015). La même source a déclaré que, si un agent de sécurité a des soupçons au sujet de quelqu’un, [traduction] « il peut placer immédiatement la personne en détention, ce qui peut amener celle-ci à disparaître et à être torturée », ou il « peut permettre à la personne d’entrer en Syrie, mais exiger qu’elle se présente [aux services de sécurité] plus tard », et « la personne pourrait disparaître » à ce moment-là (ibid.). En outre, la source a déclaré qu’en plus des personnes recherchées par les autorités, [traduction] « [t]oute personne retournant au pays qu’un agent de sécurité prend en grippe est susceptible d’être maltraitée, même sans aucune raison valable », et que le système est « tout à fait imprévisible » (ibid.). L’agente de programme a fait remarquer que, dans le cas des personnes qui traversent la frontière pour revenir en Syrie, [traduction] « il arrive parfois que des gens qui n’ont rien à voir avec la révolution soient arrêtés et détenus » (CIVIC 11 déc. 2015).

L’agente de programme a déclaré que les agents aux postes frontaliers vérifient si la personne qui entre en Syrie a un membre de sa famille recherché par les autorités, auquel cas cette personne peut être elle-même arrêtée et détenue (ibid.). Elle a ajouté qu’il est difficile pour une personne de savoir si elle, ou un membre de sa famille, est sur la [traduction] « liste des personnes recherchées » (ibid.). Selon Amnesty International, le gouvernement de la Syrie a fait subir aux membres de la famille de personnes recherchées par les autorités des disparitions forcées, c’est-à-dire que des agents de l’État les arrêtent et les gardent en détention dans des endroits inconnus afin de décourager la personne recherchée de toute autre activité (AI nov. 2015, 7). De même, Human Rights Watch déclare que les forces de sécurité ont mis en détention des membres de la famille de personnes pour forcer celles-ci à se rendre aux autorités (Human Rights Watch 29 janv. 2015, 3).

L’agrégé supérieur de recherche invité a expliqué qu’il n’y a [traduction] « aucun recours » pour les mauvais traitements infligés par les autorités frontalières, que ce soit « par l’entremise de mécanismes de plainte ou auprès des tribunaux » (15 déc. 2015). Selon Amnesty International, le Réseau syrien pour les droits de la personne (Syrian Network for Human Rights), un groupe de surveillance établi en Syrie, a documenté plus de 58 000 cas de civils que le gouvernement de la Syrie a fait [traduction] « disparaître de force » entre mars 2011 et août 2015, et qui étaient toujours portés disparus le 30 août 2015 (AI nov. 2015, 7). La même source précise que les quatre services des forces de sécurité de la Syrie - le Service du renseignement militaire, le Service du renseignement de l’aviation, le Service de sécurité politique et le Service du renseignement général (aussi appelé Sécurité d’État) - sont responsables de disparitions forcées, et qu’il y a des centre de détention partout dans le pays (ibid.). Amnesty International explique que les détenus sont [traduction] « mis dans la situation où ils ne jouissent pas de la protection de la loi et où l’accès à un avocat ou à un procès équitable leur est refusé »; les détenus sont enfermés dans des locaux surpeuplés et sont « soumis régulièrement à une panoplie d’actes de torture » (ibid., 8). Human Rights Watch et le HCR signalent le recours généralisé aux disparitions forcées, à la détention et à la torture par les autorités de la Syrie (Nations Unies 14 avr. 2014, 1; Human Rights Watch 29 janv. 2015, 2-3).

