Pakistan: Situation of retired military officers, including role in society and business interests; specific state protection available to military and ex-military members (2012-December 2014) [PAK105022.E]

Pakistan : information sur la situation des officiers militaires retraités, y compris sur leur rôle dans la société et leurs intérêts commerciaux; information sur les mesures de protection offertes par l'État aux militaires et aux anciens militaires (2012-décembre 2014)

Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, Ottawa

1. Intérêts commerciaux des militaires pakistanais

Dans un article publié par l'Institut italien pour les études de politique internationale (Italian Institute for International Political Studies - ISPI) [1], Elisa Ada Giunchi, professeure (histoire et institutions des pays islamiques) de l'Université de Milan, signale que l'armée du Pakistan est [traduction] « la plus puissante institution du pays » (ISPI juill. 2014, 2). Dans son livre intitulé The Warrior State: Pakistan in the Contemporary World, T.V. Paul, un professeur en relations internationales de l'Université McGill, signale que l'armée du Pakistan

[traduction]

[d]irige un vaste éventail d'établissements : des écoles et des collèges militaires, des établissements de formation des enseignants, les Presses de l'armée (Army Education Press), l'Institut national de langues modernes (National Institute of Modern Languages), l'Université nationale des sciences et de la technologie, des collèges d'élèves officiers, ainsi que des établissements d'enseignement et de soins de santé dirigés par la Fondation Fauji (Fauji Foundation). Le Corps médical de l'armée dirige un vaste réseau d'hôpitaux et d'établissements spécialisés (Paul 2014, 86).

Des sources signalent que l'armée du Pakistan dirige diverses entreprises, notamment des banques, des entreprises de transport, ainsi que des usines de ciment, d'engrais et de céréales (Rashid 8 mars 2012; WSJ 9 août 2013). On peut lire dans le Wall Street Journal que l'armée dirige aussi des écoles et des projets d'ingénierie au Pakistan (ibid.). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé de renseignements sur des projets d'ingénierie dirigés par l'armée du Pakistan.

D'après le New Zealand Herald, des officiers de l'armée gèrent la construction routière et les activités de camionnage au pays (The New Zealand Herald 20 août 2011). On peut également lire dans l'article que l'armée gère des fiducies comme si elles étaient des sociétés privées, avec des investissements qui valent 20 milliards de dollars américains (ibid.). Des sources signalent que l'armée est également propriétaire d'entreprises du secteur de la production d'énergie (TI 26 janv. 2012; ISPI juill. 2014, 8), ainsi que du secteur de la télédiffusion (ibid.).

Dans un article publié sur le site Internet de la Fondation Thomson Reuters (Thomson Reuters Foundation), Saad Mustafa, du programme de défense et de sécurité de Transparency International, signale que les entreprises appartenant à l'armée représentent 7 p. 100 du produit intérieur brut (PIB) du Pakistan, qu'elles contrôlent un tiers du secteur manufacturier et qu'elles possèdent 7 p. 100 des actifs du secteur privé (TI 26 janv. 2012). M. Mustafa souligne également que l'armée est l'un des principaux propriétaires fonciers du pays; elle serait propriétaire d'environ 13 p. 100 des terres de l'État (ibid.). On peut d'ailleurs lire dans le Wall Street Journal que l'armée est le principal promoteur immobilier résidentiel au pays (9 août 2013).

D'après Mme Giunchi, la participation de nouveaux et d'anciens officiers militaires aux activités d'universités et de groupes de réflexion au Pakistan a [traduction] « donné lieu à un processus [...] qui valorise l'image de l'armée en tant que sauveur du pays et gardien de son intégrité et de son idéologie » (ISPI juill. 2014, 8). On peut aussi lire dans le Wall Street Journal que [traduction] « l'armée du Pakistan croit qu'il lui incombe d'établir quels sont les intérêts nationaux » (9 août 2013).