Amnesty International rapporte des cas où des agents de la Syrie ont causé la disparition forcée de personnes à l’aéroport international de Damas et aux postes frontaliers (AI nov. 2015, 33, 42, 52). Selon Amnesty International, trois Syriens ont été arrêtés à un poste de contrôle du Service du renseignement de l’aviation à l’aéroport de Damas le 20 septembre 2012, et étaient toujours portés disparus le 6 octobre 2015 (ibid., 33). Amnesty International relate aussi le cas d’un ancien garde-frontière de la Syrie ayant fait défection en Turquie en juin 2014 qui a été enlevé par la milice pro-gouvernementale alors qu’il traversait la frontière vers la Syrie pour rendre visite à sa famille; en 2015, un détenu libéré a dit à la famille que cet homme était détenu par le Service du renseignement militaire à Damas (ibid., 52). Aussi, Amnesty International rapporte le cas en 2014 d’un Syrien bénévole pour le Croissant-Rouge qui a été arrêté à la frontière entre la Syrie et le Liban alors qu’il quittait la Syrie le 5 septembre 2014; on lui aurait dit qu’il était recherché par le gouvernement et il a été transféré à une section du Service du renseignement militaire le lendemain, après quoi on a perdu sa trace (AI 16 déc. 2014, 42-43). Selon Amnesty International, un des parents de l’homme a reçu par la suite un certificat de décès établissant qu’il était mort d’une crise cardiaque en détention le 5 avril 2015, mais on ne lui a pas rendu le corps ni précisé l’emplacement d’une tombe (ibid., 43). Par ailleurs, Amnesty International déclare que, le 31 octobre 2014, deux Syriens, un journaliste et le directeur d’une ONG, ont été arrêtés et placés en détention par des agents du service de l’immigration à la frontière libano-syrienne alors qu’ils revenaient en Syrie après une semaine au Liban (AI 10 nov. 2014). Il semblerait qu’ils ont été remis au Service de sécurité politique, une des agences du renseignement de la Syrie (ibid.). Dans son rapport publié en 2014, Amnesty International déclare qu’on ignore pourquoi les deux hommes ont été appréhendés, bien qu’ils aient été tous deux arrêtés précédemment pour des activités de [version française d’AI] « militantisme pacifique » (ibid.).

Human Rights Watch rapporte un cas en 2014 où le Liban a [traduction] « renvoyé de force » un Syrien en Syrie à sa libération au terme d’une peine de six mois en prison au Liban, peine qu’il a purgée après avoir été déclaré coupable de transport d’armes (Human Rights Watch 7 nov. 2014). Des parents de cet homme ont déclaré qu’il avait fui la Syrie parce qu’il était recherché par les autorités pour sa participation présumée à des manifestations contre le gouvernement à Damas, et qu’il avait affirmé avoir peur d’être torturé et tué s’il était [traduction] « rapatrié de force » en Syrie (ibid.). Un ancien détenu a dit à la famille de cet homme qu’il l’avait vu sous la garde de l’armée de la Syrie (ibid.). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a trouvé aucun autre renseignement allant dans le même sens.

Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un juriste associé du HCR Canada, qui a consulté des collègues sur place, a déclaré que l’information sur le traitement réservé aux Syriens qui retournent au pays depuis 2011 est [traduction] « limitée », mais il a souligné qu’ils font « l’objet de contrôles de sécurité rigoureux » à l’aéroport de Damas qu’il dit être « sous le contrôle du gouvernement » (Nations Unies 5 janv. 2015). De même, la professeure émérite a déclaré que, depuis le début de la guerre, il est [traduction] « très difficile » d’obtenir de l’information sur le traitement que les agents frontaliers réservent aux personnes qui retournent au pays, car la presse ne peut en parler (professeure émérite 11 déc. 2015). Toutefois, elle a affirmé que des Syriens de Damas lui ont parlé de personnes qui sont retournées en Syrie, puis ont disparu; dans certains cas, elles ont annoncé aux membres de leur famille qu’elles prévoyaient revenir au pays, mais n’étaient pas arrivées comme prévu, et il n’a plus été possible de les joindre (ibid.). On peut lire dans un article publié en 2012, qui ne fournit pas plus de détails, qu’une Syrienne au Liban a dit à la source d’information Al-Monitor que deux de ses oncles avaient été arrêtés à leur retour en Syrie, puis ont disparu (Al-Monitor 4 juin 2012).

3. Traitement réservé aux demandeurs d’asile déboutés

Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches a trouvé peu d’exemples précis du traitement réservé aux demandeurs d’asile déboutés qui retournent en Syrie depuis le début de la guerre.

En 2015, l’ABC a interviewé un Syrien qui avait demandé l’asile en Australie en 2013 et avait été gardé dans une installation de détention à l’île Manus avant d’être [traduction] « persuadé » par les autorités de l’Australie de retourner en Syrie en août 2015 (ABC 1er oct. 2015). Selon la source, les agents du gouvernement l’ont [traduction] « repéré » quand son avion a atterri à Damas parce qu’il venait d’Al-Harra dans la province de Deraa, la province où la guerre a commencé, ce qui en faisait un « dissident » (ibid.). Les agents de la Syrie l’auraient accusé de [traduction] « financer la révolution » quand ils ont trouvé sur lui l’argent que le gouvernement de l’Australie lui avait donné pour son retour, et l’ont « torturé » pendant 20 jours en le frappant entre autres au visage, au dos et à la poitrine (ibid.). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a trouvé aucun renseignement allant dans le même sens ni aucun renseignement additionnel sur ce cas.

Dans une déclaration publiée en novembre 2013, Human Rights Watch affirme que, selon le HCR, environ 35 Palestiniens de Syrie qui avaient fui en Égypte pendant la guerre en Syrie ont été rapatriés en Syrie, et que certains ont été [traduction] « détenus à leur arrivée à l’aéroport » (Human Rights Watch 11 nov. 2013). Parmi les sources qu’elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n’a trouvé aucun autre renseignement allant dans le même sens.

En ce qui concerne le traitement que les autorités frontalières de la Syrie pourraient réserver aux demandeurs d’asile déboutés, la professeure émérite a affirmé ce qui suit :

[traduction]

[U]n demandeur d’asile débouté serait arrêté et mis en détention. On le torturerait également pour obtenir une déclaration concernant la raison pour laquelle il a quitté le pays.

Le président el-Assad a déclaré que tout Palestinien qui quitte la Syrie serait arrêté s’il y revient. Les gens craignent que cela soit appliqué à d’autres dans le pays. Certaines personnes qui quittent la Syrie hésitent à demander l’asile par peur de ce qui leur arriverait si elles étaient renvoyées en Syrie (11 déc. 2015).

Le directeur général du SJAC a dit

[traduction]

[qu’]un demandeur d’asile débouté serait certainement arrêté et mis en détention. Il serait accusé d’avoir disséminé de faux renseignements à l’étranger et serait traité comme une personne s’opposant au gouvernement ou un membre de l’opposition. Les autorités le tortureraient dans le but d’obtenir de l’information au sujet d’autres demandeurs d’asile ou membres de l’opposition. Le demandeur d’asile débouté risque d’être torturé à mort, ou d’être torturé puis envoyé en prison pendant très longtemps (directeur général 14 déc. 2015).

On peut lire dans les Country Reports on Human Rights Practices for 2014 publiés par le Département d’État des États-Unis que les Syriens dont la demande d’asile à l’étranger est rejetée risquent d’être poursuivis en justice à leur retour au pays (É.-U. 25 juin 2015, 39). D’après la source,

[traduction]

[l]a loi prévoit la poursuite en justice de toute personne qui tente d’obtenir l’asile dans un autre pays pour échapper à une peine en Syrie. Le gouvernement arrêtait habituellement les dissidents et les anciens citoyens sans affiliation politique connue qui tentaient de revenir au pays après des années, voire des décennies, d’exil volontaire (ibid.).

L’agrégé supérieur de recherche invité a dit qu’un demandeur d’asile débouté risque d’être arrêté et mis en détention pour avoir demandé l’asile à l’étranger, mais il s’est aussi dit d’avis que cela [traduction] « n’est pas systématique » (15 déc. 2015). Il a déclaré ceci :

[traduction]

[L]es agents du gouvernement syrien qui ont une mentalité traditionnelle estiment que tous les demandeurs d’asile sont contre le gouvernement, auquel cas ils seraient susceptibles d’être arrêtés, mis en détention et torturés, mais il y a aussi des agents qui reconnaissent que certaines personnes pourraient avoir quitté le pays pour des motifs économiques. Rien n’est systématique ni prévisible. Néanmoins, le conflit a probablement augmenté le degré de méfiance chez les agents (15 déc. 2015).