2. Avantages offerts aux officiers militaires retraités

Certaines sources soulignent que l'armée du Pakistan offre des services exhaustifs à ses anciens membres et à ses membres actuels, des services qui sont souvent désignés comme allant [traduction] « "du berceau à la tombe" » (Fair 18 déc. 2014; The New Zealand Herald 20 août 2011). D'après le New Zealand Herald, la Fondation Fauji, l'un des principaux conglomérats de l'armée du Pakistan, offre des possibilités de réinstallation et de réemploi à environ neuf millions de militaires retraités (The New Zealand Herald 20 août 2011). Dans le livre de M. Paul, on peut lire que l'ancien directeur de la Fondation Fauji aurait affirmé que la Fondation est la plus importante entreprise au pays et qu'elle [traduction] « [s']occupe de quelque trois millions de militaires à la retraite en mettant sur pied des écoles et des hôpitaux, dans un pays où la prestation de services est médiocre » (Paul 2014, 87). D'après M. Paul, le directeur aurait aussi soutenu que, [traduction] « si les intérêts des militaires retraités n'étaient pas pris en compte, il serait très difficile d'obtenir de nouvelles recrues » (ibid.).

Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, Christine Fair, professeure adjointe au programme d'études en matière de sécurité de l'Université Georgetown qui est spécialisée dans le domaine des affaires politiques et militaires en Asie du Sud et qui a écrit plusieurs articles sur des questions liées à la sécurité au Pakistan, a signalé que les avantages offerts aux militaires retraités varient selon le grade de l'officier (Fair 18 déc. 2014). Selon certaines sources, plus le grade est élevé, plus nombreux sont les avantages que l'officier obtient lorsqu'il prend sa retraite (professeur invité 16 déc. 2014; Siddiqa 14 déc. 2014). Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, un professeur invité au Dartmouth College qui se spécialise dans les relations entre civils et militaires, la politique et la sécurité en Asie du Sud a précisé que les officiers militaires supérieurs retraités représentent [traduction] « probablement le groupe social le plus privilégié au Pakistan », bénéficiant de soins de santé gratuits, de prestations de retraite, de terrains commerciaux et résidentiels à des « prix dérisoires » et d'emplois civils « où, souvent, ils se la coulent douce » (professeur invité 16 déc. 2014). On peut lire dans le Wall Street Journal que les généraux de l'armée ont [traduction] « un mode de vie luxueux lorsqu'ils sont de service et aussi lorsqu'ils sont à la retraite » (9 août 2013).

Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches, Ayesha Siddiqa, analyste indépendante en matière de politique et de défense à Islamabad, lauréate de la bourse Charles Wallace au St. Anthony's College de l'Université Oxford et auteure du livre Military Inc.: Inside Pakistan's Military Economy (openDemocracy s.d.), a déclaré que

[traduction]

[l']armée du Pakistan dispose d'un système complexe d'avantages et de privilèges pour ses officiers cadres. Ces avantages et privilèges ne prennent pas fin à la fin de leur carrière et visent leur bénéfice personnel. Tous les officiers reçoivent, par exemple, une maison ainsi qu'une propriété supplémentaire qu'ils peuvent vendre ou conserver à leur guise. En outre, ils ne sont pas tenus de payer les mêmes impôts que les civils [...]. C'est le minimum de ce qu'ils reçoivent. Il y a d'autres avantages, selon le grade. Les généraux bénéficient d'un personnel domestique, dont le salaire ainsi que les repas sont payés par le gouvernement (14 déc. 2014).