Dans sa décision rendue en 2012 concernant l’affaire KB vs. Secretary of State for the Home Department, qui a créé une nouvelle orientation pour les causes concernant les demandeurs d’asile syriens au Royaume-Uni, le Tribunal supérieur (Chambre de l’immigration et du droit d’asile) (Upper Tribunal [Immigration and Asylum Chamber]) du Royaume-Uni a conclu que, dans le cas d’un Syrien dont la demande d’asile a été initialement rejetée,

[traduction]

[d]ans le contexte du nombre extrêmement élevé de violations des droits de la personne à l’heure actuelle en Syrie avec un régime qui semble de plus en plus déterminé à écraser tout signe de résistance, il est probable qu’un demandeur d’asile débouté ou une personne rapatriée de force soit, en général, exposée à son arrivée à un risque réel d’arrestation, de mise en détention et de mauvais traitements graves durant cette détention pour des opinions politiques présumées. Cela est suffisant pour qu’une personne se voie accorder l’asile. Il pourrait en aller autrement dans le cas d’une personne qui, bien qu’elle soit un demandeur d’asile débouté, est toujours considérée à son retour en Syrie comme étant un partisan du régime el-Assad (R.-U. 20 déc. 2012, 2).

Dans sa décision rendue en 2015 concernant l’expulsion imminente de trois hommes de la Russie vers la Syrie (deux Syriens et un Palestinien de Syrie apatride qui ont demandé, mais se sont vu refuser l’asile en Russie), la Cour européenne des droits de l’homme a dit, à l’unanimité [version française du Conseil de l’Europe] « qu’un renvoi des requérants en Syrie emporterait violation de l’article 2 (droit à la vie) et/ou de l’article 3 (interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants) de la Convention européenne des droits de l’homme » (Conseil de l’Europe 15 oct. 2015, 1-2).

4. Départ illégal de la Syrie

Des sources déclarent que, lors du contrôle de sécurité qu’elles effectuent à l’aéroport international de Damas et aux autres points d’entrée, les autorités frontalières vérifient si la personne qui revient avait quitté la Syrie de façon illégale (CIVIC 11 déc. 2015; directeur général 14 déc. 2015; professeure émérite 11 déc. 2015). La professeure émérite a expliqué que les Syriens sont tenus d’obtenir un permis de sortie avant de quitter la Syrie, et que les femmes doivent obtenir l’autorisation d’un homme membre de leur famille avant d’obtenir un visa de sortie, exigence qui est activement appliquée à l’heure actuelle (ibid.). Le directeur général du SJAC a précisé que les [traduction] « autorités de la Syrie exercent un contrôle des personnes aussi bien à leur sortie du pays qu’à leur entrée au pays et que, par conséquent, leurs dates de sortie et d’entrée sont dans le système » (directeur général 14 déc. 2015). Pour obtenir d’autres renseignements concernant la procédure applicable à l’entrée et à la sortie à l’aéroport international de Damas, veuillez consulter la Réponse à la demande d’information SYR104767.

5. Service militaire

Des sources déclarent que, lors du contrôle de sécurité qu’elles effectuent à l’aéroport international de Damas et aux autres points d’entrée, les autorités frontalières vérifient si la personne qui revient a fait son service militaire (CIVIC 11 déc. 2015; directeur général 14 déc. 2015; professeure émérite 11 déc. 2015). Plusieurs sources affirment que les hommes en âge d’effectuer le service militaire sont particulièrement exposés aux mauvais traitements de la part des agents de sécurité à l’aéroport et aux autres points d’entrée (ibid.; CIVIC 11 déc. 2015; directeur général 14 déc. 2015). La professeure émérite a déclaré que les hommes en âge d’effectuer le service militaire constituent le groupe [traduction] « le plus vulnérable » pour ce qui est du traitement que leur réservent les autorités de la Syrie aux points d’entrée, « surtout s’ils n’ont jamais servi dans l’armée » (professeure émérite 11 déc. 2015). Selon l’agente de programme, les jeunes hommes de 16 à 40 ans sont [traduction] « particulièrement persécutés » par les autorités frontalières et sont la cible de « conscription forcée de toutes parts », même s’ils ont déjà fait leur service militaire (CIVIC 11 déc. 2015). Dans un article publié en décembre 2015 par Syria Deeply, un [traduction] « projet de média numérique indépendant » établi à New York qui s’attache à faire évoluer « le littérisme en politique étrangère par le truchement du journalisme d’intérêt public » (s.d.), on peut lire que les habitants de Damas ont constaté une augmentation du nombre de mises en détention aux points de contrôle du gouvernement à Damas, et que les autorités recherchent de plus en plus les personnes qui se sont soustraites au service militaire (Syria Deeply 16 déc. 2015). Pour obtenir d’autres renseignements concernant la conscription militaire en Syrie, veuillez consulter la Réponse à la demande d’information SYR104921.