Mme Fair a signalé que les officiers retraités reçoivent des prestations de retraite et des parcelles de terrain et qu'ils ont accès, de même que les membres de leur famille, [traduction] « à de meilleurs hôpitaux, écoles et services sociaux, qui leur sont tout particulièrement destinés, et [qu']ils ont le droit d'habiter dans des "cantonnements" spéciaux, où tous les services qui leur sont offerts sont largement supérieurs à ceux qui sont offerts aux familles de civils » (18 déc. 2014). Dans Military Inc., publié en 2007, Mme Siddiqa signale de même que [traduction] « [c]ertains des meilleurs clubs, pavillons d'invités et autres installations du même genre appartiennent à l'armée, et [que] les établissements de santé et d'enseignement sont largement supérieurs à ceux auxquels la population civile a accès » (Siddiqa 2007, 206). Dans une communication écrite envoyée à la Direction des recherches en décembre 2014, Mme Siddiqa a signalé que

[traduction]

les soins de santé à l'intention des officiers retraités et des personnes à leur charge sont gratuits dans tous les établissements médicaux des forces armées. L'armée dispose, partout au pays, d'un réseau d'hôpitaux bien développé et mieux équipé et financé que le réseau civil. Les personnes à charge comprennent les parents, l'épouse et les enfants de l'officier. Les services d'éducation sont subventionnés dans les établissements militaires, qui imposent des frais considérables aux civils (ibid. 21 déc. 2014).

Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé de renseignements sur les avantages auxquels les officiers militaires ont accès selon leur grade.

Certaines sources signalent que les croyances religieuses et l'origine ethnique des officiers retraités n'ont aucune incidence sur les avantages qui leur sont offerts à leur retraite (Fair 18 déc. 2014; professeur invité 16 déc. 2014; Siddiqa 14 déc. 2014). Cependant, dans son livre, Mme Siddiqa signale que les ressources militaires en matière de bien-être social sont principalement investies dans la province du Pendjab, puisque 75 p. 100 des militaires viennent de cette province (ibid. 2007, 213). Mme Giunchi signale elle aussi que 75 p. 100 des militaires viennent de la province du Pendjab et ajoute que

[traduction]

le système en place visant à récompenser les militaires au moyen d'avantages et de privilèges, de terres et de possibilités d'emploi a renforcé l'influence politique des Pendjabis et accru leur richesse, au détriment d'autres groupes. Les transferts de terres à des militaires pendjabis dans des régions où habitent des non-Pendjabis a, à maintes reprises, donné lieu à des tensions politiques avec les populations locales, tout particulièrement au Baloutchistan. Élément contribuant à l'amertume ressentie par des groupes ethniques non pendjabis, les fonds de secours de l'armée ont été investis dans la plus grande province, ce qui atteste la prédominance des Pendjabis et l'ampleur et la qualité de l'infrastructure dans cette province (ISPI juill. 2014, 9-10).

Toutefois, Mme Siddiqa a précisé que tous les avantages et les privilèges s'appliquent aux officiers retraités, peu importe leur province d'origine (21 déc. 2014).

3. Protection offerte par l'État

D'après Mme Siddiqa, [traduction] « l'armée n'offre pas de protection en fonction du groupe ou, s'il existe une menace supplémentaire à l'égard d'une minorité, [...] [l]'armée n'offre pas de sécurité supplémentaire aux personnes ayant exercé des fonctions liées à la lutte contre le terrorisme » (21 déc. 2014). Le professeur invité a signalé que les officiers de haut rang, tout particulièrement les généraux trois étoiles qui prennent leur retraite de [traduction] « certains postes stratégiques », peuvent obtenir une protection du gouvernement à leur retraite (professeur invité 18 déc. 2014). Cependant, le professeur invité a aussi souligné que [traduction] « la vulnérabilité liée aux croyances ou à l'expérience opérationnelle n'est généralement pas suffisante » pour obtenir une protection de l'État (ibid.). Selon Mme Fair, l'État offre une protection aux militaires retraités selon [traduction] « qui ils sont et ce qu'ils ont fait » (Fair 18 déc. 2014). Elle a ajouté que les militaires de haut rang à la retraite [traduction] « ont largement les moyens de payer [les services de protection] de leur [propre] poche, également » (ibid.). D'après Mme Siddiqa, [traduction] « [i]l n'y a pas de protection individuelle, mais ils sont beaucoup plus protégés que les civils. Ils habitent dans des quartiers jouissant d'une haute protection. En cas d'urgence, ces officiers peuvent aussi obtenir une protection individuelle » (14 déc. 2014). Parmi les sources qu'elle a consultées dans les délais fixés, la Direction des recherches n'a pas trouvé d'autres renseignements sur la protection que l'État offre aux militaires retraités.

Cette réponse a été préparée par la Direction des recherches à l'aide de renseignements puisés dans les sources qui sont à la disposition du public, et auxquelles la Direction des recherches a pu avoir accès dans les délais fixés. Cette réponse n'apporte pas, ni ne prétend apporter, de preuves concluantes quant au fondement d'une demande d'asile. Veuillez trouver ci-dessous les sources consultées pour la réponse à cette demande d'information.

Note

[1] L'Italian Institute for International Political Studies est un groupe de réflexion indépendant créé en 1934 et [traduction] « devant servir de ressource pour les représentants du gouvernement, les chefs d'entreprises, les journalistes, les fonctionnaires, les étudiants et les membres du grand public qui souhaitent avoir une meilleure compréhension des questions internationales » (ISPI s.d.). Il produit des rapports et offre un aperçu sur des enjeux et événements internationaux (ibid.).

Références

Fair, Christine; professeure, School of Foreign Service, Georgetown University. 18 décembre 2014. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

Italian Institute for International Political Studies (ISPI). Juillet 2014. Elisa Ada Giunchi. The Political and Economic Role of the Pakistani Military. Analyse no 269. [Date de consultation : 2 déc. 2014]

_____. S.d. « Institute ». [Date de consultation : 19 déc. 2014]

The New Zealand Herald. 20 août 2011. Rahul Bedi. « Armed, Dangerous and Building Their Own Empires ». [Date de consultation : 2 déc. 2014]

openDemocracy. S.d. « About Ayesha Siddiqa ». [Date de consultation : 19 déc. 2014]

Paul, T.V. 2014. The Warrior State: Pakistan in the Contemporary World. New York : Oxford University Press.

Professeur invité, Department of Government, Dartmouth College. 19 décembre 2014. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

_____. 16 décembre 2014. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

Rashid, Hashim Bin. 8 mars 2012. « The Military in Business ». Pakistan Today, Lahore. [Date de consultation : 2 déc. 2014]

Siddiqa, Ayesha. 21 décembre 2014. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

_____. 14 décembre 2014. Communication écrite envoyée à la Direction des recherches.

_____. 2007. Military Inc.: Inside Pakistan's Military Economy. Karachi : Oxford University Press.

Transparency International (TI). 26 janvier 2012. Saad Mustafa. « Military-owned Businesses and Corruption Risks ». Thomson Reuters Foundation. [Date de consultation : 2 déc. 2014]

The Wall Street Journal (WSJ). 9 août 2013. Saeed Shah. « Big Decision for Pakistan's Prime Minister: Who Heads Coup-prone Army ». [Date de consultation : 2 déc. 2014]

Autres sources consultées

Sources orales : Les tentatives faites pour joindre dans les délais voulus la personne suivante ont été infructueuses : professeur, Département de sciences politiques et d'affaires internationales, Wake Forest University.

Un professeur du département de sciences politiques de l'Université McGill n'a pas pu fournir d'information.

Sites Internet, y compris : The Age; Al Jazeera; Amnesty International; Austrian Centre for Country of Origin and Asylum Research and Documentation; British Broadcasting Corporation; Dawn; ecoi.net; États-Unis – Department of State, USAID; The Express Tribune; Factiva; The Hindu; Huffington Post; Human Rights Watch; Inter Press Service; Nations Unies – Refworld; ReliefWeb; Pakistan – Inter Services Public Relations, Ministry of Foreign Affairs, Pakistan Air Force, Pakistan Army, Pakistan Navy, Supreme Court; Pakistan Press Foundation; Saach TV; The Salem News; Transparency International.

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