6. Autres facteurs influant sur le traitement

La professeure émérite a dit que [traduction] « tout le monde » risque de subir de mauvais traitements de la part des autorités à l’aéroport et aux postes frontaliers, et a exprimé l’opinion selon laquelle « l’origine ethnique et la religion ne sont pas des facteurs » qui influent sur la vulnérabilité aux mauvais traitements (11 déc. 2015). Cependant, d’autres sources déclarent que les groupes suivants risquent plus que d’autres d’être victimes de mauvais traitements de la part des autorités frontalières :

  • les Kurdes (directeur général 14 déc. 2015; agrégé supérieur de recherche invité 15 déc. 2015), car leur [traduction] « loyauté envers le régime a toujours été mise en doute » (ibid.);
  • les Palestiniens (CIVIC 11 déc. 2015);
  • les sunnites (ibid.; directeur général 14 déc. 2015);
  • les [traduction] « islamistes connus » (agrégé supérieur de recherche invité 15 déc. 2015);
  • les personnes qui semblent être religieuses à cause de la façon dont elles sont habillées (ibid.; CIVIC 11 déc. 2015)

Des sources déclarent que les personnes qui militent contre le gouvernement risquent plus que d’autres d’être victimes de mauvais traitements de la part des autorités aéroportuaires et frontalières (agrégé supérieur de recherche invité 15 déc. 2015; CIVIC 11 déc. 2015), tout comme les membres de la famille de militants (ibid.). De plus, des sources signalent que le risque de mauvais traitements au retour est plus élevé pour les personnes originaires de régions où l’opposition est plus active (ibid.; directeur général 14 déc. 2015) ou de régions où des combats font rage (ibid.). Par exemple, le risque peut être plus élevé pour les personnes de Homs (ibid.; CIVIC 11 déc. 2015) et de la province de Deraa, que pour celles de Damas où il y a moins de combats (directeur général 14 déc. 2015).

Selon Amnesty International, la [traduction] « campagne de disparitions forcées » menée par les autorités de la Syrie a ciblé des opposants pacifiques au gouvernement et les personnes considérées comme étant « déloyales », comme les transfuges ainsi que les employés du gouvernement et les soldats qui envisagent de faire défection (AI nov. 2015, 7). Amnesty International signale qu’il y a aussi des [traduction] « acteurs opportunistes » dans le système qui utilisent les disparitions forcées comme des outils de gain financier ou de règlement de différends personnels (ibid.). Dans un rapport sur la torture en Syrie publié en 2014 par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), on peut lire que [traduction] « des hommes et des femmes de divers âges, religions et origines ethniques » ont été mis en détention et torturés par les forces gouvernementales, y compris des militants, des étudiants, des avocats, du personnel médical, des travailleurs humanitaires et des personnes qui se trouvaient « au mauvais endroit au mauvais moment » (Nations Unies 14 avr. 2014, 1). Selon Human Rights Watch, bon nombre de ceux mis en détention arbitrairement par le gouvernement sont des jeunes hommes dans la vingtaine et la trentaine, mais il y a aussi parmi les détenus des femmes, des enfants et des personnes âgées (Human Rights Watch 29 janv. 2015).

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l’aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n’apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d’une demande d’asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d’information.

Notes

[1] Le SJAC est une ONG qui documente les violations des droits de la personne et les violations du droit international et humanitaire en Syrie en recueillant des renseignements auprès de [traduction] « personnes et organisations de confiance dans toute la Syrie » (SJAC s.d.).

[2] Le CIVIC est une ONG dont le siège est à Washington, qui mène des recherches et des entrevues auprès des personnes touchées par le conflit et qui promeut l’amélioration de la protection des civils pris dans des conflits partout dans le monde (CIVIC s.d.).

Références

Agrégé supérieur de recherche invité, King’s College London. 15 décembre 2015. Entretien téléphonique.

Al-Monitor. 4 juin 2012. Ben Gilbert. « Syrian Refugees Cannot Return--’Anyone Who Goes Back, Dies’ ». [Date de consultation : 11 déc. 2015]

Amnesty International (AI). Novembre 2015. Between Prison and the Grave. Enforced Disappearances in Syria. [Date de consultation : 11 déc. 2015]

_____. 16 décembre 2014. « Urgent Action : Student Volunteer Missing Since Arrest ». [Date de consultation : 11 déc. 2015]

_____. 10 novembre 2014. « Urgent Action : Arrested at the Border, Whereabouts Unknown ». [Date de consultation : 11 déc. 2015]

_____. Avril 2013. Amnesty International Briefing : Turkey: National Authorities and the International Community Must Act in Partnership to Meet the Needs of Syrian Refugees. [Date de consultation : 11 janv. 2015]

Australian Broadcasting Corporation (ABC) News. 1er octobre 2015. Ginny Stein. « The 19th Syrian: The Asylum Seeker the Australian Government Convinced to Return to a War Zone ». (Factiva)

Center for Civilians in Conflict (CIVIC). 11 décembre 2015. Entretien téléphonique avec une agente de programme.

_____. S.d. « Research on Civilian Harm ». [Date de consultation : 14 déc. 2015]

Conseil de l’Europe. 15 octobre 2015. Cour européenne des droits de l’homme. « Expulsion from Russia to Syria Would Violate the European Convention on Human Rights ». [Date de consultation : 5 janv. 2015]

Directeur général, Syria Justice and Accountability Center (SJAC). 14 décembre 2015. Entretien téléphonique.

États-Unis (É.-U.). 25 juin 2015. Department of State. « Syria ». Country Reports on Human Rights Practices for 2014. [Date de consultation : 21 déc. 2015]

Human Rights Watch. 29 janvier 2015. « Syria ». World Report 2015: Events of 2014. [Date de consultation : 18 déc. 2015]

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Nations Unies. 5 janvier 2016. Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR) Canada. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches par un juriste associé.

_____. Novembre 2015. Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR). International Protection Considerations with Regard to People Fleeing the Syrian Arab Republic Update IV. [Date de consultation : 11 déc. 2015]

_____. 14 avril 2014. Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH). Open Wounds: Torture and Ill-Treatment in the Syrian Arab Republic. [Date de consultation : 21 déc. 2015]

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Professeure émérite d’anthropologie et de migration forcée, Oxford University. 11 décembre 2015. Entretien téléphonique.

Royaume-Uni (R.-U.). 20 décembre 2012. Upper Tribunal (Immigration and Asylum Chamber). KB (Failed Asylum Seekers and Forced Returnees) Syria CG v. Secretary of State for the Home Department. UKUT 00426 (IAC). [Date de consultation : 11 déc. 2015]

Syria Deeply. 16 décembre 2015. Orwa Ajjoub. « Fear of Checkpoints Spreads in Damascus ». [Date de consultation : 21 déc. 2015]

_____. S.d. « About Us ». [Date de consultation : 21 déc. 2015]

Syria Justice and Accountability Center (SJAC). S.d. « What We Do ». [Date de consultation : 22 déc. 2015]

Autres sources consultées

Sources orales : Amnesty International; Human Rights Watch; Internal Displacement Monitoring Centre; Nations Unies – Haut Commissariat pour les réfugiés; Organisation internationale pour les migrations; Refugees International.

Sites Internet, y compris : ecoi.net; Factiva; Institute for War and Peace Reporting; Internal Displacement Monitoring Centre; International Crisis Group; Nations Unies – Bureau de la coordination des affaires humanitaires, Haut Commissariat pour les réfugiés, Refworld; Organisation internationale pour les migrations; Refugees International; Syrian Network for Human Rights.

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